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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20110318

Dossier : IMM-2658-10

Référence : 2011 CF 337

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 18 mars 2011

En présence de monsieur le juge Boivin

 

 

ENTRE :

 

NIRMAL KUMAR SHARMA

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire soumise en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), visant la décision du 9 mars 2010 par laquelle un agent des visas du Consulat général du Canada à Sydney, en Australie, a rejeté la demande de résidence permanente présentée par le demandeur au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral).

 

Le contexte

[2]               M. Nirmal Kumar Sharma, le demandeur, est né le 9 mai 1963 et il est citoyen de la Nouvelle-Zélande et de l’Inde. En décembre 2006, il a présenté une demande de résidence permanente au Canada en tant que membre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral). Il était le demandeur principal et son épouse ainsi que leurs deux fils étaient inclus dans la demande à titre de personnes à charge.

 

[3]               M. Sharma, qui avait 43 ans au moment de la présentation de sa demande, a mentionné qu’il avait travaillé dans le domaine bancaire pendant seize années et qu’en 2004, il était avocat et conseiller financier en Inde. M. Sharma parle couramment l’anglais et il détient deux maîtrises ainsi qu’un diplôme en droit.

 

[4]               M. Sharma a immigré en Nouvelle-Zélande en octobre 2005, après quoi il a entrepris les études requises pour être autorisé à exercer comme avocat et comme comptable dans ce pays. Il occupait en même temps des postes temporaires ou non rémunérés.

 

[5]               Les notes du STIDI consignées par l’agent des visas font voir les appréhensions de ce dernier quant à l’expérience de travail de M. Sharma, comme celui-ci ne semblait pas avoir occupé un poste pertinent depuis qu’en octobre 2005, il avait quitté l’Inde pour immigrer en Nouvelle-Zélande. L’agent a par conséquent décidé de convoquer M. Sharma pour une entrevue.

 

La décision contestée

[6]               L’agent a conclu dans sa décision du 9 mars 2010 que, même si M. Sharma avait obtenu 70 points par suite de l’appréciation de sa demande de visa de résident permanent en tant que travailleur qualifié – la note de passage de 67 points étant ainsi obtenue –, le nombre de points attribués n’était pas un indicateur de l’aptitude du demandeur à réussir son établissement économique au Canada. L’agent des visas a ainsi décidé, en application du paragraphe 76(3) du Règlement, de substituer une appréciation défavorable à l’appréciation chiffrée, et un agent principal des visas a confirmé la nouvelle appréciation de l’agent.

 

[7]               L’agent n’était pas convaincu, et cela a motivé sa décision, que M. Sharma avait démontré la capacité de s’intégrer au marché du travail depuis qu’il avait établi sa résidence en Nouvelle-Zélande, en août 2005. L’agent a ainsi relevé que, pendant les quatre années et demie où il avait résidé en Nouvelle-Zélande, M. Sharma n’avait occupé que des emplois temporaires et que, même s’il avait fait reconnaître et accréditer certains titres de compétence, comme avocat ou comme comptable, il n’avait pas obtenu de l’un ou l’autre organisme professionnel concerné l’autorisation requise pour exercer.

 

[8]               Selon l’appréciation chiffrée effectuée par l’agent de l’expérience de M. Sharma, celui-ci avait acquis une année d’expérience comme consultant (CNP 1122), il n'avait aucune expérience comme banquier, l’agent ayant estimé que le demandeur avait occupé un poste de commis (CNP 1212), et n'avait aucune expérience comme avocat (CNP 4112).

 

[9]               L’agent a conclu que le peu d’intégration au marché du travail rémunéré de M. Sharma en Nouvelle-Zélande fournissait un indice sur son éventuelle intégration au marché du travail canadien.

 

[10]           L’agent a déclaré de nouveau que M. Sharma avait eu l’occasion de dissiper ses appréhensions lors de leur entretien, mais que les explications alors fournies ne l’avaient pas convaincu que le demandeur pouvait réussir son établissement économique au Canada.

 

Les dispositions réglementaires pertinentes

[11]           Le paragraphe 76(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement), prévoit ce qui suit :

Travailleurs qualifiés (fédéral)

 

Travailleurs qualifiés (fédéral)

 

Critères de sélection

 

76. (1) Les critères ci-après indiquent que le travailleur qualifié peut réussir son établissement économique au Canada à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) :

 

 

 

a) le travailleur qualifié accumule le nombre minimum de points visé au paragraphe (2), au titre des facteurs suivants :

 

 

(i)             les études, aux termes de l’article 78,

 

(ii)           la compétence dans les langues officielles du Canada, aux termes de l’article 79,

 

(iii)          l’expérience, aux termes de l’article 80,

 

(iv)         l’âge, aux termes de l’article 81,

 

(v)           l’exercice d’un emploi réservé, aux termes de l’article 82,

 

(vi)         la capacité d’adaptation, aux termes de l’article 83;

 

 

b) le travailleur qualifié :

 

(i) soit dispose de fonds transférables — non grevés de dettes ou d’autres obligations financières — d’un montant égal à la moitié du revenu vital minimum qui lui permettrait de subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille,

 

(ii) soit s’est vu attribuer le nombre de points prévu au paragraphe 82(2) pour un emploi réservé au Canada au sens du paragraphe 82(1).

 

 

 

Nombre de points

 

(2) Le ministre établit le nombre minimum de points que doit obtenir le travailleur qualifié en se fondant sur les éléments ci-après et en informe le public :

 

a) le nombre de demandes, au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral), déjà en cours de traitement;

 

b) le nombre de travailleurs qualifiés qui devraient devenir résidents permanents selon le rapport présenté au Parlement conformément à l’article 94 de la Loi;

 

c) les perspectives d’établissement des travailleurs qualifiés au Canada, compte tenu des facteurs économiques et autres facteurs pertinents.

 

Substitution de l’appréciation de l’agent à la grille

 

(3) Si le nombre de points obtenu par un travailleur qualifié — que celui-ci obtienne ou non le nombre minimum de points visé au paragraphe (2) — n’est pas un indicateur suffisant de l’aptitude de ce travailleur qualifié à réussir son établissement économique au Canada, l’agent peut substituer son appréciation aux critères prévus à l’alinéa (1)a).

 

 

 

 

 

Confirmation

 

(4) Toute décision de l’agent au titre du paragraphe (3) doit être confirmée par un autre agent.

Federal Skilled Workers

 

Federal Skilled Worker Class

 

Selection criteria

 

76. (1) For the purpose of determining whether a skilled worker, as a member of the federal skilled worker class, will be able to become economically established in Canada, they must be assessed on the basis of the following criteria:

 

(a) the skilled worker must be awarded not less than the minimum number of required points referred to in subsection (2) on the basis of the following factors, namely,

 

(i)             education, in accordance with section 78,

 

(ii)           proficiency in the official languages of Canada, in accordance with section 79,

 

(iii)          experience, in accordance with section 80,

 

(iv)         age, in accordance with section 81,

 

(v)           arranged employment, in accordance with section 82, and

 

(vi)         adaptability, in accordance with section 83; and

 

(b) the skilled worker must

 

(i) have in the form of transferable and available funds, unencumbered by debts or other obligations, an amount equal to half the minimum necessary income applicable in respect of the group of persons consisting of the skilled worker and their family members, or

 

(ii) be awarded the number of points referred to in subsection 82(2) for arranged employment in Canada within the meaning of subsection 82(1).

 

Number of points

 

(2) The Minister shall fix and make available to the public the minimum number of points required of a skilled worker, on the basis of

 

 

(a) the number of applications by skilled workers as members of the federal skilled worker class currently being processed;

 

(b) the number of skilled workers projected to become permanent residents according to the report to Parliament referred to in section 94 of the Act; and

 

(c) the potential, taking into account economic and other relevant factors, for the establishment of skilled workers in Canada.

 

Circumstances for officer's substituted evaluation

 

(3) Whether or not the skilled worker has been awarded the minimum number of required points referred to in subsection (2), an officer may substitute for the criteria set out in paragraph (1)(a) their evaluation of the likelihood of the ability of the skilled worker to become economically established in Canada if the number of points awarded is not a sufficient indicator of whether the skilled worker may become economically established in Canada.

 

Concurrence

 

(4) An evaluation made under subsection (3) requires the concurrence of a second officer.

 

Les questions en litige

[12]           La présente instance soulève plusieurs questions, qu’il est possible de résumer comme suit :

a)      Quelle est la norme de contrôle judiciaire applicable?

 

b)      L’agent a-t-il commis une erreur en tirant des conclusions de fait sans tenir compte des éléments dont il disposait?

 

c)      La décision était-elle inéquitable du fait que l’agent n’aurait jamais informé le demandeur qu’il envisageait de substituer une appréciation défavorable à l’appréciation chiffrée?

 

d)      Devrait-on attribuer les dépens au demandeur?

 

Analyse

a)      Quelle est la norme de contrôle judiciaire applicable?

 

 

[13]           Les parties conviennent toutes deux que la norme de raisonnabilité est celle qu’appelle la décision d’un agent des visas concernant une demande de visa de résident permanent. Selon la jurisprudence antérieure de la Cour, la norme de contrôle applicable dans ces cas était la décision raisonnable simpliciter (se reporter à Tathgur c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1293, [2007] A.C.F. no1662, au paragraphe 9; Al-Kassous c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 541, [2007] A.C.F. n°731, au paragraphe 22).

 

[14]           Depuis le récent arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, de la Cour suprême du Canada, les normes de contrôle antérieures ont été réduites à deux normes : la décision correcte et la raisonnabilité. Il a également été établi dans cet arrêt qu’en présence d’une question touchant aux faits ou au pouvoir discrétionnaire, et lorsque le droit et les faits ne pouvaient être aisément dissociés, la norme de raisonnabilité s’appliquait généralement. Lorsqu’il s’agit pour un agent d’immigration d’accorder ou non un visa de résident permanent, sa décision est de nature discrétionnaire et est tributaire pour l’essentiel des faits d’espèce. Une grande retenue judiciaire est donc de mise devant les décisions des agents d’immigration (se reporter à Roohi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1408, [2008] A.C.F. n834, au paragraphe 13). C’est la norme de la raisonnabilité qui est donc ici applicable.

 

[15]           Lorsque entrent en jeu toutefois des questions d’équité procédurale, d’erreur de droit ou de compétence, c’est la décision correcte qui doit recevoir application comme norme de contrôle(se reporter à Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, [2002] 1 A.C.S. n3). Le demandeur soutient en l’espèce que l’agent ne l’a pas informé de son intention d’exercer défavorablement son pouvoir discrétionnaire et ne lui a pas fourni l’occasion de dissiper ses appréhensions. C’est là une question d’équité, et la retenue judiciaire face à la décision de l’agent n’est pas indiquée dans ce cas.

 

b)      L’agent a-t-il commis une erreur en tirant des conclusions de fait sans tenir compte des éléments dont il disposait?

 

[16]           Selon le demandeur, l’agent a tiré des conclusions déraisonnables en estimant de manière injustifiée qu’au vu de son défaut d’avoir occupé un emploi à temps plein en Nouvelle-Zélande, il ne pourrait obtenir du travail au Canada. Le demandeur ajoute qu’en tirant cette conclusion, l’agent a fait abstraction d’éléments de preuve montrant qu’il avait poursuivi des études afin d’obtenir le droit d’exercer comme avocat et comme comptable.

 

[17]           Le demandeur soutient que l’agent a en outre commis une erreur en ne tenant pas compte des divers titres de compétence qu’il avait obtenus et des diverses activités, notamment à titre bénévole, qu’il avait pratiquées en Nouvelle-Zélande, des titres et activités démontrant qu’à moyen ou long terme il aurait pu y trouver du travail dans ses domaines professionnels, soit le droit et la comptabilité. Il ajoute qu’en faisant totalement abstraction de ses réalisations ou en s’en faisant une idée totalement fausse, l’agent a rendu une décision déraisonnable et a ainsi commis une erreur de droit.

 

[18]           Le demandeur prétend que ne reposaient sur aucun fait ni aucune preuve les conclusions de l’agent des visas selon lesquelles la situation économique et le marché du travail étaient à bien des égards semblables en Nouvelle-Zélande et au Canada, et qu’il ne serait donc pas en mesure de se trouver un emploi au Canada. Le demandeur soutient que l’agent a ainsi fondé sa décision sur des opinions et hypothèses plutôt que sur les faits dont il était saisi.

 

[19]           Le défendeur soutient pour sa part que l’agent a fait passer une entrevue approfondie au demandeur, au cours de laquelle il lui a demandé de donner des précisions sur son expérience de travail. L’agent a conclu par suite de cette entrevue que le demandeur avait exagéré dans la description de ses fonctions et responsabilités. Le défendeur en donne comme exemple la prétention du demandeur selon laquelle il avait acquis 16 années d’expérience comme banquier, alors qu’en réalité il avait occupé un poste de [traduction] « vérificateur de coupures et de pièces de monnaie de classe II – commis cl. II ». Il était donc raisonnable pour l’agent de faire remarquer que c’était là un poste de commis et de n’attribuer à cet égard aucun point au titre de l’expérience.  

 

[20]           Le défendeur soutient qu’il était également raisonnable pour l’agent de conclure que le demandeur n’avait pas démontré avoir acquis une année d’expérience de travail rémunéré comme avocat, le demandeur ayant uniquement fourni de l’aide à titre bénévole au cabinet de son oncle en Inde.

 

[21]           C’est avec grande minutie que l’agent a apprécié l’expérience de travail du demandeur. Les motifs de l’agent pour ne pas reconnaître cette expérience de travail étaient manifestement raisonnables. L’agent a tout particulièrement expliqué pourquoi il n’avait attribué au demandeur que l’équivalent d’une année d’expérience comme consultant (CNP 1122). L’agent a finalement accordé au demandeur 15 points sur un total possible de 21 points. En l’espèce, le demandeur obtenait donc le nombre requis de points.

 

[22]           L’agent a consigné les conclusions suivantes dans les notes du STIDI :

[traduction]

AVEC UNE ANNÉE D’EXPÉRIENCE, IL OBTIENT QUAND MÊME 70 POINTS. JE RECOMMANDE NÉANMOINS QU'UNE APPRÉCIATION DÉFAVORABLE SOIT SUBSTITUÉE POUR LES MOTIFS SUIVANTS :

 

MIR – VEUILLEZ À TITRE DE GESTIONNAIRE INTÉRIMAIRE EXAMINER LA PRÉSENTE RECOMMENDATION :

 

MÊME S’IL OBTIENT 70 POINTS, JE NE SUIS PAS CONVAINCU QU’IL RÉUSSIRA SON ÉTABLISSEMENT AU CANADA, CELA N’ÉTANT PAS INDICATIF DE SES CHANCES DE SUCCÈS. EN AYANT COMME POINT DE COMPARAISON LA PÉRIODE DE PRESQUE CINQ ANS OÙ IL A ÉTÉ RÉSIDENT PERMANENT EN NOUVELLE-ZÉLANDE, SANS AVOIR PU S’Y TROUVER D’EMPLOIS, CELA EST INDICATIF QUANT À SON APTITUDE À Y PARVENIR UNE FOIS AU CANADA, OÙ IL AURAIT À REPARTIR DE ZÉRO LE PROCESSUS DE RECONNAISSANCE DE SES TITRES DE COMPÉTENCE. COMME IL NE RAJEUNIT PAS ET QU’IL AURA 47 ANS EN MAI PROCHAIN, IL LUI SERAIT DIFFICILE D’OBTENIR DANS NOTRE PAYS UN EMPLOI DANS L’UNE DES PROFESSIONS DE BANQUIER, DE CONSEILLER FINANCIER OU D’AVOCAT QU’IL A INSCRITES À L’ANNEXE 3.

 

 

[23]           La Cour juge ces motifs raisonnables. Même si l’agent n’a pas mentionné que le demandeur avait passé le plus clair de son temps à étudier et n’avait donc pu travailler à temps plein, la Cour estime que cela n’a eu aucune incidence sur l’issue du dossier. On peut aussi dire qu’il n’était pas déraisonnable pour l’agent de conclure, lorsqu’il a examiné les perspectives d’établissement économique réussi du demandeur au Canada, que celui-ci aurait à y obtenir des autorisations pour exercer ses professions d’avocat et de comptable.

 

[24]           La Cour estime par conséquent que la preuve au dossier permettait à l’agent de conclure que l’appréciation effectuée en vertu du paragraphe 76(1) du Règlement n’était pas un indicateur suffisant de la capacité du demandeur de réussir son établissement économique au Canada. La Cour estime que l’agent n’a pas commis d’erreur en substituant une appréciation défavorable quant à l’aptitude du demandeur à s’adapter et à réussir, en tant que travailleur qualifié, son établissement économique au Canada.

 

c)      La décision était-elle inéquitable du fait que l’agent n’aurait jamais informé le demandeur qu’il envisageait de substituer une appréciation défavorable à l’appréciation chiffrée?

 

[25]           La décision était inéquitable, selon le demandeur, parce que l’agent ne lui a jamais dit qu’il envisageait d’exercer défavorablement son pouvoir discrétionnaire.

 

[26]           Le défendeur soutient pour sa part qu’un agent des visas n’a pas à informer le demandeur, alors qu’émergent ses appréhensions, qu’il est en train de le percevoir défavorablement. Quoi qu’il en soit, ajoute de défendeur, les notes du STIDI démontrent que l’agent a bel et bien fait état de ses appréhensions et demandé des précisions au demandeur.

 

[27]           La Cour désire rappeler que c’est le demandeur qui doit démontrer avoir satisfait aux critères applicables à la profession pour laquelle l’appréciation est demandée (Hassani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1283, [2006] A.C.F. n1597, au paragraphe 24).

 

[28]           En l’espèce l’agent des visas a décidé unilatéralement d’exercer son pouvoir discrétionnaire, d’une manière défavorable au demandeur, et d'appliquer le paragraphe 76(3) du Règlement. La Cour estime tout comme le défendeur que l’agent n’a pas à fournir à un demandeur un « résultat intermédiaire » à chaque étape de l’entrevue (Rukmangathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 284, [2004] A.C.F. n317). En l’espèce, toutefois, ne pas avoir informé le demandeur de l’exercice défavorable à venir du pouvoir discrétionnaire, alors qu’il avait obtenu un nombre de points suffisant – trois points en fait de plus que le minimum requis –, a constitué une violation de l’obligation d’équité procédurale.

 

[29]           D’après la preuve au dossier, l’agent a envoyé au demandeur une lettre datée du 9 mars 2010, dans laquelle il mentionnait ne pas être convaincu que le nombre de points attribués était un indicateur fidèle de son aptitude à réussir son établissement économique au Canada. L’agent ajoutait que cette question avait déjà été abordée au cours de l’entrevue avec le demandeur (dossier du demandeur, page 7). 

 

[30]           Dans l’affidavit qu’il a signé le 24 juin 2010, le demandeur soutient ne pas avoir été au fait de l’intention de l’agent de rendre une décision défavorable, et ne pas s’être vu offrir l’occasion de dissiper ses appréhensions :

[traduction]

L’agent a posé diverses autres questions auxquelles j’ai répondu en détail et sans détour. Jamais pendant l’entrevue l’agent ne m’a révélé avoir l’intention d’exercer son pouvoir discrétionnaire à mon encontre, ni ne m’a donné l’occasion de dissiper les appréhensions dont il a ensuite fait état dans sa lettre de refus. Ces appréhensions de l’agent avaient trait au fait que, comme je n’avais pas intégré la population active en Nouvelle-Zélande et que, dans ce pays, le marché du travail et la situation économique étaient semblables à ceux du Canada, cela était un indicateur quant à mon aptitude à m’établir au Canada.

(Dossier du demandeur, page 15, paragraphe 11)

 

[31]           Dans son affidavit daté du 31 décembre 2010, l’agent n’a pas traité ni tenté de traiter des allégations du demandeur. L’examen des notes consignés dans le STIDI par l’agent ne font pas voir non plus que celui-ci aurait discuté de ses appréhensions avec le demandeur lors de son entrevue. Ce qui a été consigné dans le STIDI le 23 février 2010 ne correspond pas à la teneur de la lettre du 9 mars 2010 de l’agent. La Cour conclut donc, compte tenu de la preuve contradictoire et comme rien n’indique clairement que l’agent ait bien discuté avec le demandeur de ses appréhensions, que le demandeur n’a pas eu l’occasion de dissiper les appréhensions de l’agent quant à ses projets d’établissement au Canada. La Cour conclut pour ces motifs que le processus était entaché d’une atteinte à l’équité procédurale. La demande de contrôle judiciaire sera accueillie et l’affaire sera renvoyée à un autre agent pour qu’il rende une nouvelle décision.

 

d)      Devrait-on attribuer les dépens au demandeur?

 

[32]           À l’audience devant la Cour, le demandeur a retiré sa demande de dépens. Aucuns dépens ne seront donc adjugés. L'affaire ne soulève aucune question grave de portée générale qui justifierait la certification d’une question.


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE COMME SUIT :

1.      La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

2.      L’affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour qu’il rende une nouvelle décision.

3.      Aucuns dépens ne sont adjugés.

4.       Aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

 

« Richard Boivin »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2658-10

 

INTITULÉ :                                       NIRMAL KUMAR SHARMA

                                                            c.

                                                            MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 15 FÉVRIER 2011

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE BOIVIN

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 18 MARS 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Matthew Jeffery

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Catherine Vasilaros

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Matthew Jeffery, avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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