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Date : 20110117

Dossier : T-644-09

T-933-09

Référence : 2011 CF 52

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 17 janvier 2011

En présence de l’honorable juge de Montigny

 

Dossier : T-644-09

Entre :

 

APOTEX INC.

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

SANOFI-AVENTIS

 

 

 

défendeur

 

Dossier : T-933-09

Entre :

 

SANOFI-AVENTIS AND BRISTOL-MYERS SQUIBB SANOFI PHARMACEUTICALS HOLDING PARTNERSHIP

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

APOTEX INC. ET APOTEX PHARMACHEM INC. ET SIGNA SA de CV

 

 

 

défendeurs

 

  MOTIFS DE LORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

  • [1] Les parties à la présente motion sont Apotex Inc. et Apotex Pharmachem Inc. (ensemble « Apotex ») et Sanofi-Aventis and Bristol-Myers Squibb Partnership (ensemble « Sanofi »). La Cour est saisie d’une motion d’Apotex visant une ordonnance infirmant les sections d’une ordonnance délivrée le 14 septembre 2010 par la protonotaire Tabib qui n’obligeaient pas Sanofi à répondre à certaines questions qui avaient été refusées ou prises en délibéré en interrogatoire préalable les 16, 20, 23, 24 et 26 novembre 2009, et le 1er et le 3 juin 2010.

 

I.  Contexte

[2]  Apotex est une société enregistrée dans la province de l’Ontario, et mène ses activités à titre de fabricant et de distributeur de produits pharmaceutiques.

 

  • [3] Sanofi-Aventis est une société enregistrée en France et inscrite comme propriétaire du brevet 1 336 777 (le brevet « 777) au Bureau des brevets du Canada. Ce brevet porte le titre [Traduction] « dextrogyre énantiomère de méthyle alpha-5 (4,5,6,7-tetrahydro (3,2-c) thieno pyridyl) (2-chlorophenyl)-acétate, un processus pour sa préparation et les compositions pharmaceutiques qui le contiennent ». Le brevet « 777 revendique, entre autres, le composé bisulfate de clopidogrel, un médicament inhibiteur antiplaquettaire vendu sous le nom commercial de PLAVIX® partout dans le monde.

 

  • [4] Apotex a lancé son action en invalidation par la présentation d’une demande introductive, délivrée le 22 avril 2009 et modifiée le 29 mai 2009 (dossier de la cour numéro T-644-09). La demande introductive sollicite la déclaration que chaque revendication du brevet « 777 est invalide, nulle et sans effet, et la déclaration que les produits de clopidogrel qu’Apotex destinait au Canada (comprimés de bisulfate de clopidogrel et de bésylate) ne contreferont aucune revendication valide du brevet « 777.

 

  • [5] Le 8 juin 2009, Sanofi and Bristol-Myers Squibb Sanofi Pharmaceuticals Holding Partnership (le « partenariat ») a déposé une demande introductive contre Apotex et Signa SA de CV pour contrefaçon du brevet « 777 (l’action contre le partenariat a ultérieurement été abandonnée). Cette action a reçu le numéro de dossier de la cour T-933-09. Les allégations de contrefaçon contre les défendeurs se rapportent à la fabrication au Canada de clopidogrel et à l’exportation de clopidogrel à l’extérieur du Canada vers des pays tels que Hong Kong, la Nouvelle-Zélande, l’Iran, la Libye, la Malaisie, Singapour, et les États-Unis. Dans son mémoire de défense, Apotex défend l’action au motif que le brevet « 777 est invalide et par des demandes reconventionnelles de déclaration d’invalidité.

 

  • [6] Peu après avoir intenté sa poursuite pour contrefaçon, Sanofi a présenté une motion dans les deux dossiers de cour (numéros T-933-09 et T-644-09) pour fusionner les deux actions. La seule raison pour laquelle avait été présentée une action distincte en contrefaçon sous le numéro de dossier de la cour T-933-09 plutôt qu’une demande reconventionnelle pour contrefaçon sous le numéro de dossier de la cour T-644-09 était que la jurisprudence n’autorise pas l’ajout d’aucune partie (en l’espèce, le partenariat, à qui une licence avait été accordée et qui subissait aussi un préjudice) comme demandeur reconventionnel.

 

  • [7] Dans une ordonnance en date du 2 novembre 2009, la protonotaire Tabib a ordonné que soit accueillie la motion présentée par Sanofi pour fusionner les actions en contrefaçon et en invalidation. La Cour a aussi séparé les questions liées a) au montant des dommages-intérêts réclamés par les demandeurs et b) le montant des profits générés par les défendeurs et réclamés par les demandeurs aux fins du recouvrement des profits.

 

  • [8] Les communications préalables dans l’action consolidée ont commencé en novembre 2009. Dr Pierre Savi, représentant Sanofi-Aventis, a été interrogé du 16 novembre au 20 novembre 2009. En interrogatoire, le Dr Savi a soit refusé ou pris en délibéré de nombreuses questions se rapportant à des allégations non admises sur les faits. L’un des inventeurs du brevet faisant l’objet du litige, M. Alain Badorc, a aussi été interrogé du 23 novembre au 26 novembre 2009. Suivant l’interrogatoire du Dr Savi, Sanofi-Aventis a apporté un certain nombre de réponses et de documents de suivi pour des questions prises en délibéré ou qui avaient fait l’objet de tentatives de réponses en interrogatoire. Les réponses ont été données de manière continue du 19 avril 2010 au 31 mai 2010.

 

  • [9] La suite de la première ronde d’interrogatoire de Sanofi-Aventis sur les questions scientifiques s’est poursuivie du 1er juin au 3 juin 2010. Puisque le Dr Savi ne travaillait plus chez Sanofi Aventis, la Dre Josiane Merlier a été interrogée comme représentant substitut. En interrogatoire, elle a elle aussi refusé de répondre, ou pris en délibéré, à certaines questions sur des allégations de fait non admises.

 

  • [10] Vu les refus de répondre et la prise de questions en délibéré en interrogatoires préalables, Apotex a présenté à la Cour une motion destinée à obliger Sanofi-Aventis à donner des réponses à près de 300 questions. La motion a été entendue par la protonotaire Tabib, responsable du dossier, du 22 au 24 juin 2010; la motion a été partiellement accueillie dans un arrêt en date du 14 septembre 2010. Dans l’intérim, Sanofi-Aventis avait donné des réponses à des questions auxquelles elle avait accepté ou été obligée de répondre le 30 juillet 2010, et avait donné des réponses complémentaires le 30 août 2010 et le 1er septembre 2010.

 

  • [11] Dans son ordonnance, la protonotaire Tabib a constaté que certaines questions avaient été légitimement refusées puisqu’elles étaient soit non pertinentes, inadaptées, d’une portée excessive, hors proportion, ou avaient pour objectif de demander une opinion. Ce sont ces parties de l’ordonnance qui font maintenant l’objet de l’appel d’Apotex, au motif que la protonotaire a commis une erreur de droit en refusant d’ordonner que soient apportées des réponses à certaines questions.

 

II.  Questions

  • [12] Le présent appel soulève principalement les deux questions suivantes :

    1. Quelle est la norme de contrôle applicable à l’examen de l’ordonnance de la protonotaire?

    2. La protonotaire a-t-elle commis une erreur en refusant d’ordonner à Sanofi-Aventis de répondre à certaines questions posées au Dr Savi et à la Dre Merlier en interrogatoire préalable?

 

 

III.  Discussion

 

  • [13] Les ordonnances discrétionnaires des protonotaires ne doivent pas faire l’objet d’une intervention des juges saisis de leur appel, sauf si elles portent sur des questions ayant une influence déterminante sur l’issue du principal, ou si elles sont entachées d’une erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d’un mauvais principe ou d’une mauvaise appréciation des faits : Merck & Co. c Apotex Inc., 2003 CAF 488, au paragraphe 19; Novopharm Limited c Eli Lilly Canada Inc.., 2008 CAF 287, au paragraphe 52.

 

  • [14] Il est rare de pouvoir démontrer qu’un refus de divulgation supplémentaire ou de documents supplémentaires aura une influence déterminante sur l’issue du litige : Galerie au chocolat Inc. c Orient Overseas Container Line Ltd., 2010 CF 327, au paragraphe 13; Ruman c Canada, 2005 CF 474, au paragraphe 7. Quoi qu’il en soit, Apotex n’a pas allégué que les questions du litige ont une influence déterminante sur la décision finale de l’instance.

 

  • [15] Par conséquent, Apotex devait démontrer que la protonotaire avait commis une erreur en droit ou incorrectement appréhendé les faits. Bien que l’opinion experte du protonotaire ou du juge responsable de la gestion de l’instance ne le prémunisse pas contre le contrôle si un principe a incorrectement été appliqué, est aussi reconnu le lourd fardeau qui incombe aux parties désirant faire annuler une ordonnance interlocutoire par un juge ou un protonotaire responsable de la gestion de l’instance. Intervenir en regard d’ordonnances interlocutoires occasionne des retards et des frais pour l’instance. De plus, il est admis que le juge ou le protonotaire responsable de la gestion de l’instance a une connaissance intime de l’historique des faits ainsi que des détails d’une affaire complexe : Galerie au chocolat Inc. c Orient Overseas Container Line Ltd., précitée, au paragraphe 10; Montana Indian Band c Canada, 2002 CAF 331.

 

  • [16] En vertu de l’article 240, une personne soumise à un interrogatoire préalable doit répondre à toutes les questions pertinentes qui se rapportent à un fait allégué et non admis divulgué dans un acte de procédure, ainsi qu’à toute question qui concerne le nom de toute personne, autre qu’un témoin expert, dont il est raisonnable de croire qu’elle a une connaissance d’une question en litige dans l’action.

 

  • [17] Toutefois, le paragraphe 242(1) autorise certaines objections en interrogatoire préalable si, par exemple, la question est non pertinente, déraisonnable, inutile ou s’il serait trop onéreux de se renseigner. La pertinence relève du droit, et non du pouvoir discrétionnaire. La question de savoir si un document « se rapporte » à une question du dossier relève de l’interprétation raisonnable d’un acte de procédure. La partie qui sollicite le document doit démontrer que l’information contenue dans le document pourrait, directement ou indirectement, favoriser sa cause ou anéantir celle de la partie opposée.

 

  • [18] Plus récemment, la Cour d’appel fédérale a adopté le critère des « questions faisant avancer les recherches » pour établir quels documents pourraient faire avancer la cause d’une partie. Autrement dit, la Cour doit établir s’il est raisonnable de conclure que la réponse à une question donnée pourrait inspirer à la partie qui interroge des recherches qui pourraient favoriser sa cause ou anéantir celle de la partie opposée : voir Apotex inc. c Brystol-Myers Squibb Company, 2007 CAF 379 au paragraphe 30.

 

  • [19] Il est juste de dire que, par conséquent, la Cour appliquera une norme souple et adaptative sur la norme de la pertinence pour décider si une réponse est exigée pour une question. Une certaine latitude sera autorisée en communications préalables pourvu que la question soit pertinente pour les questions soulevées par l’acte de procédure. La norme de pertinence en communications préalables est plus faible qu’en procès, et le doute sur le caractère opportun de la question sera résolu en faveur de la divulgation : voir Monit International Inc. c Canada (1999), 175 FTR 258; Glaxo Group Ltd. c Novopharm Ltd., [1998] CFJ No 1808, au paragraphe 4 (CAF).

 

  • [20] Cela étant, la Cour conserve le pouvoir discrétionnaire de décider de ne pas obliger la présentation de documents techniquement pertinents lorsque cette présentation n’aurait aucun avantage ou ne pourrait faire avancer les recherches d’une partie. Malgré la vaste latitude, des limites encadrent le droit d’interroger, et la Cour n’autorise pas, en interrogatoire, les « recherches à l’aveuglette » de renseignements utilisables : voir Apotex Inc. c Merck & Co. Inc., 2004 CF 1038, au paragraphe 16; Eli Lilly Canada Inc. c Novopharm Limited, 2007 CF 1195, au paragraphe 19, confirmé dans 2008 CF 281; confirmé dans 2008 CAF 287, aux paragraphes 69-70; Pharmacia S.p.A. c. Faulding (Canada) Inc. (1999) 3 CPR(4th) 126, aux paragraphes 2-3 (C.A.F.).

 

  • [21] De plus, le seul fait qu’une question puisse être considérée comme « pertinente » ne signifie pas inévitablement que l’on doive y répondre. La pertinence doit être soupesée contre des facteurs tels que le niveau de pertinence, le point de savoir s’il est onéreux de fournir une réponse, le point de savoir si la réponse exige un fait, une opinion ou un point de droit, et ainsi de suite : GSC Technologies Corp. c Pelican International, 2009 CF 223, au paragraphe 11; AstraZeneca Canada Inc. c Apotex Inc., 2008 CF 1301.

 

  • [22] C’est en considérant ces principes qu’il me revient maintenant d’examiner la question portée en appel dans le but d’établir si la protonotaire Tabib a commis une erreur en fait ou en droit en refusant d’obliger Sanofi-Aventis à répondre à certaines questions. Au préalable, il convient de rappeler certains faits contextuels se rapportant aux questions scientifiques posées dans les actes de procédure.

 

  • [23] Le brevet qui fait l’objet de la procédure est le brevet « 777. Ce brevet se rapporte à un énantiomère dextrogyre de méthyle alpha-5 (4,5,6,7-tetrahydro (3,2-C) thieno pyridyl)(2-chlorophenyl)-acétate (le « racémate »), qui est un processus pour sa préparation et les compositions pharmaceutiques qui le contiennent. D’après le brevet « 777, cet énantiomère (aussi dénommé clopidogrel), le racémate contenant du clopidogrel, et l’énantiomère lévogyre du clopidogrel (ci-après le l-clopidogrel) avaient antérieurement été décrits dans une demande de brevet déposée en France sous le numéro 2 530 247.

 

  • [24] Le brevet « 777 énonce que [Traduction] « d’une manière inattendue », le l-clopidogrel ne présente aucune activité d’inhibition de l’agrégation plaquettaire. De plus, le brevet « 777 énonce que le l-clopidogrel est le moins bien toléré des deux énantiomères. Dans les deux cas, ces prétentions d’utilité se rapportent aux êtres humains. Ainsi, la prétendue découverte divulguée dans le brevet « 777 est que le l-clopidogrel ne fonctionne pas tel que le promettait la demande de brevet déposée en France sous le numéro 2 530 247. L’équivalent canadien de la demande de brevet déposée en France est les Lettres patentes, sous le numéro 1 194 875 (le « brevet “875 »).

 

  • [25] Le brevet « 777 indique aussi que certains sels carboxyliques et sulfoniques conventionnellement employés en pharmacie avaient été préparés avec du clopidogrel, mais qu’il avait été découvert que ces derniers se précipitent en forme amorphe et/ou sont hygroscopiques, ce qui rend difficile leur manipulation à l’échelle industrielle, ainsi que leur purification. Parmi ces sels inadaptés, le brevet « 777 identifie entre autres, sans limitation, les [Traduction] « acides acétiques, benzoïques, fumariques, maléiques, citriques, tartriques, gentisiques, méthane-sulfoniques, éthane-sulfoniques, benzène-sulfoniques (bésylate) et lauryl-sulfoniques, ainsi que les sels d’acide dobésilique […] et d’acide paratoluène-sulfonique ». Le brevet identifie les sels d’hydrogène-sulfate (bisulfate), de taurocholate et de bromure d’hydrogène comme les sels préférables, qui se cristallisent facilement et ont des caractéristiques utiles de solubilité dans l’eau et d’hygroscopicité.

 

  • [26] Tant dans sa demande introductive d’invalidation du brevet « 777 dans le dossier T-644-09, que dans son mémoire de défense et demande reconventionnelle dans le dossier T-933-09, Apotex fait valoir plusieurs fondements à l’appui de sa prétention que le brevet « 777 est invalide. Apotex affirme que le brevet « 777 est invalide aux motifs de son évidence, de son défaut de nouveauté, et de son défaut d’utilité, incluant le défaut d’utilité par défaut de prédiction valable. En outre, Apotex prétend que le brevet « 777 est invalide pour dédoublement du brevet « 875. Enfin, Apotex déclare que le brevet « 777 est invalide à titre de brevet de « sélection invalide ». Cependant, devant les décisions de la Cour suprême du Canada dans Apotex Inc. c Sanofi-Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61, et de la Cour d’appel fédérale dans Eli Lilly Canada Inc. c Novopharm Limited, 2010 CAF 197, d’après lesquelles, en principe, rien ne s’oppose aux brevets de sélection, Apotex a présenté une motion pour obtenir l’autorisation de modifier un acte de procédure pour requalifier certaines de ses allégations. Plus particulièrement, la modification proposée par Apotex vise une allégation pertinente visant la sélection invalide, qui serait transposée vers les catégories courantes d’invalidité (c.-à-d. inutilité, évidence, antériorité, et insuffisance). La demande présentée par Apotex pour modifier son acte de procédure a été accueillie par la protonotaire Tabib le 26 novembre 2010.

 

  • [27] Apotex a d’abord allégué que le brevet « 777 est invalide au motif de son inutilité. Plus particulièrement, Apotex allègue que le clopidogrel n’est pas d’une plus grande utilité chez l’humain que le racémate ou les autres composés du brevet « 875. La doctrine de l’inutilité du brevet a été expliquée par la Cour suprême du Canada dans Consolboard Inc. c MacMillan Bloedel (Saskatchewan) Limited (1981), 56 CPR(2d) 145 ainsi (page 160) :

[Inutile]signifie que l’invention ne fonctionnera pas, dans le sens qu’elle ne produira rien du tout ou, dans un sens plus général, qu’elle ne fera pas ce que le mémoire descriptif prédit qu’elle fera. […] ce n’est pas l’utilité pratique de l’invention ni son utilité commerciale qui importe à moins que le mémoire descriptif ne laisse prévoir une utilité commerciale, il n’importe pas plus que l’invention apporte un avantage réel au public, ni qu’elle soit particulièrement adaptée au but visé.

 

 

  • [28] La Cour suprême, dans Apotex Inc. c Wellcome Foundation Limited a reconnu que l’utilité pratique d’une invention, démontrée par des essais cliniques menés antérieurement sur des sujets humains pour établir la toxicité, les caractéristiques métaboliques, la biodisponibilité et d’autres facteurs ne constitue pas une condition préalable pour qualifier une invention d’utile aux fins du droit des brevets. La Cour a déclaré que les exigences d’approbation réglementaire d’un produit pharmaceutique et l’utilité d’une invention liée à ce produit aux yeux du Commissaire aux brevets constituent deux notions distinctes :

Les conditions préalables en matière de preuve que doit remplir le fabricant qui souhaite commercialiser une drogue nouvelle visent un objectif différent de celui visé par le droit des brevets. Dans le premier cas, on parle d’innocuité et d’efficacité alors que, dans le deuxième cas, il est question d’utilité, mais dans le contexte de l’inventivité.

 

Apotex Inc. c Wellcome Foundation Limited, [2002] 4 RCS 153, au paragraphe 77.

 

 

  • [29] De plus, la Cour suprême a aussi relevé que « [d]es doutes peuvent planer au sujet du succès commercial de l’invention, mais l’utilité dans ce contexte s’entend de l’utilité aux fins revendiquées, et non de l’acceptation commerciale » : Apotex Inc. c Wellcome Foundation Limited, précitée, au paragraphe 54. Ainsi que le relève ma collègue la juge Mactavish dans Aventis Pharma Inc. c Apotex Inc. 2005 CF 1283 au paragraphe 272 (confirmé dans 2006 CAF 64), l’utilité et la possibilité de commercialisation sont des notions distinctes :

L’utilité ne dépend pas des possibilités de commercialisation : Wandscheer c. Sicard Limited, [1948] R.C.S. 1 à la page 25, 8 C.P.R. 35. En d’autres termes, lorsqu’on détermine l’utilité d’une invention, on ne se demande pas si l’invention est suffisamment utile pour pouvoir être commercialisée, à moins que l’utilité commerciale soit expressément promise. La question que l’on doit poser est plutôt celle de savoir si l’invention fait ce que le brevet promet qu’elle fera.

 

 

  • [30] En somme, le véritable critère d’utilité d’une invention est celui de savoir si, lorsque l’invention est utilisée par une personne compétente, fera ce qu’il est présumé qu’elle fera, et sera pratique et utile au moment où le brevet a été accordé aux fins déclarées par le breveté : voir VISX Inc. c Nidel Co. (1996), 68 CPR(3d) 272, à la page 275 (confirmé dans 72 CPR (3d) 19 (CAF); Faulding Canada Inc. c Pharmacia S.p.A. (1998), 82 CPR(3d) 208 (FC), au paragraphe 10.

 

  • [31] Lorsque l’utilité d’une invention n’a pas été démontrée, l’exigence d’utilité pour la brevetabilité peut être remplie par une prédiction valable fondée sur les renseignements et les avis d’experts qui sont alors accessibles. Lorsqu’elle s’applique, la prédiction valable doit être évaluée à la date de dépôt du brevet au Canada. La prédiction valable n’est pas synonyme de certitude. Les exigences pour la prédiction sont les suivantes :

a)  La prédiction doit avoir un fondement factuel;

b)  L’inventeur doit avoir un raisonnement clair et valable qui permette d’inférer du fondement factuel le raisonnement souhaité;

c)  Il doit y avoir divulgation suffisante.

 

Apotex Inc. c Wellcome Foundation Limited, précitée, aux paragraphes 56-70;

Aventis Pharma Inc. c Apotex Inc., 2006 CAF 64, au paragraphe 30;

Novopharm Limited c Pfizer Canada Inc., 2010 CAF 242.

 

 

  • [32] Il reviendra au juge de première instance de décider si, tel que l’allègue Apotex, le brevet « 777 est invalide pour défaut de prédiction valable. Plus particulièrement, Apotex allègue que les supposés inventeurs du brevet « 777 ont spéculé que le clopidogrel aurait son utilité :

    1. sans présenter le fondement factuel de cette conclusion;

    2. sans décrire dans le brevet « 777 aucune étude sur l’inhibition de l’agrégation plaquettaire ou la toxicologie, réalisée ou rapportée de manière raisonnable, qui était accessible et statistiquement ou autrement significative, ni un raisonnement clair et valable permettant de prédire l’utilisé promise du clopidogrel à partir de tout fondement factuel, puisque ni les essais décrits dans le brevet ni les connaissances générales courantes et l’état de la technique aurait permis à une personne versée dans l’art de faire une prédiction raisonnable que le clopidogrel serait utile tel que promis; et

    3. sans divulguer le fondement factuel et le raisonnement valable, dans la mesure où existait un tel raisonnement, dans le brevet « 777. C’est au motif de ces allégations que la pertinence des questions litigieuses doit être examinée.

 

  • [33] Troisièmement, Apotex allègue que, si l’invention du brevet « 777 était raisonnablement prévisible, cela signifiait que l’invention aurait été évidente pour une personne versée dans l’art à tous les moments pertinents, grâce aux documents de nature courante et générale à la disposition de cette personne et aux renseignements qu’elle aurait pu tirer des certains documents d’antériorité. Apotex allègue aussi, à titre liminaire, qu’une personne versée dans l’art serait arrivée à formuler le racémate sans l’exercice d’une ingéniosité inventive, aurait considéré normal de formuler chaque énantiomère, aurait mené des essais pharmacologiques de routine pour confirmer leurs caractéristiques biologiques relatives, aurait considéré évident de formuler le bisulfate de clopidogrel dans le cadre d’un programme de sélection normal des sels, et se serait attendu à ce que l’essai permette d’obtenir les résultats souhaités. Pour appuyer cette affirmation, Apotex plaide que les inventeurs identifiés sur le brevet « 777 sont arrivés à la supposée invention directement et sans difficulté, et que tout délai ou difficulté supposément rencontré par ces personnes pour arriver à l’invention supposée du brevet “777 était attribuable à leur propre manquement d’expertise pertinente et à un manque d’efforts suffisants.

 

  • [34] Il est évident que si l’invention revendiquée dans un brevet est avérée non inventive, le brevet sera invalide. Une invention brevetée sera considérée comme évidente si des personnes versées dans l’art, disposant des connaissances partagées à la date de dépôt du brevet, y auraient été menées directement et sans difficulté. Une allégation que l’invention revendiquée dans le brevet était évidente est évaluée objectivement, mais d’après toute la preuve à disposition se rapportant à la question. Dans Apotex Inc. c Sanofi-Synthelabo Canada Inc., précitée, le juge Marshall Rothstein a adopté une méthode en quatre étapes élaborée par les cours britanniques et favorablement citée depuis Pozzoli SPA v BDMO SA, [2007] FSR 37, [2007] EWCA Civ 588. Les quatre étapes sont les suivantes :

(1) (a) Identifier la ‘personne versée dans l’art’;

  (b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

 

(2) Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

 

(3) Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de l’“état de la technique” et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation;

 

(4) Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidences pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

 

 

  • [35] Le juge Rothstein a conclu que c’est à la quatrième étape du critère de l’évidence que se pose la question de l’« essai allant de soi ». Il a indiqué que, dans certaines instances et pour certaines inventions, il convient d’examiner si l’invention est issue d’un « essai allant de soi ». Une invention est issue d’un « essai allant de soi » lorsqu’il est très clair ou plus ou moins évident que l’objet de l’essai fonctionnera vraisemblablement. Pour conclure que l’invention était issue d’un « essai allant de soi », des preuves doivent convaincre le juge sur la prépondérance des probabilités qu’il allait plus ou moins de soi de tenter d’obtenir l’invention. La seule possibilité d’un résultat ne suffit pas.

 

  • [36] La Cour suprême a aussi ajouté qu’un autre facteur à examiner se trouve dans les mesures concrètes ayant mené à l’invention. La route empruntée par l’inventeur pour formuler son invention – ce que l’inventeur a fait et ce qu’il n’a pas fait –constitue donc une sujet d’examen opportun en communication préalable, et pourrait en fin de compte s’avérer une source de preuve pertinente pour résoudre des questions de preuve au procès. Ainsi que le remarque le juge Rothstein :

[l]e fait pour l’inventeur et les membres de son équipe de parvenir à l’invention rapidement, facilement, directement et à relativement peu de frais, compte tenu de l’art antérieur et des connaissances générales courantes, pourrait étayer une conclusion d’évidence, sauf lorsque leurs efforts et leurs connaissances se sont révélés plus grands que ceux attribués à la personne versée dans l’art. Leur démarche tendrait à indiquer qu’une personne versée dans l’art, grâce à ses connaissances générales courantes et à l’art antérieur, aurait agi de même et serait arrivée au même résultat. Par contre, lorsque temps, fonds et efforts ont été consacrés à la recherche ayant finalement mené à l’invention, et ce, avant que l’inventeur ne se mette à la recherche de l’invention ou qu’on ne lui enjoigne de le faire, y compris les démarches qui se sont révélées vaines et inutiles, une conclusion de non-évidence pourrait être fondée. On pourrait en déduire que la personne versée dans l’art n’aurait pas fait mieux en s’appuyant sur ses connaissances générales courantes et sur l’art antérieur.

 

Apotex Inc. c Sanofi-Synthelabo Canada Inc., précitée, au paragraphe 71.

 

 

  • [37] Enfin, Apotex affirme que le brevet « 777 est invalide puisque l’invention était anticipée et que le brevet dédouble un brevet antérieur. Ce motif d’invalidité découle du paragraphe 27(1) de la Loi sur les brevets, lequel explique qu’à titre de condition d’obtention d’un brevet que l’invention n’ait pas été « connue ou utilisée » et qu’elle n’ait pas été « décrite » dans aucun brevet ou dans une publication plus de deux ans avant la présentation de la demande de brevet.

 

  • [38] Dans Apotex Inc. c Sanofi-Synthelabo Canada Inc., précitée, la Cour suprême a précisé un critère bien établi pour l’antériorité. Le juge Rothstein a confirmé que deux éléments doivent être démontrés pour que puisse être démontrée l’antériorité d’une divulgation antérieure, ou dans le cas d’un brevet de sélection, le brevet antérieur. Tout d’abord, il doit y avoir eu divulgation faisant en sorte qu’une personne versée dans l’art aurait compris les avantages spécifiques de l’invention divulguée à la lecture de l’art antérieur ou du brevet antérieur. À cet effet, les essais successifs ne sont pas autorisés. Dans le cas d’un brevet de sélection, si le brevet de genre ne divulgue pas d’avantages spécifiques, il n’y a pas antériorité.

 

  • [39] Ensuite, la divulgation antérieure doit avoir été suffisante. L’art antérieur doit renfermer suffisamment de renseignements pour permettre à la personne versée dans l’art usant de connaissances courantes d’exécuter le brevet subséquent sans trop de difficultés. Les essais courants sont acceptables, mais les essais successifs ou ardus sur une période prolongée ne sont pas considérés comme « courants ». Ici aussi, le juge Rothstein décline quatre facteurs qui doivent être normalement pris en considération avant de décider si la divulgation antérieure peut être considérée suffisante, dont deux sont particulièrement pertinents pour le dossier dont est saisie la Cour :

3. Le brevet antérieur doit renfermer suffisamment de renseignements pour permettre l’exécution du brevet subséquent sans trop de difficultés. Le caractère excessif des difficultés dépend de la nature de l’invention. Par exemple, lorsque celle-ci relève d’un domaine technique où les essais sont monnaie courante, le seuil de ce qui constitue une difficulté excessive tend à être plus élevé que lorsque les efforts moindres sont la norme. Lorsqu’il est nécessaire de franchir une étape inventive, la divulgation antérieure ne satisfait pas au critère du caractère réalisable. Les essais courants sont toutefois admis et il n’en résulte pas de difficultés excessives. L’expérimentation ou les essais successifs ne doivent cependant pas se prolonger, et ce, même dans un domaine technique où ils sont monnaie courante. Aucune limite n’est fixée quant à la durée des efforts consacrés; toutefois, les essais successifs prolongés ou ardus ne sont pas tenus pour courants.

 

4. Les erreurs ou omissions manifestes du brevet ne font pas obstacle au caractère réalisable lorsque des habiletés et des connaissances raisonnables permettaient d’y remédier.

 

Apotex Inc. c Sanofi-Synthelabo Canada Inc., précitée, au paragraphe 37.

 

 

  • [40] Par ailleurs, il convient de rappeler qu’un brevet de sélection revendiquant un composé brevetable distinct de celui visé par les revendications du brevet de genre ne saurait être invalidé pour cause de double brevet relatif à une évidence : Apotex Inc. c Sanofi-Synthelabo Canada Inc., précitée, au paragraphe 113.

 

  • [41] C’est au motif de ces principes généraux que la décision de la protonotaire doit être examinée afin d’établir si elle a commis une erreur en droit ou a incorrectement appréhendé les faits se rapportant à la pertinence des questions faisant l’objet du contrôle.

 

  • [42] À partir des interrogatoires préalables du Dr Pierre Savi tenus du 16 au 20 novembre 2009, la première catégorie d’éléments contestés porte sur les composés de thiénopyridine. Le Dr Savi a pris en délibéré la demande d’Apotex qu’il présente une liste de toutes les thiénopyridines synthétisées par Sanofi-Aventis et rendues publiques, soit au moyen de publications, de brevets ou autrement, jusqu’en 1990.

 

  • [43] Apotex a affirmé que les thiénopyridines sont une classe de récepteurs à l’ADP et inhibiteurs de P2Y12 utilisés pour leur action antiplaquettaire. Le clopidogrel appartient à la classe des thiénopyridines. D’après Apotex, les travaux menés par Sanofi sur les thiénopyridines apporteront des renseignements contextuels utiles à la compréhension de ce qui suit : (a) la route empruntée par les inventeurs de Sanofi pour arriver à synthétiser le clopidogrel; (b) la compréhension qu’avaient les inventeurs de la structure, de l’action, et des niveaux de toxicité des composés de cette classe; et (c) si le clopidogrel était typique ou inhabituel lorsqu’il était comparé aux autres thiénopyridines. En présentant cet argument, Apotex a observé que ces renseignements appuieront ses allégations sur (a) l’évidence (plus particulièrement la question de savoir si le clopidogrel avait été découvert avec une relative facilité ou difficulté par les inventeurs grâce à leurs connaissances préalables); et (b) la prédiction valable (plus particulièrement, la question de savoir si, grâce à leurs connaissances sur les autres thiénopyridines, les inventeurs auraient raisonnablement pu prédire que le clopidogrel pourrait être utilisé pour traiter les humains).

 

  • [44] La protonotaire a décidé que la demande était d’une portée excessive pour ce qui était de sa pertinence. Elle a ajouté que [Traduction] « la pertinence n’est pas élevée, certaines ne sont pas pertinentes, mais, selon la date de la synthèse et des essais, les connaissances qu’avaient les inventeurs sur ces travaux, et la question de savoir si les essais sur l’action et la toxicité ont été menés, ainsi que leurs résultats ».

 

  • [45] Après avoir pris connaissance des observations écrites d’Apotex et entendu les avocats, je ne suis pas convaincu que la protonotaire Tabib ait commis une erreur en arrivant à sa conclusion. En effet, Apotex n’a pas identifié le principe que la protonotaire aurait omis d’appliquer et pour quels motifs elle avait [Traduction] « manifestement tort » de refuser la demande. Bien que le brevet « 875 se rapporte aux thiénopyridines, la demande allait bien au-delà des composés du brevet « 875, et bien au-delà de la période visée. L’avocat du défendeur a mentionné en audience qu’il existait plus de 1 500 composés de thiénopyridines, ce qui rendrait manifestement excessive la portée de la demande d’Apotex. De plus, Sanofi a déjà indiqué en réponse aux communications préalables qu’il n’existait aucune liste de ces composés, ce qui rendrait très coûteuse la compilation de tous les composés de thiénopyridine. Par conséquent, il n’y a aucune raison de substituer l’ordonnance de la protonotaire sur ce motif.

 

  • [46] La deuxième catégorie d’éléments contestés se rapporte aux énantiomères. La demande 14 est la plus vaste, et porte sur la question de savoir quels énantiomères, tous composés confondus, avaient été commercialisés par Sanofi-Aventis à ce jour. Le Dr Savi a aussi pris en délibéré les questions suivantes :

    1. celle de savoir quels énantiomères, tous composés confondus, avaient été commercialisés par Sanofi-Aventis jusqu’en 1990 (demande 15);

    2. celle de savoir pour quels énantiomères Sanofi-Aventis avait sollicité une approbation réglementaire jusqu’à présent (demande 16) et depuis 1990 (demande 17);

    3. celle de savoir pour quels autres énantiomères de thiénopyridines, hormis le clopidogrel, une approbation réglementaire avait été sollicitée jusqu’à présent (demande 18) ou avait été sollicitée depuis 1990 ou 1995 (demande 19);

    4. de multiples questions liées à la résolution des énantiomères (demande d’une liste d’énantiomères, et d’énantiomères de thiénopyridine qui ont été résolus jusqu’à présent (demande 20) et depuis 1990 (demande 21));

    5. la question de savoir si, outre PCR 1033, d’autres composés avaient été résolus au 13 juillet 1982 par Sanofi (demande 36);

    6. celle de savoir si des composés racémiques autres que les thiénopyridines avaient été résolus ou pour quels énantiomères ils avaient été synthétisés;

    7. celle de savoir si les énantiomères avaient fait l’objet d’essais sur leur activité (demande 64);

    8. celle de savoir si la société avait résolu ou synthétisé des énantiomères de composés racémiques entre le 13 juillet 1982 et le 17 février 1987 ou le 8 février 1988 (demande 121)).

 

  • [47] La protonotaire a refusé d’ordonner que des réponses soient données à ces questions au motif que leur portée était excessive. Elle a décidé que la question de la demande 14 [Traduction] « avait une portée excessive, telle qu’elle était posée : elle dépassait le brevet “875 et la date visée, seule la motivation scientifique est pertinente, elle dépasse l’utilité sur les avantages du brevet, au-delà du travail subjectif des inventeurs ». Ses réponses aux demandes 15-17 étaient les mêmes que celles à la demande 14, à l’exception des dates. Quant aux demandes 18 et 19, elle a déclaré qu’ils [Traduction] « avaient une portée excessive sur la date. Quant aux composés, l’approbation réglementaire n’est pas pertinente. Pour démontrer la nature courante de la séparation et des essais sur les énantiomères, la pertinence est faible. Dans l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire, la proportionnalité n’est pas le gage d’une réponse adéquate à une question ». Les demandes 20, 21, 64 et 121 étaient aussi déclarées avoir une portée excessive. Enfin, la protonotaire a conclu que la réponse déjà donnée à la demande 36 suffisait à démontrer ce qui était pertinent, à savoir celle sur les questions liées aux thianopyridines.

 

  • [48] L’avocat d’Apotex a affirmé que la protonotaire avait commis une erreur en concluant que toutes les questions avaient une portée excessive puisqu’elles dépassaient les composés identifiés sur le brevet « 875. À son avis, les techniques et les connaissances sur la séparation des énantiomères ne constituent pas un objet pouvant être confiné aux composés divulgués dans le brevet « 875, et l’examen de l’ensemble des méthodes adoptées par Sanofi quant aux médicaments racémiques permettra de mieux répondre à la question de savoir si Sanofi a résolu le composé pour obtenir le clopidogrel de manière routinière et courante. Si Sanofi a commercialisé une grande quantité de médicaments énantiomères ou sollicité l’approbation réglementaire de ces produits, il peut être conclu qu’une telle compréhension était courante chez Sanofi et, selon toute vraisemblance, au-delà de ses murs. Cette connaissance appuierait aussi la prétention émise par Apotex sur la prédiction valable, dans la mesure où une personne versée dans l’art saurait que sociétés pharmaceutiques étaient motivées à séparer les candidats médicaments racémiques dans le but de mieux connaître la distribution de l’action et de la toxicité des énantiomères, d’établir quels sont les énantiomères les plus et les moins toxiques, quels sont les moins actifs et les plus toxiques afin de les enlever comme impuretés. Si, au contraire, Sanofi n’avait pas beaucoup d’expérience dans la séparation des énantiomères, cela appuierait l’argument d’Apotex que tout délai supposé ou présumée difficulté rencontrée par les scientifiques de Sanofi dans le travail qui a supposément mené à l’invention du brevet « 777 était attribuable à leur défaut de connaissances applicables et à leurs efforts lacunaires.

 

  • [49] Je ne trouve aucune erreur susceptible de révision dans l’exercice par la protonotaire de son pouvoir discrétionnaire. Les questions n’étaient pas limitées aux composés du brevet « 875, ni même à l’ensemble des thiénopyridines. Ainsi, leur portée aurait manifestement pu être déclarée excessive. Je relève que Sanofi a déjà présenté tout renseignement pertinent et a indiqué quelles thiénopyridines avaient été séparées pendant la période visée. Les réponses demandées par Apotex, outre celles ayant déjà fait l’objet de réponses sur les thiénopyridines, ne seraient pas directement pertinentes et y apporter des réponses aurait manifestement eu un prix conséquent. En outre, rien n’empêche Apotex de présenter en procès son argument se rapportant à la prédiction valable et à l’évidence, au motif que la preuve scientifique était accessible au public et/ou en se fondant sur la preuve de ses propres experts. Même si j’accepte l’argument d’Apotex voulant que les questions remontant à 1990 n’aient pas une portée chronologique excessive, puisque les composés commercialisés jusqu’à cette date auraient pu être fondés sur des recherches menées avant la date de dépôt du brevet « 777, il n’en demeure pas moins qu’en leur substance, ces questions vont trop loin. La protonotaire n’était pas déraisonnable lorsqu’elle a conclu que l’expérience et les connaissances spécialisées de Sanofi sur la séparation des énantiomères représentent des questions qui peuvent être circonscrites aux composés divulgués dans le brevet « 875 aux fins de l’argument sur l’évidence. Enfin, la question de savoir si l’invention revendiquée répond aux exigences de réglementation ou de mise en marché n’est pas pertinente à la question de savoir si l’invention revendiquée est utile en vertu de l’article 2 de la Loi sur les brevets.

 

  • [50] La troisième catégorie de questions contestées se rapporte aux sels. Ces questions se rapportent toutes à l’évidence de la sélection des sels, et visent les paragraphes 103 (h), (i) et (j) du mémoire de défense et de la demande reconventionnelle d’Apotex. Le Dr Savi a pris en délibéré une demande de recherche et de réponse à la question de savoir [Traduction] « s’il existait des cas liés aux composés donnés en exemple où des essais de formation de sels n’avaient pas réussi pour un sel, répété sur un autre, et mené à son identification dans le brevet « 875” (demande 154), et « si des essais avaient été menés, autrement que sur les thiénopyridines du brevet “875, sur l’hydrogène sulfate, avant le dépôt au Canada, ou pour produire cette substance » (demande 290). À titre de suivi pour la dernière question, il a été demandé à la Dre Merlier d’indiquer, pour les thiénopyridines et au-delà des thiénopyridines, si la société avait composé un sel de bromure d’hydrogène (demande 88), ou un taurocholate (demande 89). Il lui a aussi été demandé, si Sanofi n’avait pas formulé le taurocholate avant la date de dépôt du brevet « 875, d’indiquer à quelle date Sanofi avait pour la première fois formulé un tel sel (demande 90).

 

  • [51] La protonotaire a conclu que la première question posée à Dr Savi était non pertinente [Traduction] « car elle cherchait expressément à savoir ce que contenait et ne contenait pas le brevet « 875”. Elle a estimé que la deuxième question avait une portée excessive et était hors de proportion. Quant aux trois questions posées à la Dre Merlier, la protonotaire a déclaré qu’il n’était pas nécessaire d’y répondre puisqu’Apotex avait admis l’applicabilité des arrêts antérieurs.

 

  • [52] Ainsi qu’il a déjà été indiqué, le brevet « 777 revendique que certains sels de clopidogrel, incluant le sel bisulfate, ont des propriétés souhaitables (c.-à-d. solubilité et hygroscopicité). Certains sels identifiés étaient aussi identifiés dans le brevet « 875. L’avocat d’Apotex a affirmé que la protonotaire avait commis une erreur en droit et en fait, et mal appréhendé les questions lorsqu’elle avait affirmé qu’elles n’étaient pas pertinentes dans la mesure où elles ne visaient que ce qui était rapporté dans le brevet « 875. Cela serait inexact, d’après les avocats d’Apotex, puisque les questions cherchaient, en substance, à établir avec quelle facilité Sanofi avait formé les sels ou si elle avait dû mener de multiples expériences et essais pour y parvenir.

 

  • [53] Contrairement à cet argument, j’estime ici aussi que la protonotaire n’a pas commis d’erreur en droit ou en fait en arrivant à la conclusion que ces questions avaient une portée excessive. Elles dépassent les thiénopyridines et vont bien au-delà la portée du brevet « 875; elles prétendent s’interroger sur [Traduction] « tout essai » mené par Sanofi sur trois sels spécifiques autres que les thiénopyridines du brevet « 875, sans aucune restriction sur la date, le type de composés, le projet, etc. L’expérience générale de Sanofi avec les sels n’est pas probante de la question examinée au procès, laquelle porte principalement sur un composé en particulier. La demande va trop loin et s’apparente à une « recherche à l’aveuglette ».

 

  • [54] La dernière catégorie de questions se rapportant à l’interrogatoire préalable du Dr Savi concerne les directives de réglementation au Japon. Le Dr Savi a pris en délibéré la question de savoir si Sanofi (ou toute entité ou partenaire de coentreprise éventuel au Japon pendant la période visée) connaissait les directives de fabrication pharmaceutique publiées en 1985 par la Society of Japanese Pharmacopia (demande 316), ou la partie des directives à la sixième page finale de la Pièce C portant sur les modifications racémiques (demande 317), et si, le cas échéant, à quel moment Sanofi avait pris connaissance de ces publications.

 

  • [55] La protonotaire a ainsi disposé de ces questions [Traduction] :

La Cour reconnaît que les directives réglementaires puissent être pertinentes pour analyser l’art antérieur et les connaissances générales courantes. Je conviens que la connaissance de Sanofi et des inventeurs puisse être pertinente aux antécédents de l’invention. La connaissance par des tiers du règlement n’est pas pertinente au récit de l’invention, et n’est pertinente que pour les connaissances générales courantes et la qualification sur l’art antérieur, mais la connaissance d’une ou de deux parties est d’une valeur probante assez faible pour rendre la question disproportionnée.

 

 

  • [56] D’après l’avocat d’Apotex, les directives de fabrication publiées au Japon en 1985 semblent prévoir une exigence de résolution des médicaments racémiques dans leurs énantiomères constitutifs. Si Sanofi connaissait ces exigences, cela aurait donné à Sanofi une raison de séparer l’un des millions de composés visés par le brevet « 875 et ainsi d’obtenir le clopidogrel. Par conséquent, Apotex estime que la protonotaire a commis une erreur en droit en concluant que l’information en question avait une faible valeur probante et qu’il n’était pas nécessaire d’y répondre; la question était pertinente et aurait à tout le moins pu mener à une série de questions qui aurait pu, directement ou indirectement, faire avancer la cause d’Apotex, d’après son avocat, peu importe la valeur probante définitive de la réponse.

 

  • [57] De nouveau, je suis d’accord avec la disposition de ces questions par la protonotaire. Elle avait raison de conclure que les directives réglementaires au Japon auraient éventuellement pu être pertinentes dans l’évaluation de l’art antérieur et des connaissances générales courantes. Dans cette mesure, la connaissance par Sanofi et ses inventeurs de ces directives réglementaires était pertinente à l’historique de l’invention. En effet, Sanofi a répondu à quelques questions se rapportant sa connaissance de ces directives réglementaires. Cependant, les deux questions contestées vont bien au-delà des limites de la question pertinente, et auraient obligé Sanofi à poser des questions sur les connaissances par des tiers (principalement des partenaires japonais de coentreprises) de ces directives réglementaires. Dans la mesure où cette motivation serait pertinente, ce serait la motivation de la personne versée dans l’art qui serait pertinente. La connaissance par des tiers est, au mieux, d’une pertinence infime dans le développement de l’invention, et est manifestement neutralisée par la nature coûteuse des efforts que devraient déployer les représentants de Sanofi pour y apporter une réponse. Si Apotex souhaite postuler en procès que les grands joueurs pharmaceutiques connaissaient ces exigences pour démontrer que les exigences réglementaires au Japon auraient exigé que les médicaments racémiques soient résolus dans leurs énantiomères, elle peut le faire avec ses propres spécialistes.

 

  • [58] Quant aux interrogatoires préalables de Dre Josiane Merlier, toutes les questions contestées de la première catégorie portent sur l’argument présenté par Apotex concernant la prédiction valable. Dre Merlier a pris en délibéré la demande de relater le point de vue de Sanofi sur la question de savoir si oui ou non des toxicités spécifiques sont reconnues à des espèces en particulier (demande 76), et a refusé de répondre aux demandes suivantes :

    1. Présenter le fondement de la réponse à la question précédente, et particulièrement de relever à quels essais et à quelles circonstances les toxicités spécifiques sont associées, ou non, à une espèce en particulier (demande 77);

    2. Présenter la perspective de Sanofi sur la question de savoir si oui ou non des essais menés sur des animaux peuvent permettre de prédire l’activité chez l’humain, en général et pour les thiénopyridines en particulier (demande 78);

    3. Présenter le fondement factuel utilisé par les inventeurs pour prédire que le clopidogrel serait utile en étant tolérable par l’humain (demande 95);

    4. Donner le fondement factuel de la prédiction que le d-énantiomère serait mieux toléré par l’humain que le l-énantiomère (demande 107).

 

 

  • [59] La protonotaire a conclu que les trois premières questions (demandes 76, 77 et 78) avaient une portée excessive et a refusé d’ordonner à Sanofi d’y répondre. Pour les deux dernières questions (demandes 95 et 107), elle a conclu que Sanofi avait eu raison de refuser d’y répondre, puisqu’elles reposaient sur une promesse du brevet contesté par Sanofi (utile par sa tolérabilité chez l’humain). D’après la protonotaire, les questions ne pouvaient faire l’objet d’une réponse sans que ne soit acceptée une certaine interprétation du brevet « 777.

 

  • [60] Apotex a plaidé que le clopidogrel est invalide par défaut de prédiction valable puisque ses inventeurs n’auraient pas pu raisonnablement anticiper que le clopidogrel aurait pu avoir le profil d’activité et de toxicité chez l’humain qui est promis dans le brevet. L’un des fondements de cette allégation est que les données sur la toxicité et l’action du clopidogrel et collectées dans le cadre d’essais menés sur des animaux ne pouvaient permettre de prédire avec confiance comment la molécule interagirait avec le corps humain. D’après l’avocat d’Apotex, la protonotaire a commis une erreur en concluant que les questions à ce sujet avaient une portée excessive, puisque la compréhension générale de Sanofi se rapportant à l’utilisation d’études menées sur les animaux et sur la toxicité appuiera ses méthodes utilisées pour prédire l’utilité de l’invention qui est en question dans la présente procédure.

 

  • [61] Bien qu’il s’agisse d’un argument intéressant à présenter, la protonotaire Tabib n’a pas commis d’erreur en droit et a correctement exercé son pouvoir discrétionnaire en déclarant que ces questions avaient une portée excessive. Les deux premières questions portent sur l’expérience générale de Sanofi concernant la toxicité sans chercher à connaître de détails sur les travaux menés pour inventer le composé visé par le brevet « 777. Les questions ne sont limitées par aucun critère tel que l’espèce, la date, les essais, etc. Elles sont manifestement trop vastes et ne seraient vraisemblablement d’aucun secours à la Cour, quel qu’il soit. Quant à la demande 78, il avait déjà fait l’objet d’une réponse de Sanofi se rapportant aux thiénopyridines. Pour ce qui est de l’aspect plus vaste de la question, portant sur la perspective de Sanofi sur la question de savoir si oui ou non des essais sur l’action chez les animaux permettent de prédire l’action chez l’humain en général, il a, de la même manière, une portée excessive.

 

  • [62] Quant aux demandes 95 et 107, je suis d’accord avec la protonotaire que ces questions posent problème par leur formulation. Elles sont, pour l’essentiel, des questions juridiques liées à l’interprétation du brevet “777. Pour répondre à ces questions, Sanofi aurait dû consentir à l’interprétation du brevet qui fondait implicitement la formulation des questions, alors qu’elle conteste précisément ce fondement. Les interrogatoires préalables sont destinés à faire émerger des réponses factuelles, et non des avis juridiques. L’avocat d’Apotex a observé que si Sanofi n’a pas gain de cause sur cette interprétation, il lui serait impossible de connaître les faits qu’elle défendrait avec une autre interprétation. En plus d’être spéculatif, cet argument méconnaît du fait que les travaux menés par les inventeurs sont décrits en profondeur et en détail, dans les documents présentés, qui ont fait l’objet de communications préalables étayées par Apotex pendant treize jours.

 

  • [63] La deuxième catégorie de questions prises en délibéré par la Dre Merlier, et pour lesquelles la protonotaire a refusé d’ordonner des réponses, vise le témoignage donné en procès par des spécialistes qui avaient témoigné aux É.-U., où Apotex avait été trouvée coupable de contrefaçon d’un brevet se rapportant au clopidogrel (voir Sanofi-Sunthelabo et al. c Apotex Inc. et coll., 492 F. Supp. (2d) 353, confirmé dans 2008 U.S. App. LEXIS 24991). Plus particulièrement, Apotex demandait la transcription du témoignage du Dr Stephen Byrn, ou de quiconque avait témoigné (demande 51), ainsi que la transcription de la déposition d’un scientifique, donné avant le procès, si une telle déposition existait (demande 52).

 

  • [64] La protonotaire a statué en défaveur des deux demandes d’Apotex, en déclarant que les questions, même si elles n’étaient pertinentes que pour induire une série de questions, étaient hors de proportion, vu les antécédents du litige.

 

  • [65] L’avocat d’Apotex estime que, dans le dessein d’établir si oui ou non le choix de certains sels de clopidogrel constituait une sélection valide, il est nécessaire d’établir ce qui suit : s’il était étonnant que ces sels en particulier aient eu certains avantages par rapport aux autres, comment ces sels ont été choisis, et s’ils démontraient réellement les propriétés promises dans le brevet ‘777. Puisque le Dr Byrn a été identifié comme ayant déjà apporté des renseignements à ce sujet, l’information demandée est, à première vue, pertinente, et la remise de la transcription du procès serait donc hautement probante sans être coûteuse, selon Apotex. Quant à la demande 52, l’avocat d’Apotex a observé que Sanofi avait déposé un rapport sur la sélection des sels de clopidogrel préparé par un cabinet d’expertise en chimie. Ainsi, les données sous-jacentes au rapport, les documents connexes, l’identité de l’auteur du rapport, et les renseignements donnés par les personnes qui ont participé à sa préparation constitueraient des données pertinentes à la question de savoir si la sélection de sels de clopidogrel en particulier était inventive et/ou si ces sels ont certains avantages par rapport aux autres sels.

 

  • [66] Ces arguments ne sont pas convaincants. Tout d’abord, une expertise donnée dans une autre juridiction n’est ni pertinente ni admissible en procès concernant les questions présentées à la Cour dans la présente procédure. Apotex a déjà, par voie de motion, demandé le dépôt de documents plus approfondis présentés dans des litiges entendus dans d’autres juridictions, et la Cour a estimé que ces présentations n’étaient pas nécessaires : Apotex Inc. c Sanofi-Aventis, 2010 CF 77, aux paragraphes 61-62. Ensuite, les dépositions et témoignages déposés comme preuves d’un procès dans une autre juridiction ne sont pas pertinents pour juger des questions posées à la Cour dans la présente procédure : Novopharm Limited c Eli Lilly Canada, 2007 CF 1195, aux paragraphes 47-50; confirmé dans 2008 CF 281; confirmé dans 2008 CAF 287. De tels témoignages et dépositions prononcés en procès ne pourraient servir qu’à attaquer la crédibilité d’un témoin au procès, et donc, ces renseignements n’ont pas besoin d’être présentés en communications préalables. En troisième lieu, les opinions et les témoignages d’experts auraient dû être présentés après le dépôt du brevet ‘777, et ne seraient pas pertinents pour les questions d’évidence et de prédiction valable. Enfin, Apotex peut obtenir le témoignage si l’information est disponible au public. Si elle ne l’est pas, ces déclarations seraient assujetties à la confidentialité et leur présentation serait limitée. Pour l’ensemble de ces motifs, j’estime que la protonotaire n’a pas commis d’erreur dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire pour refuser la demande.

 

  • [67] La troisième catégorie de questions prises en délibéré par la Dre Merlier et pour lesquelles la protonotaire a refusé d’ordonner des réponses porte sur les sels, et a déjà fait l’objet d’un examen dans les présents motifs, en l’occurrence aux paragraphes 51 à 54 des présentes.

 

  • [68] Les deux dernières questions auxquelles Dre Merlier a refusé de répondre se rapportent aux effets secondaires identifiés pour le clopidogrel. La première est ainsi formulée [Traduction] ‘indiquer si la société a reçu le signalement, après la mise sur le marché du clopidogrel, d’incidents de toxicité ou d’action, ou de défaillances du produit’ (demande 91). La seconde question est la suivante [Traduction] : ‘Indiquer si Sanofi tient un registre des plaintes reçues sur certains produits qu’elle met sur le marché et, le cas échéant, produire ledit fichier de plaintes sur l’effet du produit énonçant l’action et la toxicité du clopidogrel’ (demande 92).

 

  • [69] La protonotaire a conclu que les deux questions étaient hors de proportion, d’autant plus qu’aucune question spécifique sur l’action ou la toxicité n’est identifiée comme controversée dans la présente procédure.

 

  • [70] L’avocat du demandeur affirme que la protonotaire a commis une erreur, puisque l’action et la toxicité du clopidogrel, surtout lorsqu’elles sont comparées à celles de médicaments analogues, sont au centre de questions fondamentales dans la présente procédure. D’après l’avocat, les renseignements et les données sur l’action et la toxicité du clopidogrel sont pertinents pour évaluer si ce composé a l’utilité promise dans le brevet, et s’il a un avantage substantiel sur les thiénopyridines antérieurement divulguées.

 

  • [71] La protonotaire n’a pas a commis d’erreur en refusant d’ouvrir ce qui se serait avéré un domaine de recherche non pertinent. Apotex cherche à obtenir des renseignements qui ne concernent pas l’utilité aux fins de la brevetabilité, mais qui rejoignent plutôt les questions d’acceptation commerciale, de possibilité de commercialisation, et d’exigences réglementaires. Ainsi qu’il a précédemment été remarqué, l’utilité pratique d’une invention porte sur un objet différent que celui visé dans le droit des brevets. L’ ‘utilité’ ne s’évalue pas par l’acceptation commerciale, mais se lie aux fins revendiquées dans le brevet lui-même. Apotex n’a pas allégué que le clopidogrel causait quelque effet secondaire que ce soit, et même si de tels effets secondaires étaient connus, ils ne seraient pas pertinents pour établir la validité du brevet. Devant la pertinence minime de ces questions et la généralité des questions posées, la protonotaire n’a pas commis d’erreur en constatant que ces deux demandes étaient hors de proportion.

 

  • [72] Pour tous les motifs précités, je déclare que la motion d’Apotex doit être déboutée, avec les dépens à hauteur de 1 500 $ pour la procédure. Apotex a manqué de démontrer que le jugement de la protonotaire était manifestement erroné, ou qu’elle avait mal appréhendé les principes juridiques applicables ou les faits.


ORDONNANCE

 

LA COUR STATUE que la présente motion est rejetée, avec les dépens de 1 500 $ de l’instance.

 

 

‘Yves de Montigny’

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :  T-644-09 et T-933-09

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :  Apotex Inc. c. Sanofi-Aventis

  et

  Sanofi-Aventis and Bristol-Myers Squibb Sanofi Pharmaceuticals Holding Partnership c. Apotex Inc. et Apotex Pharmachem Inc. et Signa SA de CV

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  Le 22 novembre 2010

 

MOTIFS DE DÉCISION :  Le juge de MONTIGNY

 

DATE DES MOTIFS :  Le 17 janvier 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Ben Hackett

 

POUR LE DEMANDEUR, APOTEX INC.

 

Me Marc Richard

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

GOODMANS LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR, APOTEX INC.

GOWLING LAFLEUR HENDERSON LLP

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

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