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Cour fédérale

Federal Court

 

Date : 20110330

Dossier : T-1285-10

Référence : 2011 CF 393

Ottawa (Ontario), ce 30e jour de mars 2011

En présence de l’honorable juge Gauthier

 

ENTRE :

 

RICHARD TIMM

 

 

 

Demandeur

 

et

 

 

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

Défendeur

 

 

 

 

 

 

         MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Considérant la demande de contrôle judiciaire de Monsieur Richard Timm, le demandeur, à l’encontre de la décision de Service correctionnel Canada (le décideur) rejetant son grief au troisième palier parce qu’il a été soumis bien après la fin du délai prévu dans la Directive du Commissaire no 081 (D.C. 081).

 

[2]               Après lecture des dossiers et considérant les représentations orales des parties lors d’une audience tenue le 29 mars 2011 par vidéoconférence.

 

[3]               Considérant que le demandeur soutient que la décision est déraisonnable puisque le décideur a lui-même souligné qu’on ne peut établir « de façon conclusive » que le demandeur avait bien reçu la décision du deuxième palier le ou vers le 24 septembre 2009.

 

[4]               Considérant que le demandeur soutient également qu’en vertu du paragraphe 34 de la D.C. 081, le décideur aurait dû proroger le délai pour le dépôt de son grief au troisième palier afin que justice soit rendue au mérite.

 

[5]               Considérant qu’en l’espèce, la question principale du présent grief est de savoir si le gestionnaire correctionnel, Opérations, responsable de la Cour majeure à La Macaza, Monsieur Patrick Johnson, a enfreint le paragraphe 8 du Manuel sur le règlement des plaintes et griefs des délinquants en répondant à la demande de Johanne Visocchi, coordonnatrice des plaintes et griefs, de produire les deux pièces demandées par le demandeur dans un formulaire de plainte qui indiquait que celle-ci était formulée « contre Patrick Johnson » et en signant la réponse à la plainte.

 

[6]               Considérant que l’interprétation et l’application de ce manuel de procédures internes n’est pas une pure question de droit (Dearnley c Canada (Procureur général), 2007 CF 219 au para 33). Considérant également qu’avant de rejeter le grief parce que hors délai de plusieurs mois, le décideur a bien indiqué que rien ne démontrait l’existence d’un réel conflit d’intérêt plutôt qu’un simple problème d’application trop littérale de l’article 8 du Manuel à une plainte qui n’était en fait qu’une requête pour transmission de documents dont M. Johnson est ultimement responsable. Considérant en outre qu’à l’audience, le demandeur a clairement indiqué qu’il n’avait fait que suivre les instructions reçues de la coordonnatrice des plaintes et griefs qui lui avait indiqué de déposer une plainte pour obtenir ces documents.

 

[7]               Considérant que le personnel chargé de la mise en œuvre de ce manuel devrait être plus attentif afin d’éviter des quiproquos comme celui-ci. La Cour comprend pourquoi le demandeur qui se représente seul, conteste la décision car à première vue, l’administration semble ne pas avoir respecté son propre manuel.

 

[8]               La Cour est néanmoins satisfaite qu’il n’y a aucune preuve d’un manquement au devoir d’équité procédurale et que la seule question à trancher dans le cadre de cette demande est de savoir si le décideur pouvait validement rejeter ce grief parce que déposé plusieurs mois après le délai prévu dans la D.C. 081.

 

[9]               Considérant que la norme de la décision raisonnable s’applique à cette question mixte de fait et de droit. Comme l’indiquait la Cour suprême du Canada dans Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, aux para 47 à 50, cela signifie que :

[47]     . . . Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables. La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

 

[10]           Considérant, tel que l’indique le décideur, que le paragraphe 36 de la D.C. 081 s’applique puisque ce grief en est un au troisième palier et ce, en lieu et place du paragraphe 34 cité par le demandeur qui lui s’applique à un grief au premier palier.

 

[11]           Considérant que contrairement au paragraphe 34, le paragraphe 36 ne prévoit pas la possibilité de prolonger le délai de 20 jours qui y est prévu.

 

[12]           Considérant que, tel qu’indiqué à l’audience, le décideur devait donc déterminer, selon la prépondérance de la preuve, si le demandeur avait bel et bien reçu la décision du deuxième palier le ou vers le 24 septembre 2009.

 

[13]           La Cour est satisfaite qu’il n’y a pas de contradiction réelle entre la décision et le passage souligné par le demandeur lorsque lu dans son contexte. Il est évident que comme les détenus n’ont pas à signer un accusé-réception lorsque de telles décisions leur sont remises, on ne pouvait établir de « façon conclusive » que celui-ci avait bel et bien été reçu. Le décideur devait alors évaluer la force probante des divers éléments de preuve devant lui, y compris la preuve circonstancielle. C’est exactement ce qu’il a fait en l’espèce et sa conclusion était justifiable au regard des faits et du droit. La décision énonce clairement les éléments qu’il a pris en considération et est raisonnable. En l’absence d’une erreur révisable comme en l’espèce, il n’y a pas lieu pour la Cour d’intervenir afin d’exercer sa propre discrétion en lieu et place de celle du décideur.

 

[14]           La Cour note également, bien qu’il ne soit pas essentiel d’en discuter puisque la décision ne réfère pas directement à cette preuve, que le grief V30A00038383 cité dans la lettre du demandeur datée du 19 février 2010 (onglet « P ») et repris par le défendeur dans son mémoire aux paragraphes 40 et 41, ne supporte pas la position du demandeur. En effet, à moins qu’une autre partie de la décision du 5 novembre 2009 qui n’est pas devant moi indique le contraire, tout ce que le passage cité par le demandeur démontre est qu’au 9 septembre 2009, date de l’analyse du grief V30A00038383, l’administration régionale n’avait pas encore répondu au grief V30A00034834 soumis au deuxième palier le 23 avril 2009. En l’espèce, la décision du deuxième palier a effectivement été rendue peu après soit le 16 septembre. Comme l’administration régionale a accepté que le délai de plus de 99 jours (se terminant le 9 septembre) était excessif, il n’y avait aucune raison logique de revérifier le système le ou juste avant le 5 novembre. Il n’y a donc aucune contradiction apparente au dossier entre la décision relativement à cet autre grief et celle qui fait l’objet du présent litige.

 

[15]           Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

 

[16]           Le défendeur a insisté pour obtenir ses dépens. Considérant l’ensemble des circonstances, la Cour les accorde et les fixe à un montant global de deux cents dollars (200,00 $) (incluant les débours).

 

 

 

 

 

 


 

ORDONNANCE

 

La demande est rejetée. Le défendeur a droit à des dépens fixés à deux cents dollars (200,00 $) (tout inclus).

 

 

« Johanne Gauthier »

Juge

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1285-10

 

INTITULÉ :                                       RICHARD TIMM c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 29 mars 2011

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       Madame la juge Gauthier

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 30 mars 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

M. Richard Timm                                LE DEMANDEUR POUR LUI-MÊME

 

Me Nicholas Banks                              POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Richard Timm                                      LE DEMANDEUR POUR LUI-MÊME

La Macaza (Québec)

 

Myles J. Kirvan                                   POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

 

 

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