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Cour fédérale

 

Federal Court


Date : 20110303

Dossier : T-912-10

Référence : 2011 CF 256

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 3 mars 2011

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

 

SAMARA MORCHED RAAD

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               Il s’agit d’un appel interjeté en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C‑29 (la Loi), à l’encontre d’une décision datée du 26 avril 2010 (la décision) par laquelle une juge de la citoyenneté a refusé d’attribuer la citoyenneté canadienne à la demanderesse au motif que celle‑ci n’avait pas satisfait à la condition de résidence prévue à l’alinéa 5(1)c) de la Loi.

 

 

CONTEXTE

 

[2]               La demanderesse, qui est âgée de 48 ans, est entrée pour la première fois au Canada en vertu d’un visa de visiteur le 24 mars 2003 et a demandé l’asile. Son mari est un citoyen des États‑Unis qui réside en permanence dans ce pays. Le couple a un enfant, un citoyen canadien né en février 2004. Cet enfant ayant des troubles du développement, la demanderesse ne travaille pas à l’extérieur de la maison. Elle suit actuellement des traitements pour différents problèmes de santé qui, selon ses dires, affectent sa mémoire.

 

[3]               La demanderesse est devenue résidente permanente le 9 février 2006. Elle a présenté une demande de citoyenneté canadienne le 5 mai 2008. La période pertinente au regard de la condition de résidence va donc du 5 mai 2004 au 4 mai 2008. La demanderesse a produit un questionnaire sur la résidence le 13 janvier 2009.

 

[4]               La demanderesse, qui habite actuellement à Windsor, en Ontario, affirme qu’elle réside effectivement au Canada depuis qu’elle est entrée dans ce pays pour la première fois le 24 mars 2003. Son mari subvient aux besoins de la famille et la demanderesse a accès à l’argent via un compte conjoint d’une banque canadienne. La demanderesse et son enfant ne résident pas avec son mari en raison de la réglementation en matière d’immigration. Dans sa demande de citoyenneté, la demanderesse a indiqué, au sujet de son était matrimonial, qu’elle était séparée parce qu’elle et son mari étaient physiquement séparés. Elle soutient que son mari ne peut pas passer beaucoup de temps au Canada car il est atteint du syndrome de post‑poliomyélite. En conséquence, il vient chercher la demanderesse et leur fils au Canada pour des visites familiales, puis il les reconduit au Canada. Les visites familiales ont lieu le plus souvent aux États‑Unis.

 

[5]               Le mari a présenté des demandes de visa de résident permanent aux États‑Unis pour la demanderesse et leur fils. La demanderesse a dit à la juge de la citoyenneté que son mari avait agi ainsi de sa propre initiative, sans lui demander son avis. Elle lui a dit aussi que son visa de résident permanent avait expiré pendant qu’elle attendait que la demande de visa de son fils soit approuvée et qu’elle n’avait pas demandé un nouveau visa de résident permanent.

 

[6]               Dans sa demande de citoyenneté (qu’elle a présentée le 5 mai 2008), la demanderesse a déclaré qu’elle avait été absente du Canada aux dates suivantes pendant la période pertinente :

 

i)    du 26 mai 2007 au 30 juin 2007                             (35 jours);

ii)   du 27 août 2007 au 1er septembre 2007                  (5 jours);

iii) du 22 novembre 2007 au 24 novembre 2007           (2 jours).

 

[7]               La demanderesse avait été absente du Canada aux dates suivantes après la période pertinente :

i)          le 5 mai 2008 (moins d’une journée);

ii)         du 6 mai 2008 au 15 mai 2008;

iii)         du 17 mai 2008 au 3 juillet 2008;

iv)        le 5 juillet 2008 (moins d’une journée).

 

[8]               La juge de la citoyenneté a interrogé la demanderesse dans le cadre d’une entrevue le 30 mars 2010. Elle a conclu que la demanderesse n’avait pas été effectivement présente au Canada pendant au moins 1 095 jours dans les quatre ans ayant précédé sa demande de citoyenneté, comme l’exigeait l’alinéa 5(1)c) de la Loi. En conséquence, elle a rendu une décision défavorable le 26 avril 2010. C’est cette décision qui fait l’objet du présent contrôle.

 

[9]               Ignorant que la décision avait été rendue, la demanderesse a déposé des documents additionnels au soutien de sa demande au bureau local de Citoyenneté et Immigration Canada le 27 avril 2010.

 

DÉCISION FAISANT L’OBJET DU PRÉSENT CONTRÔLE

 

[10]           Des trois critères de résidence établis par la Cour fédérale, la juge de la citoyenneté a retenu celui du calcul strict du nombre de jours de présence effective décrit dans Re Pourghasemi (1993), 62 F.T.R. 122, 19 Imm. L.R. (2d) 259.

 

[11]           La juge de la citoyenneté a déterminé que les principales questions en litige étaient de savoir si la demanderesse avait accumulé au moins trois ans (1 095 jours) de résidence au Canada dans les quatre ans (1 460 jours) précédant la date de sa demande de citoyenneté canadienne (le 5 mai 2008) et si l’information qu’elle avait fournie était crédible.

 

[12]           Selon la juge de la citoyenneté, le principal problème que présentait la demande de citoyenneté de la demanderesse était l’absence d’une preuve objective de « traces » d’une vie au Canada pendant la période pertinente, soit du 5 mai 2004 au 4 mai 2008.

 

[13]           Lorsqu’il est question de la résidence, il incombe au demandeur de démontrer qu’il a résidé dans le pays pendant trois des quatre années de la période pertinente et, ainsi, qu’il satisfait à la condition prévue à l’alinéa 5(1)c) de la Loi. Voir Maharatnam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 96 A.C.W.S. (3d) 198, [2000] A.C.F. no 405 (1re inst.) (QL). La juge de la citoyenneté a conclu que, bien que la demanderesse ait déclaré avoir été absente 42 jours et avoir été effectivement présente au Canada 1 096 jours pendant la période pertinente, elle n’était pas convaincue que ces chiffres étaient exacts et ce, pour les motifs suivants.

 

[14]           En premier lieu, il y a, dans le passeport de la demanderesse, plusieurs timbres d’entrée aux États‑Unis, où résidait son ancien mari, qui n’ont pas été déclarés. De plus, comme la demanderesse est titulaire d’un visa de visiteur B1/B2 pour les États‑Unis, un timbre d’entrée ou de sortie n’est pas toujours apposé dans son passeport à la frontière. En conséquence, il est impossible de vérifier les séjours qu’elle dit avoir faits aux États‑Unis.

 

[15]           La juge de la citoyenneté a aussi conclu que les réponses de la demanderesse à des questions [traduction] « simples » étaient [traduction] « très vagues et contradictoires ». Les réponses données par la demanderesse aux questions qui suivent n’ont pas convaincu la juge de la citoyenneté : pourquoi la demanderesse avait simultanément deux adresses; pourquoi elle a fait débrancher son téléphone avant l’un de ses voyages aux États‑Unis; pourquoi elle a déclaré qu’elle avait quitté le Canada le 17 mai 2008 alors qu’il était clair qu’elle était partie le 6 mai 2008; pourquoi plusieurs de ses reçus de loyer sont faits au nom de « Tamara » Raad. Lorsque la juge de la citoyenneté lui a demandé à quel moment son compte dans une banque de Windsor était devenu un compte conjoint qu’elle partageait avec son mari, la demanderesse ne s’est pas rappelé qu’elle avait expliqué précédemment que son mari avait converti le compte en compte conjoint afin qu’il y ait suffisamment d’argent pour subvenir aux besoins de leur fils.

 

[16]           La juge de la citoyenneté a aussi mentionné que les « feuilles de présence » produites pour attester la participation de la demanderesse au programme CLIC au YMCA et au New Canadians’ Centre for Excellence à Windsor et dans le comté d’Essex révèlent [traduction] « plusieurs absences et plusieurs occasions où les administrateurs du programme n’ont pas pu rejoindre [la demanderesse] pendant la période pertinente ».

 

[17]           La juge de la citoyenneté a conclu :

[traduction] Après avoir examiné tous les documents produits par la demanderesse, y compris ceux accompagnant son questionnaire sur la résidence, après avoir interrogé la demanderesse et pour les motifs qui précèdent, je ne suis pas convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que l’information qu’elle a fournie reflète fidèlement le nombre de jours où elle a été effectivement présente au Canada.

 

QUESTIONS EN LITIGE

 

[18]           La présente demande soulève les questions suivantes :

1)                  La juge de la citoyenneté a‑t‑elle commis une erreur lorsqu’elle a déterminé si la demanderesse satisfaisait à la condition de résidence? Plus particulièrement, la juge de la citoyenneté a‑t‑elle tiré des conclusions de fait erronées et omis de tenir compte d’éléments de preuve pertinents?

2)                  Le choix du critère de résidence fait par la juge de la citoyenneté fait‑il naître, compte tenu des autres erreurs, une crainte raisonnable de partialité?

 

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

 

[19]           Les dispositions suivantes de la Loi sont pertinentes en l’espèce :

 

Attribution de la citoyenneté

 

5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

 

a) en fait la demande;

 

 

b) est âgée d’au moins dix-huit ans;

 

c) est un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :

 

(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,

 

 

 

 

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;

 

 

 

 

[…]

 

 

Appel

 

14 (5) Le ministre et le demandeur peuvent interjeter appel de la décision du juge de la citoyenneté en déposant un avis d’appel au greffe de la Cour dans les soixante jours suivant la date, selon le cas :

 

 

 

a) de l’approbation de la demande;

 

 

 

b) de la communication, par courrier ou tout autre moyen, de la décision de rejet.

Grant of citizenship

 

5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

 

 

(a) makes application for citizenship;

 

(b) is eighteen years of age or over;

 

(c) is a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his or her application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

 

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

 

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;

 

[…]

 

Appeal

 

14 (5) The Minister or the Applicant may appeal to the Court from the decision of the Citizenship Judge under subsection (2) by filing a notice of appeal in the Registry of the Court within sixty days after the day on which

 

(a) the Citizenship Judge approved the application under subsection (2); or

 

(b) notice was mailed or otherwise given under subsection (3) with respect to the application.

 

NORME DE CONTRÔLE

 

[20]           La Cour suprême du Canada a statué, dans Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, qu’une analyse de la norme de contrôle n’est pas nécessaire dans tous les cas. En fait, lorsque la norme de contrôle applicable à la question soumise au tribunal est bien établie dans la jurisprudence, la cour de révision peut l’adopter. Ce n’est que lorsque cette recherche se révèle infructueuse que la cour de révision doit se pencher sur les quatre facteurs de l’analyse de la norme de contrôle.

 

[21]           La Cour a généralement décidé que la norme de contrôle qui s’applique à la décision d’un juge de la citoyenneté concernant la question de savoir si un demandeur satisfait à la condition de résidence – une question mixte de fait et de droit – est la norme de la décision raisonnable simpliciter. Voir Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Chang, 2003 CF 1472; Rizvi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1641; Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 85; Zhao c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1536. À la lumière de Dunsmuir, précité, où la Cour suprême du Canada a combiné la norme de la décision raisonnable simpliciter et celle de la décision manifestement déraisonnable en une seule norme de raisonnabilité, j’estime que la norme de contrôle qui s’applique à la décision de la juge de la citoyenneté concernant la question de savoir si la demanderesse avait satisfait à la condition de résidence est celle de la raisonnabilité.

 

[22]           Lorsque la norme de la raisonnabilité s’applique, l’analyse portera sur « la justification de la décision, […] la transparence et […] l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi [que sur] l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 47. En d’autres termes, la Cour devrait intervenir seulement si la décision est déraisonnable en ce sens qu’elle ne fait pas partie des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

[23]           La demanderesse a soulevé une question relevant de l’équité procédurale devant la Cour : le choix du critère de résidence fait par la juge de la citoyenneté fait‑il naître une crainte raisonnable de partialité? Le critère qui doit être utilisé pour répondre à cette question a été formulé par le juge de Grandpré dans Committee for Justice and Liberty c. Office national de l’énergie, [1978] 1 R.C.S. 369, et il a été constamment appliqué par la Cour suprême du Canada. Le juge de Grandpré a dit à la page 394 :

[…] la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet […] ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, [le décideur], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? »

 

C’est la norme de la décision correcte qui s’applique aux questions d’équité procédurale. Voir Dunsmuir, précité, aux paragraphes 126 et 129; Dhaliwal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 7, au paragraphe 27.

 

THÈSES DES PARTIES

            La demanderesse

                        Conclusions de fait erronées

 

[24]           La demanderesse affirme que la juge de la citoyenneté a tiré deux conclusions de fait erronées.

 

[25]           D’abord, la juge de la citoyenneté a examiné le passeport de la demanderesse lors de l’entrevue, puis a déclaré dans la décision qu’[traduction] « il y avait plusieurs timbres d’entrée aux États‑Unis qui n’avaient pas été déclarés ». Cette affirmation est erronée. Il y avait deux – et non « plusieurs » – timbres non déclarés dans le passeport; ces timbres ont été apposés le 5 mai 2008 et le 5 juillet 2008, soit après la période pertinente.

 

[26]           Le juge John O’Keefe a statué, dans Shakoor c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 776, aux paragraphes 39 et 40, que le fait de tenir compte d’absences postérieures à la période pertinente constitue une erreur susceptible de contrôle :

Un examen des motifs ne permet pas de déterminer si la juge de la citoyenneté se reportait aux longues absences du Canada après le 14 février 2003, c’est-à-dire la date de la demande du demandeur, ou seulement aux absences antérieures à la date de sa demande. Il m’est impossible de dire si la juge de la citoyenneté a tenu compte des absences après la date de la demande pour tirer sa conclusion sur la demande. Si elle la fait, cela constituerait une erreur susceptible de révision.

 

Par conséquent, l’appel interjeté de la décision de la juge de la citoyenneté doit être accueilli puisqu’il existe une question litigieuse en ce qui concerne le nombre réel de jours d’absence du demandeur du Canada. Je renverrai laffaire à un autre juge de la citoyenneté pour quune nouvelle décision soit rendue. [Non souligné dans l’original.]

 

[27]           Ensuite, en ce qui concerne la participation de la demanderesse au programme CLIC au YMCA et au New Canadians’ Centre for Excellence, la juge de la citoyenneté a indiqué qu’elle avait vérifié les « feuilles de présence » de ces programmes et qu’elle avait découvert [traduction] « plusieurs absences et plusieurs occasions où les administrateurs du programme n’ont pas pu rejoindre [la demanderesse] pendant la période pertinente ».

 

[28]           La demanderesse soutient que cette affirmation est erronée. Aucun de ces programmes ne divulgue de feuilles de présence, mais seulement une [traduction] « fiche de renseignements sur les antécédents du client », que la demanderesse a produite avec sa demande. En outre, cette fiche indique une seule absence confirmée, en plus de préciser que la demanderesse n’a pas pu être rejointe à une occasion. L’emploi du terme « plusieurs » par la juge de la citoyenneté ne convient pas et est trompeur. En outre, il ajoute du poids à la prétention de la demanderesse concernant l’existence d’une crainte raisonnable de partialité.

 

La juge de la citoyenneté n’a pas tenu compte d’éléments de preuve pertinents

 

[29]           La demanderesse soutient que, parmi les documents qu’elle a déposés au bureau de CIC le 27 avril 2010 après son entrevue, il y avait des relevés de ses activités bancaires quotidiennes qui prouvaient sa présence au Canada. La juge de la citoyenneté n’a pas tenu compte des éléments de preuve pertinents parce qu’elle cherchait seulement des éléments de preuve qui confirmeraient que la demanderesse n’avait pas satisfait à la condition de résidence. La juge de la citoyenneté a imposé ainsi un fardeau de preuve trop lourd à la demanderesse.

 

                        La décision est déraisonnable

 

[30]           La demanderesse affirme que la juge de la citoyenneté a tiré des conclusions défavorables de deux faits : l’incapacité de la demanderesse de se rappeler, à l’entrevue, une troisième absence du Canada survenue du 6 mai 2008 au 17 juillet 2008 et l’obtention, par la demanderesse, d’un visa de résident permanent aux États‑Unis.

 

[31]           La demanderesse soutient qu’il était déraisonnable que la juge de la citoyenneté tire de telles conclusions étant donné que l’absence en question est survenue après la période pertinente et que la demanderesse n’est jamais devenue une résidente permanente des États‑Unis.

 

[32]           La demanderesse soutient également que la date à laquelle son compte de banque canadien est devenu un compte conjoint n’a aucune importance au regard de sa présence effective au Canada. Au moment de l’entrevue, elle n’avait pas produit de relevés bancaires détaillés des opérations du compte. La demanderesse affirme que l’attention que la juge de la citoyenneté a portée à ce détail sans importance appuie sa prétention selon laquelle il existe une crainte raisonnable de partialité.

 

[33]           La demanderesse soutient que sa vie est stressante et que ses problèmes de santé affectent sa mémoire. Elle était confuse à l’entrevue, ce qui explique pourquoi elle a été incapable de répondre à certaines des questions de la juge de la citoyenneté. Cela ne signifie d’aucune façon qu’elle n’a pas satisfait à la condition de résidence.

 

Le choix du critère de résidence fait par la juge de la citoyenneté témoigne de sa partialité

 

[34]           Dans Wong c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 731, le juge Michael Phelan a énuméré, aux paragraphes 22 à 24, les trois critères de résidence ressortant de la jurisprudence « contradictoire » de la Cour : (1) le calcul strict du nombre de jours de présence effective; (2) la qualité des attaches et (3) le mode de vie centralisé au Canada. Il a dit ensuite, au sujet de l’utilité du premier critère :

23     En toute déférence, je ne vois pas comment on peut décider de la citoyenneté d’une personne simplement au hasard, selon la condition que le juge de la citoyenneté choisit d’appliquer. Cette question doit être absolument réglée puisqu’il est impossible d’interjeter appel d’une décision pour obtenir la décision définitive de la Cour d’appel fédérale.

 

24     La condition d’une présence strictement physique n’a plus beaucoup d’utilité, si elle en a encore une, et elle n’exigerait pas vraiment (si elle était la condition appropriée) l’intervention du juge de la citoyenneté dans le calcul mathématique de la période de présence physique.

 

 

[35]           La demanderesse soutient qu’elle a produit une preuve suffisante de son mode de vie centralisé au Canada et de ses liens plus forts avec le Canada qu’avec tout autre pays. Si la juge de la citoyenneté avait appliqué l’un des deux autres critères, une décision défavorable aurait été beaucoup plus difficile à justifier. Le fait qu’elle a choisi le critère de résidence le plus exigeant fait naître une crainte raisonnable de partialité.

 

[36]           Comme il a été mentionné précédemment, la demanderesse soutient qu’elle satisfaisait aussi au critère le plus exigeant. En effet, elle a été présente au Canada pendant 1 096 jours, alors qu’elle devait l’être pendant au moins 1 095 jours. Elle fait valoir que, pour cette raison entre autres, la décision est déraisonnable.

 

Le défendeur

            Objection préliminaire

 

[37]           La demanderesse a annexé à son affidavit de nombreux documents dont ne disposait pas la juge de la citoyenneté quand elle a rendu sa décision le 26 avril 2010. Les documents produits après cette date, en particulier ceux que la demanderesse a produits le 27 avril 2010, n’étaient pas à la disposition de la juge de la citoyenneté et ne peuvent donc pas être pris en considération par la Cour dans le cadre du présent contrôle judiciaire. La même règle s’applique chaque fois que la demanderesse fait référence à ces documents dans son affidavit et dans son mémoire. Le défendeur soutient que ces documents devraient être retirés du dossier. Voir Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Chan (1998), 150 F.T.R. 68, [1998] A.C.F. no 742 (QL); Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Cheung (1998), 148 F.T.R. 237, [1998] A.C.F. no 813 (QL); Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Tsang (1999), 90 A.C.W.S. (3d) 348, [1999] A.C.F. no 1210 (QL).

 

La demanderesse n’a pas démontré qu’elle satisfaisait à la condition de résidence

 

[38]           Le défendeur soutient que, bien que le terme « résidence » ne soit pas expressément défini au paragraphe 2(1) de la Loi, le fait que l’alinéa 5(1)c) de la Loi permet qu’une personne soit absente un an pendant la période de quatre ans laisse croire fortement que la présence au Canada pendant les trois autres années doit être marquée. Voir Re Pourghasemi, précitée, au paragraphe 6; Re Koo (1992), 59 F.T.R. 27, [1993] A.C.F. no 1107 (QL), au paragraphe 9; paragraphe 5(1.1) et article 21 de la Loi.

 

[39]           Malgré les différentes formulations du critère de résidence, la demanderesse, comme tous les demandeurs de citoyenneté, devait démontrer, en premier lieu, qu’elle avait personnellement résidé au Canada pendant au moins trois ans avant sa demande et, en deuxième lieu, qu’elle avait conservé cette résidence pendant toute la période pertinente. Voir Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Italia (1999), 89 A.C.W.S. (3d) 22, [1999] A.C.F. no 876 (1re inst.) (QL), au paragraphe 14; Goudimenko c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 447, [2002] A.C.F. no 581 (QL), au paragraphe 13. La conclusion de la juge de la citoyenneté selon laquelle la demanderesse n’a pas satisfait à la condition de résidence reposait sur des motifs convaincants.

 

Le choix du critère de résidence fait par la juge de la citoyenneté était légitime

 

[40]           La Cour a établi au moins trois critères de résidence différents et a statué qu’aucune approche particulière ne doit être suivie. Le juge Denis Pelletier a fait remarquer, au paragraphe 9 de Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Mindich (1999), 170 F.T.R. 148, [1999] A.C.F. no 978 (QL) :

Étant donné les divergences de vues parmi les membres de la Cour fédérale, la décision d’un juge de la citoyenneté ne sera pas erronée du seul fait qu’il a choisi une approche plutôt que l’autre. Le rôle du juge qui entend l’appel consiste à vérifier si le juge de la citoyenneté a correctement appliqué le critère qu’il a choisi. J’estime que ce point de vue définit bien la question en litige, et c’est pourquoi je l’adopte.

 

[41]           Le défendeur soutient que le critère du calcul strict du nombre de jours de présence effective est un critère de résidence reconnu. Si la juge de la citoyenneté l’a correctement appliqué aux faits, la Cour ne devrait pas modifier sa décision. Voir El Falah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 736. Voir aussi Lam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 164 F.T.R. 177, [1999] A.C.F. no 410 (QL), aux paragraphes 11 à 14; Cheng c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 97 A.C.W.S. (3d) 393, [2000] A.C.F. no 614 (C.F. 1re inst.) (QL), aux paragraphes 22 à 24; So c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 733, aux paragraphes 27 à 30; Rizvi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), précitée, aux paragraphes 11 et 12.

 

[42]           Le juge Yves de Montigny a posé en principe au paragraphe 21 d’El Falah, précitée, que le juge ne peut accepter aveuglément les prétentions du demandeur quant aux jours d’absence et de présence au Canada. Il doit « vérifier » la présence du demandeur « en territoire canadien » pendant la période pertinente.

 

[43]           Le défendeur soutient que, en l’espèce, la juge de la citoyenneté a correctement appliqué le critère et est parvenue à une conclusion raisonnable fondée sur les constatations suivantes :

a.       l’absence d’une preuve objective de « traces » d’une vie au Canada;

b.      la présence de timbres non déclarés dans le passeport;

c.       les réponses vagues et contradictoires données par la demanderesse à l’entrevue;

d.      les documents démontrant que la demanderesse a habité à deux adresses différentes en même temps;

e.       une déclaration inexpliquée et inexacte concernant une date de départ du Canada;

f.        les documents produits par la demanderesse qui n’étayaient pas sa demande.

 

 

Les faits postérieurs à la période pertinente étaient pertinents au regard du contexte et de la crédibilité

 

[44]           La juge de la citoyenneté a évalué la condition de résidence sur la foi de la période pertinente de quatre ans. Les faits survenus après cette période, qu’elle a pris en compte dans son évaluation, fournissaient de l’information contextuelle utile sur la vie et les activités de la demanderesse. Ils ont amené la juge de la citoyenneté à se demander de manière raisonnable si la preuve de la demanderesse concernant sa résidence au Canada était crédible.

 

Les explications données après les faits ne font ressortir aucune erreur dans la décision

 

[45]           La demanderesse fournit des explications après le fait quant à son incapacité de répondre correctement aux questions qui lui ont été posées au cours de l’entrevue. Elle dit qu’elle était confuse à l’entrevue, mais la preuve n’indique pas qu’elle a demandé une suspension d’audience ou un ajournement ou que sa santé physique faisait en sorte qu’elle était confuse.

 

L’emploi de l’expression « feuilles de présence » n’est pas une erreur

 

[46]           Le défendeur soutient que, même si la juge de la citoyenneté a employé incorrectement l’expression « feuilles de présence » pour désigner la fiche de renseignements sur les antécédents du client, il ne s’agit pas d’une erreur. Il reconnaît toutefois que la juge de la citoyenneté a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que cette information révélait que les administrateurs du programme de CLIC n’avaient pas pu rejoindre la demanderesse à « plusieurs » occasions. Or, cela ne s’est produit qu’une seule fois.

 

Absence de preuve de partialité

 

[47]           Le défendeur soutient que la demanderesse n’a pas réussi à démontrer que la juge de la citoyenneté avait un parti pris contre elle. Les juges de la citoyenneté sont présumés être impartiaux. Tout comme les tribunaux administratifs, ils sont présumés s’acquitter de leur serment professionnel d’une manière conforme à l’équité. Un demandeur peut réfuter cette présomption par une « preuve convaincante » démontrant qu’un aspect de la conduite du juge de la citoyenneté fait naître une crainte raisonnable de partialité. Voir R. c. R.D.S., [1997] 3 R.C.S. 484, [1997] A.C.S. no 84 (QL), aux paragraphes 116 et 117; Zündel c. Citron, [2000] 4 C.F. 225, [2000] A.C.F. no 679, au paragraphe 36. La personne qui allègue la partialité doit satisfaire à une norme très rigoureuse.

 

[48]           Le défendeur soutient que la demanderesse n’a pas produit une preuve convaincante qui ferait naître une crainte raisonnable de partialité. Elle est simplement mécontente de la décision.

 

ANALYSE

 

[49]           Comme la décision le montre, la demanderesse a produit des éléments de preuve indiquant qu’elle a effectivement résidé au Canada 1 096 jours pendant la période pertinente aux fins de sa demande de citoyenneté.

 

[50]           La juge de la citoyenneté a toutefois estimé que la demanderesse [traduction] « n’a[vait] pas satisfait à la condition de résidence de l’alinéa 5(1)c) de la Loi ».

 

[51]           La juge de la citoyenneté nous dit dans ses motifs que [traduction] « le principal problème en l’espèce est l’absence d’une preuve objective de “traces” d’une vie au Canada pendant la période pertinente […] ».

 

[52]           Les motifs pour lesquels la juge de la citoyenneté a conclu que la demanderesse n’avait pas produit cette preuve sont énoncés dans la section de la décision traitant des faits.

 

[53]           Dans cette section, la juge de la citoyenneté dit que la preuve ne la convainc pas que la demanderesse a effectivement établi et maintenu une résidence au Canada pendant le nombre de jours requis par la Loi.

 

[54]           La décision semble donc indiquer que la demande a été rejetée parce que la juge de la citoyenneté n’a pas cru la demanderesse, malgré la preuve que celle‑ci a produite relativement au nombre de jours pendant lesquels elle avait établi et maintenu une résidence au Canada. La juge de la citoyenneté a conclu à l’[traduction] « absence d’une preuve objective » parce qu’elle a refusé de croire la preuve produite par la demanderesse. Les motifs de cette conclusion sont exposés dans la décision et chaque motif doit être examiné afin de décider si les conclusions de la juge de la citoyenneté sur le sujet sont raisonnables.

 

[55]           En premier lieu, la juge de la citoyenneté dit qu’elle a vérifié le passeport de la demanderesse à l’audience et a conclu qu’il y avait plusieurs timbres d’entrée aux États‑Unis, là où vit son mari, qui n’avaient pas été déclarés ».

 

[56]           En fait, deux timbres seulement n’ont pas été déclarés. Ces timbres portent des dates postérieures à la période pertinente, soit le 5 mai 2008 et le 5 juillet 2008, alors que la période pertinente s’étendait du 5 mai 2004 au 24 mai 2008.

 

[57]           Le 5 mai 2008, la demanderesse est allée passer la journée aux États‑Unis pour renouveler son passeport libanais et, le 5 juillet, elle est retournée dans ce pays et est revenue au Canada le jour même. La juge de la citoyenneté se sert cependant de ces brèves visites, qui ne sont pas survenues pendant la période pertinente, pour étayer ses conclusions concernant l’[traduction] « absence d’une preuve objective ».

 

[58]           Le passeport de la demanderesse ne démontrait pas qu’elle s’était rendue aux États‑Unis le 27 août 2007. La demanderesse a cependant déclaré cette absence, de sorte que celle‑ci ne peut pas être retenue contre elle dans le cadre de l’évaluation de sa crédibilité.

 

[59]           À vrai dire, la juge de la citoyenneté a commis une erreur lorsqu’elle a dit qu’il y avait « plusieurs » timbres qui n’avaient pas été déclarés. Dans les faits, seulement deux timbres n’ont pas été déclarés et les deux n’avaient pas été apposés pendant la période pertinente.

 

[60]           La juge de la citoyenneté commet à cet égard une erreur de fait, laquelle est aggravée par le fait qu’elle a tenu compte d’éléments de preuve non pertinents. Voir Cepeda‑Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 157 F.T.R. 35, [1998] A.C.F. no 1425 (QL), aux paragraphes 14 et 17. Elle a choisi d’appliquer le critère uniquement numérique, mais elle a fait référence à des timbres non déclarés qui n’ont pas été apposés pendant la période pertinente afin de mettre en doute la crédibilité de la demanderesse concernant la preuve qu’elle avait produite pour démontrer qu’elle avait conservé une résidence au Canada pendant la période pertinente.

 

[61]           La juge de la citoyenneté semble être consciente que sa conclusion pose problème parce qu’elle ajoute au paragraphe 5 de sa décision :

[traduction] Cela ne serait pas pertinent en soi en raison de votre séparation, si ce n’était que votre mari a présenté une demande de carte verte pour vous et votre fils. Lorsque je vous ai posé des questions à ce sujet, vous m’avez dit que votre mari avait décidé seul de présenter cette demande, sans chercher à savoir ce que vous en pensiez. Vous m’avez dit ensuite que la demande de votre fils n’avait pas été approuvée en même temps que la vôtre. La demande de votre fils a finalement été approuvée, mais comme vous n’aviez pas tiré profit de votre propre carte verte pendant que vous attendiez cette approbation, votre demande n’était plus valide. Vous m’avez dit que vous n’aviez entrepris aucune démarche pour présenter une nouvelle demande de carte verte […]

 

 

[62]           Je dois admettre que j’ignore quelles conclusions de fait la juge de la citoyenneté tire exactement ici. Elle semble relater ce que la demanderesse a dit, mais nous ne savons pas si son récit a été rejeté et, s’il l’a été, pour quelles raisons. Nous ne savons pas non plus de quelle façon ces remarques concernent [traduction] « plusieurs timbres [d’entrée aux États‑Unis] qui n’avaient pas été déclarés » et qui n’avaient pas été apposés pendant la période pertinente.

 

[63]           À mon avis, si la juge de la citoyenneté souhaite à la fois appliquer le critère numérique strict concernant l’établissement et le maintien d’une résidence au Canada et utiliser les absences non déclarées survenues à l’extérieur de la période pertinente pour mettre en doute la preuve produite par la demanderesse afin de démontrer qu’elle résidait au Canada pendant cette période, il faut qu’elle s’explique clairement. Je ne pense pas qu’elle l’a fait et, malgré les tentatives de l’avocate du défendeur pour expliquer cet aspect de la décision, en particulier les déductions qui peuvent être faites, je ne suis pas convaincu que la juge de la citoyenneté n’a pas commis une erreur de fait importante.

 

[64]           La juge de la citoyenneté explique ensuite pourquoi elle n’a pas accepté la preuve de la demanderesse :

[traduction

(6) Votre passeport indiquait également que vous étiez titulaire d’un visa de visiteur B1/B2 des États‑Unis. Un timbre d’entrée ou de sortie n’est pas toujours apposé à la frontière, de sorte qu’il est impossible, en examinant votre passeport, de vérifier les séjours que vous dites avoir faits aux États‑Unis […]

 

[65]           En d’autres termes, la juge de la citoyenneté dit qu’il est impossible de croire la demanderesse à la lumière des timbres d’entrée et de sortie parce qu’elle peut être retournée aux États‑Unis sans que cela ne soit indiqué dans son passeport. Il faut se rappeler que la demanderesse a elle‑même déclaré et porté à l’attention de la juge de la citoyenneté qu’elle avait passé cinq jours aux États‑Unis à compter du 27 août 2007, soit pendant la période pertinente, sans qu’aucun timbre attestant ce voyage ne soit apposé dans son passeport.

 

[66]           En fait, la juge de la citoyenneté ne disposait d’aucune preuve d’absences non déclarées pendant la période pertinente. Elle semble rejeter la preuve du passeport parce que celui‑ci pourrait ne pas révéler toutes les absences. Or, le fait qu’il puisse y avoir d’autres absences n’est pas une raison, à mon avis, de rejeter les autres éléments de preuve de la demanderesse concernant le maintien de sa résidence au Canada pendant la période pertinente, en particulier vu que la demanderesse a elle‑même signalé le fait que son voyage aux États‑Unis du 27 août 2007 ne figurait pas dans son passeport. Voir Rani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 73, aux paragraphes 4 et 5.

 

[67]           Au paragraphe 7 de la décision, la juge de la citoyenneté traite des doutes suscités par les réponses [traduction] « vagues et contradictoires » données par la demanderesse à des questions simples. Certaines des réponses reproduites dans la décision ne sont, à mon avis, ni vagues, ni nécessairement contradictoires, mais je ne considérerais pas que la décision est déraisonnable compte tenu des motifs donnés dans ce paragraphe. Je pense cependant que ces motifs doivent être appréciés à la lumière de la décision dans son ensemble.

 

[68]           Le paragraphe 8 de la décision fait ressortir ce qui semble être des erreurs de fait qu’il est difficile de concilier avec la preuve.

 

[69]           J’estime que la juge de la citoyenneté n’a commis aucune erreur importante en employant l’expression « feuilles de présence » pour désigner la fiche d’information sur les antécédents du client qui a été transmise par le programme CLIC de Windsor. On sait à quels documents elle fait référence. Par contre, ce que la juge de la citoyenneté entend par [traduction] « plusieurs absences et plusieurs occasions où les administrateurs du programme n’ont pas pu rejoindre [la demanderesse] pendant la période pertinente » n’est pas clair.

 

[70]           Il est question d’une [traduction] « maladie » le 2 mai 2008. On pourrait conclure à une absence, mais la raison de cette entrée est indiquée clairement et n’a rien à voir avec une absence du Canada pendant la période pertinente.

 

[71]           Il y a aussi la mention [traduction] « À l’extérieur du pays/En vacances » du 1er juin 2007, mais cela correspond à l’une des absences déclarées de la demanderesse.

 

[72]           Il y a aussi la mention [traduction] « Incapable de rejoindre la cliente » du 26 septembre 2005.

 

[73]           Il y a également la mention [traduction] « N’est plus intéressée le 29 juillet 2005 », mais cet aspect est réglé par les présences et les remarques subséquentes qui démontrent que la demanderesse a suivi le programme pendant la période pertinente.

 

[74]           Dans l’ensemble, on ne peut pas dire que cette preuve révèle [traduction] « plusieurs absences et plusieurs occasions » où la demanderesse n’a pas pu être rejointe d’une manière qui pourrait porter à croire qu’elle ne se trouvait pas au Canada. Cette conclusion est nettement une erreur de fait. Elle révèle également que la juge de la citoyenneté n’a pas considéré le portrait global que la fiche d’information sur les antécédents du client, combinée aux autres éléments de preuve produits par la demanderesse pour établir qu’elle était au Canada pendant la période pertinente, permet de tracer. Elle semble indiquer que la juge de la citoyenneté est disposée à tirer des conclusions inexactes et défavorables d’une preuve insuffisante sans tenir compte de tous les éléments de preuve qui ont été produits avant et pendant l’audience.

 

[75]           Somme toute, je pense que la juge de la citoyenneté a commis une erreur susceptible de contrôle qui fait en sorte de rendre la décision déraisonnable au sens de Dunsmuir et que la présente affaire doit être renvoyée pour faire l’objet d’un nouvel examen.

 

JUGEMENT

 

 

LA COUR STATUE :

 

1.                  La demande est accueillie, la décision est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre juge de la citoyenneté pour faire l’objet d’un nouvel examen.

 

 

 

« James Russell »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 

 


 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-912-10

 

INTITULÉ :                                       SAMARA MORCHED RAAD c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 11 janvier 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Russell

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 3 mars 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Sandra Saccucci

 

                     POUR LA DEMANDERESSE

Nina Chandy

                    POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Sandra Saccucci, Ph. D., LL.B., J.D.

Avocate

Windsor (Ontario)

 

                    POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

                    POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

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