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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20110318

Dossier : T‑1269‑05

Référence : 2011 CF 340

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 18 mars 2011

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE HENEGHAN

 

 

ENTRE :

HARMONY CONSULTING LTD.

demanderesse

et

 

G.A. FOSS TRANSPORT LTD., GORDON A. FOSS,

ET JOE CRISTELLO

 

défendeurs

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INTRODUCTION

[1]   La Cour est saisie d’une action en violation du droit d’auteur sur des programmes d’ordinateur. Harmony Consulting Ltd. (la demanderesse ou Harmony) affirme être titulaire du droit d’auteur sur les programmes en question et soutient que ce droit a été violé par G.A. Foss Transport Ltd. (Foss Transport), M. Gordon A. Foss et M. Giuseppe (Joe) Cristello (parfois désignés collectivement ci‑après « les défendeurs »).

 

[2]   La demanderesse sollicite les mesures de réparation suivantes :

a)                  un jugement déclarant que le logiciel considéré est protégé par le droit d’auteur, qu’elle est titulaire de ce droit et que les défendeurs ont violé celui‑ci;

b)                  une injonction permanente de s’abstenir de toute violation ultérieure de son droit d’auteur;

c)                  une ordonnance en restitution de tous les exemplaires du logiciel considéré, en suppression permanente de toutes ses versions électroniques et en vérification visant à déterminer l’importance de la violation;

d)                  des dommages-intérêts ordinaires et punitifs et une comptabilisation des profits;

e)                  les dépens sur une base avocat-client.

 

[3]   Harmony est une société de droit ontarien spécialisée dans la programmation d’ordinateur et les services de soutien informatique. Elle a été constituée le 16 mars 2000 par M. Sushil Chari, programmeur, qui en est l’actionnaire et administrateur unique. M. Chari est l’auteur incontesté du logiciel en question, mais n’est pas partie à la présente action.

 

[4]   Foss Transport est une société de droit ontarien qui exploite une entreprise de camions de transport. Au début de l’année 2000, Foss Transport a transporté trois lignes de produits. La première comprenait du vrac solide, dont de la résine plastique et du ciment en vrac. La deuxième comprenait des produits de « pétrole brut léger », dont de l’essence, du carburant diesel, du carburant aviation et du Varsol. La troisième comprenait du « pétrole lourd », soit de l’asphalte, du combustible de soute et de l’huile pour moteurs usagée. La société a également exploité des stations de carburant diesel libre-service à approvisionnement par carte et a effectué la vente au détail limitée de produits pétroliers.

 

[5]   M. Foss est le président et l’actionnaire principal de Foss Transport. M. Cristello en est le vice-président et un actionnaire minoritaire.

 

[6]   Au début de 2000, Foss Transport envisageait la modernisation des programmes d’expédition et de facturation de ses activités de transport de pétrole. Au cours de ce processus, M. Foss a été présenté à M. Chari, et Foss Transport a eu recours aux services de la demanderesse pour l'implantation d’un système d’envoi électronique et de facturation. Foss Transport a ensuite payé la demanderesse pour qu’elle personnalise ce logiciel pour Foss Transport et qu’elle développe de nouvelles applications.

 

[7]   La relation entre Foss Transport et M. Chari, et plus tard Harmony, était à l’origine positive et bénéfique pour toutes les parties, mais elle s’est détériorée au début de 2004. Elle s’est interrompue après que M. Chari eut mis deux « bombes à retardement » dans le système informatique de Foss Transport. En avril 2004, la première bombe à retardement a empêché Foss Transport de facturer ses clients et, en mai 2004, la seconde a empêché l’expédition de produits aux clients. Ces attaques ont influé de manière négative sur la capacité de Foss Transport à mener ses activités.

 

[8]   Foss Transport a désamorcé les bombes à retardement, et a apporté après la rupture de ses relations avec Harmony d’autres modifications au logiciel créé par M. Chari, dont elle a continué à utiliser une partie jusqu’en 2007.

 

[9]   Harmony a intenté la présente action en violation de droit d’auteur le 22 juillet 2005. Elle soutient que Foss Transport a violé son droit d’auteur sur le logiciel obtenu par l’intermédiaire de M. Chari. La demanderesse soutient en outre que MM. Foss et Cristello ont copié son logiciel sur leurs ordinateurs personnels, et qu’ils ont donné à Foss Transport l’autorisation et l’ordre de violer son droit d’auteur.

 

LA PREUVE ET LES CONCLUSIONS DE FAIT

[10]           La preuve produite dans la présente espèce consiste dans les dépositions orales de six témoins, les réponses des défendeurs aux interrogatoires de la demanderesse, et des pièces documentaires, y compris un rapport d’expert. Les parties ont aussi demandé la consignation en preuve d’extraits des transcriptions des interrogatoires préalables de MM. Chari, Foss et Cristello effectués dans le cadre de la présente action, ainsi que d’extraits de la transcription de l’interrogatoire préalable de M. Foss mené dans le cadre d’une action que Foss Transport a intentée devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario. La Cour a autorisé le dépôt de tous ces extraits au dossier de l’instruction en vertu de l’article 288 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (les Règles), et a rendu une ordonnance dans ce sens.

 

[11]           Je ne ferai pas référence à tous les éléments de preuve versés au dossier. Mes conclusions se fondent sur ceux qui m’ont paru les plus pertinents, les plus crédibles et les plus sûrs. Cependant, j’ai examiné et pris en considération tous les éléments de preuve produits, y compris ceux dont je ne parle pas explicitement.

 

Les témoins

[12]           Deux témoins ont déposé en faveur de la demanderesse : MM. Sushil Chari et Shawn Reynolds.

 

[13]           Comme on l’a vu plus haut, M. Chari est le dirigeant, administrateur et actionnaire unique de Harmony. Il n’est pas contesté qu’il est l’auteur du logiciel considéré.

 

[14]           M. Reynolds est un ex‑employé de Roy Curran Transport Limited (RCT) et de Foss Transport. C’est lui qui a présenté M. Foss à M. Chari.

 

[15]           Les défendeurs ont appelé quatre témoins : M. Foss, M. Cristello, M. Kevin Lo et Mme Lydia Warth.

 

[16]           M. Foss et le président et l’actionnaire principal de Foss Transport.

 

[17]           M. Cristello est vice-président et actionnaire minoritaire de Foss Transport. Il était responsable de la technologie de l’information (TI) de Foss Transport, du système de carte d’accès et du personnel administratif; bref, pour « pratiquement tout ce qui n’était pas lié aux camions ».

 

[18]           M. Kevin Lo a été présenté comme un expert en analyse informatique judiciaire. Après avoir été interrogé sur ses titres professionnels, il a été accepté comme témoin expert en vertu des Règles.

 

[19]           Les défendeurs ont demandé à M. Lo d’examiner en tant qu’analyste judiciaire le logiciel sur lequel la demanderesse affirme que son droit d’auteur a été violé, tel qu’il était installé sur le système de Foss Transport. Le témoignage de M. Lo a porté sur la quantité de code machine créée, ainsi que sur la nature et la complexité de la programmation effectuée, afin de permettre l’exécution de fonctions déterminées dans ce logiciel.

 

[20]           Mme Lydia Warth est programmeuse. Elle a déposé en tant que témoin factuel sur les programmes d’ordinateur, et sur les techniques et pratiques de programmation de bases de données.

 

[21]           En 2003, le système de Foss Transport a fait l’objet d’une attaque informatique; M. Chari n’étant pas disponible, M. Foss a alors demandé à Mme Warth de personnaliser le logiciel en question. Elle a témoigné au sujet des modifications qu’elle avait effectuées en vue de désactiver les bombes à retardement présentes dans le système et de permettre à Foss Transport de continuer ses activités.

 

La preuve matérielle

[22]           Avant de commencer le contre-interrogatoire de Mme Warth, la demanderesse a sollicité l’autorisation de lui fournir un ordinateur portable et un exemplaire du logiciel en question afin qu’elle donne une démonstration des recherches qu’elle avait effectuées dans celui‑ci. La demanderesse voulait par ce moyen réfuter une [TRADUCTION] « allégation très grave » de M. Cristello, à savoir que M. Chari avait fabriqué des preuves. Je renvoie à ce sujet aux documents classés sous l’onglet 140 du recueil des pièces de l’instruction, formellement déposés sous la cote 1 le 29 janvier 2010. Je reparlerai plus loin de ces documents.

 

[23]           J’ai refusé, en vertu de l’article 287 des Règles, d’autoriser la production de ces éléments de preuve matérielle, au motif des risques que me paraissait présenter la réception d’éléments de preuve provenant d’un ordinateur fourni par une partie. Il n’y avait pas d’ordinateur disponible qui soit indépendant des parties. Par ailleurs, la Cour disposait des déclarations faites par M. Cristello en réinterrogatoire, qu’elle pouvait examiner et apprécier. 

 

[24]           À mon avis, il y avait un risque important à autoriser la démonstration du programme, étant donné que l’ordinateur sur lequel il serait exécuté ne serait pas produit comme pièce. En outre, cette preuve matérielle ne me paraît pertinente pour aucune des questions en litige.

 

Le logiciel

[25]           Les programmes informatiques qui font l’objet du présent litige ont tous été développés sur la plateforme de base de données Microsoft Access. Certains de ces programmes étaient des compilations de plusieurs modules organisés par fonction. Le logiciel en question comprend les éléments suivants :

 

a.   Petro Dispatch 2000 : logiciel initial acheté par Foss Transport, utilisé pour l’entrée des commandes, l’expédition, la réconciliation post-commande, la facturation et les prévisions. Il comprenait les modules suivants :

i.                     module d’expédition principal;

ii.                   module post-commande;

iii.                  module de facturation;

iv.                 module de rapports;

v.                   module de prévision de dépassement.

 

b.      Programme de facturation selon la carte d’accès : les installations verrouillées par carte sont des postes d’approvisionnement, généralement complètement automatisés, dont l’accès s’effectue au moyen d’une carte de crédit et d’un code PIN pour les véhicules commerciaux. Ce programme produit des factures pour les clients utilisant ce type d’installations.

 

c.       Programme Railmaster : Ce programme se composait de deux sections distinctes; la gestion des wagons et l’expédition. La section de la gestion des wagons assurait un suivi des stocks dans les wagons, se chargeait de la facturation du temps sur les voies d’évitement et de l’expédition des produits en vrac. Le module d’expédition avait trait à l’expédition de ciment, de produits de pétrole lourd, d’asphalte et d’huiles usées.

 

d.      Module de la paie : ce module a été conçu pour effectuer les fonctions de paie en fonction du type de conducteur, du type de charge et d’accords liés aux achats. Les données au sujet des noms des conducteurs et autres détails étaient entrées, mais la personnalisation du module selon les exigences de Foss Transport n’a jamais été entièrement effectuée, et M. Chari n’a également pas rendu le programme opérationnel pour Foss Transport. En fin de compte, Foss Transport n’a jamais utilisé ce programme pour les fonctions de paie.

 

e.       Modifications : afin que Foss Transport puisse utiliser le logiciel, de nombreuses modifications et de nombreux « ajouts » ont été effectués, pour la plupart des modifications mineures au programme visant à faciliter l’utilisation du logiciel par le personnel administratif de Foss Transport. Des modifications ont notamment été apportées aux taux de rectification et à la méthode de tarification afin de se conformer au modèle opérationnel de Foss Transport et aux pratiques du secteur. Sans égard à l’importance ou au type de modification, la demanderesse a affirmé que ces modifications devaient être couvertes par un nouveau contrat de licence et être protégées par un droit d’auteur distinct.

 

[26]           M. Chari a programmé lui-même chacune de ces entités logicielles. Il a programmé les quatre premiers modules de Petro Dispatch 2000 avant d’entrer en rapport avec Foss Transport, et le reste du logiciel à la demande de cette dernière. Il n’est pas contesté que M. Chari est l’auteur du logiciel faisant l’objet du droit d’auteur que la demanderesse affirme avoir été violé.

 

[27]           M. Chari a commencé à développer le logiciel Petro Dispatch 2000 (Petro Dispatch) en 1998, à l’intention de RCT. Sa personne-ressource principale chez RCT était M. Reynolds.

 

[28]           Les factures adressées à RCT pour les travaux de développement de Petro Dispatch étaient établies par Atrimed Medical Supply Inc. (Atrimed). Atrimed est une société de droit ontarien, constituée le 2 décembre 1994. Les actionnaires en sont M. Chari lui-même et son frère, M. Santosh Chari. Le premier administrateur en était M. Swaroop Chari, un autre parent de M. Chari.

 

[29]           En février ou mars 2000, M. Reynolds a présenté M. Foss à M. Chari. M. Reynolds avait invité M. Foss aux bureaux de RCT pour y assister à une démonstration de Petro Dispatch. M. Foss a déclaré dans son témoignage que M. Reynolds était [TRADUCTION] « très fier » de ce logiciel et qu’il en parlait depuis environ un an.

 

[30]           Au cours de cette démonstration offerte à M. Foss, Petro Dispatch a exécuté des fonctions de répartition, de rapprochement post-commande et de facturation.

 

[31]           M. Foss a témoigné qu’on lui avait communiqué qu’Atrimed développait le logiciel. Il a également indiqué que M. Chari lui avait affirmé que tous les produits lourds de Foss Transport, et pas seulement les produits pétroliers légers, seraient traités par Petro Dispatch. Il a souligné qu’il achetait un système de répartition, de fonction post‑commande et de facturation utilisable pour l’ensemble de ses camions et de ses produits. Au moment de la démonstration et de l’introduction, les trois secteurs de transport étaient à peu près égaux du point de vue des activités. Ils fournissaient 50 pour cent des revenus de Foss Transport. L’autre 50 pour cent provenait des ventes de pétrole par carte d’accès.

 

[32]           Je conclus, selon la prépondérance des probabilités, qu’on a effectivement dit à M. Foss que Petro Dispatch, une fois qu’il serait installé chez Foss Transport, pourrait prendre en charge la totalité des produits transportés par cette entreprise.

 

[33]           Le logiciel Petro Dispatch fourni au départ à Foss Transport était le même que celui qui avait été réalisé pour RCT. Il était conçu en fonction des activités de cette dernière, qui n’étaient pas conformes aux pratiques courantes du secteur ni ne se rapportaient exactement aux produits dont Foss Transport assurait la livraison. RCT, en effet, ne livrait pas de produits de pétrole lourd ni de vracs solides, ne demandait pas de différentiel de prix pour l’essence ni le carburant diesel, ne tenait pas compte des charges divisées dans la facturation, et calculait ses charges non pas en litres corrigés, comme on le fait normalement dans le secteur, mais en litres mesurés.

 

[34]           Une autre réunion a eu lieu entre M. Chari et M. Foss pour discuter des changements nécessaires afin de faire fonctionner Petro Dispatch conformément aux exigences de Foss Dispatch et aux normes de l’industrie. Les différences en question se rapportaient aux charges minimales, aux charges divisées et aux petites charges.

 

[35]           Harmony a été constituée en personne morale le 16 mars 2000. M. Chari a déclaré dans son contre-interrogatoire que, au moment de la constitution de cette société, il avait mentalement cédé à celle‑ci son droit d’auteur sur Petro Dispatch. Ses réponses à ce sujet sont consignées aux pages 197 et 198 de la transcription :

[TRADUCTION]

Q.        Vous me donnez les mêmes réponses que celles que vous m’avez données au sujet d’Atrimed. Il faut donc comprendre que vous n’avez établi ni signé aucune espèce de document attestant la cession par Atrimed à Harmony du droit d’auteur sur ce produit, ce logiciel?

R.         C’est exact.

Q.        Le seul document attestant votre cession de droits à Harmony que nous ayons vu est celui que nous avons examiné ce matin, celui qui est –

[…]

est une société que je détiens en propriété exclusive. Évidemment, j’ai opéré la cession en esprit, puisque l’acte a été passé par Harmony et non par Sushil Chari. Il est évident que, en 2000, j’ai opéré la cession mentalement, si je peux m’exprimer ainsi.

 

[36]           Le premier [TRADUCTION] « contrat de licence de logiciel » (CLL) entre Harmony et Foss Transport a été signé le 29 mars 2000. Il s’agissait d’une licence perpétuelle d’utilisation de Petro Dispatch, prévue pour cinq utilisateurs. Les parties à ce contrat n’ont pas discuté du point de savoir si la licence valait pour cinq utilisateurs concurrents ou cinq utilisateurs nommément désignés.

[37]           Le prix convenu pour Petro Dispatch était de 40 000 $. Le CLL proposé à M. Foss décomposait ce prix entre les modules.

 

[38]           Le logiciel a été installé par M. Chari sur le système informatique de Foss Transport. Le système était composé d’un serveur Citrix et d’ordinateurs externes. Un serveur Citrix est un processeur central où sont stockés tous les programmes informatiques et d’où ils sont exécutés. Les ordinateurs externes ne contenaient pas de copies du logiciel; ils envoyaient plutôt des commandes au serveur Citrix et « observaient » l’exécution du logiciel à partir du serveur central.

 

[39]           Bien qu’elle l’eût installé au début de 2000, Foss Transport n’a commencé à utiliser le logiciel Petro Dispatch qu’en février 2001. Il s’était avéré nécessaire d’y apporter des modifications importantes avant qu’elle ne puisse l’utiliser dans le cadre de son modèle opérationnel et des pratiques courantes du secteur.

 

[40]           Petro Dispatch remplaçait un système en grande partie manuel de répartition, de rapprochement post-commande et de facturation. Cependant, ce logiciel ne permettait à Foss Transport d’exercer une activité qu’elle n’exerçait pas déjà avant son achat et son installation.

 

[41]           M. Foss a plus tard présenté M. Chari à M. Cristello. Ce dernier était chargé, entre autres, des systèmes informatiques de Foss Transport. M. Foss a présenté M. Chari à M. Cristello afin d’établir si celui‑là pouvait régler les problèmes qui se posaient encore relativement aux programmes antérieurs de facturation par carte d’accès et de gestion des wagons de Foss Transport. Comme les questions de logiciel entraient dans ses attributions, M. Cristello est devenu la personne-ressource principale de M. Chari chez Foss Transport. 

 

[42]           Foss Transport avait déjà un programme de facturation des clients utilisant la carte d’accès, mais il n’était pas certifié conforme à l’an 2000. Foss Transport avait également un programme de gestion des wagons en cours de développement qui n’a jamais été achevé en raison du décès prématuré du programmeur.

 

[43]            M. Chari a commencé en mai 2000 à travailler à son programme de facturation par carte d’accès (dénommé « Card Lock Invoicing »), qui est devenu opérationnel à l’été de la même année. Ce programme a coûté à Foss Transport 6 800 $ plus la TPS.

 

[44]           Après la réalisation de son programme de facturation par carte d’accès, M. Chari a été chargé de développer un programme de gestion des wagons, qui serait plus tard baptisé « Railmaster ». En août 2000, ce programme était achevé, installé et opérationnel. Foss Transport l’a payé 32 400 $, dont 15 400 $ au titre de [TRADUCTION] « suppléments ».

 

[45]           Bien que les programmes de facturation par carte d’accès et Railmaster aient été achevés, installés et rendus opérationnels à l’été 2000 et qu’ils aient été intégralement payés à Harmony, ce n’est que le 26 mars 2001 que M. Chari a proposé à Foss Transport les CLL y afférents.

 

[46]           Comme le CLL relatif à Petro Dispatch, les CLL applicables aux programmes de facturation par carte d’accès et Railmaster concédaient à Foss Transport des licences perpétuelles d’utilisation. Ils prévoyaient le versement de redevances supplémentaires dans le cas où Foss Transport et Harmony signeraient un avenant à l’un ou l’autre. La preuve ne fait mention de la signature d’aucun avenant à aucun des CLL.

 

[47]           Les CLL contiennent tous une clause de résiliation identique (article 11). Elle porte que le CLL prendra fin si Foss Transport omet de payer les redevances, si l’une des parties commet une violation substantielle du contrat sans prendre de mesures correctives à cet égard dans les 60 jours suivant préavis de l’autre partie, ou en cas de faillite de Foss Transport.

 

[48]           Il n’est pas contesté que Foss Transport a payé les redevances prévues par les CLL respectivement afférents à Petro Dispatch, au programme de facturation par carte d’accès et à Railmaster. La demanderesse n’a produit aucun élément tendant à établir que Foss Transport aurait fait faillite ou qu’elle aurait elle-même donné à Foss Transport un préavis de résiliation d’un CLL pour cause de violation par cette dernière entreprise. En conséquence, je conclus qu’aucun des trois CLL n’a été résilié en vertu de son article 11.

 

[49]           Chacun des CLL portait que le prix applicable au [TRADUCTION] « soutien et [à la] maintenance du produit » était « à déterminer ». L’article 7 de chacun stipulait que Harmony s’engageait à fournir à Foss Transport « toutes les nouvelles versions [du logiciel], ainsi que tous les perfectionnements, améliorations et corrections » qui y seraient apportés, sous réserve du paiement des « redevances [applicables] de soutien, de maintenance ou d’abonnement ». L’article 7 prévoyait aussi que les nouveaux produits logiciels et les modifications non attribuables à des défauts du logiciel seraient vendus séparément.

 

[50]           À la date du 18 juin 2001, Foss Transport et Harmony ont passé un contrat selon lequel la première paierait à la seconde des honoraires de 1 000 $ par semaine (le contrat de rémunération hebdomadaire). Pendant la durée de ce contrat, M. Chari a apporté un certain nombre de corrections à Petro Dispatch, à Railmaster et au programme de facturation par carte d’accès, ainsi que des modifications visant à les adapter au modèle opérationnel de Foss Transport, et il a créé de nouveaux modules pour la prévision de dépassement, les frais de stationnement, les suppléments pour le carburant, et la paie. Le contrat de rémunération hebdomadaire a été en vigueur de juin 2001 au début de 2004.

 

[51]           La nature du contrat de rémunération hebdomadaire et son effet sur le caractère protégeable des corrections, des modifications et des nouveaux modules constituent un sujet crucial de contestation entre les parties.

 

[52]           Dans la liste des programmes terminés conformément au contrat de rémunération hebdomadaire, M. Chari inclut un logiciel qui fait l’objet de deux des trois contrats de licences logicielles établis entre Foss Transport et Harmony. Je parle ici des programmes de facturation des cartes d’accès et de Railmaster. En interrogatoire principal, M. Chari a déclaré que la gestion des wagons, y compris les frais de stationnement, les produits secs en vrac et les produits de pétrole lourd, fonctions principales de Railmaster, et la facturation pour les clients de cartes d’accès, seule fonction de Card Lock Invoicing, sont des modules additionnels développés dans le cadre du contrat de rémunération hebdomadaire.

 

[53]           Monsieur Chari a témoigné qu’il a été nécessaire d’apporter des modifications au logiciel durant le contrat de rémunération hebdomadaire afin de respecter le modèle de gestion de Foss Transport. Les exemples qu’il a présentés comprennent les écarts de taux, les chargements minimaux, les chargements multidestination, les tarifs uniformes, les produits livrés par Foss Transport qui n’étaient pas inclus dans les modules originaux de l’ARC, la gestion des wagons porte-rails et la facturation par carte d’accès. Il a également mentionné qu’il avait ajouté l’indemnité de surestaries, le supplément pour le carburant, le repérage de fiches électroniques, Dip Forecasting and Payroll Modules. De plus, il a ajouté qu’il avait effectué une programmation personnalisée afin de corriger ses programmes.

 

[54]           M. Chari, au nom de la demanderesse, a défini le contrat de rémunération hebdomadaire comme un contrat de [TRADUCTION] « fourniture d’application hébergée » (FAH). Selon lui, cela voulait dire que la demanderesse fournirait les éléments supplémentaires de logiciel à Foss Transport sous forme de location. Ce contrat prévoyait aussi, a‑t‑il expliqué, un nombre illimité d’utilisateurs pour le logiciel existant. Il a ajouté que le montant de 1 000 $ par semaine avait été fixé pour [TRADUCTION] « donner une chance » à Foss Transport jusqu’à ce que les affaires reprennent, après quoi la rétribution hebdomadaire devait passer à 2 000 $

 

[55]           M. Chari a expliqué dans les termes suivants, à la page 67 de la transcription, les conséquences d’une résiliation du contrat de rémunération hebdomadaire désigné « contrat FAH » :

[TRADUCTION]

 

Q.              Quelle était votre interprétation du contrat FAH? Qu’arriverait‑il si Foss décidait de le résilier à un moment donné? Qu’adviendrait‑il alors de son droit d’utiliser votre logiciel?

 

R.               Foss n’aurait plus le droit d’utiliser aucun élément de logiciel créé pendant la durée du contrat FAH. Elle n’aurait plus droit non plus au nombre illimité d’utilisateurs pour le contrat de licence d’origine. Essentiellement, elle devrait revenir à la situation de mars 2001 : elle ne pourrait plus utiliser que les logiciels de mars 2000 et mars 2001 désignés aux contrats de licence, et serait limitée au nombre correspondant d’utilisateurs.

 

[56]           Selon ces déclarations, la thèse de la demanderesse est que, en cas de résiliation du contrat FAH, Foss Transport devrait revenir à l’utilisation du logiciel sous sa forme antérieure à l’entrée en vigueur de ce contrat.

 

[57]           J’admets que M. Chari était sûr de pouvoir ramener le logiciel à son état antérieur au contrat de rémunération hebdomadaire. Cependant, son affirmation se révèle non crédible à la lumière des déclarations de M. Lo et de Mme Warth selon lesquelles Microsoft Access ne possède pas la fonction nécessaire de vérification ou de suivi. Selon ces témoins, toute modification, une fois apportée, s’intégrait au logiciel d’origine, et les défendeurs devraient simplement croire M. Chari sur parole quand il leur dirait que le programme avait été ramené à son état antérieur. Telle est aussi ma conclusion.

 

[58]           M. Chari n’a enregistré aucun des changements ou adjonctions qu’il a faits au logiciel pendant la durée du contrat de rémunération hebdomadaire. Lorsque les défendeurs ont demandé un exemplaire du logiciel dans son état antérieur à l’entrée en vigueur de ce contrat, la demanderesse n’a pu produire le code source tel qu’il existait alors. 

 

[59]           En outre, M. Chari n’a pas passé de CLL relativement aux corrections, modifications ou adjonctions qui seraient exécutées dans le cadre du contrat de rémunération hebdomadaire. 

 

[60]           La demanderesse fait valoir que son interprétation du contrat de rémunération hebdomadaire est étayée par une lettre en date du 9 avril 2002 adressée [TRADUCTION] « à qui de droit », ainsi que par le libellé des factures établies par Harmony et payées par Foss Transport. Cette lettre aussi bien que ces factures portent que des [TRADUCTION] « redevances et honoraires » sont dus à Harmony.

 

[61]           Je conclus que la formulation de la « lettre adressée à qui de droit » a été fournie à Foss Transport par M. Chari. Cette lettre n’est rien de plus qu’une confirmation de revenu. J’observe en outre qu’elle a été rédigée un an après le commencement du contrat. En conséquence, je lui accorde peu de poids en tant qu’élément tendant à établir la nature des conditions d’un accord entre la demanderesse et la personne morale défenderesse.

 

[62]           Je note également que si les factures en question ont pour objet déclaré des [TRADUCTION] « redevances et honoraires », c’est M. Chari qui les a établies. En outre, le service de comptabilité de Foss Transport a inscrit ces factures sous la rubrique des honoraires. En conséquence, j’estime que le libellé desdites factures ne nous éclaire guère sur la signification et l’objet du contrat de rémunération hebdomadaire.

 

[63]           Les défendeurs soutiennent que le contrat de rémunération hebdomadaire doit être interprété de manière compatible avec les trois CLL, par lesquels Harmony a concédé à Foss Transport des licences perpétuelles d’utilisation de Petro Dispatch, de Railmaster et du programme de facturation par carte d’accès, y compris les corrections et modifications qui y seraient apportées.

 

[64]           Selon les déclarations faites par MM. Foss et Cristello au nom des défendeurs, le montant hebdomadaire de 1 000 $ rémunérait les activités de soutien, notamment les modifications, mises à jour et corrections nécessaires. Petro Dispatch, Railmaster et le programme de facturation par carte d’accès présentaient encore des lacunes importantes, ont‑ils expliqué, et ce soutien était nécessaire pour que les programmes qu’ils avaient achetés fonctionnent comme promis. M. Chari a corrigé un certain nombre des défauts du logiciel au fur et à mesure des besoins, mais certains problèmes n’ont jamais été réglés. 

 

[65]           En ce qui a trait aux modifications nécessaires pour adapter le logiciel au modèle opérationnel de Foss Transport, c’est‑à‑dire pour prendre en compte les différentiels de prix, les charges minimales, les charges divisées et les taux uniformes, M. Cristello a déclaré dans son témoignage que ces éléments entraient dans la facturation avant l’adoption de Petro Dispatch. MM. Foss et Cristello ont tous deux affirmé à la barre que la facturation de ces éléments était la pratique normale du secteur.

 

[66]           M. Foss a déclaré que les modifications nécessaires pour adapter le logiciel au modèle opérationnel de Foss Transport avaient fait l’objet de discussions avec M. Chari avant l’achat de Petro Dispatch. En outre, M. Cristello a précisé dans son propre témoignage que les fonctions nécessaires à la prise en compte des différentiels de prix, des charges minimales, des charges divisées et des taux uniformes avaient été intégrées dans le logiciel Petro Dispatch avant que Foss Transport ne commence à l’utiliser en février 2001.

 

[67]           Les témoignages de MM. Foss et Cristello s’accordent sur ce point.

 

[68]            M. Cristello a déclaré à la barre qu’il avait demandé à M. Chari, pendant la durée du contrat de rémunération hebdomadaire, d’ajouter des fonctions au logiciel existant, soit la prévision de dépassement, la récupération de fichiers électroniques, le calcul des frais de stationnement, la prise en compte des suppléments pour le carburant, et la paie.

 

[69]           Selon MM. Foss et Cristello, il n’y avait pas de [TRADUCTION] « contrat de location » pour ces adjonctions. M. Cristello a déclaré que, pendant la durée du contrat de rémunération hebdomadaire, il n’avait pas été question entre les parties de redevances de licence, de contrat de location, ni de contrat FAH. Selon lui, Foss Transport versait à Harmony une rémunération hebdomadaire de 1 000 $ afin que M. Chari règle les problèmes de logiciel au fur et à mesure qu’ils se poseraient. Pour reprendre les termes de M. Cristello (page 809 de la transcription), M. Chari devait [TRADUCTION] « faire tous les petits changements dont la nécessité [leur] aurait provisoirement échappé ».

 

[70]           Les défendeurs invoquent le rapport et le témoignage d’expert de M. Lo, qui a défini les changements et adjonctions en question comme des modifications relativement mineures du code de logiciel préexistant.

 

[71]           Je rejette l’interprétation du contrat de rémunération hebdomadaire proposée par la demanderesse. Celle‑ci n’a pas prouvé que ce contrat constituait un « contrat de location » de tous les travaux de programmation exécutés dans son cadre. À mon sens, M. Chari a simplement essayé de trouver de ce contrat l’interprétation la plus favorable à la demanderesse.

 

[72]           Je souscris aux conclusions des défendeurs selon lesquelles le contrat de rémunération hebdomadaire doit être interprété de manière compatible avec les CLL.

 

[73]           Comme on l’a vu plus haut, la demanderesse soutient que les fonctions primaires du programme de facturation par carte d’accès et de Railmaster ont été programmées pendant la durée du contrat de rémunération hebdomadaire. Or ces programmes faisaient chacun l’objet d’un CLL entre la demanderesse et Foss Transport. Ils ne peuvent pas être à la fois des travaux supplémentaires exécutés dans le cadre du contrat de rémunération hebdomadaire et des programmes concédés sous licence par les CLL respectivement y afférents. Je conclus que le programme de facturation par carte d’accès et Railmaster étaient compris dans leurs CLL respectifs et ne constituaient pas des travaux supplémentaires de programmation.

 

[74]           J’observe que, durant deux ans après l’entrée en vigueur du contrat de rémunération hebdomadaire, Harmony, en la personne de M. Chari, a fourni des services de soutien de manière conforme à l’interprétation des défendeurs. Ces services de soutien comprenaient toutes les adjonctions, mises à jour et modifications nécessaires.

 

[75]           La position de la demanderesse se révèle insoutenable à la lumière du fait que nombre des problèmes que M. Chari a réglés étaient inhérents au logiciel d’origine dont il avait concédé une licence d’utilisation à Foss Transport. La thèse de M. Chari revient à dire qu’il aurait le droit de « décorriger » les erreurs qu’il a lui-même commises dans la création de ses programmes – en fait qu’il lui aurait été permis de fournir à Foss Transport un produit non fonctionnel en violation des contrats de licence originels.

 

[76]           En outre, les CLL prévoient le paiement de frais de [TRADUCTION] « soutien technique et maintenance » suivant un taux « à déterminer », et leur article 7 fait obligation à Harmony d’apporter en contrepartie les corrections et perfectionnements nécessaires. À mon avis, les paiements que prévoyait le contrat de rémunération hebdomadaire correspondent à des frais de cette nature; Harmony était tenue d’apporter les corrections nécessaires au logiciel et concédait à Foss Transport une licence perpétuelle d’utilisation du logiciel ainsi corrigé.

 

[77]           Touchant les modifications effectuées pour que le logiciel fonctionne conformément au modèle opérationnel de Foss Transport, je ne puis admettre que cette dernière, avec l’achat de Petro Dispatch, envisageait de cesser de facturer ses services de la manière avantageuse qui était la sienne auparavant, c’est‑à‑dire en conformité avec son modèle opérationnel et les pratiques courantes du secteur. Je ne puis admettre non plus que les défendeurs auraient payé 40 000 $ un logiciel incapable d’établir les factures de cette façon.

 

[78]           En conséquence, je conclus que les fonctions relatives aux différentiels de prix, aux charges minimales, aux charges divisées et aux taux uniformes étaient comprises dans les modules de Petro Dispatch avant le commencement du contrat de rémunération hebdomadaire. Il s’ensuit que Foss Transport détenait une licence perpétuelle d’utilisation de ces modifications dans le cadre du CLL afférent à Petro Dispatch.

 

[79]           Comme on l’a vu plus haut, les deux parties ont déclaré que M. Chari, à la demande de M. Cristello, avait ajouté des fonctionnalités au logiciel pendant la durée du contrat de rémunération hebdomadaire, soit : le module de prévision de dépassement; la prise en compte des frais de stationnement et des suppléments pour le carburant, ainsi que la récupération de fichiers électroniques, dans le cadre de Petro Dispatch; et le module de la paie.

 

[80]           Or, dans le contexte de l’article 7 des CLL, ces adjonctions peuvent être considérées soit comme des [TRADUCTION] « perfectionnements [et] améliorations du logiciel », soit comme de [TRADUCTION] « nouveaux produits logiciels ou nouvelles options logicielles vendus séparément par Harmony ».

 

[81]           Ainsi que je le disais plus haut, les défendeurs pensaient qu’ils versaient 1 000 $ par semaine à Harmony en contrepartie de services de soutien et de l’adjonction de fonctionnalités dont la nécessité leur aurait auparavant échappé. Les parties n’ont pas discuté de la concession de licences d’utilisation de ces nouvelles fonctions pendant la durée du contrat de rémunération hebdomadaire, et M. Chari n’a pas donné à entendre que lesdites nouvelles fonctions devraient faire l’objet d’un autre CLL. Si j’ajoute à cela la déclaration de M. Lo selon laquelle ces fonctions exigeaient relativement peu de programmation par rapport aux programmes existants, je suis amenée à penser qu’il convient de les définir comme des améliorations et des perfectionnements plutôt que comme des éléments de logiciel entièrement nouveaux.

 

[82]           Étant donné que les CLL prévoyaient que Harmony apporterait des améliorations et des perfectionnements au logiciel pour Foss Transport tant que celle‑ci paierait des frais de [TRADUCTION] « soutien technique et maintenance », j’estime que les licences perpétuelles d’utilisation de Petro Dispatch, de Railmaster et du programme de facturation par carte d’accès que concédaient ces CLL s’appliquent à ces programmes tels qu’ils ont été améliorés et perfectionnés pendant la durée du contrat de rémunération hebdomadaire.

 

[83]           La modification la plus importante apportée pendant la durée du contrat de rémunération hebdomadaire est la création du module de prévision de dépassement dans le cadre de Petro Dispatch. Foss Transport avait demandé cette modification dans le but de remplir l’une des conditions d’une demande de propositions (DP) lancée par Suncor (Sunoco) en novembre 2002.

 

[84]           Foss Transport a exposé sa proposition à Sunoco le 12 décembre 2002, à une réunion où elle était représentée par MM. Foss, Cristello, Chari, Reynolds et Eddie Pagliaro. Les témoignages ne s’accordent pas sur le point de savoir si M. Chari a ou non fait une démonstration de son logiciel pour Sunoco à cette réunion.

 

[85]           MM. Reynolds et Chari ont déclaré à la barre qu’une telle démonstration avait eu lieu, tandis que MM. Foss et Cristello y ont affirmé le contraire. À mon sens, la question de savoir si une démonstration a été faite ou non n’est pas pertinente pour trancher la présente espèce.

 

[86]           M. Chari a soutenu que le module de prévision de dépassement de Petro Dispatch est la principale raison pour laquelle Foss Transport a obtenu le marché de Sunoco. Cependant, il a reconnu dans son témoignage que ce module n’avait été créé qu’après l’attribution du marché. Il m’apparaît que, comme il n’existait pas encore, le module de prévision de dépassement n’a pas contribué à l’obtention du marché de Sunoco par Foss Transport.

 

[87]           La demanderesse a aussi soutenu que le programme Petro Dispatch, considéré dans son ensemble, avait joué un rôle déterminant dans l’attribution du marché de Sunoco à Foss Transport. Cette assertion me paraît dénuée de fondement. La demanderesse omet ainsi de prendre en considération l’importance des relations de travail de longue date entre Sunoco et Foss Transport, des antécédents de celle‑ci en matière de sécurité routière, ainsi que de sa capacité à transporter et livrer le carburant.

 

[88]           De même, la demanderesse néglige de tenir compte des faits fondamentaux lorsqu’elle essaie de faire admettre que la totalité de la rémunération découlant de ce marché serait attribuable à l’utilisation du logiciel Petro Dispatch.

 

[89]           Pour dire les choses simplement, Sunoco n’aurait pas rémunéré Foss Transport pour l’exécution du marché si elle n’avait pas livré le carburant à ses postes d’essence. Or Petro Dispatch n’a pas effectué ces livraisons. Celles‑ci ont plutôt été assurées par le travail de camionneurs, de manœuvres, d’un personnel administratif et d’un personnel d’exploitation. S’il faut attribuer un apport quelconque à Petro Dispatch, j’estime qu’il réside seulement dans l’accroissement de la précision des opérations comptables aux bureaux de Foss Transport. J’estime en outre qu’il s’agit là d’un avantage pécuniaire minime.

 

[90]           Harmony a réduit progressivement ses services de soutien, de sorte que, dans les faits, elle n’en fournissait plus au printemps 2003.

 

[91]           Lorsque Foss Transport a eu besoin de soutien en 2003 pour maintenir le logiciel en état de fonctionner, M. Chari l’a autorisée à retenir à cette fin les services d’un autre programmeur. M. Foss s’est alors adressé à Mme Warth, qui a donné ce travail en sous-traitance à M. Bill Benton, de BiLd Solutions.

 

[92]           Au début de 2003, M. Chari est devenu propriétaire de RCT. Il a alors essayé d’opérer un regroupement entre cette société et Foss Transport, au moyen de deux instruments : un contrat de services d’exploitation (CSE) et un contrat de services administratifs (CSA). Pour diverses raisons, ce projet de regroupement n’a pas abouti. Cependant, j’estime que l’échec essuyé par M. Chari au début de 2004 dans ses efforts pour passer ces contrats a joué un rôle catalyseur dans la rupture de ses rapports avec les défendeurs. Ce fait est hautement pertinent.

 

[93]           Foss Transport a continué à verser 1 000 $ par semaine à la demanderesse jusqu’au 23 mars 2004.

 

[94]           Après la rupture des négociations relatives au CSA, M. Foss, en sa qualité de président de Foss Transport, a reçu de M. Chari une lettre en date du 14 avril 2004 où ce dernier affirmait que Foss Transport avait accumulé un arriéré total de 17 762 $, intérêts compris, du 29 décembre 2003 au 19 avril 2004, et où il exigeait le paiement de cette dette supposée. En outre, il y faisait passer unilatéralement la rémunération hebdomadaire de 1 000 $ à 2 000 $. Cette lettre du 14 avril était accompagnée de factures relatives à la période de retard supposée.

 

[95]           De l’examen de ces factures et du témoignage de M. Cristello, je conclus que la demanderesse n’avait jamais envoyé auparavant lesdites factures à Foss Transport. J’observe qu’elles sont toutes entachées de la même faute de saisie, qu’on ne retrouve dans aucune facture antérieure. J’en conclus que ces factures faisant état d’un prétendu « arriéré » ont été établies en même temps, soit le ou vers le 14 avril 2004.

 

[96]           Selon le témoignage de M. Cristello, le système comptable de Foss Transport montrait que celle‑ci n’avait jamais reçu les factures en question avant qu’elles n’arrivent dans une liasse accompagnant la lettre du 14 avril 2004. Les déclarations de M. Cristello à cet égard, reproduites ci‑dessous, sont consignées aux pages 888 à 892 de la transcription :

 

 

[TRADUCTION]

Q.        Si vous vous reportez à la troisième inscription à partir du bas de cette page, vous en trouverez deux où les dates des factures sont le 1er février 2004 et le 9 du même mois. Savez-vous à quelles factures se rapportent ces inscriptions?

R.         Oui. Ce sont là les trois factures dont M. Chari attendait le paiement lorsqu’il a fait exploser ses bombes logiques dans notre système. Deux de ces factures sont datées du 1er février. Comme elles sont arrivées le 23 mars et que j’avais alors arrêté les comptes de janvier, j’ai dû les attribuer à la période intermédiaire suivante, qui commençait le 1er février. Les opérations, là encore, sont toutes numérotées à la suite 68, 69 et 70 , ce dont je conclus que les trois factures ont été reçues en même temps et que leurs montants respectifs ont été reportés de même.

[…]

Q.        Vous avez là une série de factures. Pouvez-vous y en trouver qui correspondent aux renseignements de l’onglet 126?

R.         La première facture, portant le numéro 4‑0112F, renvoie à l’opération no 139868, et sa date d’introduction est le 1er février 2004. J’ai déjà expliqué pourquoi je ne pouvais pas l’introduire le 12 janvier. Le montant en est de 2 140 $, et il a été reporté le 23 mars.

Q.        Veuillez passer maintenant à la facture suivante, datée du 26 février 2004. Pouvez-vous nous dire, à partir de ce document, quand elle a été reçue?

R.         Il s’agit de la facture no 4‑0126F. Le numéro d’opération est 139869. La date d’introduction de la facture est le 1er février 2004. La date du report est le 23 mars, et le montant reporté est de 2 140 $.

Q.        On trouve à la page suivante une autre facture, datée du 9 février 2004. Pouvez-vous déterminer à partir de vos archives la date où elle a été reçue?

R.         Oui. Cette facture porte aussi la date du 9 février 2004. Son numéro est le 4‑0209F. Le montant en est de 2 140 $ et a été reporté le 23 mars.

Q.        Il y a cinq autres factures sous cet onglet 86. Est‑ce que l’une ou l’autre a fait l’objet d’un report?

R.         Non. Celles‑là n’ont jamais été reportées.

Q.        Savez-vous pourquoi?

R.         Elles sont arrivées ensemble dans une enveloppe pendant que j’étais en Floride. À mon retour de Floride, le 24 avril j’étais absent cette semaine‑là , la bombe logique avait explosé dans notre système, de sorte que je ne les y ai pas introduites.

Q.        Je voudrais clarifier une chose à propos des trois premières pages de l’onglet 126 : vous avez dit que les dates de report ne sont pas normalement inscrites dans les états de cette nature?

R.         C’est exact.

Q.        Avez-vous ajouté des éléments à cet état?

R.         Oui.

Q.        En vous fondant sur quoi?

R.         En me fondant sur l’enregistrement Business Vision obtenu à partir de l’enregistrement au grand livre général 44405 , où toutes les factures de Harmony sont encodées.

Q.        S’agit‑il là des inscriptions que nous avons examinées sur ces pages-écrans?

R.         Oui.

Q.        Veuillez maintenant passer à l’onglet 104. Nous avons là une copie d’une lettre en date du 14 avril adressée par Harmony Consulting à G.A. Foss Transport. Avez-vous pris connaissance de cette lettre à un moment ou l’autre?

R.         Oui, à un certain moment.

Q.        Pourriez-vous dire quand à peu près par rapport au 14 avril 2004?

R.         Je dirais que c’était après le 23 ou le 24 avril, c’est‑à‑dire après mon retour de Floride. C’est probablement Gord qui m’a montré la lettre.

Q.        Savez-vous si Foss a jamais reçu une autre facture de Harmony Consulting après ce moment?

R.         Non, nous n’en avons pas reçu d’autre facture.

 

[97]           Je remarque également que la durée au titre de laquelle M. Chari réclamait un arriéré comprenait des périodes de facturation futures. En effet, la preuve établit que le délai de paiement des comptes fournisseurs comme des comptes clients de Foss Transport est de 30 à 60 jours. Or, comme les factures n’avaient jamais été présentées, le délai de paiement des comptes fournisseurs n’était pas écoulé ni n’avait pas même commencé à courir. J’en conclus que M. Chari a fabriqué ces pièces censées attester un arriéré de paiement afin de justifier ses attaques contre Foss Transport.

 

[98]           La preuve ne contient aucun élément tendant à établir que Harmony ait adressé d’autres factures à Foss Transport après la mise en demeure du 14 avril 2004.

 

[99]           Le 18 avril 2004, le module de facturation de Petro Dispatch a cessé de fonctionner. Chaque tentative d’ouverture de ce module se soldait simplement par la fermeture ou l’arrêt du programme. Des employés de Foss Transport ont alors essayé de joindre M. Chari pour qu’il répare le système, mais sans succès.

 

[100]       En outre, M. Cristello a téléphoné à M. Chari pour qu’il règle le problème, ce que ce dernier a refusé de faire.

 

[101]       Étant donné la rupture des rapports avec M. Chari, M. Foss s’est adressé à Mme Warth pour obtenir de l’aide. Mme Warth s’est rendue aux bureaux de Foss Transport le 24 avril 2004 en réponse à l’appel de M. Foss concernant le non-fonctionnement du module de facturation.

 

[102]       En examinant le module de facturation de Petro Dispatch, Mme Warth a trouvé dans le fichier .mdb, c’est‑à‑dire le fichier de base de données, le code conçu pour empêcher l’exécution du programme après le 18 avril 2004. En résumé, ce code dictait au programme, dans le cas où il serait lancé après le 18 avril 2004, de s’arrêter immédiatement sans permettre l’exécution d’aucune autre tâche.

 

[103]       Pour résoudre ce problème, Mme Warth a fait du code fautif un [TRADUCTION] « commentaire ». En d’autres termes, elle a commandé à l’ordinateur de ne pas exécuter le code pour la bombe à retardement, mais de le considérer plutôt comme un « commentaire » de programmeur, c’est‑à‑dire un élément de langage sans incidence sur l’exécution. Ce « commentaire » a permis en fait de court-circuiter le code malveillant.

 

[104]       Mme Warth a été rappelée le 1er mai aux bureaux de Foss Transport. Cette fois, c’était le module de répartition de Petro Dispatch qui posait un problème. Il s’est avéré que l’application de répartition était programmée pour générer une erreur en cas d’introduction de commandes après le 1er mai 2004.

 

[105]       Le dispositif malveillant inséré dans l’application d’expédition n’était pas du code machine en tant que tel, mais une « règle de validation » inscrite sur la table de données de commandes elle-même. Cette règle informait le programme que toute commande, pour être valide, devait être datée au plus tard du 1er mai 2004. L’introduction de toute commande de date postérieure entraînerait un message d’erreur, de sorte que le programme ne l’enregistrerait pas et que Foss Transport ne pourrait envoyer un camion.

 

[106]       Mme Warth a résolu le problème au moyen d’une version de sauvegarde du module de répartition, datée du 24 ou du 25 février 2004, qui ne comportait pas la règle de validation en cause.

 

[107]       M. Chari a admis avoir introduit ces bombes à retardement dans le système de Foss Transport. Il a voulu se justifier en les définissant comme des [TRADUCTION] « dispositifs de sécurité », conçus pour assurer la bonne exécution du contrat de rémunération hebdomadaire qui le liait à Foss Transport. Je rejette cette définition.

 

[108]       M. Chari a intégré ces dispositifs au logiciel à un moment ou l’autre après le 24 ou le 25 février 2004, soit presque quatre ans après sa première installation sur le système informatique de Foss Transport, et presque trois ans après le commencement du contrat de rémunération hebdomadaire. Il n’a pas informé Foss Transport de la présence de ces prétendus dispositifs de sécurité. Ceux‑ci n’ont pas été mis en œuvre systématiquement, mais n’ont été insérés que dans deux des nombreux modules. De plus, les deux bombes étaient de nature différente, l’une agissant au niveau de la programmation et l’autre dans le cadre d’une table de base de données. Enfin, M. Chari a plus tard fabriqué des pièces pour justifier ces attaques du système informatique de Foss Transport.

 

[109]       J’estime que ces attaques étaient motivées par la déception qu’avait causée à M. Chari l’échec de ses efforts pour passer le CSE et le CSA. Il a réagi à cet échec en attaquant le système informatique de Foss Transport.

 

[110]       Il apparaît aussi que M. Chari pourrait avoir fait un « exercice d’exécution » de ces bombes logiques au début d’avril 2004.

 

[111]       Les attaques susdites ont provisoirement entravé la capacité de Foss Transport à acheminer ses camions et à facturer ses clients. Bien qu’elle disposât de cette double capacité avant l’installation du logiciel et soit en fait revenue au système manuel pendant que le module de répartition était hors service, le sabotage a provoqué des difficultés dans les flux de trésorerie, privé d’essence certaines stations-service et pratiquement entraîné l’arrêt provisoire des opérations de livraison.

 

[112]       Après la réparation de Petro Dispatch, Mme Warth a pris en charge le soutien du système informatique de Foss Transport. Occupée qu’elle était par d’autres clients, elle a donné une partie de ce travail en sous-traitance à M. Benton. En juillet 2004, elle a commencé à rechercher de nouvelles solutions informatiques pour remplacer tout le logiciel existant de répartition, de rapprochement post-commande et de facturation.

 

[113]       Au cours de la période où M. Benton et Mme Warth assuraient le soutien, ils ont effectué plusieurs petites corrections, modifications et mises à jour sur le logiciel Petro Dispatch. Ce soutien consistait à corriger les erreurs existant dans Petro Dispatch, à assurer l’intégrité des bases de données, à ajouter des requêtes dans Microsoft Access, à modifier les couleurs d’écran, à changer le taux de la TPS et à utiliser les outils intégrés à Access pour comprimer et réorganiser les bases de données.

 

[114]       Mme Warth a également mis à niveau la version du logiciel sous-jacent de Microsoft Access à Access 2000. Enfin, d’autres tables de données, formulaires de saisie des données et factures spéciales ont été créés pour quatre clients existants de Petro Dispatch. Ces nouvelles factures étaient nécessaires en raison du transfert de ces clients à Balmar Petroleum Ltd (« Balmar »), une nouvelle société que M. Foss a incorporée en vue d’acheter une société du même nom. La compagnie à numéro permettait à M. Foss et à M. CRISTELLO de devenir propriétaires de quatre-vingts pour cent de Balmar.

 

[115]       Les changements de Balmar ont été ajoutés aux écrans de Petro Dispatch. Des objets Access ont réellement été ajoutés aux fichiers de base de données de Foss Transport. Les formulaires, les boutons et les objets ont été créés en utilisant des outils intégrés à Access, par exemple, l’« assistant de formulaire ».

 

[116]       Mme Warth a témoigné que lorsqu’elle travaillait sur le logiciel, elle a utilisé le serveur Citrix de Foss Transport, puisque ce programme était intégré aux données. Elle a expliqué qu’en raison de l’évolution constante des données, il n’était pas possible de prendre le logiciel, de le modifier, puis de le réinstaller ultérieurement. Par conséquent, je conclus qu’à aucun moment une copie du logiciel Harmony n’a été retirée du système, sauf pour les besoins de la préparation au présent litige.

 

[117]       Pendant la période de transformation du logiciel Petro Dispatch, sa page-écran d’introduction a été changée. La nouvelle page-écran attribuait la création de Petro Dispatch à la société de M. Benton, BiLd Solutions. Les témoignages ne s’accordent pas sur les points de savoir qui a autorisé ce changement, si M. Foss ou M. Cristello en ont eu connaissance, et quand le cas échéant. Étant donné ma conclusion, que j’exposerai plus loin, sur la pertinence de ce changement de la page-écran pour l’allégation de violation du droit d’auteur, il n’est pas nécessaire que je tire de conclusions de fait sur les questions de savoir qui a autorisé le changement et quand les défendeurs personnes physiques en ont pris connaissance.

 

[118]       Le 21 janvier 2005, M. Chari a mené une opération d’intimidation des défendeurs. Il a demandé à deux agents de la GRC de repos de se rendre aux bureaux de Foss Transport dans le but apparent d’y effectuer une vérification informatique, comme l’autorisaient les CLL. Aucun élément de la preuve ne tend à établir que l’un ou l’autre de ces policiers, alors de repos, était un spécialiste de l’informatique. La preuve tend cependant à établir que M. Chari savait que M. Cristello connaissait au moins un de ces deux policiers, M. Sammy.

 

[119]       MM. Cristello et Reynolds ont reconnu un agent de la GRC en l’un des deux hommes et ont informé M. Foss de leur arrivée. L’un des deux policiers est ensuite parti, et un coup de fil de M. Foss à la GRC lui a permis de confirmer que le deuxième homme était aussi un agent de celle‑ci.

 

[120]       Le 22 juillet 2005, la demanderesse a intenté la présente action.

 

[121]       Dans l’intervalle, de même qu’après l’introduction de la présente instance, Foss Transport a commencé à utiliser des entités logicielles créées par d’autres que M. Chari. Railmaster a été abandonné graduellement de l’automne 2001 à 2007. Foss Transport a cessé de transporter du ciment après l’automne 2001. De même, elle a cessé de transporter de la résine plastique en avril 2004, elle a abandonné la gestion de wagons en avril 2004, et elle n’a plus transporté de produits de pétrole lourd après 2007.

 

[122]       Le programme de facturation par carte d’accès de M. Chari (Card Lock Invoicing) a été remplacé en 2006 par un nouveau programme dû à M. Benton. Après l’installation de ce dernier programme, Foss Transport a cessé d’utiliser Card Lock Invoicing.

 

[123]       Petro Dispatch a été remplacé en 2007 par un logiciel dû à une société dénommée TMW Systems, Inc.

 

ANALYSE

Les questions en litige

[124]       Dans une action en violation du droit d’auteur, il y a généralement trois questions à examiner, qui se posent toutes dans la présente espèce, à savoir :

a)                  Les programmes d’ordinateur sont-ils protégés par le droit d’auteur?

b)                  Qui est titulaire du droit d’auteur sur les programmes d’ordinateur?

c)                  Le droit d’auteur a‑t‑il été violé?

 

La charge de la preuve

[125]       La présente instance est une action civile où la charge de la preuve pèse sur la demanderesse. La norme de preuve applicable aux actions civiles est celle de la prépondérance des probabilités, norme que la Cour suprême du Canada a récemment examinée dans l’arrêt F.H. c. McDougall, [2008] 3 R.C.S. 41, aux paragraphes 46 et 49 duquel elle formulait les observations suivantes :

De même, la preuve doit toujours être claire et convaincante pour satisfaire au critère de la prépondérance des probabilités. Mais, je le répète, aucune norme objective ne permet de déterminer qu’elle l’est suffisamment. Dans le cas d’une allégation grave comme celle considérée en l’espèce, le juge peut être appelé à apprécier la preuve de faits qui se seraient produits de nombreuses années auparavant, une preuve constituée essentiellement des témoignages du demandeur et du défendeur. Aussi difficile que puisse être sa tâche, le juge doit trancher. Lorsqu’un juge consciencieux ajoute foi à la thèse du demandeur, il faut tenir pour acquis que la preuve était à ses yeux suffisamment claire et convaincante pour conclure au respect du critère de la prépondérance des probabilités.

 

[…]

 

En conséquence, je suis d’avis de confirmer que dans une instance civile, une seule norme de preuve s’applique, celle de la prépondérance des probabilités. Dans toute affaire civile, le juge du procès doit examiner la preuve pertinente attentivement pour déterminer si, selon toute vraisemblance, le fait allégué a eu lieu

 

 

La crédibilité

[126]       La crédibilité doit être appréciée suivant les critères qu’ont définis les tribunaux judiciaires, tels que les récapitule la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans un arrêt-charnière sur cette question, soit Faryna c. Chorny (1951), 4 W.W.R. (N.S.) 171 (C.A.C.‑B.).

 

[127]       On lit ce qui suit à la page 174 de cet arrêt : 

[TRADUCTION] On ne peut évaluer la crédibilité d’un témoin intéressé, en particulier dans les cas de témoignages contradictoires, en se fondant exclusivement sur le point de savoir si son comportement personnel inspire la conviction qu’il dit la vérité. Il faut soumettre la version qu’il propose des faits à un examen raisonnable de sa compatibilité avec les probabilités afférentes à la situation considérée. Bref, le véritable critère applicable à la véridicité de la version du témoin dans un tel cas doit être sa conformité à la prépondérance des probabilités qu’une personne pratique et bien informée estimerait d’emblée raisonnable dans le lieu et la situation en question. Ce n’est qu’ainsi qu’un tribunal judiciaire peut évaluer de manière satisfaisante les déclarations de témoins à l’esprit alerte, sûrs d’eux-mêmes et expérimentés, ainsi que de ces personnes astucieuses qui s’y entendent en matière de demi-mensonge et s’appuient sur une longue et fructueuse expérience dans l’art de mettre en œuvre l’exagération habile et l’occultation partielle de la vérité. En outre, il peut arriver qu’un témoin dise ce qu’il croit sincèrement être la vérité, mais se trompe en toute honnêteté. Le juge du fond qui dirait : « Je le crois parce que je suis convaincu de sa véracité » tirerait une conclusion fondée sur l’examen de la moitié seulement du problème. En vérité, il pourrait bien s’agir là d’une auto-directive dangereuse.

 

[128]       Étant donné que le droit d’auteur est l’œuvre du législateur, la question de la crédibilité ne se pose pas nécessairement de la même manière sous le régime de la Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. 1985, ch. C‑42 (la Loi sur le droit d’auteur), que dans les autres catégories de litiges. Par exemple, dans les affaires mettant en jeu des lésions corporelles ou la négligence, il faut souvent tirer des conclusions bien nettes sur la crédibilité des témoins pour démêler les versions différentes que les parties présentent des faits. Le degré de responsabilité civile de chacune des parties et la mesure dans laquelle l’une devra indemniser l’autre découleront de ces conclusions.

 

[129]       Néanmoins, pour autant que le tribunal du fond doit tirer certaines conclusions de fait, l’appréciation de la crédibilité des témoins, et même des pièces, constitue une part essentielle de son mandat. Dans la présente instance, la question de la crédibilité touchant la violation supposée du droit d’auteur par un ou plusieurs des défendeurs est de la plus haute importance pour l’examen de la question de la titularité de ce droit. En conséquence, je me suis appliquée à déterminer la crédibilité de l’ensemble de la preuve, notamment des dépositions des témoins, dans l’examen des questions pertinentes pour la présente action. 

 

[130]       M. Chari s’est révélé être un témoin peu satisfaisant. Il a souvent allégué un défaut de mémoire lorsqu’on l’interrogeait sur le détail de ses rapports avec les agents de Foss Transport, notamment les défendeurs personnes physiques. La preuve qu’il a présentée au procès contredisait parfois les déclarations qu’il avait faites en interrogatoire préalable. Je renvoie à ce sujet aux pages 181 à 185 de la transcription.

 

[131]       Pour citer un cas particulier, M. Chari n’a pas témoigné de manière claire et convaincante, mais plutôt en termes évasifs, sur ses rapports avec Atrimed, son mandataire supposé pour la « facturation ».

 

[132]       La preuve documentaire produite par la demanderesse est également pertinente pour l’appréciation de la crédibilité de M. Chari. Je renvoie en particulier à la mise en demeure, en date du 14 avril 2004, que ce dernier a adressée à M. Foss.

 

[133]       Comme on l’a vu plus haut, cette lettre exigeait le paiement d’un arriéré détaillé sur des factures que M. Chari avait établies au moment même de sa rédaction et qu’il n’avait donc jamais présentées à Foss Transport. Cette lettre décrit une situation inexistante – à savoir que Foss Transport aurait été en retard de paiement de factures présentées par Harmony –, dont M. Chari s’est servi pour justifier ses actions ultérieures. À mon sens, cette lettre de mise en demeure jette une lumière défavorable sur la crédibilité de M. Chari et dévalue les autres éléments de sa preuve. Le fait qu’il ait formulé des exigences injustifiées avant la rupture complète de ses relations avec les défendeurs met en doute la crédibilité de sa perception de tous les événements qui ont suivi.

 

[134]       D’autres documents produits en preuve par la demanderesse se révèlent également douteux. Au cours du contre-interrogatoire de M. Cristello, l’avocat de la demanderesse lui a présenté certaines pièces censées être des factures que Foss Transport aurait établies au moyen du programme Petro Dispatch et adressées à des clients de Balmar au nom de cette dernière. Ces documents sont réunis sous l’onglet 140 du recueil des pièces de l’instruction.

 

[135]       Au cours de son réinterrogatoire, M. Cristello a déclaré que la plupart des factures réunies sous l’onglet 140 n’avaient pas été établies par Foss Transport. Il a fait remarquer certaines divergences entre, d’une part, le contenu et la forme de ces factures, et, d’autre part, les pratiques de Foss Transport, de Balmar et de leurs clients. Il a notamment expliqué qu’un bon nombre de ces factures étaient établies à l’ordre d’entreprises qui ne comptaient pas parmi les quatre clients déterminés de Balmar auxquels Foss Transport délivrait, au nom de ladite Balmar, des factures produites à l’aide du programme Petro Dispatch. Ces quatre clients étaient United Independent Operators, Zavcor Trucking Ltd., Mississauga Tire et Chiovitti Banana. Or on trouve sous l’onglet 140 des factures établies au bénéfice de Balmar et à l’ordre d’entreprises telles que Gazzola Paving, Halton Crushed Stone et la Banque de Montréal.

 

[136]       Le témoignage de M. Cristello incite à douter de l’authenticité des pièces de l’onglet 140. À mon avis, ce doute vient encore amoindrir la crédibilité de M. Chari et celle des prétentions et moyens de la demanderesse.

 

[137]       M. Reynolds, ex‑employé de Foss Transport et partenaire intermittent de M. Chari, s’est montré mal à l’aise dans son rôle de témoin. Son témoignage était dans une large mesure axé sur la question des dommages-intérêts. Je conclus au caractère limité de la crédibilité et de la pertinence de ce témoignage.

 

[138]       Les défendeurs ont appelé quatre témoins. M. Foss a témoigné à la fois en tant qu’actionnaire majoritaire et que président de Foss Transport. Il a aussi témoigné en son propre nom, étant poursuivi en violation du droit d’auteur à titre personnel.

 

[139]       Le témoignage de M. Foss me paraît crédible pour sa plus grande part. Lorsque la mémoire lui faisait défaut, il le disait franchement. J’observe cependant qu’il s’est montré parfois distrait dans son témoignage, comme si la procédure ne retenait pas toute son attention. Néanmoins, tout bien considéré, j’estime sa preuve crédible de manière générale.

 

[140]       M. Cristello a témoigné à la fois pour le compte de Foss Transport et en son propre nom, étant lui aussi poursuivi à titre personnel en violation du droit d’auteur.

 

[141]       Une grande partie de son témoignage concernait ses rapports avec M. Chari. Bien que sa mémoire ne soit pas parfaite, il a répondu aux questions de manière franche et directe. En cas de contradictions entre les déclarations de M. Chari et celles de M. Cristello, je retiens de préférence la version de ce dernier.

 

[142]       M. Lo a été cité comme témoin expert en analyse judiciaire, concernant le point de savoir dans quelle mesure le logiciel considéré était adapté aux activités de Foss Transport. Je juge crédible la preuve de M. Lo, mais j’ai des doutes sur sa pertinence.

 

[143]       Mme Lidia Warth est le dernier des témoins appelés par les défendeurs. Programmeuse, elle a déposé au sujet de sa participation aux activités de Foss Transport, notamment du travail qu’elle a accompli pour réparer les dommages causés au logiciel considéré en avril et mai 2004. Elle a aussi déposé touchant son expérience personnelle du travail sur les programmes d’ordinateur.

 

[144]       Mme Warth a témoigné d’une manière franche et propre à inspirer le respect. Elle a traité sans détour d'un sujet compliqué. Je l’estime hautement crédible. Son témoignage s’est révélé non seulement digne de foi, mais encore pertinent et d’une grande utilité pour la Cour.

 

Le logiciel est‑il protégé par le droit d’auteur?

[145]       Le droit d’auteur étant l'oeuvre du législateur, il faut trouver dans la Loi sur le droit d’auteur les fondements de l’existence de ce droit sur une œuvre déterminée, ainsi que de la titularité et de la violation dudit droit. Il ne se pose de question relative au droit d’auteur que si on peut la fonder sur cette loi.

 

[146]       L’applicabilité du droit d’auteur aux programmes d’ordinateur fait explicitement l’objet des articles 2 et 5 de la Loi sur le droit d’auteur, qui disposent :

 

Définitions

 

2. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

 

 

« programme d’ordinateur » Ensemble d’instructions ou d’énoncés destiné, quelle que soit la façon dont ils sont exprimés, fixés, incorporés ou emmagasinés, à être utilisé directement ou indirectement dans un ordinateur en vue d’un résultat particulier.

 

 

 « droit d’auteur » S’entend du droit visé :

 

a) dans le cas d’une œuvre, à l’article 3;

 

b) dans le cas d’une prestation, aux articles 15 et 26;

 

 

c) dans le cas d’un enregistrement sonore, à l’article 18;

 

d) dans le cas d’un signal de communication, à l’article 21.

 

 

« œuvre littéraire » Y sont assimilés les tableaux, les programmes d’ordinateur et les

compilations d’œuvres littéraires.

 

 

Definitions

 

2. In this Act,

 

 

 

“computer program” means a set of instructions or statements, expressed, fixed, embodied or stored in any manner, that is to be used directly or indirectly in a computer in order to bring about a specific result;

 

 

“copyright” means the rights described in

 

(a) section 3, in the case of a work,

 

(b) sections 15 and 26, in the case of a performer’s performance,

 

(c) section 18, in the case of a sound recording, or

 

 

(d) section 21, in the case of a communication signal;

 

 

“literary work” includes tables, computer programs, and compilations of literary works;

 

Conditions d’obtention du droit d’auteur

 

5. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, le droit d’auteur existe au

Canada, pendant la durée mentionnée ci-après, sur toute œuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique originale si l’une des conditions suivantes est réalisée :

 

a) pour toute œuvre publiée ou non, y compris une œuvre cinématographique, l’auteur

était, à la date de sa création, citoyen, sujet ou résident habituel d’un pays signataire;

 

Conditions for subsistence of

copyright

 

5. (1) Subject to this Act, copyright shall subsist in Canada, for the term hereinafter mentioned, in every original literary, dramatic, musical and artistic work if any one of the following conditions is met:

 

 

 

(a) in the case of any work, whether published or unpublished, including a cinematographic work, the author was, at the date of

the making of the work, a citizen or subject of, or a person ordinarily resident in, a treaty country;

 

[147]       Dans la présente action, les défendeurs contestent l’existence du droit d’auteur. L’alinéa 34.1(1)a) de la Loi sur le droit d’auteur établit la présomption que l’œuvre est protégée par le droit d’auteur jusqu’à preuve contraire. Cet alinéa est ainsi libellé :

 

Présomption de propriété

 

 

34.1 (1) Dans toute procédure pour violation du droit d’auteur, si le défendeur conteste l’existence du droit d’auteur ou la qualité du demandeur :

 

a) l’œuvre, la prestation, l’enregistrement sonore ou le signal de communication, selon le cas, est, jusqu’à preuve contraire, présumé être protégé par le droit d’auteur;

 

Presumptions respecting copyright and ownership

 

34.1 (1) In any proceedings for infringement of copyright in which the defendant puts in issue either the existence of the copyright or the title of the plaintiff thereto,

 

(a) copyright shall be presumed, unless the contrary is proved, to subsist in the work, performer’s performance, sound recording or communication signal, as the case may be; and

 

[148]       Cependant, seule une œuvre originale est protégeable par le droit d’auteur. La Cour suprême a précisé dans les termes suivants la signification du terme « originale » au paragraphe 25 de CCH Canadienne Ltée c. Barreau du Haut-Canada, [2004] 1 R.C.S. 339 :

Pour ces motifs, j’arrive à la conclusion qu’une œuvre « originale » au sens de la Loi sur le droit d’auteur est une œuvre qui émane d’un auteur et qui n’est pas une copie d’une autre œuvre. Toutefois, cela ne suffit pas à rendre une œuvre originale. Elle doit en outre être le produit de l’exercice du talent et du jugement d’un auteur. Cet exercice ne doit pas être négligeable au point qu’on puisse le qualifier d’entreprise purement mécanique. Bien qu’une œuvre créative soit par définition « originale » et protégée par le droit d’auteur, la créativité n’est pas essentielle à l’originalité.

 

[149]       La programmation informatique qui découle nécessairement du système d’exploitation ou qui relève des pratiques courantes n’est pas une expression originale et ne peut être protégée par le droit d’auteur; voir Delrina Corp. c. Triolet Systems Inc. (2002), 58 O.R. (3d) 339 (C.A.), paragraphes 52 à 55.

 

[150]       Les compilations qui comprennent des éléments non protégeables par le droit d’auteur peuvent être protégées par celui‑ci. Si sa forme ou son expression est originale, la compilation sera protégée. L’impossibilité d’obtenir un droit d’auteur sur les éléments constitutifs de la compilation n’empêche pas cette dernière d’être protégée. Cependant, celui qui a effectué la compilation ne jouit pas d’un droit d’auteur sur ses éléments constitutifs, mais seulement sur son ensemble. Voir CCH, paragraphes 33 à 36.

 

[151]       À mon sens, le titulaire du droit d’auteur sur un programme d’ordinateur ne possède pas, en principe, de droit d’auteur sur les données de l’utilisateur, sauf convention contraire.

 

[152]       Dans la présente espèce, ferai‑je observer, les fichiers de base de données ont été créés par Microsoft Access, les données appartiennent à l’utilisateur et elles sont intégrées dans les mêmes fichiers de base de données que la programmation. Dans le contexte de ces faits de l’espèce, j’estime que l’auteur ne peut détenir un droit d’auteur sur les fichiers de base de données en général, mais seulement sur les éléments de sa programmation qui se révèlent suffisamment originaux. Les fichiers de base de données appartiennent à l’utilisateur, en l’occurrence Foss Transport.

 

[153]       J’examinerai maintenant la question de l’existence d’un droit d’auteur sur chacun des programmes d’ordinateur en cause.

 

i) Petro Dispatch

[154]       Comme on l’a vu plus haut, l’existence d’un droit d’auteur sur Petro Dispatch est présumée parce que les défendeurs l’ont contestée. À mon avis, Petro Dispatch doit être considéré comme une compilation de modules de programme. En conséquence, il incombe aux défendeurs de prouver que la compilation considérée dans son ensemble ne peut être protégée par le droit d’auteur. Je conclus sans hésitation que la compilation Petro Dispatch est une œuvre originale, protégée par le droit d’auteur.

 

[155]       La preuve des défendeurs incite à douter fort que certains modules considérés isolément soient protégeables par le droit d’auteur. Cependant, cela ne suffit pas à prouver l’inexistence d’un droit d’auteur sur la compilation. La preuve établit que l’assemblage des éléments constitutifs – jeux de données d’entrée de l’utilisateur, et outils de répartition, de prévision, de rapprochement des comptes et de facturation – est original et a nécessité l’exercice du niveau voulu de talent et de jugement. J’estime donc que Petro Dispatch est protégé par le droit d’auteur.

 

[156]       À mon avis, il existe un droit d’auteur sur la compilation, malgré les éléments de preuve tendant à établir que de nombreux aspects de la programmation de chaque module font problème, par exemple : les erreurs, les négligences, la simplicité de la programmation, le recours aux fonctionnalités dictées par Microsoft Access et l’application des pratiques courantes de programmation. Certains modules sont manifestement le produit d’un exercice de talent et de jugement « négligeable au point qu’on [peut] le qualifier d’entreprise purement mécanique » (CCH, paragraphe 25), et ne sont donc pas protégeables par un droit d’auteur distinct. De plus, tous les modules sont entachés de multiples erreurs, ce qui laisse supposer l’absence de l’exercice nécessaire du talent et du jugement. Cependant, le droit d’auteur sur ce programme d’ordinateur repose sur la compilation considérée dans son ensemble.

 

[157]       La Cour suprême du Canada formule les observations suivantes au paragraphe 33 de CCH :

[Le droit d’auteur] protège l’originalité de la forme ou de l’expression. Une compilation consiste dans la présentation, sous une forme différente, d’éléments existants. Celui qui l’effectue n’a aucun droit d’auteur sur les composantes individuelles. Cependant, il peut détenir un droit d’auteur sur la forme que prend la compilation.

 

[158]       Même si les modules considérés isolément ne sont peut-être pas protégeables par un droit d’auteur distinct, il suffit, dans la présente espèce comme dans CCH, que la compilation revête une forme originale et soit donc protégée par le droit d’auteur.

 

[159]       La demanderesse soutient que chacune des modifications, « corrections » et adjonctions dont Petro Dispatch a fait l’objet est protégeable par un droit d’auteur distinct.

 

[160]       À mon sens, il n’existe pas de droit d’auteur distinct sur les adjonctions, modifications et « corrections » apportées à Petro Dispatch, exception faite du module de prévision de dépassement et du module de la paie. J’estime, d’après la prépondérance des probabilités, que les défendeurs ont réfuté la présomption de l’existence d’un droit d’auteur sur lesdites adjonctions, modifications et corrections.

 

[161]       Les modifications apportées par M. Chari aux prix, aux taux et aux unités de mesure revêtent un caractère purement mécanique et ne sont pas protégeables par un droit d’auteur distinct. 

 

[162]       Les modifications étant des « corrections » visant à inclure des fonctionnalités, qui permettent à celles-ci de fonctionner de la manière prévue initialement, ne seront pas en elles‑mêmes protégées par un droit d’auteur distinct et complémentaire, à moins que l'exercice d'un niveau suffisant de talent et de jugement ne leur confère un caractère original. D’après les faits exposés dans la présente cause, je suis convaincu que ces « corrections » étaient négligeables, non originales et dictées par le programme et les fonctions de Microsoft Access.

 

[163]       De même, la manière de remettre les colonnes en forme et de changer les zones de texte simple est dictée par Microsoft Access. Ce travail n’a pas nécessité l’exercice d’un niveau suffisant de talent et de jugement pour qu’on puisse le considérer comme original.

 

[164]       La demanderesse soutient aussi que les fonctions relatives aux différentiels de prix, aux charges minimales, aux charges divisées et aux taux uniformes ont été ajoutées pendant la durée du contrat de rémunération hebdomadaire. Or j’ai conclu que ces caractéristiques étaient en fait comprises dans le produit d’origine dont une licence d’utilisation a été concédée à Foss Transport et qu’elles avaient été installées avant le commencement du contrat de rémunération hebdomadaire. Cependant, le moment de leur création n’a aucune incidence sur mon opinion selon laquelle ces modifications ne sont pas protégeables par un droit d’auteur distinct.

 

[165]       Ces fonctions s’exécutent quand un employé de Foss Transport sélectionne une « case à cocher », puis entre le taux applicable. De nombreux objets, comme les cases à cocher, sont des fonctions intégrées à Microsoft Access. M. Lo déclarait, aux pages 1059 et 1060, au sujet des cases à cocher :

 

                        [TRADUCTION]

Q.        Tout d’abord, que sont les cases à cocher?

R.         Comme dans une base de données, les cases à cocher permettent à l'utilisateur de simplement cocher une case, de cliquer sur cette case, et d’ajouter ou non un crochet, pour représenter des données, oui ou non, et ainsi de suite.

Q.        Que se passe-t-il si une case est décochée?

R.         Elle devrait représenter oui; elle pourrait être oui.

Q.        Donne-t-elle des informations à une autre partie du programme?

R.         Non.

Q.        MS Access permet-il à un utilisateur de créer des cases à cocher?

R.         Oui, effectivement, cela représente l’une des caractéristiques, l’un des arguments de vente de Microsoft Access, qui permet à l’utilisateur ou au concepteur de simplement faire glisser une case à cocher dans un formulaire ou dans l’interface utilisateur sans devoir  les programmer.

Q.        Pour ce qui est des cases à cocher associées au taux des petites quantités et au taux fixe en particulier, avez-vous constaté qu’ils avaient ajouté du code source?

R.         Nous avons constaté que chaque case à cocher demandait quatre lignes de code source.

Q.        Cela représente-t-il une quantité importante?

R.         Non, pas du tout.

 

[166]       L'ajout par M. Chari dans un écran de Petro Dispatch d'un bouton de Microsoft Access, fonction inhérente au système, était une opération mécanique qui a été effectuée de la manière dictée par le programme sous-jacent, c’est-à-dire Microsoft Access.

 

[167]       De plus, c’était à l’utilisateur de déterminer le taux exact à inclure et de l'entrer dans le programme. Le fait de « cocher » la case servait seulement à inclure une valeur supplémentaire, valeur entrée manuellement par l’employé de Foss Transport, au moyen d’un calcul mathématique très simple.

 

[168]       Aucun droit d’auteur ne protège les parties ajoutées, en elles-mêmes, puisque cette modification n'a pas nécessité l'exercice d'un niveau suffisant de talent et de jugement. La programmation était exceptionnellement simple. M. Lo a donné le témoignage suivant aux pages 1067 et 1068 :

 

                        [TRADUCTION]

Q.        Le point 18 fait référence à la charge minimale, additionnée à la charge divisée et au sous-total de la charge, afin d’obtenir la charge  totale. Avez-vous trouvé ceci dans la fonction?

A.        Oui.

Q.        Une ligne de code, alors?

A.        C’est exact.

 

[169]       Le résultat de programmation ne pouvait être atteint qu'en suivant un seul processus et la demanderesse cherche à obtenir la protection du droit d’auteur pour un calcul mathématique de base.

 

[170]       La même analyse s’applique aux fonctions de supplément pour le carburant et de frais de stationnement ajoutées à Petro Dispatch. À mon avis, l’exercice de talent et de jugement qu’ont nécessité les modifications mettant en œuvre les outils intrinsèques au programme sous-jacent ou des calculs mathématiques élémentaires est insuffisant pour déterminer la protection par un droit d’auteur distinct.

 

[171]       J’observe en outre que les boutons relatifs aux frais de stationnement n’ont jamais fonctionné dans Petro Dispatch. Ce fait contribue à prouver que l’auteur n’avait pas exercé un degré suffisant de talent et de jugement.

 

ii) Le module de prévision de dépassement

[172]       Comme je le disais plus haut, j’estime que Foss Transport détenait une licence d’utilisation du module de prévision de dépassement en vertu du CLL afférent à Petro Dispatch et du contrat de rémunération hebdomadaire. Il ne s’ensuit pas nécessairement que ce module n'était pas suffisamment original, par rapport au premier état du programme Petro Dispatch, pour être protégeable par un droit d’auteur distinct. Ma conclusion signifie seulement que ledit module n’était pas un « nouveau logiciel » pour l’application du CLL en question.

 

[173]       De l’examen de la preuve relative au module de prévision de dépassement, je conclus que les défendeurs n’ont pas réfuté la présomption de l’existence d’un droit d’auteur sur ce module.

 

[174]       La preuve indique que ce programme récupérait par voie électronique des données pertinentes de Sunoco. Il effectuait également des prévisions sur les besoins en carburant et sur un réassortiment automatique des stocks selon la taille du réservoir, la consommation moyenne et la quantité de carburant restante pour 200 stations-service. En dépit du fait que l’élément de stock de sécurité ne fonctionnait pas parfaitement, que l’impression posait certains problèmes, que le programme était relativement simple et dépendant de certains aspects de Petro Dispatch, je considère qu’il possède un caractère suffisamment original et que son développement résulte de l'exercice d'un niveau suffisant de talent et de jugement pour être protégé par un droit d’auteur.

 

iii) Le module de la paie

[175]       Comme dans le cas du module de prévision de dépassement, le fait que Foss Transport détenait une licence d’utilisation du module de la paie n’empêche pas en principe celui‑ci d’être protégeable par un droit d’auteur distinct.

 

[176]       Le module de la paie était conçu pour donner à Foss Transport les moyens de rémunérer le travail de livraison de tous ses camionneurs salariés et propriétaires-exploitants.

 

[177]       Les défendeurs ont produit des éléments de preuve qui établissent selon la prépondérance des probabilités que ce module n’a jamais été modifié pour les besoins particuliers de Foss Transport et qu’il n’a jamais été opérationnel.

 

[178]       Ces éléments de preuve ne me paraissent cependant pas suffisants pour réfuter la présomption de l’existence d’un droit d’auteur sur le module en question. Le fait qu’il a été réalisé pour RCT et n’a pas été modifié pour Foss Transport, et le fait que M. Chari ne l’a jamais rendu opérationnel sur le système informatique de cette dernière, donnent malgré tout à penser qu’il est protégé par le droit d’auteur.

 

[179]       À mon avis, un programme installé sur le système informatique d’un utilisateur et dont celui‑ci n’a pas encore été capable de se servir peut néanmoins être protégé par le droit d’auteur.

 

[180]       Je conclus que le module de la paie était protégé par le droit d’auteur.

 

[181]       Je conclus qu’il existe un droit d’auteur sur Petro Dispatch et ses modules en tant que compilation, mais que les modifications, corrections et adjonctions ne sont pas protégées par un droit d’auteur distinct, exception faite du module de prévision de dépassement et du module de la paie.

 

iv) Le programme de facturation par carte d’accès

[182]       Le programme de facturation par carte d’accès (Card Lock Invoicing) me paraît dépourvu d’une originalité suffisante pour être protégé par le droit d’auteur. Je conclus, suivant la prépondérance des probabilités, que les défendeurs ont réfuté la présomption de l’existence d’un droit d’auteur sur cette œuvre. 

 

[183]       Ce programme fonctionne avec l’importation de données par l’utilisateur dans Microsoft Access à partir d’une base de données différente et indépendante du logiciel créé par M. Chari. J’accepte la preuve de M. Cristello figurant aux pages 795 à 797 de la transcription :

[TRADUCTION] Tout le travail a été effectué dans un programme appelé Phoenix, et tout a été enregistré -- tous les renseignements sur les clients, tous les produits.  Tout a été enregistré dans Phoenix, et les données ont été stockées sur un fichier appelé P4W. Tous les programmes de facturation – de M. Chari, M. Fitzgerald et Mme Warth – l’extraction de données à partir de P4W et l’insertion de ces données dans une facture. Les seuls éléments faisant partie du programme de facturation étaient réellement le produit et le prix devant être saisis. Tout le reste était extrait de P4W.

Il y a une erreur ici. Le programme de Lidia n’a aucune interaction avec P4W.

Q.        M. Cristello, pourriez-vous, s’il vous plaît, regarder l’onglet 14 et nous indiquer ce qui s’affiche sur la première page de cet onglet?

R.         Il s’agit d’une facture établie au moyen du programme de Neil Fitzgerald, une facture de carte d’accès produite par le programme de Neil Fitzgerald.

Q.        Vous avez mentionné le système de Phoenix et les systèmes qui y extraient des données. Un certain nombre de colonnes figurent sur cette facture. Est-ce qu’il s’agit des données dont vous parliez?

R.         Oui. Toutes ces colonnes à l’exception de l’information sur les prix sont réalisées à Phoenix.

Q.        À la cinquième page, il y a une facture datée du 5 juillet 2000. Reconnaissez-vous cette facture?

R.         Oui.

LA COUR : Juste une minute. La date se trouve dans le coin inférieur gauche.

M. STAPLES : Elle s’affiche dans le coin de droite également.

Q.        Pouvez-vous le constater, s’il vous plaît?

R.         Oui. Il s’agit d’une facture de cartes d’accès produites avec le nouveau programme de facturation des cartes d’accès d’Harmony.

Q.        L’information figurant dans cette facture est-elle différente de celle que nous venons d’examiner?

R.         Non, l’information est identique.

[Non souligné dans l'original.]

 

[184]       M. Chari a témoigné qu’il avait programmé la récupération de fichiers électroniques dans le système de facturation de cartes d’accès. Cette « fonction » n’était pas de la programmation, mais plutôt une série d’instructions, fournies par M. Chari, qui permettait à un utilisateur de contourner le programme et d’utiliser les commandes sous-jacentes de Microsoft Access. Aux pages 844 et 845, M. Cristello a donné le témoignage suivant :

                        [TRADUCTION]

R.         Non, à l'époque, aucune programmation n’a été effectuée pour la récupération électronique.

C’est en mai 2001. Il m’a dit de sélectionner l’icône de facturation de cartes d’accès, puis d’appuyer sur la touche Shift Enter pour ouvrir un groupe de tables. Je clique ensuite dans le coin supérieur gauche de la base de données ouverte de Microsoft Access, puis sur « Get external data » : le formulaire s’affichait alors. Je clique sur « advance, open, specs, ok, ok, finish ». Je l’enregistre dans le fichier appelé TestCFOS. J’avais alors importé quelque chose quelque part dans son programme de facturation.

 Q.       A t-il développé un logiciel pour vous permettre de faire cela?

R.         Non, il n’est pas allé jusque là.

 

[185]       La preuve démontre également que les factures sont des formulaires Microsoft Access. Les formulaires font partie intégrante des objets de Microsoft Access. Ils sont créés au moyen d’un « assistant » qui ne nécessite aucun code. Au cours du contre-interrogatoire, M. Lo a ainsi témoigné à la page 1126 de la transcription :

                        [TRADUCTION]

Q.        Un des éléments de vente mis en avant pour Microsoft Access est le fait que les utilisateurs  n’ont pas à comprendre la programmation pour utiliser ce logiciel. En fait, Microsoft Access dispose de nombreux assistants qui permettent de passer simplement à travers plusieurs procédures en répondant à des questions très simples; le programme essaiera par lui-même de créer un formulaire pour vous, de manière automatique, une table comme exemple et une requête. La programmation est ensuite réalisée par le logiciel lui-même, sans que l’utilisateur ne comprenne même les éléments de la programmation.

 

[186]       Ce témoignage était compatible avec celui de Mme Warth, à la page 1494 de la transcription :

[TRADUCTION] De retour à la partie de l’écran précédent, on peut dire, « create a new form »  (« créer un nouveau formulaire »). Un assistant vous permet de le créer; vous ne devez pas écrire de code.

 

[187]       Je conclus que les données importées de Phoenix, plus précisément du fichier P4W, contenaient toute l’information nécessaire, sauf les prix. J’en déduis que cette information dictait la forme et le contenu des factures. De plus, le programme n’importait pas de données électroniquement; le logiciel Microsoft Access exécutait l’importation lorsque l’utilisateur ouvrait ce programme et activait une fonction inhérente audit logiciel. Je constate également que l’utilisateur devait introduire les prix manuellement. En conséquence, je conclus que le seul élément original de la programmation était la sélection du produit.

 

[188]       Au vu de ce qui précède, le programme de facturation par carte d’accès ne me paraît pas protégé par le droit d’auteur, étant donné qu’il n’était pas original; en effet, de ce qu’il reposait sur les objets inhérents à Microsoft Access, il suit qu’il n’a pas ou guère nécessité de programmation originale et qu’il n’y avait qu’une manière d’exécuter ce processus. Reconnaître l’existence d’un droit d’auteur sur des produits de cette nature reviendrait à considérer comme protégé par un tel droit le produit du travail automatique de Microsoft Access.

 

v) Railmaster

[189]       À mon avis, les défendeurs n’ont pas réussi à réfuter la présomption de l’existence d’un droit d’auteur sur cette œuvre.

 

[190]       Comme Petro Dispatch, le programme Railmaster est une compilation de multiples propriétés, données d’entrée et fonctions de facturation. Quels que soient les défauts, les erreurs ou les lacunes dont les éléments constitutifs de ce programme sont entachés, ils ne suffisent pas, comme je l’expliquais plus haut, à réfuter la présomption de l’existence d’un droit d’auteur sur l’ensemble de la compilation.

 

[191]       J’ai conclu que les formules de saisie de données relatives à tous les produits de Foss Transport facturés au moyen de Railmaster étaient comprises dans l’achat du premier état de ce programme. Quel que soit le moment de leur création, les formules ultérieures de saisie de données ne possèdent pas une originalité suffisante pour être protégeables par un droit d’auteur distinct. Je conclus, suivant la prépondérance des probabilités, que les formules ultérieures n’étaient que des copies de formules préexistantes, ayant fait l’objet de modifications tout à fait négligeables et de caractère mécanique.

 

[192]       En conséquence, je conclus que Railmaster est protégé par le droit d’auteur en tant que compilation de propriétés. Je conclus également que ne sont pas protégées par le droit d’auteur les formules, considérées isolément, de saisie de données relatives aux divers produits de Foss Transport facturés au moyen de Railmaster.

 

            vi) Les modifications

[193]       J’ai déjà examiné les modifications que la demanderesse affirme avoir été opérées pendant la durée du contrat de rémunération hebdomadaire. J’ai conclu de cet examen que, d’entre toutes les modifications, seuls le module de prévision de dépassement et le module de la paie sont protégés par le droit d’auteur.

 

vii) Conclusion sur l’existence d’un droit d’auteur

[194]       À mon avis, Petro Dispatch, Railmaster, le module de prévision de dépassement et le module de la paie sont protégés par le droit d’auteur. Cependant, le programme de facturation par carte d’accès, et les autres modifications, adjonctions et « corrections » considérées isolément, ne me paraissent pas suffisamment originaux pour être ainsi protégés.

 

Qui est titulaire du droit d’auteur sur le logiciel?

[195]       Dans les conclusions en réplique qu’elle a présentées à l’instruction, la demanderesse a soutenu que la Cour ne devrait pas autoriser les défendeurs à contester sa titularité du droit d’auteur, au motif qu’ils n’avaient pas fait valoir ce moyen dans leur défense. 

 

[196]       Je rejette cet argument. Les défendeurs ont contesté la titularité du droit d’auteur dans leurs conclusions écrites aussi bien que dans le cadre du contre-interrogatoire de M. Chari, le représentant de la demanderesse. Quoi qu’il en soit, comme le droit d’auteur tire son origine de la loi, la demanderesse doit prouver, suivant la prépondérance des probabilités, chaque élément de la violation de ce droit. L’un de ces éléments est sa titularité du droit d’auteur qu’elle affirme avoir été violé.

 

[197]       Les dispositions relatives à la titularité qui se révèlent pertinentes pour la présente action se trouvent aux articles 13 et 34.1 de la Loi sur le droit d’auteur. Elles sont ainsi libellées :

Possession du droit d’auteur

 

13. (1) Sous réserve des autres dispositions

de la présente loi, l’auteur d’une œuvre est le

premier titulaire du droit d’auteur sur cette œuvre.

 

Gravure, photographie ou portrait

 

(2) …

 

Œuvre exécutée dans l’exercice d’un emploi

 

(3) Lorsque l’auteur est employé par une autre personne en vertu d’un contrat de louage de service ou d’apprentissage, et que l’œuvre est exécutée dans  l’exercice de cet emploi, l’employeur est, à moins de stipulation contraire, le premier titulaire du droit d’auteur; mais lorsque l’œuvre est un article ou une autre contribution, à un journal, à une revue ou à un périodique du même genre, l’auteur, en l’absence de convention contraire, est réputé posséder le droit d’interdire la publication de cette œuvre ailleurs que dans un journal, une revue ou un périodique semblable.

 

 

Cession et licences

 

(4) Le titulaire du droit d’auteur sur une œuvre peut céder ce droit, en totalité ou en partie, d’une façon générale ou avec des restrictions relatives au territoire, au support matériel, au secteur du marché ou à la portée de la cession, pour la durée complète ou partielle de la protection; il peut également concéder, par une licence, un intérêt quelconque dans ce droit; mais la cession ou la concession n’est valable que si elle est rédigée par écrit et signée par le titulaire du droit qui en fait l’objet, ou par son agent dûment autorisé.

Ownership of copyright

 

13. (1) Subject to this Act, the author of a work shall be the first owner of the copyright

therein.

 

 

 

Engraving, photograph or portrait

 

(2) …

 

Work made in the course of employment

 

(3) Where the author of a work was in the employment of some other person under a contract of service or apprenticeship and the work was made in the course of his employment by that person, the person by whom the author was employed shall, in the absence of any agreement to the contrary, be the first owner of the copyright, but where the work is an article or other contribution to a newspaper, magazine or similar periodical, there shall, in the absence of any agreement to the contrary, be deemed to be reserved to the author a right to restrain the publication of the work, otherwise than as part of a newspaper, magazine or similar periodical.

 

Assignments and licences

 

(4) The owner of the copyright in any work may assign the right, either wholly or partially, and either generally or subject to limitations relating to territory, medium or sector of the market or other limitations relating to the scope of the assignment, and either for the whole term of the copyright or for any other part thereof, and may grant any interest in the right by licence, but no assignment or grant is valid unless it is in writing signed by the owner of the right in respect of which the assignment or grant is made, or by the owner’s duly authorized agent.

 

Présomption de propriété

 

 

34.1 (1) Dans toute procédure pour violation du droit d’auteur, si le défendeur conteste l’existence du droit d’auteur ou la qualité du demandeur :

 

...

 

b) l’auteur, l’artiste-interprète, le producteur ou le radiodiffuseur, selon le cas, est, jusqu’à preuve contraire, réputé être titulaire de ce droit d’auteur.

 

Presumptions respecting copyright and ownership

 

34.1 (1) In any proceedings for infringement of copyright in which the defendant puts in issue either the existence of the copyright or the title of the plaintiff thereto,

 

 

(b) the author, performer, maker or broadcaster, as the case may be, shall, unless the contrary is proved, be presumed to be the owner of the copyright.

 

[198]       L’alinéa 34.1(1)b) de la Loi sur le droit d’auteur dispose que, dans toute procédure pour violation du droit d’auteur, si le défendeur conteste l’existence du droit d’auteur ou la qualité du demandeur, l’auteur de l’œuvre en question est, jusqu’à preuve contraire, réputé être titulaire de ce droit d’auteur.

 

[199]       Il a été établi suivant la prépondérance des probabilités que M. Chari est l’auteur du logiciel qui nous occupe. Cette qualité ne lui a pas été contestée. Afin d’éviter toute ambiguïté, je formule ici la conclusion que, au vu de la preuve, M. Chari est personnellement l’auteur du logiciel qui fait l’objet du présent litige.

 

[200]       Les défendeurs à la présente action ont explicitement contesté la qualité de la demanderesse.

 

[201]       Par conséquent, l’alinéa 34.1 (1)b) de la Loi sur le droit d’auteur établit la présomption réfutable que M. Chari est le titulaire du droit d’auteur sur la totalité du logiciel en question.

 

i) Petro Dispatch

[202]       Dans la présente espèce, la présomption établie par l’alinéa 34.1(1)b) de la Loi sur le droit d’auteur pose un problème fondamental pour la demanderesse relativement à Petro Dispatch. En effet, M. Chari n’est pas partie à la présente action; en supposant qu’il soit le titulaire du droit d’auteur sur Petro Dispatch, la demanderesse ne peut avoir gain de cause que si ce droit lui a été valablement cédé.

 

[203]       La demanderesse fait reposer sur un acte de cession nunc pro tunc sa prétention à la titularité du droit d’auteur sur Petro Dispatch. Une copie de cet acte, daté du 10 juin 2009, a été versée au recueil des pièces de l’instruction, sous l’onglet 128 de la pièce 1. Ce document mérite examen.

 

[204]       Premièrement, je note que la Loi sur le droit d’auteur reconnaît la cessibilité du droit d’auteur. La même loi dispose aussi, à ses articles 57 et 58, qu’un acte de cession peut être enregistré. Son paragraphe 53(2.1) porte que le certificat d’enregistrement de la cession d’un droit d’auteur constitue « la preuve que le droit qui y est inscrit a été cédé et que le cessionnaire figurant à l’enregistrement en est le titulaire ».

 

[205]       La cession qu’invoque ici la demanderesse me paraît cependant poser problème. Le paragraphe 13(4) de la Loi sur le droit d’auteur dispose que la cession d’un droit d’auteur n’est valable que si elle est rédigée par écrit. Cette exigence que la cession soit faite par écrit est une condition de fond, et non une simple règle de preuve; voir Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd., [1982] 1 C.F. 638, paragraphe 26.

 

[206]       L’acte de cession dressé le 10 juin 2009 est intitulé « Nunc Pro Tunc Copyright Assignment » (Cession de droit d’auteur nunc pro tunc). On trouve la définition suivante de l’expression nunc pro tunc dans la sixième édition du Black’s Law Dictionary, dirigée par Bryan Gardner :

[TRADUCTION] [Expression latine signifiant « maintenant pour alors »] Ayant un effet juridique rétroactif en vertu du pouvoir inhérent d’un tribunal <la cour a inscrit une ordonnance nunc pro tunc pour corriger une erreur d’écriture au dossier>

[…]

 

 

[207]       La Loi sur le droit d’auteur ne contient pas de dispositions explicites sur les cessions nunc pro tunc, mais la Section de première instance de la Cour fédérale, en la personne du défunt juge Rouleau, a examiné cette question dans la décision Star-Kist Foods Inc. c. Registraire des marques de commerce et al., 3 C.P.C. (3d) 208, inf. par 20  C.P.R. (3d) 46, qui concernait un recours contre une décision du registraire des marques de commerce.

 

[208]       Dans cette affaire, un acte de cession intitulé « Assignment Nunc Pro Tunc » (Cession nunc pro tunc), fait le 23 septembre 1980, portait qu’il prenait effet au 8 août 1979. La cession en question avait été enregistrée le 4 février 1981. Le registraire avait refusé de radier cet enregistrement après avoir pris en considération la doctrine nunc pro tunc, résumée dans les termes suivants par le juge de première instance à la page 212 de sa décision :

[Le registraire] a conclu que la procédure « nunc pro tunc » n’est pas une confirmation de l’intention des parties, mais plutôt une procédure qui permet l’enregistrement d’un acte qui a effectivement eu lieu antérieurement. Cette procédure ne peut être utilisée à des fins de convenance pour donner un effet rétroactif à une chose qu’on a pu oublier, prévoir ou négliger de faire. Loin de créer des droits en soi, la procédure ne fait qu’établir qu’un droit, créé dans le passé mais non enregistré, peut être confirmé.

 

 

 

[209]       Plus loin, à la page 212, le juge de première instance a rappelé le caractère discrétionnaire de la décision du registraire, relativement au point de savoir si les éléments d’appréciation proposés à son attention attestaient l’existence du transfert d’une marque de commerce, et il a ajouté : « à moins qu’on ne me présente une preuve contraire, je ne puis modifier sa conclusion sur les faits relatifs au transfert ». Le juge de première instance a rejeté le recours.

 

[210]       La décision du juge de première instance a été contestée devant la Cour d’appel fédérale, qui a fait droit au recours. Elle a conclu que le registraire était tenu d’exercer son pouvoir discrétionnaire conformément au droit et que l’interprétation de l’acte de cession considéré était une question mixte de fait et de droit. Le juge Mahoney a déclaré ce qui suit au nom de la Cour d’appel fédérale à la page 50 de l’arrêt :

Sauf le respect que je dois au registraire, j’estime qu’il a nettement erré en interprétant l’expression « nunc pro tunc » comme il l’a fait. Cette qualification du titre ne peut changer le véritable sens du texte. Le 23 septembre 1980, Debdonell cédait l’enregistrement à Menu Foods, rétroactivement au 8 août 1979. L’enregistrement de cette cession le 4 février 1981 a eu pour effet d’enregistrer un changement de propriétaire en date du 23 septembre 1980 et non du 8 août 1979.

 

 

[211]       Le juge Mahoney a ensuite souligné l’importance de la preuve s’agissant de déterminer l’effet de la cession supposée. Il a aussi examiné la preuve au dossier et s’est interrogé sur l’insuffisance des éléments tendant à étayer l’explication donnée par Menu Foods Limited, le cessionnaire. Il écrit ce qui suit à la page 51 :

[…] Il ne m’appartient pas de m’attarder sur les motifs de M. Green, mais ses intentions semblent claires. La preuve ne m’inspire aucune autre conclusion que celle‑ci : vers le 8 août 1979, personne n’avait l’intention d’enregistrer Menu Foods à titre de propriétaire de la marque de commerce. J’estime donc que, dans les circonstances, la conclusion contraire est fondée sur une erreur manifeste et dominante, voir Stein c. Le Navire « Kathy K », [1976] 2 R.C.S. 802, à la page 808.

 

 

[212]       À mon sens, le principe à déduire de cet arrêt de la Cour d’appel fédérale est que, pour pouvoir invoquer une cession nunc pro tunc, il faut produire des éléments de preuve relatifs à l’objet et à l’effet que le cédant avait en vue en opérant cette cession.

 

[213]       Dans la présente espèce, l’acte intitulé « Nunc Pro Tunc Copyright Assignment » est libellé comme suit :

[TRADUCTION]

 

1.         Je soussigné SUSHIL CHARI confirme avoir cédé le 16 mars 2000 à HARMONY CONSULTING LTD. (le cessionnaire) la totalité de mes droits à l’échelle mondiale sur le logiciel désigné Petro Dispatch 2000 (le logiciel), à savoir : le droit d’auteur où qu’il soit applicable maintenant ou à l’avenir, et de quelque manière qu’il soit maintenant ou à l’avenir renouvelé, prolongé ou recouvré; tous les autres droits de propriété intellectuelle; et tous les autres droits de quelque nature qu’ils soient, y compris le droit d’action en violation du droit d’auteur ou en toute autre forme d’abus de tous droits sur le logiciel, sur la base de faits générateurs passés ou futurs.

 

2.         Je confirme en outre avoir renoncé en faveur du cessionnaire, le 16 mars 2000, à mes droits moraux et assimilés sur le logiciel à l’échelle mondiale, notamment au droit d’être associé à celui‑ci, au droit à son intégrité – y compris au droit d’en empêcher ou d’en limiter quelque modification que ce soit –, ainsi qu’au droit d’en interdire l’utilisation en liaison avec un produit, une cause, un service ou une institution, quels qu’ils soient.

 

 

[214]       Les seuls éléments de preuve touchant les circonstances de la cession de mars 2000 proviennent de M. Chari, l’auteur du logiciel Petro Dispatch et l’actionnaire unique de la demanderesse.

 

[215]       M. Chari a déclaré dans son témoignage qu’il avait cédé son droit d’auteur sur Petro Dispatch à Harmony en mars 2000. Cependant, cette cession n’avait pas été faite par écrit. Il dit en effet aux pages 197 et 198 de la transcription de l’instruction :

[TRADUCTION]

R.               Par écrit, oui. Bien sûr, il va sans dire pour moi que je suis l’auteur du logiciel. Harmony est une société que je détiens en propriété exclusive. Évidemment, j’ai opéré la cession en esprit, puisque l’acte a été passé par Harmony et non par Sushil Chari. Il est évident que, en 2000, j’ai opéré la cession mentalement, si je peux m’exprimer ainsi.

 

 

[216]       La cession de mars 2000 a été effectuée seulement dans l’esprit de M. Chari. Or le paragraphe 13(4) de la Loi sur le droit d’auteur dispose que toute cession doit être faite par écrit. Une cession mentale n’est pas une cession valable. La seule cession que M. Chari ait opérée par écrit, concernant Petro Dispatch, est celle du 10 juin 2009.

 

[217]       J’ai déjà formulé mon opinion sur la crédibilité de M. Chari. Il ne m’a pas paru crédible. Me fondant sur le passage précité de son témoignage reproduit aux pages 197 et 198 de la transcription de l’instruction, j’estime qu’il n’a pas été produit d’éléments de preuve crédibles qui suffiraient à étayer l’inférence qu’une cession valable du droit d’auteur sur le logiciel Petro Dispatch ait été opérée le 16 mars 2000.

 

[218]       Comme dans Star‑Kist, mutatis mutandis, il n’y a pas ici de preuve suffisante pour étayer l’inférence que M. Chari avait l’intention, le ou vers le 16 mars 2000, de céder son droit d’auteur sur Petro Dispatch à la demanderesse. Le témoignage de M. Chari donne à penser que la cession en date du 10 juin 2009 n’était pour lui qu’un expédient destiné à lui éviter les problèmes découlant du fait qu’il n’est pas partie à la présente action, et telle est ma conclusion.

 

[219]       Qui plus est, la cession des droits moraux sur Petro Dispatch qu’a voulu opérer M. Chari n’est pas valable. En tant qu’auteur de Petro Dispatch, M. Chari est bien titulaire des droits moraux y afférents, mais ces droits, comme le dispose le paragraphe 14.1(2) de la Loi sur le droit d’auteur, sont incessibles. Toutefois, selon le même paragraphe, ainsi que le paragraphe 14.1(4), l’auteur peut renoncer aux droits moraux au bénéfice du titulaire du droit d’auteur ou du détenteur d’une licence, leur permettant ainsi d’invoquer ces droits.

 

[220]       Comme dans le cas de la cession du droit d’auteur, la preuve produite ne suffit pas à établir que M. Chari avait l’intention en mars 2000 de renoncer à ses droits moraux au bénéfice de la demanderesse. De toute façon, comme il n’a pas été effectué de cession valable en faveur de la demanderesse, que ce soit en mars 2000 ou nunc pro tunc, une telle renonciation ne remplirait pas les critères de la Loi sur le droit d’auteur.

 

[221]       En conséquence, l’acte de cession nunc pro tunc en date du 10 juin 2009 est inopérant et, en dernière analyse, dénué de pertinence pour la présente action.

 

[222]       Soit dit par parenthèse, j’accepte les déclarations de MM. Foss et Cristello selon lesquelles, exception faite de l’extraction de données chronologiques, aucun élément des programmes en question n’a été utilisé après la cession par écrit du droit d’auteur à Harmony.

 

[223]       Cette cession supposée pose encore un autre problème, à savoir que, comme je l’ai conclu plus haut, le logiciel Petro Dispatch a été créé avant la constitution de Harmony. Il n’est donc pas possible pour Harmony d’être titulaire du droit d’auteur sur Petro Dispatch en l’absence d’une cession opérée après sa constitution.

 

[224]       La demanderesse, se fondant sur la décision A-One Accessory Imports Pty Ltd. c. Off Road Imports Pty Ltd (1996), 34 I.P.R. 306 (Cour fédérale d’Australie, Division générale), fait valoir que le logiciel a été créé en prévision de la constitution de Harmony. Cette décision n’aide pas la demanderesse parce que les faits qui y sont examinés se distinguent de ceux de la présente espèce.  

 

[225]       En tout état de cause, le logiciel considéré dans la présente espèce a été créé avant la constitution de Harmony. Dans A‑One Accessory, la société existait déjà quand les auteurs ont commencé à réaliser l’œuvre. Cela me paraît être une différence fondamentale. Harmony n’existait pas encore au moment du développement de Petro Dispatch, qui a en fait été créé pour RCT. 

 

[226]       En outre, les faits ne me paraissent pas étayer la conclusion que M. Chari aurait envisagé la constitution de Harmony pendant la période où il travaillait par l’intermédiaire d’Atrimed, c’est‑à‑dire de 1998 à 2000.

 

[227]       En conséquence, toute cession du droit d’auteur sur Petro Dispatch en 2000, quelle qu’en soit la forme, aurait à mon avis été invalide au motif que M. Chari n’était pas titulaire de ce droit.

 

[228]       J’ai conclu que M. Chari est l’auteur de la totalité du logiciel en question dans la présente action. Cependant, j’estime aussi que la présomption établie par l’alinéa 34.1(1)b) de la Loi sur le droit d’auteur se trouve réfutée par les faits présentés à l’instruction et par l’effet du paragraphe 13(3) de la même loi. Pour les motifs dont l’exposé suit, je conclus que le titulaire du droit d’auteur sur Petro Dispatch était en réalité Atrimed.

 

[229]       Le paragraphe 13(3) de la Loi sur le droit d’auteur dispose que lorsque l’auteur est employé par une autre personne en vertu d’un contrat de louage de service et que l’œuvre est exécutée dans l’exercice de cet emploi, c’est l’employeur qui, à moins de stipulation contraire, est réputé être le titulaire du droit d’auteur.

 

[230]       Ce principe est généralement applicable aussi aux dirigeants, administrateurs et principaux salariés d’une société qui créent une œuvre à son profit. La titularité appartient normalement à la société sauf convention contraire; voir Dubois c. Systèmes de Gestion et d’Analyse de Données Media (1991), 41 C.P.R. (3d) 92 (C.S. Qc); Setym International inc. c. Belout, [2001] J.Q. no 3819 (C.S. Qc) [Q.L.]; et B & S Publications Inc. c. Max-Contacts Inc., [2001] 287 A.R. 201 (C.B.R. Alb.).

 

[231]       Rappelons en outre que le juriste David Vaver a examiné ce principe dans le contexte des sociétés à actionnariat restreint, à la page 85 de Copyright Law, Toronto, Irwin Law, 2000 :

[TRADUCTION] (…) La question de la titularité du droit d’auteur se pose également dans les affaires concernant des cadres supérieurs de sociétés, en particulier les présidents ou directeurs généraux de sociétés à actionnariat restreint. Ces cadres omettent parfois de définir par écrit leur statut ou leurs obligations envers la société, qu’ils considèrent souvent comme leur alter ego ou leur instrument. Ils sont aussi en général des employés de la société, que le fait soit ou non sanctionné par un contrat de service écrit. C’est donc la société qui détient le droit d’auteur sur la plupart des œuvres produites par ces cadres à son profit, comme il en va pour les œuvres comparables créées par des employés de niveau inférieur.

 

 

[232]       La Cour du Banc de la Reine de l’Alberta, en la personne du juge Hutchinson, a accepté cette explication de Vaver comme étant une proposition de droit correcte dans B & S Publications Inc.

 

[233]       À l’instruction, M. Chari a déclaré qu’il n’avait jamais été un employé de Harmony ni d’Atrimed, et que c’était lui, et non Atrimed, qui avait réalisé le logiciel Petro Dispatch.

 

[234]       Atrimed existait comme personne morale distincte au moment où a commencé le développement de Petro Dispatch. M. Chari était l’un des actionnaires de cette société, qui n’en comptait que deux.

 

 

[235]       M. Chari a affirmé dans son témoignage qu’il n’avait jamais prêté attention au point de savoir qui développait le logiciel, lui-même ou Atrimed. Or cette déclaration est contredite par une autre qu’il a faite dans son interrogatoire préalable, selon laquelle [TRADUCTION] « Atrimed avait commencé le développement du logiciel ».

 

[236]       M. Foss a déclaré à la barre qu’on lui avait dit, au moment de la première démonstration de Petro Dispatch, qu’Atrimed était la société qui développait ce logiciel.  Cette démonstration a été effectuée par M. Chari chez RCT. L’avocat de Harmony, lorsqu’il a contre-interrogé M. Foss, n’a pas contesté ce point et s’est contenté de confirmer les déclarations du témoin.

[237]       M. Chari a déclaré à la barre qu’Atrimed ne faisait pas affaire avec RCT et qu’elle était pour l’essentiel inactive au moment du développement du logiciel. Or ces déclarations se révèlent en contradiction avec une réponse qu’il a donnée à son interrogatoire préalable, selon laquelle Atrimed faisait affaire avec RCT.

 

[238]       Il n’est pas contesté que c’est Atrimed qui facturait à RCT les frais de développement et les redevances d’utilisation de Petro Dispatch, et que RCT payait ces redevances à Atrimed, et non à M. Chari. Ce dernier, en tant que personne physique, n’a participé à aucune de ces opérations. Il ressort à l’évidence de ce comportement que M. Chari exerçait son activité commerciale en partant du principe qu’Atrimed était titulaire du droit d’auteur sur Petro Dispatch. Dans l’hypothèse contraire, Atrimed aurait concédé une licence d’utilisation d’un logiciel sur lequel elle ne détenait pas le droit d’auteur.

 

[239]       Je conclus selon la prépondérance des probabilités qu’Atrimed développait le logiciel et faisait affaire avec RCT. M. Chari était un membre de première importance de cette société à actionnariat restreint, dont la seule source de bénéfices et d’activité commerciale au moment du développement de Petro Dispatch était ce développement même.

 

[240]       Compte tenu de la jurisprudence relative aux dirigeants et administrateurs de sociétés à actionnariat restreint, je conclus que M. Chari, au moment du développement de Petro Dispatch, était employé par Atrimed sous le régime du paragraphe 13(3) de la Loi sur le droit d’auteur.

 

[241]       L’employeur est, à moins de stipulation contraire, le titulaire du droit d’auteur sur une œuvre créée par un de ses employés. Il n’a pas été produit en preuve de convention écrite entre Atrimed et M. Chari conservant le droit d’auteur à ce dernier. En conséquence, je conclus qu’Atrimed est titulaire du droit d’auteur sur Petro Dispatch. M. Chari, en tant qu’employé, n’avait pas de droit d’auteur qu’il aurait pu céder.

 

[242]       Les modules de Petro Dispatch dont une licence d’utilisation a été concédée à RCT sont les mêmes que ceux qui faisaient l’objet de la licence octroyée à Foss. Atrimed étant titulaire du droit d’auteur sur Petro Dispatch, Foss Transport ne peut avoir porté atteinte aux droits de Harmony puisque Atrimed n’a pas cédé par écrit de droits à cette dernière. Même à supposer que M. Chari ait été le titulaire du droit d’auteur, ce droit n’a été cédé par écrit que la semaine précédant l’instruction. Harmony ne peut être reçue en sa prétention touchant la violation du droit d’auteur sur Petro Dispatch.

 

ii) Le programme de facturation par carte d’accès

[243]       Il ne peut y avoir eu violation du droit d’auteur sur le programme de facturation par carte d’accès, puisque j’ai conclu que ce programme n’est pas protégé par le droit d’auteur.

 

iii) Railmaster, le module de prévision de dépassement et le module de la paie

[244]       Comme dans le cas de Petro Dispatch, il y a présomption que l’auteur est le titulaire du droit d’auteur sur ces modules; voir le paragraphe 13(1). Se fondant sur cette présomption, les défendeurs soutiennent que c’est M. Chari, et non Harmony, qui est le titulaire du droit d’auteur sur Railmaster, le module de prévision de dépassement et le module de la paie. Ils ont fait état dans leurs conclusions des déclarations de M. Chari selon lesquelles il n’avait jamais été employé par Harmony, ainsi que du fait qu’il ne lui avait pas cédé par écrit son droit d’auteur sur ces trois programmes.

 

[245]       C’est Harmony qui, selon moi, est titulaire du droit d’auteur sur Railmaster, le module de prévision de dépassement et le module de la paie. Comme il avait traité avec RCT par l’intermédiaire de la société Atrimed, M. Chari a développé ces programmes à la demande de Foss Transport par l’intermédiaire de Harmony. Il était l’actionnaire et exploitant unique de cette dernière société, et l’utilisait pour exercer son activité de développement de logiciels. C’est Harmony, et non M. Chari, que Foss Transport a rémunérée pour le développement du logiciel en question. Je conclus de ces faits que M. Chari était employé par Harmony quand il a réalisé Railmaster, le module de prévision de dépassement et le module de la paie.

 

[246]       Comme M. Chari était employé par Harmony au moment où il a réalisé le logiciel considéré, je conclus que, suivant le paragraphe 13(3) de la Loi sur le droit d’auteur, cette société est titulaire du droit d’auteur sur Railmaster, le module de prévision de dépassement et le module de la paie.

 

[247]       Je conclus en outre que Harmony est titulaire du droit d’auteur, pour autant qu’elles soient protégeables par ce droit, sur les modifications du logiciel acheté par Foss Transport qu’a exécutées M. Chari.

iv) Conclusion sur la titularité

[248]       Je conclus que la demanderesse n’est pas titulaire du droit d’auteur sur la totalité du logiciel en question, Atrimed détenant ce droit sur Petro Dispatch.

 

[249]       Je conclus en outre que Harmony est titulaire du droit d’auteur sur le reste du logiciel considéré, soit le programme Railmaster, le module de prévision de dépassement et le module de la paie.

 

Le droit d’auteur a‑t‑il été violé?

[250]       La demanderesse supporte la charge de présentation relativement à la violation supposée de son droit d’auteur. Aucune présomption ne vient l’aider dans la tâche de prouver cette violation.

 

[251]       À mon avis, la demanderesse ne s’est pas acquittée de sa charge. Au vu de la preuve, je conclus qu’il n’y a pas eu violation du droit d’auteur. En outre, en supposant qu’il y ait eu une telle violation, la demanderesse n’aurait pas droit à réparation concernant Petro Dispatch, puisqu’elle n’est pas titulaire du droit d’auteur sur ce programme, ni concernant les entités logicielles non protégeables par le droit d’auteur, par exemple le programme de facturation par carte d’accès et la plupart des modifications.

 

[252]       Les programmes d’ordinateur qu’il reste à examiner à cet égard sont Railmaster, le module de prévision de dépassement et le module de la paie. Comme ces deux derniers sont des modules de Petro Dispatch, certains des moyens avancés par la demanderesse touchant la violation du droit d’auteur sur Petro Dispatch sont pertinents pour la question de savoir s’il y a eu violation de ce droit sur lesdits modules.

 

i) Petro Dispatch

[253]       Je note que les parties ont longuement argumenté sur les modifications de Petro Dispatch à propos de la facturation de quatre clients préexistants pour le compte de Balmar. Ayant conclu que la demanderesse n’est pas titulaire du droit d’auteur sur Petro Dispatch, je ne formulerai aucune conclusion au sujet de ces modifications, puisqu’elles ne se rapportent ni au module de prévision de dépassement ni au module de la paie.

 

[254]       La Cour suprême du Canada a rappelé le principe suivant au paragraphe 9 de CCH :

Au Canada, le droit d’auteur tire son origine de la loi, et les droits et recours que prévoit la Loi sur le droit d’auteur sont exhaustifs [...]

 

Comme ces droits et recours sont exhaustifs, on ne pourrait conclure à une violation du droit d’auteur de la demanderesse que sous le régime de la Loi sur le droit d’auteur. La violation du droit d’auteur est définie au paragraphe 27(1) de cette loi, libellé comme suit :

27. (1) Constitue une violation du droit d’auteur l’accomplissement, sans le consentement du titulaire de ce droit, d’un acte qu’en vertu de la présente loi seul ce titulaire a la faculté d’accomplir.

 27. (1) It is an infringement of copyright for any person to do, without the consent of the owner of the copyright, anything that by this Act only the owner of the copyright has the right to do.

                   [Non souligné dans l’original.]

 

[255]       La Loi sur le droit d’auteur définit le droit d’auteur sur l’œuvre à son article 3, qui dispose :

Droit d’auteur sur l’œuvre

 

3. (1) Le droit d’auteur sur l’œuvre comporte le droit exclusif de produire ou reproduire la totalité ou une partie importante de l’œuvre,

sous une forme matérielle quelconque, d’en exécuter ou d’en représenter la totalité ou une partie importante en public et, si l’œuvre n’est pas publiée, d’en publier la totalité ou une partie importante; ce droit comporte, en outre, le

droit exclusif :

 

a) de produire, reproduire, représenter ou publier une traduction de l’œuvre;

 

b) s’il s’agit d’une œuvre dramatique, de la transformer en un roman ou en une autre œuvre non dramatique;

 

c) s’il s’agit d’un roman ou d’une autre œuvre non dramatique, ou d’une œuvre artistique, de transformer cette œuvre en une œuvre dramatique, par voie de représentation publique ou autrement;

 

d) s’il s’agit d’une œuvre littéraire, dramatique ou musicale, d’en faire un enregistrement sonore, film cinématographique ou autre

support, à l’aide desquels l’œuvre peut être reproduite, représentée ou exécutée mécaniquement;

 

e) s’il s’agit d’une œuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique, de reproduire,

d’adapter et de présenter publiquement l’œuvre en tant qu’œuvre cinématographique;

 

f) de communiquer au public, par télécommunication, une œuvre littéraire, dramatique,

musicale ou artistique;

 

 

g) de présenter au public lors d’une exposition, à des fins autres que la vente ou la location, une œuvre artistique — autre qu’une carte géographique ou marine, un plan ou un graphique — créée après le 7 juin 1988;

 

h) de louer un programme d’ordinateur qui peut être reproduit dans le cadre normal de son utilisation, sauf la reproduction effectuée pendant son exécution avec un ordinateur ou autre machine ou appareil;

 

 

i) s’il s’agit d’une œuvre musicale, d’en louer tout enregistrement sonore.

 

 

Est inclus dans la présente définition le droit exclusif d’autoriser ces actes.

Copyright in works

 

3. (1) For the purposes of this Act, “copyright”, in relation to a work, means the sole right to produce or reproduce the work or any substantial part thereof in any material form whatever, to perform the work or any substantial part thereof in public or, if the work is unpublished, to publish the work or any substantial part thereof, and includes the sole right

 

 

(a) to produce, reproduce, perform or publish any translation of the work,

 

(b) in the case of a dramatic work, to convert it into a novel or other non-dramatic work,

 

 

(c) in the case of a novel or other non-dramatic work, or of an artistic work, to convert it into a dramatic work, by way of performance in public or otherwise,

 

 

 

(d) in the case of a literary, dramatic or musical work, to make any sound recording,

cinematograph film or other contrivance by means of which the work may be mechanically

reproduced or performed,

 

 

 

(e) in the case of any literary, dramatic, musical or artistic work, to reproduce, adapt and

publicly present the work as a cinematographic work,

 

 

(f) in the case of any literary, dramatic, musical or artistic work, to communicate the work to the public by telecommunication,

 

(g) to present at a public exhibition, for a purpose other than sale or hire, an artistic work created after June 7, 1988, other than a map, chart or plan,

 

 

 

 (h) in the case of a computer program that can be reproduced in the ordinary course of its use, other than by a reproduction during its execution in conjunction with a machine, device or computer, to rent out the computer program, and

 

(i) in the case of a musical work, to rent out a sound recording in which the work is embodied,

 

and to authorize any such acts.

 

[256]       Constitue donc une violation du droit d’auteur l’accomplissement, sans le consentement du titulaire de ce droit, d’un acte qu’en vertu de la Loi sur le droit d’auteur seul ce titulaire a la faculté d’accomplir.

 

[257]       Pour prouver qu’il y a eu violation du droit d’auteur, la demanderesse doit établir que les défendeurs ont accompli ou autorisé l’un quelconque des actes énumérés à l’article 3 de la Loi sur le droit d’auteur. Si aucun de ces actes n’a été accompli ni autorisé, il n’y a pas eu violation du droit d’auteur. La demanderesse doit aussi prouver l’absence de consentement à l’acte qu’elle affirme constituer une telle violation.

 

[258]       La Cour d’appel fédérale a formulé au paragraphe 39 de Positive Attitude Safety System Inc. c. Albian Sands Energy Inc., [2006] 2 R.C.F. 50, les observations suivantes sur les éléments de la violation du droit d’auteur telle qu’elle est définie au paragraphe 27(1) de la Loi sur le droit d’auteur :

[…] Par conséquent, pour établir la violation du droit d’auteur, il faut prouver l’absence de consentement. Il est donc illogique de conclure qu’il y a eu violation sous réserve de la détermination de l’effet d’une licence supposée. Il se peut qu’une partie ait fait quelque chose qui, selon la Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. 1985, ch. C‑42, n’est permis qu’au titulaire du droit d’auteur. Mais, avant que cette action puisse être définie comme une violation, le juge doit constater que le titulaire du droit d’auteur n’y a pas donné son consentement.

 

[259]       Selon la demanderesse, les défendeurs ont violé son droit d’auteur en accomplissant des actes qui ne l’auraient pas violé s’ils avaient été autorisés par une licence. Comme on l’a vu plus haut, la demanderesse a soutenu que, comme Foss Transport avait cessé de lui verser les sommes prévues par le contrat de rémunération hebdomadaire, sa licence ne l’autorisait à utiliser le logiciel que dans son état antérieur à juin 2001.

 

[260]       La demanderesse a également soutenu que les défendeurs avaient violé les CLL, même si elle ne recherche pas de dommages-intérêts pour violation de contrat. À cet égard, il a soutenu que les contrats de licence, les CLL, et le contrat de rémunération hebdomadaire interdisaient certains agissements, tels que l’utilisation continue du logiciel, le dépassement du nombre d’utilisateurs, la décompilation, la distribution et la modification du logiciel.

 

[261]       Autrement dit, la demanderesse a soutenu que toute violation des contrats de licence constituait une violation de son droit d’auteur. Cet argument est par essence défectueux et ne peut être accueilli, au motif que [TRADUCTION] « la violation du droit d’auteur ne peut procéder d’une violation de contrat »; voir Corel Corp. c. Guardian Insurance Co. of Canada (2001), 26 C.C.L.I. (3d) 39 (C.S. Ont.), paragraphe 22. Comme je l’ai déjà expliqué, le droit d’auteur n’est violé que si le défendeur a accompli ou autorisé un acte que seul le titulaire de ce droit a la faculté d’accomplir sous le régime de la Loi sur le droit d’auteur.

 

[262]       Je note que le matériel informatique installé chez Foss Transport était un serveur Citrix. Il s’ensuit qu’il n’existait qu’un seul exemplaire du logiciel sur le système informatique de Foss Transport. Par conséquent, même en cas de résiliation ou d’expiration de sa licence d’utilisation du logiciel, Foss Transport n’aurait pas eu besoin d’en tirer une copie pour continuer à l’utiliser. À mon sens, la pure et simple utilisation d’un programme d’ordinateur ne peut constituer une violation du droit d’auteur y afférent.

 

[263]       De même, en supposant, mais sans trancher la question, que les défendeurs aient dépassé le nombre limite d’utilisateurs, un tel dépassement ne constitue pas une violation du droit d’auteur puisqu’il ne se rapporte pas à un acte que seul le titulaire de ce droit a la faculté d’autoriser sous le régime de la Loi sur le droit d’auteur. Le manquement à cette condition des CLL, s’il était établi, constituerait une simple violation de contrat, et non une violation du droit d’auteur.

 

[264]       La demanderesse soutient que son droit d’auteur sur Petro Dispatch a été violé lorsque la dénomination de Harmony a été remplacée par celle de BiLd Solutions sur la page-écran de démarrage. Se fondant sur Gemologists International Inc. c. Gem Scan International Inc. et. al. (1986), 9 C.P.R. (3d) 255 (H.C.J. Ont.), elle fait valoir que cette modification de la page-écran de démarrage a nécessité une reproduction, laquelle constitue une violation de son droit d’auteur.

 

[265]       Les faits de Gemologists International se distinguent de ceux de la présente espèce. Dans cette affaire, les défendeurs avaient copié et modifié le logiciel de la demanderesse, y compris les menus de la page-écran de démarrage, pour créer leur propre programme d’ordinateur. Or, dans la présente instance, la demanderesse ne soutient pas que les défendeurs ont modifié la page-écran de démarrage de Petro Dispatch pour créer leur propre logiciel. Elle affirme seulement que cette modification a été effectuée pour attribuer faussement à BiLd Solutions la qualité d’auteur de Petro Dispatch.

 

[266]       La demanderesse soutient également que son droit d’auteur a été violé lorsque des programmeurs autres que M. Chari ont apporté des modifications à Petro Dispatch. Selon elle, toute modification implique par essence une reproduction.

 

[267]       La demanderesse affirme que toute modification est en fait une copie de la quasi‑totalité du logiciel. Or, il me semble que le fait d’ouvrir un fichier, d’y apporter des modifications et de le sauvegarder ensuite ne constitue pas une reproduction sous le régime de l’article 3 de la Loi sur le droit d’auteur.

 

[268]       La Cour suprême a formulé les observations suivantes sur la signification du terme « reproduction » au paragraphe 42 de Théberge c. Galerie d’Art du Petit Champlain inc., [2002] 2 R.C.S. 336 :

Il faut garder à l’esprit la portée historique de la notion de « reproduction » figurant dans la Loi. Comme on s’y attendrait avec le mot « copyright » (droit d’auteur) lui‑même, la « reproduction » est généralement définie comme l’action de produire des copies supplémentaires ou nouvelles de l’œuvre sous une forme matérielle quelconque. La multiplication des copies serait une conséquence nécessaire de cette notion matérielle de « reproduction ». Dans l’arrêt Massie & Renwick, Ltd. c. Underwriters’ Survey Bureau, Ltd., [1940] R.C.S. 218, p. 227, le juge en chef Duff a considéré le droit d’auteur comme visant essentiellement à protéger le droit de faire des copies d’une œuvre :

 

[traduction] Je pense qu’il ne fait aucun doute qu’un ouvrage de cette nature faisait l’objet d’un droit d’auteur et que, comme il n’était pas publié, le droit exclusif d’en faire des copies ou de le publier était un droit que la common law conférait principalement à son auteur avant la loi de 1921.  [Je souligne.]

 

[269]       Mme Warth a expliqué dans son témoignage la méthode qu’elle avait suivie pour effectuer des modifications. Avant de commencer un travail de modification, voire de conversion à une version plus récente de Microsoft Access, a‑t‑elle déclaré, elle établissait une copie de sauvegarde, précaution nécessaire à cause du risque d’erreur ou de défaillance dans l’opération : il faut en effet une telle copie pour rétablir le système dans son état antérieur.

 

[270]       En fait, Mme Warth a déclaré à la barre que tout le monde tire des copies de sauvegarde. Je déduis de cette déclaration que c’est une pratique normale que d’établir une copie de sauvegarde d’un fichier de programme avant d’y apporter une modification, et je conclus dans ce sens.

 

[271]       S’il est vrai que le fait de tirer une copie pourrait constituer une violation du droit d’auteur, ce n’est pas le cas dans les circonstances qui nous occupent. L’établissement d’une seule copie de sauvegarde aux fins de modification d’un logiciel ne relève pas de la notion de multiplication examinée dans l’arrêt Théberge.

 

[272]       Quoi qu’il en soit, j’estime que les défendeurs avaient le consentement du titulaire du droit d’auteur pour faire des copies de sauvegarde de Petro Dispatch. Je renvoie à ce propos au CLL relatif à Petro Dispatch qui concédait, comme on l’a vu plus haut, une licence perpétuelle d’utilisation de ce logiciel, y compris des modifications y apportées dans le cadre du contrat de rémunération hebdomadaire. Ce CLL n’a été formellement résilié ni par Harmony ni par Foss Transport.

 

[273]       L’alinéa 2b) des « Conditions » de ce même CLL autorise la copie aux fins de sauvegarde. Le CLL ne limite pas cette autorisation aux sauvegardes quotidiennes, qui sont aussi effectuées. Je conclus que la demanderesse a expressément consenti à l’établissement d’une copie de sauvegarde avant modification, de sorte que cet acte ne constitue pas une violation du droit d’auteur suivant le paragraphe 27(1) de la Loi sur le droit d’auteur.

 

[274]       La demanderesse a aussi soutenu que toute modification nécessitait une décompilation de son logiciel. Or, comme les contrats de licence interdisaient la décompilation, toute opération de décompilation constituait selon elle une violation de son droit d’auteur.

 

[275]       La preuve ne me convainc pas, suivant la prépondérance des probabilités, que la décompilation, dans le cadre de l’utilisation de Microsoft Access, constitue une violation des droits du titulaire suivant l’article 3 de la Loi sur le droit d’auteur.

 

[276]       La décompilation a trait à la différence entre le code objet et le code source. La différence est que le code source se rapporte à la programmation au moyen d’un langage qui peut être compris par une personne. Le code objet est le résultat de la compilation du code source dans un langage informatique.

 

[277]       La « décompilation » doit être examinée dans le contexte de Microsoft Access. D’autres cas portant sur différents langages de programmation ou sur du matériel ne sont pas pertinents en l'espèce.

 

[278]       Des éléments de preuve ont indiqué que la décompilation, dans le contexte de Microsoft Access, signifiait le passage à un autre mode du programme. Cet autre mode est appelé « mode de conception ». Rien dans la preuve n'indique que le programme informatique de la demanderesse avait été compilé en une version de code exécutable qui ne pouvait pas être lu sans la décompilation en code source. Des discussions se sont tenues sur des généralités qui n’ont pas atteint le niveau de preuve selon la prépondérance des probabilités.

 

[279]       À mon avis, il ressort de la preuve que l’utilisation du mode de conception dans Microsoft Access permet simplement à un utilisateur ou un programmeur de voir les objets et la programmation Microsoft Access. En utilisant ce mode de conception, les défendeurs n’ont fait qu’utiliser une fonction intégrante de Microsoft Access pour accomplir un acte qui équivaut à regarder le programme de la demanderesse, ce qui ne constitue pas une violation du droit d’auteur.

[280]       En conséquence, l’utilisation du mode de conception dans Microsoft Access ne me paraît pas constituer un acte que seul le titulaire du droit d’auteur aurait la faculté d’autoriser, de sorte que cet acte ne viole pas le droit d’auteur.

 

[281]       Indépendamment de ces faits, je conclus que la demanderesse a implicitement consenti à l’utilisation par les défendeurs des fonctions intégrantes de Microsoft Access. Il est essentiel de se rappeler que M. Chari a choisi d’effectuer la programmation dans Microsoft Access. La compilation et la décompilation sont des fonctions automatiques de Microsoft Access. Aux pages 1124 et 1125, M. Lo a témoigné ainsi :

 

                        [traduction]

Q.        Si je voulais effectuer une modification à un écran d’affichage, pourrais-je le faire sans décompiler le logiciel?

R.         Oui, si vous entrez dans le mode de conception, le  mode de conception de cet écran s’affiche automatiquement.

Q.        Dans ce cas, l’ordinateur effectue la décompilation pour vous?

R.         C’est exact.

 

[282]       La demanderesse a choisi d’utiliser Microsoft Access comme plateforme pour le logiciel et a choisi d’intégrer les données avec la programmation effectuée par M. Chari. Ce faisant, la demanderesse a autorisé les défendeurs à utiliser le mode de conception pour apporter des modifications, telles que des modifications aux zones de texte, et leur a indiqué la manière de le faire.

 

[283]       De plus, j'ai conclu précédemment qu'il n'existait aucun droit d'auteur sur les fichiers de base de données, mais seulement sur la programmation. Une conclusion selon laquelle l’accès au mode de conception serait une violation priverait Foss Transport du droit et de la capacité d’apporter des changements à ses fichiers de base de données. La preuve révèle qu’il existe de nombreuses caractéristiques et fonctions intégrées à Microsoft Access qui peuvent être utilisées seulement au moyen du mode de conception. Rien n'indique que les défendeurs avaient l’intention de renoncer à la possibilité d’utiliser Microsoft Access, programme distinct qu’ils avaient acheté.

 

[284]       J’estime que l’utilisation du mode de conception ne constitue pas une violation du droit d’auteur ou, subsidiairement, que la demanderesse a tacitement autorisé cette utilisation.

 

[285]       Par ailleurs, en raison de la fonctionnalité opérationnelle de Microsoft Access, il est nécessaire d’effectuer cette forme limitée de décompilation pour effectuer toute modification du logiciel.

 

[286]       La demanderesse soutient aussi que le passage à une version plus récente de Microsoft Access, le programme sous-jacent, peut constituer une violation du droit d’auteur.

 

[287]       À mon avis, une mise à niveau de ce type n’est pas une modification. La mise à niveau a été effectuée en ouvrant simplement les modules de base de données ou les programmes ayant la nouvelle version de Microsoft Access. La preuve indique que toutes les modifications imprévues du logiciel, si elles ont été mises en oeuvre, ont été requises et effectuées par le programme. Je n’accepte pas que la demanderesse puisse décréter que ses clients n’ont pas le droit de mettre à niveau les programmes sous-jacents. 

 

[288]       La demanderesse n’a pas prouvé suivant la prépondérance des probabilités que le passage à une version plus récente de Microsoft Access violait le droit d’auteur d’une quelconque manière suivant le paragraphe 27(1) de la Loi sur le droit d’auteur.

 

[289]       Il est possible de définir la fausse attribution ou la modification d’un logiciel comme une violation des droits moraux de son auteur suivant le paragraphe 28.1(1) de la Loi sur le droit d’auteur.

 

[290]       La fausse attribution de la paternité d’une œuvre peut constituer une violation des droits moraux de son auteur; voir Guillemette c. Centre Coopératif de Loisirs et de Sports du Mont Orignal (1986), 15 C.P.R. (3d) 409 (C.F. 1re inst.). L’atteinte à l’intégrité de l’œuvre par sa modification peut également constituer une violation des mêmes droits. Cependant, selon le paragraphe 28.2(1) de la Loi sur le droit d’auteur, la modification d’une œuvre ne peut constituer une violation des droits moraux de son auteur que si elle porte préjudice à l’honneur ou à la réputation de ce dernier.

 

[291]       Les droits moraux appartiennent à l’auteur et non au titulaire du droit d’auteur. Le paragraphe 14.2(2) de la Loi sur le droit d’auteur dispose que les droits moraux sont susceptibles de renonciation, mais incessibles. Or l’auteur incontesté du logiciel qui nous occupe est M. Chari, et il n’est pas partie à la présente action. Qui plus est, la demanderesse n’a pas plaidé la violation des droits moraux.

 

[292]       En tout état de cause, la violation des droits moraux ne se rapporte à aucun des actes que seul l’auteur a la faculté d’accomplir sous le régime de l’article 3 de la Loi sur le droit d’auteur. Par suite, la violation des droits moraux n’équivaut pas à une violation du droit d’auteur.

 

[293]       J’examinerai maintenant la violation supposée du droit d’auteur sur le module de prévision de dépassement, le module de la paie et Railmaster, considérés successivement.

 

ii) Le module de prévision de dépassement

[294]       Au vu de la preuve et compte tenu des analyses qui précèdent, je conclus que la demanderesse ne s’est pas acquittée de la charge qui pesait sur elle de prouver que son droit d’auteur sur le module de prévision de dépassement a été violé.

 

[295]       Comme je l’ai déjà expliqué, la violation d’un contrat de licence, dans le cas où elle serait établie, ne constituerait pas une violation du droit d’auteur suivant le paragraphe 27(1) de la Loi sur le droit d’auteur.

 

[296]       En outre, la décompilation du module de prévision de dépassement, ou sa fausse attribution à un tiers dans l’hypothèse où elle serait démontrée, à mon sens ne violent pas non plus le droit d’auteur suivant le paragraphe 27(1) de la Loi sur le droit d’auteur.

 

[297]       La preuve établit que Foss Transport avait mis à niveau sa version de Microsoft Access. Comme on l’a vu plus haut, ce n’est pas là une violation du droit d’auteur. Qui plus est, il n’est pas certain que la mise à niveau du programme sous-jacent puisse être à proprement parler considérée comme une modification. Or cette mise à niveau est la seule modification qu’on puisse dire avoir été apportée au module de prévision de dépassement.

 

[298]       Je conclus que la demanderesse n’a pas prouvé que les défendeurs ont violé son droit d’auteur sur le module de prévision de dépassement.

 

iii) Le module de la paie

[299]       Je conclus que la demanderesse n’a jamais rendu le module de la paie opérationnel, et que les défendeurs ne l’ont ni utilisé, ni reproduit, ni loué. Comme je le disais plus haut, on ne m’a pas convaincue que la décompilation, la modification ou la fausse attribution à un tiers de ce module violent le droit d’auteur suivant le paragraphe 27(1) de la Loi sur le droit d’auteur.

 

[300]       En conséquence, je conclus qu’il n’y a pas eu violation du droit d’auteur de la demanderesse sur le module de la paie. La demanderesse ne s’est pas acquittée de la charge qui pesait sur elle de prouver cette violation suivant la prépondérance des probabilités.

 

iv) Le programme Railmaster

[301]       Comme je l’ai expliqué plus haut, ni la simple utilisation ni le dépassement du nombre limite d’utilisateurs fixé dans les licences ne violent le droit d’auteur.

 

[302]       Les modifications apportées à Railmaster après la rupture des relations entre Foss Transport et Harmony étaient manifestement mineures. Par exemple, Mme Warth a modifié le taux de la TPS dans ce programme quand le gouvernement du Canada l’a réduit.

 

[303]       Comme dans le cas de Petro Dispatch, Foss Transport devait, lorsqu’elle modifiait Railmaster, tirer une copie de sauvegarde de ce programme. Or, ainsi qu’il a été expliqué plus haut, l’établissement d’une telle copie de sauvegarde aux fins de modification ne constitue pas une reproduction pour l’application de l’article 3 de la Loi sur le droit d’auteur. En outre, selon le CLL relatif à Railmaster, Harmony consentait à ce que Foss Transport tire des copies de sauvegarde. Je renvoie à ce sujet à l’alinéa 2b) des « Conditions » de ce CLL, qui n’a été formellement résilié par ni l’une ni l’autre des parties.

 

iv) Conclusion sur la violation supposée du droit d’auteur

[304]       À mon avis, la demanderesse n’a prouvé la violation d’aucun droit d’auteur dont elle serait titulaire sur aucune entité logicielle qui serait ainsi protégée.

 

[305]       Pour ce qui concerne aussi bien Petro Dispatch, y compris ses modules, que Railmaster, j’estime que le fait d’en tirer des copies de sauvegarde avant de les modifier ne violait pas le droit d’auteur de la demanderesse. En tout état de cause, les CLL respectivement applicables autorisaient l’établissement de telles copies. En outre, en supposant qu’une opération quelconque de décompilation, même limitée et automatique comme celles qui sont programmées dans Microsoft Access, puisse constituer une violation, j’estime que la demanderesse a tacitement autorisé les activités de cette nature. Or il ne peut y avoir violation quand il y a consentement; voir le paragraphe 27(1) de la Loi sur le droit d’auteur.

 

La responsabilité personnelle de MM. Foss et Cristello

[306]       La demanderesse soutient dans sa déclaration que MM. Foss et Cristello ont utilisé le logiciel en question sur leurs ordinateurs personnels, violant ainsi son droit d’auteur.

 

[307]       La demanderesse affirme aussi que MM. Foss et Cristello, délibérément ou par imprudence, ont utilisé Foss Transport pour violer son droit d’auteur et lui ont ordonné de le faire. Dans ses conclusions finales, la demanderesse a également fait valoir que MM. Cristello et Foss avaient tiré un profit personnel de la modification apportée à Petro Dispatch en violation supposée du droit d’auteur, étant donné leur qualité de propriétaires de Balmar. Selon les mêmes conclusions, ce comportement justifierait l’infliction de dommages-intérêts punitifs.

 

[308]       Comme j’ai conclu à l’absence de violation du droit d’auteur de la demanderesse, je n’ai pas à me demander si MM. Foss ou Cristello sont personnellement responsables d’une telle violation. Cependant, les allégations formulées contre eux en tant que personnes physiques me paraissent mériter un bref examen.

 

[309]       Premièrement, il n’a pas été produit à l’instruction de preuves probantes que MM. Foss ou Cristello ont utilisé le logiciel en question sur leurs ordinateurs personnels.

 

[310]       Deuxièmement, je rappelle les observations suivantes formulées par la Cour d’appel de l’Ontario au paragraphe 25 de Montreal Trust Co. of Canada c. Scotia McLeod Inc. (1995), 129 D.L.R. (4th) 711 :

[TRADUCTION] Les précédents où des employés ou des dirigeants de sociétés ont été déclarés personnellement responsables d’actes accomplis sous le couvert d’une dénomination sociale sont des cas d’espèce. Sauf fraude, dol, malhonnêteté ou absence d’autorisation constatés de la part de ces employés ou dirigeants, ils sont également rares. Les affaires où a été ainsi levée l’immunité des personnes physiques concernaient généralement des opérations où le recours à la personnalité morale était une imposture dès le départ, ou encore une solution imaginée après coup aux problèmes causés par un déboire commercial.

 

[311]       À mon sens, la demanderesse n’a pas établi que MM. Cristello ou Foss ont agi de manière frauduleuse, malhonnête, entachée de dol, ou non autorisée en tant que dirigeants de Foss Transport, dans le cadre des violations supposées de son droit d’auteur. Elle n’a pas prouvé non plus que la personnalité morale de Foss Transport soit une imposture. J’estime en conséquence que, même si le droit d’auteur de la demanderesse avait été violé, ni M. Foss ni M. Cristello n’en seraient personnellement responsables.

 

[312]       Les allégations selon lesquelles MM. Cristello et Foss seraient personnellement responsables de la violation du droit d’auteur doivent être étayées de faits propres à emporter la conviction suivant la prépondérance des probabilités. Étant donné l’absence de preuves probantes à leur soutien, je rejette les allégations formulées par la demanderesse contre MM. Cristello et Foss en tant que personnes physiques. En tout état de cause, l’ensemble de la preuve produite m’incite à douter de la bonne foi de ces allégations.

 

Conclusion

[313]       J’ai conclu que le programme Petro Dispatch, le programme Railmaster, le module de prévision de dépassement et le module de la paie sont protégés par le droit d’auteur.

 

[314]       Le droit d’auteur sur Petro Dispatch appartient à Atrimed, du fait de la position de M. Chari dans cette société. De même, c’est Harmony qui est titulaire du droit d’auteur sur le programme Railmaster, le module de prévision de dépassement et le module de la paie.

 

[315]       Il n’y avait eu de cession valable à Harmony du droit d’auteur sur Petro Dispatch au moment d’aucune des violations supposées de ce droit. En conséquence, Harmony n’a droit à réparation d’aucune desdites violations.

 

[316]       J’estime que la demanderesse n’a pas prouvé suivant la prépondérance des probabilités que son droit d’auteur a été violé. L’argument qu’elle invoque suivant lequel toute violation d’un contrat de licence constitue une violation du droit d’auteur est tout simplement erroné. Il ne peut être établi de violation du droit d’auteur que sous le régime du paragraphe 27(1) de la Loi sur le droit d’auteur.

 

[317]       Je rejette l’argumentation par laquelle la demanderesse voudrait définir dans la présente espèce chaque modification comme une violation du droit d’auteur sous le régime du paragraphe 27(1). L’établissement des copies de sauvegarde nécessaires pour ces modifications n’est pas assimilable à une « reproduction » pour l’application de la Loi sur le droit d’auteur, et était de toute façon autorisé par les CLL.

 

[318]       L’examen approfondi de la preuve me convainc de l’absence de fondement des allégations de la demanderesse. Celle‑ci me paraît irrecevable en ses prétentions parce qu’elle n’est pas titulaire du droit d’auteur sur certains éléments du logiciel considéré. Le droit d’auteur sur les éléments du logiciel dont Harmony n’est pas propriétaire ne lui a pas été valablement cédé, la totalité du logiciel n’est pas protégée par le droit d’auteur, ou la violation de ce droit n’a pas été prouvée.  

 

[319]       En outre, si la violation du droit d’auteur de la demanderesse avait été établie, j’estime que ni M. Foss ni M. Costello ne pourraient en être tenus personnellement responsables.

 

[320]       En conséquence, l’action est rejetée avec dépens en faveur des défendeurs.

 

[321]       Les défendeurs, dans leur défense, ont demandé les dépens sur une base avocat-client. Les parties pourront présenter, conformément à une directive qui sera émise à ce sujet, des observations sur la question des dépens, qui fera ensuite l’objet d’une autre ordonnance.


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que l’action est rejetée avec dépens en faveur des défendeurs. Les parties sont invitées à présenter des observations sur la question des dépens, qui fera l’objet d’une autre ordonnance.

 

 

 

« E. Heneghan »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T‑1269‑05

 

INTITULÉ :                                       HARMONY CONSULTING LTD. et

                                                            G.A. FOSS TRANSPORT LTD., GORDON A. FOSS et JOE CRISTELLO

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATES DE L’AUDIENCE :             Les 15, 16, 17, 18 et 19 juin 2009,

                                                            les 13, 14, 15 et 16 octobre 2009,

                                                            et les 27, 28 et 29 janvier 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LA JUGE HENEGHAN

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 18 mars 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Anthony Prenol

 

 

POUR LA DEMANDERESSE

Christopher Staples

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Blake, Cassels & Graydon, s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Chaitons, s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 

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