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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20110303

Dossier : T‑1548‑10

Référence : 2011 CF 255

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 3 mars 2011

En présence de madame la juge Snider

 

ENTRE :

 

ELI LILLY CANADA INC.

ELI LLILY AND COMPANY,

ELI LILLY AND COMPANY LIMITED

ET ELI LILLY SA

 

 

 

demanderesses

 

et

 

 

 

NU‑PHARM INC.

 

 

 

défenderesse

 

 

 

 

 

           MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

I.          Contexte

 

[1]               Les demanderesses, Eli Lilly Canada Inc., Eli Lilly and Company , Eli Lilly and Company Limited et Eli Lilly SA (désignées collectivement Eli Lilly ou les demanderesses), détiennent les droits de brevet pour le brevet canadien n° 2041113 (le brevet 113). Le brevet 113 revendique l’olanzapine, un médicament utile dans le traitement de divers troubles du système nerveux central. L’olanzapine est vendue par Eli Lilly sous le nom de marque ZYPREXA. Par voie de déclaration délivrée le 27 septembre 2010, les demanderesses ont intenté une action en contrefaçon de brevet contre Nu‑Pharm Inc. (Nu‑Pharm ou la défenderesse).

 

[2]               En réponse à l’action des demanderesses, Nu‑Pharm a présenté une requête en radiation de la déclaration. Dans une ordonnance en date du 16 novembre 2010, la protonotaire Milczynski a radié la demande des demanderesses et a octroyé des dépens de 3 000 $ à Nu‑Pharm. Les demanderesses sollicitent maintenant une ordonnance annulant celle du 16 novembre 2010.

 

II.        Norme de contrôle

 

[3]               Les parties ont convenu que la décision de la protonotaire de radier la déclaration soulève une question ayant une influence déterminante sur l’issue du principal. Lorsque la décision de la protonotaire soulève une question de cette nature, la norme de contrôle applicable est la norme de novo (Canada c Aqua Gem Investments Ltd., [1993] 2 CF 425, [1993] 1 CTC 186, pages 462‑463 (CAF), Merck & Co., Inc. c Apotex Inc., 2003 CAF 488, 315 NR 175, au paragraphe 19). Cela signifie que je dois procéder à une analyse des questions sans faire preuve de déférence à l’égard des conclusions de la protonotaire, exposées dans sa décision du 16 novembre 2010.

 

[4]               La question fondamentale qui m’est soumise est de savoir si la déclaration des demanderesses devrait être radiée. Pour les raisons ci‑dessous, je souscris à l’opinion de la protonotaire Milczynski, et je suis d’avis de radier la déclaration.

 

III.       Principes pertinents

 

[5]               Avant d’examiner le bien‑fondé de l’appel, il est utile d’examiner les principes qui sous‑tendent la radiation d’une requête.

 

[6]               Le but des actes de procédure est de définir la question en litige entre les parties et d’aviser raisonnablement la défenderesse de la preuve à réfuter (Weatherall c Canada (AG), [1989] 1 CF 18, 86 NR 168, au paragraphe 14).

 

[7]               L’article 174 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [les Règles] porte que [traduction] « [t]out acte de procédure contient un exposé concis des faits substantiels sur lesquels la partie se fonde; il ne comprend pas les moyens de preuve à l’appui de ces faits ». Dans l’arrêt Merchant Law Group c Canada (Agence du revenu), 2010  CAF 184, 321 DLR (4e) 301, au paragraphe 34, la Cour d’appel fédérale a déclaré :

Si l’exigence prévoyant qu’un acte de procédure doit contenir des faits substantiels ne figurait pas à l’article 174 des Règles ou si les tribunaux ne la faisaient pas respecter, les parties pourraient faire valoir les arguments les plus vagues sans aucun élément de preuve pour les étayer et lancer leur filet à l’aveuglette. Comme l’a affirmé notre Cour, « une action en justice n’est pas une enquête à l’aveuglette et une partie demanderesse qui intente des poursuites en se fondant sur le simple espoir qu’elles lui fourniront des preuves justifiant ses prétentions utilise les procédures de la Cour de façon abusive » : Kastner c Painblanc (1994), 58 C.P.R. (3d) 502, 176 N.R. 68,  au paragraphe 4 (C.A.F)

 

[Nous soulignons.]

 

[8]               L’alinéa 221(1)c) des Règles permet à la Cour de radier un acte de procédure qui est « scandaleux, frivole ou vexatoire » ou « qui constitue autrement un abus de procédure ». Une abondante jurisprudence fournit des repères à cet égard.

 

[9]               Une action doit faire plus que de présenter de simples allégations. Autrement dit, une action n’est pas une expédition de pêche. Comme l’a relevé le juge Addy, dans la décision Caterpillar Tractor Co c Babcock Allatt Ltd., [1983] 1 CF 487, 67 CPR (2d) 135, aux paragraphes 13, conf. par (1983), 72 CPR (2d) 286, [1983] ACF n° 528 (QL) (CAF) :

Une partie ne saurait résister à la demande de radiation en prétendant que, si elle a droit à un interrogatoire illimité de son opposant, elle pourrait alors être en mesure d’étayer l’allégation.

 

[10]           La défenderesse fait valoir que, dans le cadre d’une action en contrefaçon de brevet, les demanderesses doivent donner des détails sur les activités qui contribuent à la contrefaçon alléguée. J’en conviens. Si les « faits pertinents » de l’action en contrefaçon ne sont pas présentés, la déclaration devrait être radiée. 

 

[11]           Cependant, il doit être satisfait à des exigences strictes pour qu’une déclaration soit radiée. Comme l’a souligné la juge Layden‑Stevenson (devenue par la suite juge de la Cour d’appel fédérale) dans l’affaire Pharmaceutical Partners of Canada Inc. c Faulding Inc. (Canada) (2002), 21 CPR (4th) 166, [2002] ACF n° 1305 (QL) (CF 1re inst.), au paragraphe 13, une déclaration ne devrait pas être radiée :

[D]ès lors qu’on peut trouver, à la lecture de la déclaration, une cause d’action, si ténue soit‑elle. La charge qui incombe à la partie qui demande la radiation est très lourde : elle doit établir qu’il est indubitable que l’affaire n’a aucune chance de succès à l’instruction.

 

[12]           La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Hunt c T & N plc, [1990] 2 RCS 959, 74 DLR (4d) 321, a énoncé le critère à appliquer pour procéder à la radiation d’un acte de procédure. Au paragraphe 33, le juge Wilson a déclaré :

Comme en Angleterre, s’il y a une chance que le demandeur ait gain de cause, alors il ne devrait pas être « privé d’un jugement ». La longueur et la complexité des questions, la nouveauté de la cause d’action ou la possibilité que les défendeurs présentent une défense solide ne devraient pas empêcher le demandeur d’intenter son action.

 

[13]           En termes généraux, j’estime qu’une déclaration portant sur la violation d’un droit de brevet doit clairement faire état :

 

                     des faits sur lesquels se fonde la reconnaissance en faveur du demandeur d’un droit donné en vertu de la loi;

 

                     des faits qui constituent une atteinte portée par la défenderesse à ce droit du demandeur.

 

IV.       Application des principes

 

[14]           Je conviens que la déclaration expose les faits sur lesquels se fonde la reconnaissance en faveur des demanderesses d’un droit déterminé. Cependant, en l’espèce la question est de savoir si la déclaration expose les faits qui constituent une atteinte portée par la défenderesse à ce droit déterminé des demanderesses. Je vais examiner la déclaration et les faits substantiels allégués.

 

[15]           En bref, les demanderesses allèguent qu’il se dégage clairement de leur déclaration qu’en soumettant une présentation abrégée de drogue nouvelle (PADN), sur le fondement des dispositions applicables du Règlement sur les aliments et drogues, CRC 1978, c 870 [le Règlement sur les aliments et drogues], et en publiant un avis de conformité (AC) et un numéro d’identification (DIN), Nu‑Pharm a contrevenu au brevet 113, et que l’action peut donc suivre son cours sur le fondement des actes de procédure. Ils s’appuient également sur le contre‑interrogatoire de M. Richard Benyak, président de Nu‑Pharm, pour faire valoir que les actions de Nu‑Pharm (ou d’une tierce partie non identifiée) ne se limitent pas ou ne se limiteront pas à l’obtention d’un AC. 

 

[16]           Dans leur déclaration, les demanderesses allèguent entre autres ce qui suit :

[traduction]

19.       La défenderesse, sans le consentement des demanderesses, a acheté, produit, ou a fait produire, au Canada ou à l’étranger, a construit ou a fait construire, au Canada ou à l’étranger, a importé ou a fait importer au Canada, a vendu ou a exporté à partir du Canada pour la vente à l’étranger, a utilisé au Canada et a l’intention de produire, construire, utiliser et vendre à d’autres pour utilisation, le composé olanzapine. Plus particulièrement, en ce qui concerne l’olanzapine, Nu‑Pharm a fait et a l’intention de :

 

a)   produire le composé;

 

b)      faire produire le composé;

 

c)      acheter et importer le composé au Canada;

 

d)     formuler des comprimés contenant le composé;

 

e)      faire formuler des comprimés contenant le composé;

 

f)       vendre, distribuer et organiser la distribution de comprimés contenant le composé au Canada;

 

g)      exporter à partir du Canada des comprimés contenant le composé.

 

21.       En particulier, la défenderesse a développé une version générique de l’olanzapine, et a déposé une présentation abrégée de drogue nouvelle (« PADN ») auprès du Ministère de la Santé afin d’être autorisée à vendre sa version de l’olanzapine. Nu‑Pharm a l’intention de vendre sa version sous le nom de marque Nu‑olanzapine et dans sa PADN elle a comparé ses produits d’olanzapine avec au moins les produits d’olanzapine de Lilly Canada ZYPREXA et ZYPREXA ZYDIS. À cet égard, Nu‑Pharm a importé, produit ou a fait produire de l’olanzapine en vrac; a formulé ou a fait formuler ce composé en vrac sous forme pharmaceutique définitive; a emballé la forme pharmaceutique définitive afin d’être prête à en vendre, a stocké en vrac et/ou sous forme définitive de l’olanzapine à être vendue, et a mis en vente et vendus de l’olanzapine sous forme pharmaceutique définitive.

 

[17]           Dans sa décision, la protonotaire Milczynski a radié la déclaration pour les motifs suivants :

[traduction] Les demanderesses affirment qu’elles ne connaissent pas « l’ampleur » des activités qui constitueraient de la contrefaçon de la part de Nu‑Pharm. Cependant, comme l’indique clairement la déclaration, en fait les demanderesses ne savent rien de l’ampleur des activités de la défenderesse qui emporteraient contrefaçon. Les allégations sont de simples affirmations desquelles ne se dégage aucun fait substantiel ni justification. Les demanderesses ont reconnu lors de l’audition de la requête dont je suis saisie qu’il n’a pas été allégué que le fait d’obtenir un avis de conformité en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) constitue en soi une contrefaçon du brevet 113. Comme il ressort de l’affidavit de Richard Benyak, déposé à l’appui de la requête, depuis la réception de l’AC Nu‑Pharm n’a pas produit, fait produire, acheté, importé, fait importer, formulé, emballé, stocké, ou exporté de l’olanzapine ni ne l’a mise en vente ou distribuée ou pris de dispositions pour qu’elle le soit.

 

[18]           L’affaire AstraZeneca Canada Inc. c Novopharm Ltd , 2009 CF 1209, 80 CPR (4th) 397 [AstraZeneca CF ], conf. par 2010 CAF 112, 83 CPR (4th) 241 [AstraZeneca CAF], a été déterminante dans le raisonnement de la protonotaire Milczynski. Dans ses motifs, elle déclare :

[traduction] Comme la Cour l’a noté dans AstraZeneca Canada Inc. c Novopharm Ltd. (2009), 80 CPR (4th) 397, conf. par (2010), 83 CPR (4th) 241, lorsqu’un demandeur ne peut présenter aucun argument rationnel basé sur des preuves ou sur la loi à l’appui de la demande, l’action constitue un abus de procédure. Autrement dit, un acte de procédure n’est pas une expédition de pêche. Les demanderesses ne sont pas autorisées à utiliser de simples allégations pour forcer la tenue d’un interrogatoire préalable en vue de renforcer leur demande. Comme l’a fait valoir Nu‑Pharm, une action ne peut être intentée sur la base d’hypothèses et de conjectures dans l’espoir de découvrir des faits pertinents.

 

[19]           Les faits de l’affaire AstraZeneca CF s’apparentent à ceux dont je suis saisie. Dans cette affaire, il était allégué que la défenderesse contrefaisait à cette époque le brevet des demanderesses en fabriquant ou en faisant fabriquer des quantités commerciales du produit contrefaisant (contrefaçon actuelle), et qu’elle le contreferait si elle réussissait à s’opposer à leur demande pendante d’interdiction, et si elle obtenait la délivrance d’un avis de conformité à l’égard de ses comprimés de novo‑rosuvastatine (quia timet ou contrefaçon future). Le juge des requêtes, Roger Hughes, a conclu que les allégations de contrefaçon actuelle constituaient un abus de procédure puisqu’elles étaient fondées sur de simples affirmations ne s’appuyant sur aucun élément de preuve. En ce qui concerne la contrefaçon future, le juge Hughes a conclu que les allégations étaient de nature spéculative et ne présentaient pas le niveau de certitude requis pour justifier une action quia timet.

 

[20]           La Cour d’appel a confirmé la décision du juge Hughes. Devant la Cour d’appel, les demanderesses ont soutenu que l’avis d’allégation (AA) signifié par la défenderesse constituait, en soi, un acte de contrefaçon et que ce fait était suffisant à lui seul pour justifier une action en contrefaçon. En ce qui concerne cet argument, la Cour d’appel (AstraZeneca CAF, précité, aux paragraphes 8‑9) a déclaré ce qui suit :

Le juge de la Cour fédérale ne s’est pas penché sur le dernier argument des appelantes, c.‑à‑d. celui selon lequel l’AA constituant en soi un acte de contrefaçon et cette question n’ayant pas encore été examinée par les tribunaux, on ne peut pas dire de l’action qu’elle n’a aucune chance d’être accueillie. L’intimée soutient que cette situation résulte du fait que l’argument n’a pas été porté à l’attention du juge de la Cour fédérale et, en se fondant sur ce motif, elle demande avec insistance à notre Cour de ne pas traiter de cette question. Le fait que le juge de la Cour fédérale n’ait pas examiné l’argument laisse croire que les appelantes ne l’ont pas présenté ou qu’elles n’ont pas insisté sur ce point. Quoi qu’il en soit, ce que les appelantes tentent de soulever est un acte de contrefaçon nouvellement posé qui devrait être expressément plaidé avant de pouvoir être examiné. La déclaration ne contient aucune allégation de cette nature.

 

[Nous soulignons.]

 

[21]           Selon les remarques de la Cour d’appel, il semble qu’une allégation portant que la PADN, l’AC et le DIN constituent des actes de contrefaçon peut justifier que pour l’action suive son cours. Les demanderesses ont soutenu devant moi qu’elles ont spécifiquement allégué cet « acte de contrefaçon », au paragraphe 21 de leur déclaration. Je ne suis pas d’accord.

 

[22]           Je reconnais qu’il existe d’importantes différences factuelles entre les faits de l’affaire dont je suis saisie et ceux de l’affaire AstraZeneca CF, précitée :

 

                     Dans l’affaire AstraZeneca CF, malgré une demande à cet effet, les demanderesses avaient refusé de fournir des précisions. Il n’y a pas de demande en ce sens en l’espèce.

 

                     Dans l’affaire AstraZeneca CF, aucun AC n’avait été délivré. En l’espèce, un avis de conformité a été délivré, ce qui suppose qu’un certain nombre d’activités ont eu lieu, comme l’exigent les dispositions applicables du Règlement sur les aliments et drogues.

 

[23]           Néanmoins, les déclarations de principe dans les affaires AstraZeneca CF et AstraZeneca CAF sont, à mon avis, applicables en l’espèce. En particulier, bien que la déclaration dont je suis saisie soit plus longue et plus détaillée que celle examinée par le juge Hughes et par la Cour d’appel dans l’affaire AstraZeneca, elle souffre des mêmes problèmes.

 

[24]            Les demanderesses ont fait valoir, devant moi, que la déclaration révèle clairement que la préparation de la PADN et l’obtention d’un AC constituent l’« acte de contrefaçon » reproché. Le premier point à souligner, c’est que, à mon avis, et en dépit des excellentes observations écrites et orales soumises par les demanderesses, la déclaration n’est pas aussi claire que les demanderesses voudraient me faire croire. Devant la protonotaire, les demanderesses ont reconnu le fait que l’obtention d’un avis de conformité n’a pas été alléguée. Les demanderesses font maintenant valoir le contraire. Bien que ce soit un appel de novo, il me semble que les demanderesses ne devraient pas pouvoir revenir sur les admissions faites en présence de la protonotaire. À tout le moins, le changement de position témoigne des lacunes de la déclaration telle qu’elle est rédigée. Si les actes de procédure ne sont pas clairs pour deux avocats qui travaillent pour le même client et pour le même cabinet, comment peut‑on prétendre qu’ils peuvent faire obstacle à une requête de radiation?

 

[25]           En tout état de cause, même si j’accepte les arguments selon lesquels il est allégué dans les paragraphes 19‑21 de la déclaration que la préparation de la PADN et l’obtention de l’AC représentent des actes en contrefaçon, je ne suis pas convaincue qu’il serait approprié que l’action se poursuive.

 

[26]           Suivant le paragraphe 55.2(1) de la Loi sur les brevets, LRC 1985, c P‑4 [la Loi sur les brevets], la production, la construction, l’utilisation ou la vente d’une invention brevetée dans la seule mesure nécessaire à la préparation et à la production du dossier d’information visant à répondre aux exigences réglementaires ne constitue pas un acte de contrefaçon. La déclaration ne permet pas de savoir si les allégations concernant l’activité visée au paragraphe 55.2(1) ou une autre activité et, le cas échéant, de quelle autre activité il s’agit.

 

[27]            Les demanderesses soutiennent que M. Benyak a reconnu, lors du contre‑interrogatoire relatif à son affidavit, que la défenderesse a obtenu son AC dans le but de vendre ses produits sur les marchés publics ainsi que par voie d’appel d’offres et d’adjudication de contrat. Les demanderesses allèguent donc que les activités exercées par Nu‑Pharm n’étaient pas uniquement destinées à des fins visées par l’exemption prévue au paragraphe 55.2(1). Je ne souscris pas à ce point de vue.

 

[28]           Dans la déclaration dont je suis saisie, rien n’est allégué au‑delà de ce qui était nécessaire pour satisfaire aux exigences réglementaires relatives à la préparation et au dépôt d’une PADN. En l’absence de tout élément ne visant pas à répondre aux exigences réglementaires, le paragraphe 52.2(1) de la Loi sur les brevets s’applique. De plus, M. Benyak a affirmé sous serment que Nu‑Pharm n’a fait (ou fait faire) rien d’autre que ce qui était nécessaire pour répondre aux exigences réglementaires. Les tentatives des demanderesses de qualifier les actes de Nu‑Pharm (ou d’une tierce partie non identifiée) d’actes allant au‑delà des exigences réglementaires sont, au mieux, de nature conjecturale.

 

[29]           Je ne crois pas non plus que, au vu des faits de l’espèce, il soit nécessaire que Nu‑Pharm invoque le paragraphe 55.2(1) comme moyen de défense dans une défense présentée en bonne et due forme. Les demanderesses s’appuient sur la décision de la Cour dans l’affaire Laboratoires Servier c Apotex Inc., 2008 CF 825, 67 CPR (4th) 241, aux paragraphes 163‑168 [ Servier ], conf. par 2009 CAF 222, 75 CPR (4th) 443, pour faire valoir qu’il est nécessaire d’effectuer un examen attentif des faits relatifs à la question de l’utilisation expérimentale; selon les demanderesses, la défenderesse serait tenue suivant cette décision de produire une défense faisant spécifiquement état des faits relatifs à l’exemption. La situation visée par la décision Servier était très différente. Dans ce cas, les actes de contrefaçon ont fait l’objet d’allégations claires et explicites. La Cour n’a pris en considération les exemptions possibles qu’après avoir conclu qu’il y avait eu contrefaçon d’un brevet valide. Ce n’est qu’une fois l’allégation de contrefaçon établie que la Cour s’est livrée à l’exercice visé dans le passage cité. Il en est tout autrement en l’espèce. L’exigence de présenter des « éléments de preuve détaillés » (Servier, précitée, au paragraphe 164) n’entre pas en jeu lorsque la déclaration ne révèle pas à première vue un acte de contrefaçon.

 

[30]           Au vu des actes de procédure et du paragraphe 55.2(1) de la Loi sur les brevets, la déclaration ne révèle aucune cause d’action raisonnable.

 

[31]           En excluant la revendication alléguée selon laquelle les actions de Nu‑Pharm visant à obtenir son AC et son DIN relatif à la nu‑olanzapine constituent des actes de contrefaçon, les actes de procédure ne contiennent rien de plus qu’une affirmation selon laquelle Nu‑Pharm se prépare, par l’entremise d’une tierce partie dont le nom n’a pas été divulgué, à faire son entrée sur le marché de l’olanzapine et, que, ce faisant, Nu‑Pharm contrefera le brevet. De fait, les demanderesses soutiennent simplement que les ententes commerciales de Nu‑Pharm pourraient justifier une allégation de contrefaçon du brevet après son expiration. En d’autres termes, contrairement à ce qu’allèguent les demanderesses, la déclaration, au moins en partie, est effectivement une action quia timet à laquelle il convient d’appliquer les conclusions du juge Hughes et de la Cour d’appel dans l’affaire AstraZeneca CAF. Les allégations des demanderesses selon lesquelles Nu‑Pharm a fait quelque chose qui contrefait effectivement le brevet 113, ou qui peut lui servir de « tremplin » pour commettre un acte de contrefaçon, une fois que le brevet aura expiré, sont de simples conjectures qui ne reposent sur aucun fait substantiel et que rien ne justifie.

 

V.        Conclusion

 

[32]           En conclusion, après avoir examiné l’affaire de novo, je suis d’accord avec la conclusion de la protonotaire Milcynzski; la déclaration doit être radiée. Il sera loisible aux demanderesses si elles découvrent ultérieurement de meilleurs éléments de preuve à l’appui de leurs conjectures, d’intenter une nouvelle action en contrefaçon fondée sur des actes de procédure qui répondent aux normes acceptables.

 

[33]           Les dépens octroyés en ce qui concerne l’audition de la requête devant la protonotaire Milczynski sont confirmés. Les dépens de la présente requête sont fixés à 2 500 $.

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

 

1.                  L’appel de la décision de la protonotaire Milczynski, présenté par voie de requête, est rejeté; et

 

2.                  Des dépens d’un montant de 2 500 $ sont accordés à la défenderesse.

 

 

« Judith A Snider »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

DOSSIER :                                        T‑1548‑10

 

INTITULÉ :                                      ELI LILLY CANADA INC. ET AL.

                                                            c NU‑PHARM INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Ottawa (Ontario)

 

 DATE DE L’AUDIENCE :            LE 10 FÉVRIER 2011

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 ET ORDONNANCE :                     LA JUGE SNIDER

 

DATE DES MOTIFS :                     LE 3 MARS 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Jay Zakaïb

Constance Too

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Daniel Cohen

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

 

Gowling Lafleur Henderson S.E.N.C.R.L, s.r.l.

Avocats et procureurs

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

Goodmans LLP

Avocats et procureurs

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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