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Date : 20110329

Dossier : T‑284‑09

Référence : 2011 CF 383

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 29 mars 2011

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

KEN WILLIAMSON

demandeur

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision en date du 19 janvier 2009 par laquelle une représentante du ministre du Revenu national (la représentante du ministre) a refusé la demande d’allégement d’intérêts et de pénalités présentée par le demandeur en vertu du paragraphe 220(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la Loi).

 

CONTEXTE

 

[2]               Le demandeur se représente lui‑même. Sa dette envers l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) comprend des intérêts pour les années d’imposition 2004, 2005 et 2006 ainsi qu’une pénalité pour production tardive relativement à sa déclaration de revenus de 2005.

 

[3]               Tant pour 2007 que pour 2008, le demandeur a présenté une demande d’allégement d’intérêts et de pénalités en vertu du paragraphe 220(3.1) de la Loi, en excipant de difficultés financières attribuables à des frais médicaux et aux frais de déplacement associés, et en expliquant qu’en raison de son état de santé, il avait été empêché de produire sa déclaration de revenus à temps. Le demandeur a été blessé en septembre 2004 et a subi une commotion cérébrale qui, selon ce qu’il affirme, a affecté sa mémoire. Bien qu’il semble avoir eu l’habitude de préparer lui‑même ses déclarations de revenus, il a expliqué qu’il avait engagé en 2008 un expert‑comptable pour revoir son impôt sur le revenu de 2004 à 2007 et pour corriger toute erreur ou omission.

 

Demande d’allègement au premier palier du demandeur — 2007

 

[4]               Le demandeur a d’abord présenté une demande d’allègement à l’ARC par lettre datée du 12 juillet 2007. L’ARC lui a répondu, par lettre datée du 30 juillet 2007, qu’elle avait besoin de renseignements complémentaires pour pouvoir examiner sa demande. Le demandeur a alors transmis à l’ARC certains documents financiers accompagnés d’une lettre datée du 6 août 2007. L’ARC a répondu à la demande présentée par le demandeur au premier palier en vertu des dispositions d’allègement pour les contribuables par une lettre de refus qui portait la date du 21 août 2007.

 

Demande d’allègement au second palier du demandeur — 2008‑2009

 

[5]               Le demandeur a présenté une seconde demande d’allégement fiscal dans une série de lettres écrites entre le 6 août et le 22 septembre 2008. La représentante du ministre a répondu par une lettre de refus le 19 janvier 2009. Elle a confirmé la décision prise en 2007 et a déclaré que, compte tenu des documents soumis par le demandeur, il n’y avait pas lieu d’accorder au demandeur un allégement en ce qui concerne les intérêts et les pénalités, et que les intérêts sur la dette du demandeur continueraient à s’accumuler jusqu’à ce que la dette soit réglée en entier. C’est la décision qui est soumise à notre examen.

 

LA DÉCISION À L’EXAMEN

 

[6]               En réponse à la demande d’allégement de second palier présentée par le demandeur, l’ARC avait demandé au demandeur de fournir certains documents pour être en mesure d’évaluer sa demande d’allègement. La représentante du ministre reproduit dans sa décision la liste des documents demandés, qui comprend :

a.                   un certificat ou une lettre du médecin du demandeur expliquant en quoi l’état de santé du demandeur l’avait empêché de produire ses déclarations de revenus à temps;

b.                  un état des revenus et des dépenses à jour, avec pièces à l’appui détaillées, ainsi qu’un relevé des dépenses et un relevé de la valeur nette du patrimoine, y compris des renseignements portant sur tous les membres de la famille;

c.                   des copies des relevés bancaires pour les quatre mois précédents relativement à tous les comptes détenus par le demandeur, seul ou conjointement avec d’autres personnes;

d.                  des copies des relevés de cartes de crédit les plus récents du demandeur;

e.                   une copie du contrat de prêt hypothécaire du demandeur et un relevé confirmant le solde impayé du prêt;

f.                    une copie des relevés actuels de REER du demandeur et de sa conjointe, ainsi que des relevés de tout autre revenu de retraite.

 

[7]               La représentante du ministre a reconnu que le demandeur et son épouse souffraient tous les deux de [traduction] « problèmes de santé persistants ». Elle a toutefois fait observer que les documents soumis par le demandeur comportaient des lacunes. Ainsi, on n’y trouvait pas de lettre d’un médecin expliquant en quoi l’état de santé du demandeur l’avait empêché de produire ses déclarations de revenus à temps. De plus, l’état des revenus et des dépenses n’indiquait pas de combien le demandeur avait besoin pour ses besoins essentiels, comme la nourriture. La liste des actifs était elle aussi incomplète. La décision porte ce qui suit :

[traduction]

Vous avez inscrit la somme de 6 000 $ que vous déteniez personnellement en placements sous forme de REER, mais vous ne mentionnez pas la valeur du REER présentement détenu dans un REER de conjoint. La valeur du REER qui a été déduite dans votre déclaration de revenus de 2004 était de 21 050 $ […] Vous avez également indiqué que les fonds ayant servi à acheter le REER provenaient d’un prêt consenti par votre épouse. Les renseignements sur le patrimoine familial sont donc incomplets.

 

 

La représentante du ministre a également fait observer qu’en 2006, le demandeur avait investi 7 875 $ dans son REER sans tenir compte de ses arriérés d’impôt et elle a signalé que le demandeur disposait de suffisamment de placements pour régler sur‑le‑champ sa dette fiscale, épargnant ainsi d’autres frais d’intérêts.

 

[8]               La représentante du ministre a conclu que le demandeur était au moins en partie responsable de ses arriérés d’impôt et elle a estimé qu’il n’avait pas établi le bien‑fondé de ses allégations au sujet de ses difficultés financières, lesquelles, selon l’ARC, s’entendent d’« une gêne financière ou le manque des éléments nécessaires aux conditions de vie normale, telles que la nourriture, les vêtements, le logement ou les éléments non essentiels raisonnables ». La représentante du ministre a conclu que le demandeur était financièrement en mesure de répondre à ses besoins de subsistance de base et qu’il lui resterait suffisamment d’argent pour acquitter ses arriérés d’impôt à raison de 600 $ par mois, ce qui lui permettrait selon les prévisions, de régler sa dette fiscale au complet dans un délai de 12 mois. Vu la capacité du demandeur de régler la dette dans un délai raisonnable, la représentante du ministre a refusé la demande d’allégement en ce qui concerne les intérêts et les pénalités.

 

QUESTIONS À TRANCHER

 

[9]               On peut résumer comme suit les questions en litige :

i.                     Y a‑t‑il des raisons qui justifient le contrôle de cette décision discrétionnaire?

ii.                   Dans l’affirmative, la décision était‑elle raisonnable?

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

 

[10]           Voici les dispositions de la Loi qui s’appliquent à la présente instance :

 

Renonciation aux pénalités et aux intérêts

 

220. (3.1) Le ministre peut, au plus tard le jour qui suit de dix années civiles la fin de l’année d’imposition d’un contribuable ou de l’exercice d’une société de personnes ou sur demande du contribuable ou de la société de personnes faite au plus tard ce jour‑là, renoncer à tout ou partie d’un montant de pénalité ou d’intérêts payable par ailleurs par le contribuable ou la société de personnes en application de la présente loi pour cette année d’imposition ou cet exercice, ou l’annuler en tout ou en partie. Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le ministre établit les cotisations voulues concernant les intérêts et pénalités payables par le contribuable ou la société de personnes pour tenir compte de pareille annulation.

 

Waiver of penalty or interest

 

 

220. (3.1) The Minister may, on or before the day that is ten calendar years after the end of a taxation year of a taxpayer (or in the case of a partnership, a fiscal period of the partnership) or on application by the taxpayer or partnership on or before that day, waive or cancel all or any portion of any penalty or interest otherwise payable under this Act by the taxpayer or partnership in respect of that taxation year or fiscal period, and notwithstanding subsections 152(4) to (5), any assessment of the interest and penalties payable by the taxpayer or partnership shall be made that is necessary to take into account the cancellation of the penalty or interest.

 

 

[11]           Les dispositions suivantes de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7, s’appliquent à la présente instance :

 

Demande de contrôle judiciaire

 

18.1 (1) Une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l’objet de la demande.

 

Délai de présentation

 

(2) Les demandes de contrôle judiciaire sont à présenter dans les trente jours qui suivent la première communication, par l’office fédéral, de sa décision ou de son ordonnance au bureau du sous‑procureur général du Canada ou à la partie concernée, ou dans le délai supplémentaire qu’un juge de la Cour fédérale peut, avant ou après l’expiration de ces trente jours, fixer ou accorder.

 

 

 

 

Pouvoirs de la Cour fédérale

 

(3) Sur présentation d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour fédérale peut :

 

 

a) ordonner à l’office fédéral en cause d’accomplir tout acte qu’il a illégalement omis ou refusé d’accomplir ou dont il a retardé l’exécution de manière déraisonnable;

 

b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu’elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l’office fédéral.

 

 

Motifs

 

(4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises si la Cour fédérale est convaincue que l’office fédéral, selon le cas :

 

a) a agi sans compétence, outrepassé celle‑ci ou refusé de l’exercer;

 

 

b) n’a pas observé un principe de justice naturelle ou d’équité procédurale ou toute autre procédure qu’il était légalement tenu de respecter;

 

c) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que celle‑ci soit manifeste ou non au vu du dossier;

 

 

d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;

 

e) a agi ou omis d’agir en raison d’une fraude ou de faux témoignages;

 

f) a agi de toute autre façon contraire à la loi.

 

Application for judicial review

 

18.1 (1) An application for judicial review may be made by the Attorney General of Canada or by anyone directly affected by the matter in respect of which relief is sought.

 

Time limitation

 

(2) An application for judicial review in respect of a decision or an order of a federal board, commission or other tribunal shall be made within 30 days after the time the decision or order was first communicated by the federal board, commission or other tribunal to the office of the Deputy Attorney General of Canada or to the party directly affected by it, or within any further time that a judge of the Federal Court may fix or allow before or after the end of those 30 days.

 

Powers of Federal Court

 

(3) On an application for judicial review, the Federal Court may

 

 

 

(a) order a federal board, commission or other tribunal to do any act or thing it has unlawfully failed or refused to do or has unreasonably delayed in doing; or

 

(b) declare invalid or unlawful, or quash, set aside or set aside and refer back for determination in accordance with such directions as it considers to be appropriate, prohibit or restrain, a decision, order, act or proceeding of a federal board, commission or other tribunal.

 

Grounds of review

 

(4) The Federal Court may grant relief under subsection (3) if it is satisfied that the federal board, commission or other tribunal

 

(a) acted without jurisdiction, acted beyond its jurisdiction or refused to exercise its jurisdiction;

 

(b) failed to observe a principle of natural justice, procedural fairness or other procedure that it was required by law to observe;

 

(c) erred in law in making a decision or an order, whether or not the error appears on the face of the record;

 

 

 

(d) based its decision or order on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it;

 

(e) acted, or failed to act, by reason of fraud or perjured evidence; or

 

(f) acted in any other way that was contrary to law.

 

NORME DE CONTRÔLE

 

[12]            Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada explique qu’il n’est pas nécessaire dans tous les cas de procéder à une analyse de la norme de contrôle applicable. En fait, lorsque la norme de contrôle applicable à la question dont est saisie la juridiction de contrôle est bien établie par la jurisprudence, la juridiction de contrôle peut adopter cette norme de contrôle. Ce n’est que lorsque cette quête de la norme de contrôle se révèle infructueuse que la juridiction de contrôle doit entreprendre l’examen des quatre facteurs formant l’analyse relative à la norme de contrôle.

 

[13]           La Cour d’appel fédérale a reconnu, dans l’arrêt Telfer c. Canada (Agence du revenu), 2009 CAF 23, au paragraphe 23, que même si le paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales ne précise pas exactement le motif en vertu duquel la Cour peut accueillir une demande de contrôle judiciaire concernant l’exercice du pouvoir discrétionnaire d’un office fédéral, tel que celui conféré au ministre au paragraphe 220(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, les motifs énoncés aux alinéas 18.1(4)c) et f) sont potentiellement applicables à une mesure administrative discrétionnaire, notamment l’erreur de droit et le motif résiduel (« a agi de toute autre façon contraire à la loi »).

 

[14]           La Cour d’appel fédérale a également jugé, dans l’arrêt Telfer, précité, au paragraphe 24, et dans l’arrêt Lanno c. Canada (Agence des douanes et du Revenu), 2005 CAF 153, au paragraphe 7, que la norme de la décision déraisonnable est la norme de contrôle qui s’applique à l’exercice du pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 220(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

[15]           La juridiction qui procède au contrôle d’une décision en appliquant la norme de la décision raisonnable s’attache « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47; et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59). Autrement dit, la Cour ne devrait intervenir que si la décision était déraisonnable en ce sens qu’elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

ARGUMENTATIONS

 

            Le demandeur

 

[16]           Le demandeur affirme qu’il a communiqué à l’ARC tous les renseignements dont il disposait au sujet de ses finances et de ses frais médicaux et soutient qu’il a contacté l’ARC à de nombreuses reprises au sujet de ses impôts mais qu’il n’a pas toujours obtenu de réponse.

 

[17]           Le demandeur et son épouse ont reçu des soins médicaux coûteux, dans le cas du demandeur en raison d’un accident survenu au travail. L’état de santé de son épouse a engendré des frais de déplacement. Le demandeur affirme que, dans ces conditions, il a droit à un allégement d’intérêts et de pénalités.

 

Le défendeur

 

[18]           Le défendeur affirme pour sa part que le paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales ne donne pas ouverture à un contrôle de la décision de la représentante du ministre parce que celle‑ci a exercé son pouvoir discrétionnaire de bonne foi et en conformité avec les principes de justice naturelle et qu’elle ne s’est pas fondée sur des considérations non pertinentes ou étrangères à l’objet de la loi (Maple Lodge Farms Ltd. c. Canada (1982), [1982] 2 R.C.S. 2, [1982] A.C.S. n57 (QL)).

 

[19]           Le demandeur a eu la possibilité de faire valoir son point de vue et de soumettre des documents pertinents, et la représentante du ministre en a tenu dûment compte.

 

[20]           Pour rendre sa décision, la représentante du ministre s’est fondée sur la Circulaire d’information 07‑1 – Dispositions d’allègement pour les contribuables (la circulaire), qui propose une liste non‑exhaustive des facteurs dont on peut tenir compte pour exercer le pouvoir discrétionnaire ministériel prévu au paragraphe 220(3.1) de la Loi. Parmi ces facteurs, mentionnons l’existence de circonstances exceptionnelles, les actions de l’ARC, l’incapacité de payer et les difficultés financières.

 

[21]           Les paragraphes 25 et 27 de la Circulaire précisent que les pénalités et les intérêts peuvent faire l’objet d’une renonciation ou d’une annulation lorsqu’ils découlent de circonstances indépendantes de la volonté du contribuable, comme une catastrophe naturelle ou causée par l’homme, des troubles publics, une maladie grave ou un accident grave et des troubles émotifs sévères ou une souffrance morale. En cas d’incapacité de payer, les pénalités et les intérêts peuvent faire l’objet d’une renonciation ou d’une annulation, en tout ou en partie, de la part du ministre. Toutefois, de façon générale, une pénalité ne sera pas annulée en raison d’une incapacité de payer ou de difficultés financières à moins que des circonstances exceptionnelles aient empêché le contribuable de se conformer à la loi.

 

[22]           La demande d’allégement présentée par le demandeur relativement aux intérêts et aux pénalités qu’il devait était fondée sur des difficultés financières qui étaient attribuables en partie à ses problèmes de santé. Pour évaluer cette demande, la représentante du ministre a tiré les conclusions suivantes :

a.                   le demandeur n’avait pas fourni de lettre d’un médecin expliquant en quoi son état de santé l’empêchait de produire ses déclarations de revenus à temps;

b.                  l’état des revenus et des dépenses du demandeur n’était pas complet;

c.                   suivant les documents produits, le demandeur disposait de suffisamment de placements pour régler sur‑le‑champ sa dette fiscale;

d.                  le demandeur était en mesure de répondre à ses besoins de subsistance de base et d’acheter des placements tout en acquittant ses arriérés d’impôt à raison de 600 $ par mois;

e.                   à sa demande, l’ARC avait rajusté ses arriérées d’impôts et avait rajusté à la baisse les intérêts réclamés pour tenir compte des modifications apportées à la demande de déduction pour contribution à un REER.

 

[23]           Le défendeur soutient que la décision est raisonnable. La preuve documentaire appuie la conclusion que le demandeur était au moins en partie responsable de ses arriérés d’impôt et que, contrairement à ce qu’il prétendait, il disposait de moyens financiers suffisants pour régler sa dette dans un délai raisonnable. Le défendeur affirme que la décision est justifiée, transparente et intelligible et qu’elle appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit, au sens de l’arrêt Dunsmuir, précité.

 

ANALYSE

 

[24]           M. Williamson s’est présenté à l’audience comme un homme franc et direct de 77 ans. Il est également tenace et il estime que l’on ne devrait pas permettre à l’ARC de le priver de ce à quoi il a légitimement droit. Strictement parlant, il n’a pas invoqué de motif précis justifiant un contrôle, et il a admis devant moi à l’audience qu’il avait tout simplement le sentiment que la décision en question était injuste et qu’il souhaitait que la Cour l’examine de façon indépendante pour s’assurer qu’il avait été traité comme il se devait par l’ARC en ce qui concerne sa demande d’allègement d’intérêts et de pénalités. Il admet qu’il a du mal à s’y retrouver en matière fiscale et qu’il laisse maintenant des gens compétents s’en occuper à sa place. Bien qu’il affirme avoir déjà eu des démêlés avec l’ARC, il reconnaît également que le personnel de l’ARC a un travail à faire; il veut simplement s’assurer qu’on lui a fait justice. Ayant eu l’occasion de faire valoir son point de vue en justice, il a fait savoir à la Cour qu’il [traduction] « dormira[it] maintenant beaucoup mieux ».

 

[25]           J’ai attentivement examiné les pièces versées au présent dossier et, bien que je puisse comprendre pourquoi M. Williamson se sent lésé, je ne puis dire qu’il a traité injustement ou de façon déraisonnable en réponse aux tentatives qu’il a faites en vue de persuader l’ARC de lui accorder un allégement d’intérêts et de pénalités.

 

[26]           Il semble qu’il ait traversé une période de confusion avant de réussir à mettre de l’ordre dans ses affaires fiscales. Tout est maintenant rentré dans l’ordre. Bien que lui et son épouse aient été aux prises avec divers problèmes de santé au cours des dernières années, M. Williamson a pu se rendre par lui‑même en voiture de Frobisher à Regina par temps très froid et sur des routes glacées pour se présenter à l’audience et, en dépit d’une déficience auditive évidente, il a été tout à fait en mesure d’exposer son point de vue.

 

[27]           M. Williamson réclame un allégement d’intérêts et de pénalités au motif, notamment, que ses [traduction] « problèmes de tête » l’avaient empêché de produire sa déclaration de revenus à temps et que le paiement des intérêts et des pénalités en question lui causerait des difficultés financières.

 

[28]           En fin de compte, il n’a pas réussi à établir un lien de causalité entre ses [traduction] « problèmes de tête » et son incapacité à remplir ses obligations fiscales. L’ARC a pris acte de son état de santé mais a demandé une confirmation médicale de son médecin attestant que la blessure que M. Williamson avait subie l’avait empêché de s’acquitter de ses obligations de contribuable. M. Williamson affirme qu’il a demandé à son médecin de fournir cette confirmation, mais que ce médecin n’a pas été en mesure de confirmer ce lien.

 

[29]           Il est de jurisprudence constante que c’est au demandeur qu’il incombe de démontrer que son état de santé l’a empêché de se conformer à ses obligations fiscales (Young c. Canada, (1997), 138 FTR 37, [1997] A.C.F. n1680, au paragraphe 19; et Lemerise c. Canada (Procureur général), 2010 CF 116, au paragraphe 23).

 

[30]           Il n’y avait pas de lien de causalité évident en l’espèce. On a expliqué à M. Williamson ce qu’il devait produire et on lui a accordé amplement la possibilité de faire valoir son point de vue. Le défendeur a, à mon avis, correctement exposé les règles de droit applicables qui existent en la matière et j’adopte l’exposé qu’il en a fait pour les besoins de la présente affaire. La décision n’était ni injuste sur le plan procédural ni déraisonnable au sens de l’arrêt Dunsmuir.

 

[31]           En ce qui concerne les difficultés financières, il est évident que M. Williamson et son épouse ont eu certains problèmes financiers à affronter, en particulier du fait de leur maladie récente, mais il n’y a aucun élément de preuve tendant à démontrer l’existence du genre de difficultés requises pour justifier de faire droit à une demande d’allégement d’intérêts et de pénalités (voir, par exemple, les jugements Neilans c. Canada (Procureur général), 2004 CF 716, et Cheng c. Canada, 2001 CFT 1114). En ce sens, la décision se situe amplement à l’intérieur de la fourchette de la raisonnabilité prévue par l’arrêt Dunsmuir. M. Williamson a démontré qu’il était tout à fait en mesure de régler sa dette fiscale tout en maintenant un train de vie normal.

 

[32]           En fin de compte, M. Williamson demande simplement à la Cour de reprendre depuis le début l’examen de sa demande d’allégement d’intérêts et de pénalités et de faire fi de la décision de la représentante du ministre. Ce n’est pas le rôle que notre Cour est appelée à jouer dans le cadre d’un contrôle judiciaire (Giles c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 54, au paragraphe 6).

 

[33]           Ainsi qu’il est indiqué dans la décision, le demandeur n’a pas présenté les éléments de preuve nécessaires pour établir le bien‑fondé de ses prétentions. Il n’a pas soumis tous les documents requis et ceux qu’il a fournis étaient incomplets. Mais surtout, la capacité du demandeur de se procurer ce dont il avait besoin pour répondre à ses besoins essentiels et de faire des placements tout en remboursant ses arriérés d’impôt démontrait qu’il n’était pas au moment des faits aux prises avec des difficultés financières au sens où l’entend l’ARC.

 

[34]           Bien que le demandeur et sa femme aient été aux prises avec des problèmes de santé et qu’ils aient dû débourser de l’argent en conséquence, ces faits ne constituent pas en eux‑mêmes des difficultés financières suffisamment graves pour justifier de faire droit à la demande d’allégement d’intérêts et de pénalités.

 

[35]           Le demandeur n’a cité aucun exemple démontrant que le ministre ou sa représentante n’avait pas agi de bonne foi ou en conformité avec les principes de justice naturelle, ou que la décision était déraisonnable.

 

[36]           Le mécontentement du demandeur face à la décision est compréhensible, mais il ne justifie pas l’intervention de la Cour. Lorsqu’elle est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour est chargée de déterminer si la décision est juste sur le plan procédural et raisonnable, vu l’ensemble de la preuve, ce qui, à mon avis, est le cas. Le demandeur n’a pas invoqué de motifs ou de raisons qui me justifieraient de modifier cette décision.

 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.         Il n’y a pas d’adjudication de dépens.

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    T‑284‑09

 

INTITULÉ :                                                   KEN WILLIAMSON et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Regina (Saskatchewan)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 24 février 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT                           LE JUGE RUSSELL

ET JUGEMENT

 

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 29 mars 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Ken Williamson

 

LE DEMANDEUR
(pour son propre compte)

Jamie Hammersmith

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ken Williamson

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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