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Cour fédérale

Federal Court


 

 


Date : 20110224

Dossier : IMM-4947-10

Référence : 2011 CF 223

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 24 février 2011

En présence de monsieur le juge Shore

 

 

ENTRE :

 

THEMAR KUONY TUEL

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

           MOTIFS DU  JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I. Aperçu

[1]               Dans l’arrêt Grillas c. Canada (Ministre de la Main-d’œuvre et de l’Immigration), [1972] R.C.S. 577, la Cour suprême a statué que le pouvoir discrétionnaire de la Section d’appel de l’immigration (la SAI) de surseoir à l’exécution d’une mesure d’expulsion pour des motifs d’ordre humanitaire procédait de la délégation, par voie législative, de la prérogative de la Couronne de décider qui peut entrer au Canada et y séjourner. À ce titre, l’exercice par la SAI de ses pouvoirs discrétionnaires appelle une grande retenue. Les tribunaux ont souligné à maintes reprises le caractère discrétionnaire de ce pouvoir. Ainsi, dans Prata c. Canada (Ministre de la Main-d’œuvre et de l’Immigration), [1976] 1 R.C.S. 376, la Cour suprême a déclaré qu’une mesure de renvoi :

[...] établit que, s’il ne peut bénéficier d’aucun privilège particulier, [l’individu visé par une mesure de renvoi légale] n’a aucun droit à demeurer au Canada. Par conséquent, [l’individu faisant appel d’une mesure de renvoi légale] ne cherche pas à faire reconnaître un droit, mais il tente plutôt d’obtenir un privilège discrétionnaire.

 

 

II. Introduction

[2]               La demanderesse a été déclarée coupable, au Canada, d’agression armée et, le 24 avril 2007, elle a fait l'objet d’une mesure d’expulsion. En février 2008, dans le cadre d’un appel, la SAI a sursis à la mesure d’expulsion pour une durée de deux ans à certaines conditions, dont l’obligation de signaler toute autre accusation ou déclaration de culpabilité pour un acte criminel. La demanderesse a reconnu avoir manqué à plusieurs de ces conditions; en juillet 2008, notamment, elle a été accusée d'avoir commis du harcèlement criminel, d'avoir proféré des menaces et d'avoir commis une agression armée, de même que d'avoir omis d’en aviser la SAI ou l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC). Appelée à reconsidérer sa décision, la SAI a révoqué le sursis à l’exécution de la mesure d’expulsion et rejeté l’appel de la demanderesse. Celle-ci conteste la décision de la SAI au motif que le tribunal n’a pas tenu suffisamment compte des observations présentées par son avocate et par celui du ministre, et que ses conclusions de fait étaient erronées.

 

[3]               Contrairement à ce qu’affirme la demanderesse, la Cour souscrit à l’avis du défendeur, qui estime que la SAI a tenu amplement compte des observations des avocatsl et qu’elle a motivé sa décision de rejeter l’appel par des motifs tout à fait clairs et convaincants, étayés en droit comme en fait. Pour tirer ces conclusions, la SAI a tenu compte de l’ensemble des faits et circonstances, y compris les circonstances atténuantes. Le fait que la demanderesse ait manqué aux conditions du sursis initial à l’exécution de la mesure d’expulsion et qu’elle ait déclaré à l’époque être incapable (en raison de ses obligations envers ses enfants) de se conformer à l’une ou l’autre des conditions proposées, dont celle de se soumettre à un mandat d’arrestation dont elle faisait toujours l’objet dans le but de purger la peine que lui avait infligée le tribunal, sont également des facteurs dont la SAI a tenu compte pour refuser de prolonger la durée du sursis et rejeter l’appel.

 

III. Le contexte

[4]               La demanderesse, Mme Themar Kuony Tuel, est une citoyenne du Soudan née en 1979. Elle a été désignée réfugiée au sens de la Convention et a obtenu la résidence permanente au Canada à son arrivée au pays, le 23 août 2000, accompagnée de son époux et d’un enfant ayant la qualité de réfugiés parrainés.

 

[5]               Le 12 mars 2004, Mme Tuel a été déclarée coupable d’agression armée par la Cour provinciale de l’Alberta, selon l’alinéa 267a) du Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46, et s’est vu infliger pour cette infraction une peine de 60 jours d’emprisonnement à purger de façon intermittente au cours des fins de semaine. Mme Tuel ne s’est pas présentée aux autorités pour purger sa peine et un mandat d’arrestation a été délivré par le juge de la Cour provinciale de l’Alberta en avril 2004.

 

[6]               En raison de sa déclaration de culpabilité, Mme Tuel a été déclarée interdite de territoire pour grande criminalité suivant l’alinéa 36(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR).

 

[7]               Le 24 avril 2007, lors de l’enquête, l’agent d’immigration a conclu que Mme Tuel était interdite de territoire pour le motif susmentionné et a pris une mesure d’expulsion.

 

[8]               Mme Tuel a interjeté appel de la mesure d’expulsion à la SAI. Elle ne contestait pas la légalité de la mesure d’expulsion. À l’audience devant la SAI, en février 2008, Mme Tuel a demandé à la SAI d’exercer son pouvoir discrétionnaire et de prendre en compte des motifs d’ordre humanitaire justifiant la prise de mesures spéciales. Dans une décision rendue le 25 février 2008, la SAI a accordé un sursis de deux ans à l’exécution de la mesure d’expulsion à certaines conditions, dont les suivantes :

4.         Ne pas commettre d’infraction criminelle;

 

5.         Signaler au ministère, par écrit et sans délai, toute accusation au criminel portée contre elle;

 

6.         Signaler au ministère et à la Section, par écrit et sans délai, toute déclaration de culpabilité au pénal prononcée contre elle;

 

 

(Dossier de la demanderesse (DD), décision de la SAI datée du 25 février 2008, p. 95)

 

[9]               Le 4 février 2010, l'avocat du ministre a informé la SAI que Mme Tuel avait été accusée au Canada de trois nouvelles infractions, qui auraient eu lieu les 20 et 28 mai 2008, à savoir : harcèlement, menaces et agression armée. Le représentant du ministre a demandé à ce que l’appel soit renvoyé à la SAI pour réexamen du sursis à l’exécution de la mesure d’expulsion (DD, observations du ministre datées du 4 février 2010, p. 23).

 

[10]           La SAI a avisé les parties qu’elle procéderait au réexamen de l’appel le 25 mai 2010 dans le cadre d’une audience. Mme Tuel s’est présentée à l’audience avec son avocate et a livré son témoignage.

 

[11]           Après l’audience, les parties ont remis à la SAI des observations écrites. Dans une lettre datée du 2 juin 2010, Mme Tuel, par l’entremise de son avocate, a fait valoir qu’il était indiqué de maintenir le sursis à l’exécution de la mesure d’expulsion pour des motifs d’ordre humanitaire. L'avocat du ministre a quant à lui proposé, par lettre datée du 4 juin 2010, de maintenir le sursis à l’exécution de la mesure d’expulsion, mais à certaines conditions additionnelles, dont l’obligation de se présenter, dans un délai de quatre mois suivant la date de l’ordonnance, à un agent de la paix de la province de l’Alberta avec en main une copie du mandat d’arrestation, et de purger toute peine actuelle ou éventuelle prononcées contre elle par une cour de justice. Dans une lettre datée du 11 juin 2010, l'avocate de Mme Tuel a fait état de l’incapacité de cette dernière à consentir à la condition consistant à se présenter à un agent de la paix de l’Alberta dans le but de purger sa peine. Elle a affirmé, au nom de Mme Tuel, que cette condition était trop [traduction] « onéreuse » et  également [traduction] « irréalisable », la demanderesse ne disposant pas des moyens financiers nécessaires pour se rendre en Alberta ou faire garder ses enfants (DD, pp. 35-42).

 

[12]           Dans sa décision, datée du 30 juillet 2010, la SAI a révoqué le sursis à l’exécution de la mesure d’expulsion et rejeté l’appel, ayant tiré les conclusions suivantes :

a.       Mme Tuel a manqué à au moins trois conditions dont était assorti le sursis : (i) ne pas troubler l’ordre public et avoir une bonne conduite; (ii) remettre une copie de son passeport ou de sa demande de passeport à l’ASFC; (iii) elle n’a pas donné suite au mandat d’arrestation en vigueur émis contre elle en Alberta et n’entend pas le faire pour le moment. Par ailleurs, trois graves accusations ont été portées contre Mme Tuel en 2008, notamment pour menaces de mort et agression armée ainsi que pour harcèlement criminel. Les accusations d’agression correspondent, selon leur nature et leur type, à l’accusation d’agression armée déposée en 2004.

b.      Pour évaluer l’opportunité de prendre une mesure spéciale pour des motifs d’ordre humanitaire, le tribunal a tenu compte des facteurs suivants et de l’intérêt des enfants directement touchés :

                                                               i.      Gravité de l’infraction – L’agression armée, infraction dont Mme Tuel a été déclarée coupable, est une affaire grave. Depuis, elle a été à nouveau accusée de la même infraction, ainsi que d’avoir proféré des menaces de mort et de s’être livrée à du harcèlement criminel. Il n’y a donc pas eu d’atténuation du comportement de la demanderesse en ce qui a trait à la gravité des accusations criminelles qu’elle s’attire. Il s’agit d’un cas où la gravité va croissante au lieu de diminuer;

                                                             ii.      Possibilité de réadaptation – Elle est entièrement hypothétique, plutôt que concrète. Mme Tuel suit un programme de traitement ou programme thérapeutique et reçoit l’aide d’un travailleur social et pourtant, elle continue de boire et de se conduire de façon violente, s’attirant ainsi d’autres accusations criminelles. Le tribunal ne peut trouver aucune possibilité réelle de réadaptation;

                                                            iii.      Liens et degré d’établissement au Canada – Mme Tuel est au Canada depuis environ une décennie, ayant été acceptée de l’étranger en qualité de réfugiée au sens de la Convention. Elle n’a aucun lien d’affaires ou professionnel au pays mais elle a le genre de liens qui rattachent les réfugiés au lieu d’asile et de protection;

                                                           iv.      Incidence sur la famille au Canada – Mme Tuel a sept enfants au pays. Deux sont avec leur père en Alberta; elle ne projette pas de leur rendre visite et n’a aucune intention de le faire. Quatre sont sous les soins de services provinciaux d’aide à l’enfance et on peut se demander quels rapports elle pourra avoir avec eux ultérieurement. Le benjamin vit avec elle. Si elle était renvoyée du Canada, cela aurait sans doute une certaine incidence sur les enfants, bien qu’il soit difficile d’évaluer avec précision la nature et la portée de cette incidence et les risques qu’elle soit négative. Les enfants subiraient certes un certain bouleversement si Mme Tuel était renvoyée du Canada;

                                                             v.      Soutien familial et communautaire – Une vaste gamme de mesures de soutien communautaire est offerte à Mme Tuel. Toutefois, celle-ci a déclaré à l’époque être incapable de se prévaloir de ces ressources de quelque façon significative;

                                                           vi.      Degré de difficulté occasionné par le renvoi – Mme Tuel est une réfugiée au sens de la Convention et, par conséquent, à moins que d’autres mesures soient prises, elle ne peut pas être renvoyée au Soudan. Aucun élément de preuve n’a été présenté concernant ce qui l’attend ou pourrait l’attendre dans le pays si elle devait y rentrer. En outre, peu d’éléments de preuve, voire aucun, ont été fournis quant aux répercussions qu’elle subirait si elle devait quitter le Canada.

c.       Le poids combiné attribué à tous ces facteurs par le tribunal n’appuie pas une prorogation du sursis, ni une révocation accompagnée de l’accueil de l’appel. Dans l’ensemble, la situation est bien pire qu’au moment où le sursis a été initialement accordé, en 2008. Depuis, en effet, Mme Tuel n’a pas observé les conditions imposées, a omis d’opérer un changement dans sa conduite, qui continue à être violente, et a omis de donner suite au fait qu’elle sera arrêtée si elle retourne en Alberta.

d.      Mme Tuel n’était pas, à l’époque, disposée à respecter les conditions susceptibles de lui être imposées.

e.       L'avocate de Mme Tuel et celui du ministre ont présenté des observations selon lesquelles le sursis devrait être prorogé. La SAI a examiné les observations écrites et en a pris « très sérieusement compte ».

f.        Le but de l’octroi d’un sursis sous conditions est de donner à la demanderesse l’occasion de démontrer qu’elle peut changer et qu’elle est disposée à le faire. Nous n’accordons pas de sursis lorsque nous croyons que la personne manquera aux conditions. En l’espèce, il ne fait aucun doute que Mme Tuel a manifesté à plusieurs reprises qu’elle n’était pas en mesure de se conformer aux lois; elle a manqué aux conditions du sursis, elle a commis d’autres actes ayant mené à de graves accusations au criminel et elle est restée déterminée à ne pas donner suite au mandat d’arrestation qui a été émis contre elle. Dans de telles circonstances, la SAI doit se demander quel objectif serait servi par une prorogation de sursis.

g.       La SAI n’a pas accepté les affirmations de Mme Tuel selon lesquelles elle ferait désormais ce qui est requis d’elle, et ce, pour deux motifs. D’abord, elle a dit la même chose auparavant et n’a pas tenu parole; ensuite, son affirmation actuelle n’est que partiellement vraie, puisqu’elle a aussi dit qu’elle n’était pas en mesure, pour l’heure, de donner suite au mandat d’arrestation en vigueur contre elle en Alberta et donc, qu’elle n’avait pas l’intention de le faire. Par conséquent, il n’y a pas vraiment de preuve démontrant que Mme Tuel respecterait les conditions d’un sursis imposées à ce stade-ci.

h.       Il y a peu d’éléments de preuve, voire aucun, concernant l’intérêt supérieur des enfants de l’appelante, qui inciteraient la SAI à proroger le sursis ou à faire droit à l’appel. Certains des enfants de la demanderesse sont en Alberta, où elle refuse d’aller. D’autres ont été pris en charge ici, en Colombie-Britannique, et la demanderesse n’a qu’un accès restreint à ces enfants. Le benjamin, qui est un bébé, vit avec elle, mais les éléments de preuve ayant trait à ces circonstances sont insuffisants et ne permettaient pas à la SAI de dire que l’intérêt de l’enfant mènerait à une prorogation du sursis.

 

[13]           Mme Tuel demande maintenant le contrôle judiciaire de la décision de la SAI de révoquer le sursis à l’exécution de la mesure d’expulsion et de rejeter son appel.

 

IV. Les questions en litige

[14]           Les questions en litige sont les suivantes :

(1)  Y a-t-il eu erreur ou manquement à l’équité procédurale attribuable au défaut de tenir compte des observations des avocats?

(2) Les conclusions de la SAI étaient-elles raisonnables et reposaient-elles sur un examen de l’ensemble de la preuve?

 

V. Analyse

[15]           Dans l’arrêt Grillas, précité, the Cour suprême a statué que le pouvoir discrétionnaire de la SAI de surseoir à l’exécution d’une mesure d’expulsion pour des motifs d’ordre humanitaire procédait de la délégation, par voie législative, de la prérogative de la Couronne de décider qui peut entrer au Canada et y séjourner. À ce titre, l’exercice par la SAI de ses pouvoirs discrétionnaires appelle une grande retenue. Les tribunaux ont souligné à maintes reprises le caractère discrétionnaire de ce pouvoir. Dans Prata, précité, la Cour suprême a déclaré qu’une mesure de renvoi :

[...] établit que, s’il ne peut bénéficier d’aucun privilège particulier, [l’individu visé par une mesure de renvoi légale] n’a aucun droit à demeurer au Canada. Par conséquent, [l’individu faisant appel d’une mesure de renvoi légale] ne cherche pas à faire reconnaître un droit, mais il tente plutôt d’obtenir un privilège discrétionnaire.

 

 

[16]           Ainsi que l’a signalé la Cour suprême dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339, il revient à la SAI de déterminer non seulement en quoi consistent les « motifs d’ordre humanitaires », mais aussi s’ils « justifient » la prise de mesures spéciales.

 

[17]           Lors du réexamen du sursis, la SAI doit tenir compte des mêmes facteurs, tirés de Ribic c. Canada (Minister of Employment and Immigration), [1985] I.A.B.D.o4 (QL/Lexis), qui ont été examinés au moment d’accorder le sursis initial, conformément au paragraphe 68(3) de la LIPR (Abdallah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 6, 87 Imm. L.R. (3d) 251, aux paragraphes 27 et 28; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Awaleh, 2009 CF 1154, [2009] A.C.F. no 1439 (QL/Lexis), aux paragraphes 21 et 22; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Stephenson, 2008 CF 82, [2008] 4 R.C.F. 351, au paragraphe 25).

 

A. La norme de contrôle

[18]           Dans Khosa, précité, la Cour suprême a statué que la norme de contrôle applicable aux décisions discrétionnaires de la SAI est la raisonnabilité. Il y a lieu de faire preuve d’une grande retenue judiciaire à l’égard des décisions de la SAI et en particulier, de celles qui reposent sur l’évaluation et l’appréciation de la preuve dont elle est saisie. La cour procédant au contrôle ne doit pas faire une nouvelle appréciation de la preuve ou substituer sa propre appréciation quant à la solution qui lui paraît indiquée; elle doit plutôt déterminer si cette solution se situe dans le cadre des solutions raisonnables possibles. C’est à la SAI, et non aux juges, que le législateur a confié la tâche de décider si un demandeur a établi qu’il existe des motifs d’ordre humanitaire justifiant la prise de mesures spéciales concernant la mesure de renvoi le visant (Khosa, précité, aux paragraphes 58-60).

 

B. La SAI a tenu compte des observations conjointes

[19]           Mme Tuel prétend que la SAI a manqué aux principes de justice naturelle ou d’équité procédurale en [traduction] « n’accordant pas suffisamment d’importance à la recommandation conjointe ». Plus précisément, Mme Tuel fait valoir que la SAI a omis de traiter de chacun des points soulevés dans les observations écrites de son avocate, notamment les conditions de sursis qui y étaient proposées.

 

[20]           Il n’y a pas eu d’erreur ou de manquement à la justice naturelle. La SAI a fait expressément mention des recommandations conjointes des avocats, dont il a été question lors de la conférence de mi-audience et dans le cadre de la présentation des observations postérieures à l’audience, en plus d’affirmer qu’elle en avait pris « très sérieusement compte ». Elle a fait référence aux observations faites par Mme Tuel quant à sa qualité de réfugiée au sens de la Convention ayant subi le traumatisme de la guerre, d’un mariage forcé et de relations violentes et ayant fait l’expérience d’obstacles en matière de langue, d'alphabétisme et de culture au Canada; toutefois, après avoir passé en revue l’ensemble des facteurs énoncés dans Ribic et l’intérêt des enfants touchés par la décision, la SAI a exposé en termes clairs et convaincants les motifs du rejet de l’appel (décision de la SAI, aux paragraphes 18 à 20).

 

[21]           S’agissant de questions d’équité procédurale ou de justice naturelle, rien n’oblige la SAI à reprendre dans ses motifs chaque aspect des observations des parties. Les raisons pour lesquelles la SAI a rejeté l'appel, en dépit des observations conjointes présentées par les parties, sont très claires.

 

[22]           La SAI a fait savoir que ses réserves au sujet des conditions proposées par les avocats étaient l’une des principales raisons du rejet de l’appel et de son refus de proroger le sursis. La SAI a relevé le fait que Mme Tuel, selon son propre aveu, n’avait pas observé les conditions précédentes.

 

[23]           L’affirmation de Mme Tuel selon laquelle il y a eu manquement à l’obligation d’équité du fait du défaut de tenir suffisamment compte des recommandations conjointes n’est pas fondée. La SAI n’a pas omis de tenir compte de ces recommandations, comme en font foi ses motifs.

 

C. La SAI a tenu compte de tous les faits et circonstances pertinents

[24]           Mme Tuel prétend que la SAI a commis une erreur dans le cadre de son examen de l’ensemble des faits et circonstances pertinents. Elle prétend aussi que la SAI n'a pas tenu compte de bon nombre de facteurs positifs et de circonstances atténuantes propres à sa situation.

 

[25]           La SAI a tenu compte de tous les facteurs pertinents exposés dans la décision Ribic, précitée, de même que des explications et rationalisations que Mme Tuel a présentées pour ses actions passées. Pour tous les motifs qu'elle a énoncés, la SAI a jugé en conséquence, après avoir apprécié tous les facteurs, dont l’intérêt des enfants, qu’ils n’avaient pas un poids suffisant pour lui permettre d’accueillir l’appel ou de proroger le sursis.

 

[26]           Ainsi que l’a souligné la SAI, personne ne peut se soustraire à la loi, et personne ne peut choisir à quelles lois obéir, ni quand. Personne ne peut décider pour soi-même à quelles conditions se soumettre, et lesquelles écarter. Mme Tuel refuse toujours de reconnaître qu’elle est assujettie à l’ensemble des lois du Canada. Or, le refus de la SAI de prolonger le sursis à certaines conditions et son rejet de l'appel étaient raisonnables compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, surtout à la lumière de l’incapacité avouée de Mme Tuel de se soumettre aux conditions du sursis, aux lois du Canada et à la peine infligée par une cour de justice.

 

VI. Conclusion

[27]           Pour tous les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire de la demanderesse sera rejetée.

 


 

JUGEMENT

LA COUR STATUE comme suit : la demande de contrôle judiciaire de la demanderesse est rejetée. Il n’y a aucune question de portée générale à certifier.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4947-10

 

INTITULÉ :                                       THEMAR KUONY TUEL

                                                            c.

                                                            MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 21 février 2011

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 ET JUGEMENT :                             LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 24 février 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Judith Boer

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Helen Park

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

ELGIN, CANNON & ASSOCIATES

Vancouver (C.-B.)

 

POUR LA DEMANDERESSE

MYLES J. KIRVAN

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (C.-B.)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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