Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20110221

Dossier : T‑1475‑09

Référence : 2011 CF 205

[traduction française certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 21 février 2011

En présence de monsieur le juge Near

 

 

ENTRE :

 

HIGHLAND PRODUCE LTD.

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LES PRODUCTEURS D’ŒUFS DU CANADA

(AUTREFOIS CONNUS SOUS LE NOM D’OFFICE CANADIEN DE COMMERCIALISATION DES ŒUFS)

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 5 août 2009 (la décision) par le Conseil national des produits agricoles (le CNPA). Le CNPA a rejeté la plainte dans laquelle la demanderesse (la plainte) reprochait à l’Office canadien de commercialisation des œufs (l’OCCO) (maintenant appelé Les Producteurs d’œufs du Canada) certains actes fautifs. Le CNPA a conclu que les questions soulevées par la demanderesse avaient déjà été tranchées dans le cadre d’un arbitrage antérieur entre les parties.

 

[2]               La présente demande est rejetée pour les motifs exposés ci‑après.

 

I.          Contexte

 

A.        Contexte factuel

 

[3]               La demanderesse, Highland Produce Ltd. (Highland), est une entreprise familiale qui a été fondée en 1969 et qui, jusqu’en 2003, œuvrait dans le domaine de la transformation des œufs au Canada.

 

[4]               Le défendeur, l’OCCO, a la responsabilité d’administrer le système de gestion de l’offre pour les en œufs au Canada en vertu de la Loi sur les offices de produits agricoles, (L.R.C., 1985, ch. F‑4) (la LOPA). Dans ses observations écrites, l’OCCO explique qu’il vend à des transformateurs d’œufs les œufs excédentaires à la demande du marché de consommation au Canada en vue de leur transformation en ovoproduits. L’OCCO vendait ses excédents d’œufs à Highland.

 

[5]               Highland se préoccupe depuis longtemps de la conduite de l’OCCO. Elle a déposé une plainte au Bureau de la concurrence en 2000 et a institué deux actions devant la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta en 2000 et en 2004. N’ayant pas compétence pour entendre la plainte, le Bureau de la concurrence a dirigé la demanderesse vers le CNPA qui, en vertu de l’alinéa 7(1)f) de la LOPA, a compétence pour recevoir les plaintes et procéder aux enquêtes. Les deux actions instituées en Alberta ont été suspendues à la suite d’une décision selon laquelle le contrat entre Highland et l’OCCO comportait une clause d’arbitrage stipulant que tous les différends devaient être renvoyés à l’arbitrage.

 

[6]               Dans chaque cas, Highland alléguait que l’OCCO la traitait de façon inéquitable et le poursuivait pour négligence et rupture de contrat, manquement à son obligation fiduciale et autres obligations de droit privé. Highland alléguait que l’OCCO, qui avait l’intention de lui faire perdre son entreprise, avait réussi à le faire en octobre 2003.

 

[7]               À la suite d’une entente conclue en décembre 2005, les parties ont eu recours à l’arbitrage. Une audience viva voce a eu lieu pendant six semaines en 2007 et en 2008 devant M. John Morden (ancien juge de la Cour d’appel de l’Ontario). Le processus a été long et a comporté, outre la tenue d’une audience, des interrogatoires préalables et une production de documents. Le 5 août 2008, M. Morden a rendu une décision arbitrale de 114 pages.

 

[8]               M. Morden a conclu que même si l’OCCO était [traduction] « loin d’être parfait à plusieurs égards », Highland n’avait pas réussi à établir que l’OCCO était responsable ou qu’elle avait elle‑même subi une perte quelconque. M. Morden a conclu que la décision de Highland de mettre fin à ses activités était le résultat de ses propres actions et n’avait aucun lien rationnel avec la conduite de l’OCCO. En conséquence, toutes les allégations de Highland ont été rejetées.

 

[9]               Highland n’a pas interjeté appel de la sentence arbitrale. L’article 11b) de la convention d’arbitrage conclue entre les parties prévoyait que la décision de l’arbitre était définitive et contraignante, sous réserve uniquement des droits d’appel prévus par la loi, et interdisait toute contestation incidente de la décision arbitrale par l’institution d’une action en justice indépendante. La décision arbitrale a été reconnue comme un jugement de la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta le 8 janvier 2009. Le juge Robert Graesser de la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta a alors rejeté les deux actions de Highland qui avaient été suspendues en faveur de l’arbitrage. Highland n’a pas interjeté appel de ces rejets.

 

[10]           M. Morden a par la suite traité de la question des dépens. Après avoir reçu les observations des parties, il a accordé des dépens de 250 000 $ à l’OCCO. M. Morden a indiqué que l’OCCO avait eu gain de cause à l’égard de chacune des prétentions de Highland. L’adjudication des dépens a été reconnue comme un jugement de la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta le 8 octobre 2009.

 

[11]           Le 18 septembre 2008, Highland a déposé une plainte officielle au CNPA, laquelle portait sur des questions qui, prétendait Highland, n’avaient pas été tranchées dans la décision arbitrale et qui relevaient de la compétence du CNPA. Highland a exposé quatre questions qui, selon elle, subsistaient à la suite de l’arbitrage :

1.         l’octroi de contrats de sous‑traitance à certains participants de l’industrie et la non‑divulgation des prix, à l’exclusion d’autres participants;

2.         des accords préférentiels d’approvisionnement en œufs conclus avec certains transformateurs à l’exclusion d’autres;

3.         des conflits d’intérêts continus et apparents au sein du conseil d’administration de l’OCCO se traduisant par des décisions stratégiques et opérationnelles de l’OCCO à l’avantage des administrateurs en conflit d’intérêts;

4.         l’omission de percevoir des comptes en souffrance auprès de certains transformateurs d’œufs faisant ainsi de l’OCCO un « prêteur » de fait auprès de certains transformateurs d’œufs.

 

[12]           Highland sollicitait du CNPA, entre autres, une décision déclaratoire portant que l’OCCO avait exercé ses pouvoirs de façon déraisonnable, qu’il avait agi pendant la période pertinente de façon à permettre l’existence de conflits d’intérêts inappropriés, et que la conduite de l’OCCO contrevenait aux objets de la LOPA ou aux dispositions de la Proclamation visant l’Office canadien de commercialisation des œufs.

 

[13]           Highland demandait au CNPA de déterminer si une audience publique de la plainte était justifiée et a expliqué qu’elle était disposée à présenter des observations supplémentaires sur ce point après l’examen de la décision arbitrale par le CNPA. Highland a également indiqué qu’il était peu probable que le mode alternatif de résolution des conflits (MARC) permettrait de résoudre les questions en litige entre les parties, mais qu’elle était néanmoins disposée à participer de bonne foi à un tel processus si le CNPA estimait que le MARC en faciliterait la résolution.

 

[14]           Il y a eu par la suite un échange de correspondance entre les parties :

•           Le 28 septembre 2008, le CNPA a accusé réception de la plainte.

•           Le 24 octobre 2008, le CNPA a écrit à Highland pour lui demander une copie de la décision arbitrale, de même que des renseignements généraux concernant la plainte. Le CNPA a indiqué qu’il serait le mieux placé pour discuter avec Highland de la meilleure façon de traiter la plainte après l’examen de tous les documents.

•           Le 11 novembre 2008, Highland a transmis au CNPA une copie de la décision arbitrale, tout en lui précisant qu’elle serait plus en mesure de fournir les renseignements généraux pertinents après qu’il aurait examiné la décision arbitrale et décidé de la façon de traiter la plainte. Highland a indiqué quelles parties de la décision arbitrale elle estimait particulièrement pertinentes pour la plainte.

•           Le 16 décembre 2008, l’OCCO a transmis au CNPA une lettre dans laquelle il répondait à la plainte. L’OCCO s’opposait à la mesure de réparation demandée par Highland pour les motifs suivants : a) elle n’était pas dans l’intérêt public; b) il s’agissait d’une contestation incidente de la décision arbitrale, laquelle disposait pleinement et de façon définitive des questions soulevées dans la plainte. L’OCCO soutenait qu’un examen de la décision arbitrale et, si nécessaire, des parties pertinentes du dossier dont l’arbitre avait été saisi, serait suffisant pour que le CNPA termine son enquête. L’OCCO soutenait de plus que la plainte devait être rejetée au motif qu’elle ne soulevait pas de nouvelles questions pertinentes quant à la relation de Highland avec l’OCCO. Dans l’ensemble, il réfutait l’allégation de Highland selon laquelle quatre questions demeuraient non résolues à la suite de l’arbitrage.

•           Le 18 décembre 2008, Highland a écrit au CNPA afin de répliquer à l’OCCO, et a contesté la demande de ce dernier de rejeter la plainte avant que le CNPA n’ait décidé de la façon de traiter la plainte. Highland a indiqué qu’elle serait heureuse de présenter des observations détaillées dès qu’elle aurait reçu les directives du CNPA. À ce moment‑là, l’OCCO aurait le droit de présenter des observations en réponse.

•           Le 23 décembre 2008, répondant à la lettre de Highland datée du 18 décembre 2008, l’OCCO a écrit au CNPA pour l’informer qu’il estimait approprié de répondre à une plainte formelle et de s’assurer que sa position concernant la demande d’audience publique soit versée au dossier. L’OCCO a à nouveau indiqué qu’il était possible de régler la plainte sans tenir d’audience.

•           Le 13 janvier 2009, Highland a de nouveau écrit au CNPA pour s’opposer aux observations en réponse de l’OCCO et a encore une fois indiqué qu’elle serait [traduction] « heureuse de présenter des observations détaillées en temps opportun dès que le mode de règlement de la plainte de Highland aura été déterminé [...] ». Highland a précisé qu’à son avis, si le CNPA décidait de résoudre la question au moyen d’observations écrites, il serait nécessaire que des preuves documentaires accompagnent ces observations.

•           Le 20 janvier 2009, le CNPA a répondu aux deux parties, les informant qu’il en était encore à l’étape de l’enquête sur la plainte. Il leur a également demandé de lui indiquer si elles convenaient que les principales questions soulevées dans la plainte portaient sur les décisions de l’OCCO d’établir des prix variables pour la vente d’œufs à différents transformateurs. Le CNPA a également demandé des observations sur la pertinence de l’article 11 de la Proclamation visant l’OCCO pour le règlement du différend.

•           L’OCCO et Highland ont tous deux répondu à la demande du CNPA le 29 janvier 2009 et le 6 février 2009, respectivement.

•           En avril et en mai 2009, Highland et le CNPA se sont échangé une série de communications au sujet de l’état de la plainte.

•           En juillet 2009, le CNPA a demandé une copie de la convention d’arbitrage, que Highland a alors transmise.

 

B.         Décision contestée

 

[15]           Dans une lettre datée du 5 août 2009, le CNPA a rejeté la plainte de Highland dans sa totalité. Après avoir examiné et analysé tous les documents, y compris la décision arbitrale et la convention d’arbitrage, de même que les réponses de Highland et de l’OCCO aux questions visant à obtenir des renseignements supplémentaires, le CNPA a conclu que la décision arbitrale avait déjà réglé toutes les questions soulevées dans la plainte. En conséquence, le CNPA a conclu qu’il n’était pas en mesure d’accorder à Highland une réparation substantielle à la suite d’une plainte fondée sur l’alinéa 7(1)f) de la LOPA, peu importe qu’elle soit tranchée dans le cadre d’un processus de règlement extrajudiciaire ou d’une audience publique.

 

[16]           Highland a déposé la présente demande de contrôle judiciaire le 3 septembre 2009, soutenant que le CNPA l’avait privée de son droit à l’équité procédurale. Highland sollicite une ordonnance de certiorari annulant la décision du CNPA.

 

II.         Question en litige

 

[17]           La seule question que soulève la présente demande est celle de savoir si, en rejetant la plainte, le CNPA a de quelque manière porté atteinte au droit à l’équité procédurale de Highland.

 

III.       Norme de contrôle

 

[18]           En ce qui a trait aux questions d’équité procédurale, il est de jurisprudence constante depuis l’arrêt Dunsmuir que ces questions doivent être examinées selon la norme de la décision correcte. Ainsi, la Cour n’a pas à faire preuve de déférence à l’endroit du décideur. Comme la Cour d’appel fédérale l’a expliqué dans l’arrêt Skechley c.Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, [2006] 3 RCF 392, au paragraphe 53 :

[...] Soit le décideur a respecté l’obligation d’équité dans les circonstances propres à l’affaire, soit il a manqué à cette obligation.

 

IV.       Argumentation et analyse

 

A.        Highland a eu droit au degré d’équité procédurale requis

 

[19]           Dans sa demande, Highland soutient essentiellement que le CNPA a manqué à son obligation d’équité procédurale en ne l’autorisant pas à présenter des observations et des éléments de preuve et à participer à une audience. Highland fait valoir de plus que le CNPA a violé le principe audi alteram partem.

 

[20]           L’OCCO soutient que le CNPA a accordé à Highland le degré d’équité procédurale auquel elle avait droit.

 

[21]           Les deux parties conviennent manifestement que le CNPA était tenu à un certain degré d’équité procédurale envers Highland. Le litige porte sur le contenu de cette obligation et sur la question de savoir si elle a été remplie ou non. Les deux parties soutiennent que la détermination du degré d’équité procédurale auquel une partie a droit est un exercice contextuel, qui est fonction des circonstances de chaque cas.

 

[22]           La Cour suprême du Canada a établi le cadre dans lequel s’inscrit l’analyse du contenu de l’obligation d’équité dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, 174 DLR (4th) 193. Les deux parties s’appuient sur cet arrêt bien qu’elles présentent une analyse divergente de ce qu’il exigerait du CNPA en l’espèce. Même si je comprends que le simple fait que le dirigeant de Highland, M. Ewanishan, présente la présente demande témoigne de l’importance que la plainte représente pour lui, je crois qu’une analyse des facteurs de l’arrêt Baker, exposés ci‑après, montre que Highland a été traitée de façon équitable et appropriée par le CNPA.

 

[23]           Avant d’examiner les facteurs énoncés dans l’arrêt Baker, j’aimerais exprimer mon opinion sur certaines observations factuelles et contextuelles formulées par Highland et réfutées par l’OCCO. Dans sa plainte au CNPA, Highland allègue que l’arbitre, M. Morden, l’a dirigée vers le mécanisme de traitement des plaintes prévu par la loi. Cette interprétation de la décision arbitrale semble avoir en partie incité Highland à déposer une plainte auprès du CNPA après un arbitrage long et exécutoire, et elle constitue le fondement de sa conviction selon laquelle l’arbitrage n’avait pas répondu à toutes ses allégations d’inconduite.

 

[24]           L’OCCO soutient en réponse qu’il s’agit d’une [traduction] « interprétation injuste » de la décision arbitrale et que de plus, ni l’arbitre ni la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta n’avaient compétence sur le CNPA.

 

[25]           La conviction de Highland, selon laquelle M. Morden a conclu dans sa décision que certaines questions relevaient de la compétence du CNPA, témoigne à mon avis soit d’une grande incompréhension de la décision arbitrale, soit d’une présentation erronée des déclarations qu’elle contient.

 

[26]           Bien que M. Morden ait de fait conclu qu’il aurait été [traduction] « logique et évident » que Highland dépose une plainte au CNPA dès le début de son différend avec l’OCCO en 2000, il indique simplement dans sa décision que le CNPA avait compétence pour trancher de telles questions, mais que Highland avait plutôt choisi de soumettre sa plainte à la fois aux tribunaux et à l’arbitrage. Même une lecture attentive de la décision ne permet pas d’y trouver la mention du renvoi au CNPA que Highland prétend qu’elle comporte. Certes, la pratique du droit suppose de présenter les faits sous l’angle le plus favorable aux arguments juridiques du demandeur, mais je ne peux qu’être d’accord avec l’OCCO, qui compare les observations de Highland à de la [traduction] « prestidigitation ».

 

(1)        Contenu de l’obligation d’équité

 

[27]           Aux paragraphes 21 à 28 de l’arrêt Baker, précité, la juge Claire L’Heureux‑Dubé a énoncé cinq facteurs qui aident à déterminer le degré d’équité procédurale requis dans des circonstances données. Ces facteurs sont les suivants :

a)         la nature de la décision recherchée et le processus suivi pour y parvenir;

b)         la nature du régime législatif et les termes de la loi en vertu de laquelle agit l’organisme en question;

c)         l’importance de la décision pour les personnes visées;

d)         les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision;

e)         les choix de procédure que l’organisme administratif fait lui‑même.

 

[28]           Par souci de clarté, j’analyserai tout d’abord la nature du régime législatif.

 

b)         Nature du régime législatif

 

[29]           La Cour suprême a déclaré ce qui suit au paragraphe 24 de l’arrêt Baker, précité :

[...] Le rôle que joue la décision particulière au sein du régime législatif, et d’autres indications qui s’y rapportent dans la loi, aident à définir la nature de l’obligation d’équité dans le cadre d’une décision administrative précise. Par exemple, des protections procédurales plus importantes seront exigées lorsque la loi ne prévoit aucune procédure d’appel, ou lorsque la décision est déterminante quant à la question en litige et qu’il n’est plus possible de présenter d’autres demandes [...]

 

[30]           La LOPA énonce comme suit la mission et les pouvoirs du CNPA aux articles 6 et 7 :

Mission du Conseil

 

6. (1) Le Conseil a pour mission :

 

[...]

 

b) de contrôler l’activité des offices afin de s’assurer qu’elle est conforme aux objets énoncés aux articles 21 ou 41, selon le cas;

 

 

 

 

[...]

 

Pouvoirs du Conseil

 

7. (1) Afin de remplir sa mission, le Conseil :

 

[...]

 

f) procède aux enquêtes et prend les mesures qu’il estime appropriées relativement aux plaintes qu’il reçoit — en ce qui a trait à l’activité d’un office — des personnes directement touchées par celle‑ci;

 

 

[...]

 

l) peut prendre toute autre mesure utile à la réalisation de sa mission.

 

Duties of Council

 

6. (1) The duties of the Council are

 

[...]

 

b) to review the operations of agencies with a view to ensuring that they carry on their operations in accordance with their objects set out in section 21 or 41, as the case may be; and

 

[...]

 

Powers of Council

 

7. (1) In order to fulfil its duties, the Council

 

[...]

 

(f) shall make such inquiries and take such action within its powers as it deems appropriate in relation to any complaints received by it from any person who is directly affected by the operations of an agency and that relate to the operations of the agency;

 

[...]

 

(l) may do all such other things as are incidental or conducive to the fulfilment of its duties

 

 

 

[31]           Le paragraphe 8(1) prévoit que le CNPA doit tenir des audiences publiques dans certains cas, alors que le paragraphe 8(2) accorde au CNPA le pouvoir discrétionnaire de tenir des audiences publiques s’il est dans l’intérêt public de le faire :

Audience obligatoire

 

8. (1) Le Conseil tient une audience publique :

 

a) lorsqu’il enquête sur l’opportunité de la création d’un office ou de l’extension du pouvoir d’un office existant à un ou plusieurs autres produits agricoles;

 

b) lorsqu’il étudie un projet de plan de commercialisation ou de plan de promotion et de recherche;

 

c) lorsque le gouverneur en conseil ou le ministre le lui enjoint, relativement à toute autre question de sa compétence.

 

 

 

Audience facultative

 

(2) Le Conseil peut tenir une audience publique au sujet d’une question de sa compétence s’il est convaincu que cela est dans l’intérêt public.

Where hearing to be held

 

8. (1) A public hearing shall be held by the Council

 

(a) in connection with an inquiry into the merits of establishing an agency or of broadening the authority of an existing agency to cover any additional farm product or farm products;

 

(b) where the Council has under review a proposed marketing plan or promotion and research plan; or

 

(c) in connection with any other matter relating to its objects if the Governor in Council or the Minister directs the Council to hold a public hearing in connection with such matter.

 

Where hearing may be held

 

(2) A public hearing may be held by the Council in connection with any matter relating to its objects where the

 

Council is satisfied that such a hearing would be in the public interest.

 

 

 

[32]           Le CNPA a également élaboré des lignes directrices internes pour l’examen des plaintes (les Lignes directrices concernant le traitement des plaintes). Ces lignes directrices prévoient ce qui suit au chapitre intitulé « IV. Généralité des Lignes directrices » :

Les Lignes directrices doivent être interprétées libéralement, de façon à assurer que le règlement des plaintes est le plus équitable, le moins coûteux et le plus rapide possible. Pour procurer toute la souplesse requise ou pour éviter toute iniquité, le CNPA ou le Comité peut décider de ne pas tenir compte, en tout ou en partie, des Lignes directrices.

 

 

[33]           Le chapitre intitulé « VI. L’Étape suivant le dépôt d’une plainte » traite du rejet de la plainte :

3.         Si le CNPA considère que le plaignant n’est pas directement lésé par l’ordonnance, le règlement, l’ordonnance ou le règlement proposé, ou toute autre décision; que l’affaire n’est pas de la compétence du CNPA; que le plaignant a déposé la plainte trop tard; ou que la plainte est frivole, vexatoire ou autrement immatérielle, le CNPA peut, après avoir discuté de la situation avec le plaignant, rejeter la plainte.

 

[34]           L’OCCO soutient qu’il ressort clairement de l’article 8 de la LOPA que le CNPA n’est pas obligé de tenir une audience publique dans tous les cas. En effet, le CNPA ne doit tenir une audience publique que lorsqu’il enquête sur l’opportunité de la création d’un office ou de l’extension du pouvoir d’un office existant; lorsqu’il étudie un projet de plan de commercialisation; lorsque le ministre le lui enjoint, relativement à toute question de sa compétence. Aucun de ces cas ne s’applique en l’espèce.

 

[35]           De plus, le pouvoir discrétionnaire de tenir une audience publique dans d’autres cas que ceux énumérés ne doit être exercé que si le CNPA est convaincu qu’il est dans l’intérêt public de le faire. Je répète qu’il est évident que le CNPA n’a pas l’obligation de tenir une audience.

 

[36]           Il est vrai, comme le soutient Highland, que la LOPA ne prévoit pas de droit d’appel de la décision rendue à l’égard d’une plainte fondée sur l’alinéa 7(1)f). Comme il est dit dans l’arrêt Baker, précité, dans le cas où une décision est définitive et qu’il n’est plus possible de présenter d’autres demandes, des protections procédurales plus importantes seront exigées.

 

[37]           Toutefois, compte tenu des circonstances particulières de l’espèce, j’aurais tendance à convenir avec l’OCCO que l’on devrait accorder moins de poids au fait qu’il n’existe aucun droit d’appel que ce ne serait le cas autrement. Highland avait déjà eu l’occasion de faire valoir pleinement ses arguments devant un décideur lors de l’arbitrage sous‑jacent. Au vu du dossier, on pourrait décrire la plainte comme une tentative d’interjeter appel de certaines parties de la décision arbitrale.

 

[38]           Le régime législatif n’indique pas que Highland aurait dû bénéficier d’un degré plus élevé d’équité procédurale.

 

a)         Nature de la décision et processus

 

[39]           Les exigences en matière d’équité procédurale varient en fonction de la mesure dans laquelle un organisme administratif ressemble à un tribunal. La Cour suprême du Canada a déclaré ce qui suit dans l’arrêt Baker, précité, au paragraphe 23 :

[...] « la mesure dans laquelle le processus administratif se rapproche du processus judiciaire est de nature à indiquer jusqu’à quel point ces principes directeurs devraient s’appliquer dans le domaine de la prise de décisions administratives ». Plus le processus prévu, la fonction du tribunal, la nature de l’organisme rendant la décision et la démarche à suivre pour parvenir à la décision ressemblent à une prise de décision judiciaire, plus il est probable que l’obligation d’agir équitablement exigera des protections procédurales proches du modèle du procès. [...]

 

[40]           Déterminer le contenu de l’obligation d’équité n’est cependant pas aussi simple que de qualifier un tribunal de tribunal judiciaire, quasi judiciaire, administratif ou exécutif, en raison de l’une de ses fonctions. La cour doit examiner l’ensemble des circonstances dans lesquelles le tribunal exerce ses fonctions. Dans l’arrêt Bell Canada c. Association canadienne des employés de téléphone, 2003 CSC 36, [2003] 1 RCS 884, au paragraphe 22, la Cour suprême du Canada a statué comme suit :

[...] Dans la détermination du contenu des exigences de l’équité procédurale auxquelles un tribunal particulier est assujetti, il faut tenir compte de l’ensemble des fonctions exercées par ce tribunal. Il est inapproprié de qualifier un tribunal de « quasi judiciaire » en raison de l’une de ses fonctions, tout en considérant un autre aspect du régime législatif qui crée ce tribunal — par exemple, l’obligation de ce tribunal de suivre les directives interprétatives établies par un organisme spécialisé ayant une expertise dans ce domaine du droit — comme si cet aspect était étranger à l’objectif véritable du tribunal. Il faut examiner tous les aspects de la structure du tribunal prévus dans sa loi habilitante et tenter d’établir précisément quelle combinaison de fonctions le législateur a voulu que ce tribunal exerce et quelles protections procédurales conviennent à un organisme investi de ces fonctions particulières.

 

[Souligné dans l’original.]

 

[41]           Highland s’appuie sur les articles 8, 9 et 10 de la LOPA pour soutenir que les questions que le CNPA examine seraient de nature judiciaire plutôt que de nature purement administrative. Ces dispositions prévoient le moment et la manière dont les audiences publiques doivent être tenues, comme nous l’avons déjà vu.

 

[42]           Highland reconnaît qu’une audience publique ne sera pas tenue dans tous les cas, mais que la possibilité qu’une telle audience soit tenue, et le fait que le déroulement de ces audiences soit établi dans les Lignes directrices concernant le traitement des plaintes (qui prévoient une conférence préparatoire, des observations écrites, une audience et une décision par écrit) permettent d’affirmer que la procédure de traitement des plaintes du CNPA est de nature judiciaire. Highland fait aussi valoir que, outre les dispositions concernant les audiences publiques, la nature contradictoire du différend qui oppose Highland et l’OCCO indique qu’un degré élevé d’équité est justifiée.

 

[43]           Pour sa part, l’OCCO soutient que le mécanisme de traitement des plaintes du CNPA ne vise pas à régler les différends. Au soutien de cette prétention, l’OCCO s’appuie sur l’arrêt Leth Farms Ltd. c. Canada (Procureur général), 2007 CAF 49, [2007] 4 RCF 410, de la Cour d’appel fédérale.

 

[44]           Dans l’arrêt Leth Farms, la cour a examiné la question de savoir si le CNPA avait commis une erreur en rejetant une plainte au motif qu’il n’était pas compétent. La cour a statué que les pouvoirs du CNPA doivent être examinés à la lumière de la mission imposée par l’article 6 de la LOPA et qu’il existe une interdépendance entre la mission du CNPA, son pouvoir de statuer sur les plaintes et la mission des offices qui relèvent du CNPA, tel que le prévoit la LOPA.

 

[45]           À cet égard, la cour explique que les termes « prend les mesures qu’il estime appropriées » à l’alinéa 7(1)f) doivent s’interpréter en fonction de la mission que l’alinéa 6(1)b) confie au CNPA « de contrôler l’activité des offices afin de s’assurer qu’elle est conforme [à leurs] objets » [...] ». L’article 21 de la LOPA énonce de façon générale la mission d’un office, tel que l’OCCO, créé en vertu de la LOPA :

Mission

 

21. Un office a pour mission :

 

 

a) de promouvoir la production et la commercialisation du ou des produits réglementés pour lesquels il est compétent, de façon à en accroître l’efficacité et la compétitivité;

 

b) de veiller aux intérêts tant des producteurs que des consommateurs du ou des produits réglementés.

Objects

 

21. The objects of an agency are

 

(a) to promote a strong, efficient and competitive production and marketing industry for the regulated product or products in relation to which it may exercise its powers; and

 

 

(b) to have due regard to the interests of producers and consumers of the regulated product or products.

 

 

 

[46]           Dans l’arrêt Leth Farms, précité, l’organisme particulier en cause était l’Office canadien de commercialisation du dindon (l’OCCD). La cour a déclaré ce qui suit au paragraphe 50 :

[...] À mon sens, la grande liberté que la LOPA accorde à l’OCCD touchant la manière d’exercer son activité doit nous inciter à considérer comme plutôt large qu’étroit l’éventail des mesures que le Conseil serait habilité à prendre pour remplir son mandat de contrôle de l’activité de l’OCCD, en particulier dans le cas où cette activité donne lieu à une plainte [...]

 

 

[47]           La cour a ensuite rappelé que la nature des « mesures appropriées » à prendre dépend des faits et des circonstances de la plainte.

 

[48]           Je conviens avec l’OCCO que, compte tenu de ce qui précède, l’objet principal de la fonction attribuée au CNPA en matière de traitement des plaintes n’est pas l’arbitrage des différends privés, mais la conformité des activités des offices à la mission qui leur est confiée. En conséquence, la procédure de traitement des plaintes du CNPA n’est pas de nature purement judiciaire et n’exige pas que chaque plainte fasse l’objet d’une audience publique et que des éléments de preuve doivent être présentés et examinés.

 

[49]           En fait, le paragraphe 8(1) limite les audiences publiques aux cas où un office est créé ou un projet de plan de commercialisation est étudié, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Le paragraphe 8(2) confère au CNPA le pouvoir discrétionnaire de décider de tenir une audience publique uniquement s’il est dans l’intérêt public de le faire.

 

[50]           Highland laisse entendre que la nature contradictoire du différend qui l’oppose à l’OCCO et la nature contradictoire de l’arbitrage qui a déjà eu lieu devraient donner lieu à un degré plus élevé d’équité procédurale. Encore là, je dois à nouveau convenir avec l’OCCO que la nature privée du différend ne peut pas écarter l’exigence relative à l’intérêt public au paragraphe 8(2) et qu’il serait déraisonnable d’obliger le CNPA à effectuer un examen complet de la preuve déjà examinée par l’arbitre et à rendre une décision à ce sujet seulement parce que Highland qualifie la plainte de contradictoire.

 

c)         Importance la décision

 

[51]           En règle générale, plus les obligations procédurales seront rigoureuses, plus les répercussions de la décision sur la personne visée seront grandes. Dans l’arrêt Baker, précité, la cour a statué comme suit, au paragraphe 25 :

[...] Plus la décision est importante pour la vie des personnes visées et plus ses répercussions sont grandes pour ces personnes, plus les protections procédurales requises seront rigoureuses [...]

 

[52]           Highland prétend que la décision du CNPA de rejeter la plainte a eu et a encore une incidence directe sur elle.

 

[53]           Or, Highland n’explique pas comment cela peut être possible puisque, comme le souligne l’OCCO, Highland n’exerce actuellement aucune activité à titre de transformateur d’œufs et n’a pas œuvré dans ce domaine depuis 2003. Si le CNPA avait décidé de poursuivre son enquête sur la plainte et d’ordonner la mesure de réparation que sollicitait Highland, sa décision n’aurait eu aucun effet sur les droits de Highland, puisque celle‑ci n’est pas une cliente de l’OCCO, et qu’elle n’a avec lui aucun lien commercial.

 

[54]           Highland allègue à nouveau que les actes fautifs auxquels a conclu le CNPA lors de l’arbitrage sont directement liés à la décision de Highland de mettre fin à ses opérations à titre de transformateur d’œufs [traduction] « compte tenu du milieu concurrentiel inéquitable dans lequel elle se trouvait ». Encore là, cette déclaration témoigne d’une incompréhension de la décision arbitrale par laquelle l’OCCO a été exonéré de toute faute et d’où il ressort que Highland n’a pas été en mesure d’établir un lien entre les actions de l’OCCO et sa propre décision de fermer ses portes.

 

[55]           Je comprends que les déclarations demandées par Highland peuvent représenter une très grande victoire pour M. Ewanishan, directeur de Highland, mais elles n’ont aucun effet pratique. Puisque l’arbitrage qui a été convenu a eu lieu et qu’il empêche Highland de soulever à nouveau ces questions, il est difficile de voir ce qui est en jeu pour Highland dans cette plainte. Comme le soutient l’OCCO, le fait est que l’incidence de la décision est de ne pas en avoir du tout.

 

d)         Attentes légitimes

 

[56]           La doctrine de l’attente légitime prévoit essentiellement que si un organisme administratif fait des promesses concernant la procédure qu’elle suit, la situation sera inéquitable si l’organisme ne suit pas la procédure prévue dans un cas donné (arrêt Baker, précité, au paragraphe 26).

 

[57]           Highland s’appuie sur les Lignes directrices concernant le traitement des plaintes pour affirmer qu’elle s’attendait légitimement à ce que le CNPA examine sa plainte et les raisons pour lesquelles elle l’avait présentée avant de la rejeter.

 

[58]           L’OCCO soutient que les Lignes directrices concernant le traitement des plaintes ne créaient pas d’attente légitime que Highland serait consultée ou, subsidiairement, si elles créaient une attente légitime en ce sens, que le CNPA avait rempli son obligation de consulter avant de rejeter la plainte.

 

[59]           La ligne directrice en cause est rédigée comme suit :

3.         Si le CNPA considère que le plaignant n’est pas directement lésé par l’ordonnance, le règlement, l’ordonnance ou le règlement proposé, ou toute autre décision; que l’affaire n’est pas de la compétence du CNPA; que le plaignant a déposé la plainte trop tard; ou que la plainte est frivole, vexatoire ou autrement immatérielle, le CNPA peut, après avoir discuté de la situation avec le plaignant, rejeter la plainte.

 

[60]           Cette disposition exige que le CNPA discute de la situation avec le plaignant et non qu’il discute de la plainte elle‑même. De plus, cette disposition doit être examinée à la lumière de la réserve formulée par le CNPA à l’égard des Lignes directrices, à savoir :

Les Lignes directrices doivent être interprétées libéralement, de façon à assurer que le règlement des plaintes est le plus équitable, le moins coûteux et le plus rapide possible. Pour procurer toute la souplesse requise ou pour éviter toute iniquité, le CNPA ou le Comité peut décider de ne pas tenir compte, en tout ou en partie, des Lignes directrices.

 

[61]           L’OCCO soutient qu’une déclaration concernant la procédure ne peut être considérée comme créant une attente légitime que si elle est « claire[], nette[] et explicite[] ». (Syndicat canadien de la fonction publique (S.C.F.P.) c. Ontario (Ministre du travail), 2003 CSC 29, [2003] 1 RCS 539, au paragraphe 131). En l’espèce, toute déclaration sur l’obligation de consulter avant de rejeter une plainte remplit manifestement cette condition.

 

[62]           À mon avis, il n’est pas nécessaire que je détermine si les Lignes directrices concernant le traitement des plaintes créent ou non une attente légitime parce que, même en supposant que c’est le cas, je conclus que le CNPA a rempli son obligation de discuter de la situation avec Highland avant de rejeter la plainte.

 

[63]           J’estime que la correspondance échangée entre les parties avant le rejet de la plainte constitue une discussion de la situation au sens des Lignes directrices concernant le traitement des plaintes. En effet, la convention d’arbitrage a soustrait à la compétence du CNPA les éléments de la plainte qui ont été réglés dans la décision arbitrale. Il aurait été inutile de discuter du fond de la plainte elle‑même avec Highland après que le CNPA eut examiné la décision arbitrale. De plus, ce n’est pas là une attente qu’aurait pu raisonnablement créer chez Highland les Lignes directrices concernant le traitement des plaintes.

 

[64]           Quoi qu’il en soit, il ressort clairement de la correspondance échangée entre les parties que le CNPA exigeait un examen de la décision arbitrale à titre d’étape préliminaire dans le processus de traitement de la plainte. Le rejet de la plainte au motif que la décision arbitrale avait déjà traité des questions soulevées dans la plainte n’aurait pas dû surprendre Highland. Les observations présentées par les parties jusqu’à ce moment portaient sur la décision arbitrale et la convention d’arbitrage.

 

[65]           Je dois convenir avec l’OCCO que le CNPA avait tous les documents nécessaires pour prendre la décision de rejeter la plainte de façon équitable et que ses préoccupations avaient été adéquatement partagées avec Highland avant de rejeter la plainte.

 

e)         Les choix de procédure que l’office fait lui‑même

 

[66]           Les choix de procédure que l’office fait lui‑même constituent le dernier facteur à examiner pour déterminer le contenu de l’obligation d’équité. Lorsque la loi accorde au décideur la capacité de choisir ses propres procédures, la cour de révision doit faire preuve de retenue. Dans l’arrêt Baker, précité, la Cour suprême a déclaré ce qui suit au paragraphe 27 :

[...] l’analyse des procédures requises par l’obligation d’équité devrait également prendre en considération et respecter les choix de procédure que l’organisme fait lui‑même, particulièrement quand la loi laisse au décideur la possibilité de choisir ses propres procédures, ou quand l’organisme a une expertise dans le choix des procédures appropriées dans les circonstances [...] Bien que, de toute évidence, cela ne soit pas déterminant, il faut accorder une grande importance au choix de procédures par l’organisme lui‑même et à ses contraintes institutionnelles [...]

 

[67]           Les deux parties semblent convenir que la LOPA accorde au CNPA de vastes pouvoirs et d’une très grande latitude pour décider, au cas par cas, des procédures à suivre.

 

[68]           Highland fait valoir que, même s’il faut faire preuve de retenue quant à la façon dont le CNPA a décidé d’entendre ses observations, cette retenue n’est pas nécessaire à l’égard de la question de savoir si les observations devaient même être entendues.

 

[69]           Cet argument est mal fondé. Même si les Lignes directrices concernant le traitement des plaintes exigent en effet que le CNPA discute, dans la plupart des cas, de la situation avec le plaignant avant de rejeter une plainte, il demeure quand même loisible au CNPA de rejeter une plainte avant de l’entendre et même dans certains cas, il est tenu de le faire. C’est le cas en l’occurrence. Après avoir décidé qu’il ne pouvait pas entendre la plainte compte tenu de la décision arbitrale, le CNPA a correctement et équitablement communiqué sa décision à Highland. Comme le soutient l’OCCO, il ne s’agit pas d’un cas où la plainte a été rejetée arbitrairement, sans formalité. Il convient en l’espèce de s’en remettre à la décision du CNPA de ne pas tenir d’audience publique ou de ne pas examiner la preuve soumise à l’arbitre.

 

(2)        Droit à une audience

 

[70]           Highland soutient en outre que le CNPA a violé le principe audi alteram partem en ne lui donnant pas l’occasion de présenter des observations.

 

[71]           La réponse de l’OCCO à ces observations, et à laquelle je souscris, est que le droit à une audience est pris en compte dans l’analyse des facteurs énoncés dans l’arrêt Baker et qu’il n’est pas nécessaire d’en faire une analyse distincte. L’analyse décrite dans l’arrêt Baker, précité, vise à déterminer le contenu de l’obligation d’équité, et cette obligation peut ou non nécessiter la tenue d’une audience. En l’espèce, il est manifeste que Highland ne disposait pas d’un droit procédural à une audience.

 

[72]           Je répète que la décision du CNPA de rejeter la plainte n’a pas eu pour effet d’éteindre ou de modifier les droits dont jouissait Highland. Highland avait déjà eu amplement l’occasion de faire valoir sa position dans le cadre d’un processus juridictionnel exhaustif. La procédure d’examen de la plainte suivie par le CNPA était équitable et ouverte, et convenait au contexte législatif. Il n’y a absolument aucune iniquité apparente dans le processus adopté par le CNPA. Le CNPA a manifestement estimé que Highland était d’avis que toutes les questions n’avaient pas été examinées en profondeur lors de l’arbitrage. Le CNPA s’est penché sur cette thèse, de même que sur les documents à l’appui, et l’a finalement rejetée. La procédure que le CNPA aurait dû suivre, de l’avis de Highland, aurait été en fait inéquitable sur le plan procédural pour l’OCCO, qui était en droit de croire qu’il s’était défendu avec succès dans le cadre d’un processus judiciaire dont les parties avaient convenu qu’il serait définitif.

 

[73]           À l’audience, Highland a soutenu par ailleurs qu’une plainte au CNPA n’était pas une « action » au sens d’une [traduction] « action en justice indépendante », interdite par la convention d’arbitrage conclue entre les parties. Highland a soumis de la jurisprudence sur ce point. Cependant, l’OCCO a également présenté certaines lois donnant un sens large au terme action . Je suis convaincu que dans le contexte considéré en l’espèce, le terme action devrait être interprété de façon large. Toutefois, même si je fais erreur sur ce point, l’issue de la présente affaire serait la même. Le CNPA a conclu que l’arbitre avait examiné toutes les questions soulevées dans la plainte de Highland. Rappelons que pour arriver à cette conclusion, le CNPA n’a pas porté atteinte au droit à l’équité procédurale du demandeur.

 

V.        Conclusion

 

[74]           Compte tenu des conclusions qui précèdent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée, avec dépens en faveur du défendeur.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée, avec dépens en faveur du défendeur.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 


cour fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    T‑1475‑09

 

Intitulé :                                                   HIGHLAND PRODUCE LTD. c.
Les producteurs d’œufs du Canada
(aUTREFOIS
CONNUS SOUS LE NOM D’Office canadien de commercialisation des œufs)

 

 

Lieu de l’audience :                             Edmonton

 

Date de l’audience :                           Le 7 décembre 2010

 

Motifs du jugement

et jugement :                                          le juge NEAR

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 21 février 2011

 

 

 

Comparutions :

 

Kenneth Fitz

 

Pour la demanderesse

 

Colin Feasby

Tamara Prince

 

Pour le défendeur

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

McLennan Ross LLP

Edmonton (Alberta)

 

Pour la demanderesse

 

Osler Hoskin & Harcourt LLP

Calgary (Alberta)

 

Pour le défendeur

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.