Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20110214

Dossier : T-1091-10

Référence : 2011 CF 176

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 14 février 2011

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

 

KIM MARIE BESSETTE

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

      MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

I.        Aperçu

 

[1]               Depuis le début des années 1990, Mme Kim Marie Bessette reçoit des prestations d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (le RPC). Elle et son époux ont eu cinq enfants entre les années 1993 à 2000. En 2009, Mme Bessette s’est informée de la possibilité pour ses enfants de recevoir des prestations d’enfants de cotisant invalide (les PECI). Mme Bessette soutient avoir été assurée par la fonctionnaire à qui elle a parlé qu’elle avait le droit de recevoir ces prestations de manière rétroactive à compter de la date de la naissance de ses enfants. Mme Bessette n’a toutefois obtenu des versements rétroactifs de prestations que pour une période de onze mois.

 

[2]               Mme Bessette a porté plainte auprès du ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences. On lui a toutefois dit en 2010, après une série de révisions et d’appels, qu’elle avait reçu le maximum des prestations auxquelles elle avait droit dans le cadre du RPC. Mme Bessette prétend que, pour en arriver à ce résultat, le ministre a rendu une décision déraisonnable et l’a traitée de manière inéquitable. Elle me demande d’infirmer la décision du ministre et d’ordonner à ce dernier de lui verser la totalité des prestations qui, à son avis, lui sont dues.

 

[3]               Après examen attentif du dossier, j’estime que rien ne me permet d’infirmer la décision du ministre. À mon avis, le ministre a donné suite de manière équitable à la plainte de Mme Bessette et il n’a pas tiré, au regard des faits et du droit, une conclusion déraisonnable. Je dois par conséquent rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[4]               Les deux questions suivantes sont en litige :

  1. Le ministre a-t-il traité Mme Bessette de manière inéquitable?
  2. Le ministre a-t-il rendu une décision déraisonnable?

 

II.     Le contexte

 

[5]               En vertu du RPC, les PECI sont habituellement payables à compter du mois qui suit celui où l’enfant en cause est né (sous-alinéa 74(2)a)(ii)). En aucun cas, toutefois, de telles prestations ne sont payables pour plus que la période de 11 mois précédant la réception de la demande de paiement (paragraphe 74(2)).

 

[6]               Lorsqu’une personne a obtenu un avis erroné du ministre par suite de quoi elle se voit refuser des prestations auxquelles elle aurait autrement eu droit, le ministre doit prendre les mesures correctives qu’il estime indiquées pour placer cette personne dans la situation où elle se serait trouvée en l’absence de l’avis erroné (paragraphe 66(4)). Le ministre n’a l’obligation de prendre des mesures correctives que s’il est convaincu qu’une erreur ayant entraîné la perte de prestations a été commise (Kissoon c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2004 CF 24, conf. 2004 CAF 384; Jones c. Canada (Procureur général), 2010 CF 740).

 

[7]               En l’espèce, Mme Bessette prétend qu’une fonctionnaire l’a informée qu’elle avait droit au versement de prestations rétroactivement à la date de naissance de ses enfants, que le gouvernement était généreux en matière de prestations dues aux enfants et que, par conséquent, la période habituelle de 11 mois de paiements rétroactifs n’était pas rigoureusement appliquée. Cet avis, fait valoir Mme Bessette, était erroné (vu que le RPC prévoit qu’« en aucun cas » des prestations ne sont payables pour plus qu’une période de 11 mois précédant la demande). Ayant ainsi été privée des prestations auxquelles elle avait droit, Mme Bessette soutient que le ministre est tenu de prendre en sa faveur les mesures correctives indiquées. Mme Bessette laisse également entendre que le ministre ne s’est pas acquitté de l’obligation de l’informer en temps utile des prestations auxquelles elle avait droit, et n’a pas recouru à un processus équitable pour donner suite à sa plainte.

 

[8]               Mme Bessette a en fin de compte obtenu le versement rétroactif de prestations, à compter de mars 2008, soit pour une période de 11 mois précédant la soumission de sa demande en février 2009.

 

III.   La décision du ministre

 

[9]               À titre de représentant du ministre, un agent des prestations a transmis à Mme Bessette une lettre de décision datée du 23 juin 2010. L’agent y expliquait qu’on avait étudié avec minutie le dossier de Mme Bessette. L’agent a malgré tout conclu que Mme Bessette n’avait pas été privée de prestations par suite d’un avis erroné. Il a particulièrement conclu que la fonctionnaire à qui Mme Bessette avait parlé à l’origine était bien au fait de la période maximale de 11 mois de paiements rétroactifs. Il a ajouté que Mme Bessette avait reçu depuis 2001 des bulletins l’informant de la possibilité d’obtenir des prestations pour enfants. L’agent a enfin fait observer qu’il incombait aux intéressés de s’informer des prestations dont ils pouvaient bénéficier.

 

(1)   Le ministre a-t-il traité Mme Bessette de manière inéquitable?

 

[10]           Mme Bessette soutient que le ministre a enfreint les principes de justice naturelle, mais elle n’a mis en évidence aucun manquement précis dans le traitement de sa plainte par le ministre. Ce qui lui pose principalement problème, en fait, c’est le résultat de la décision et non la procédure suivie pour y parvenir.

 

[11]           Quoi qu’il en soit, après examen du dossier, il me semble que le ministre a donné suite équitablement à la plainte de Mme Bessette. Cette dernière a eu l’occasion de demander la révision de son droit à des prestations rétroactives additionnelles. Une fois la décision initiale confirmée, Mme Bessette a interjeté appel auprès du Bureau du Commissaire des tribunaux de révision, ce qui a donné lieu à un nouvel examen de sa demande. Mme Bessette a alors eu l’occasion de fournir des renseignements additionnels, ce qu’elle a d’ailleurs fait. Un représentant du ministre a ensuite passé en revue l’ensemble du dossier et a recommandé la décision en fin de compte communiquée à Mme Bessette dans la lettre du 23 juin 2010.

(2)   Le ministre a-t-il rendu une décision déraisonnable?

 

[12]           Je ne puis infirmer la décision du ministre que si je conclus qu’elle était déraisonnable au regard des faits et du droit.

 

[13]           Mme Bessette soutient essentiellement que son droit à des PECI a pris naissance dans les années 1990, lorsqu’elle a commencé à avoir des enfants. La fonctionnaire à qui elle a parlé lui a laissé entendre que le gouvernement se montrerait généreux si elle présentait une demande et n’imposerait pas le respect strict de la période de rétroactivité de 11 mois. Il n’y avait aucune raison valable, selon Mme Bessette, pour qu’elle n’obtienne pas les prestations auxquelles elle avait droit. Mme Bessette ajoute que, dans les circonstances, le ministre n’a pas déployé d’efforts suffisants pour lui faire connaître les prestations auxquelles elle avait droit. Les bulletins invoqués par le ministre n’ont commencé à être publiés qu’en 2001, bien après le moment où a débuté son admissibilité à des prestations additionnelles. Aucun fonctionnaire n’a jamais communiqué avec Mme Bessette pour lui faire part de ce à quoi elle avait droit.

 

[14]           Je ne puis trouver aucun fondement juridique à l’argument de Mme Bessette selon lequel il incombait au ministre de l’informer de son droit à des PECI. C’est plutôt aux intéressés, selon le RPC, qu’il revient de demander des prestations (paragraphe 60(1)).

 

[15]           Quant à la prétention de Mme Bessette selon laquelle on l’a mal informée quant au versement rétroactif de prestations, je ne suis manifestement pas en mesure de tirer quelque conclusion de fait que ce soit à ce sujet. Je ne puis qu’examiner la conclusion du ministre et décider si elle était ou non raisonnable. En l’espèce, le représentant du ministre a passé en revue l’ensemble du dossier et toutes les observations de Mme Bessette. Il a interrogé la fonctionnaire à qui Mme Bessette avait parlé à l’origine. Cela fait, le représentant a conclu qu’aucun avis erroné n’avait été donné à Mme Bessette. Dans les circonstances, je ne puis conclure que sa conclusion était déraisonnable.

 

[16]           Plus important encore, toutefois, même si l’avis donné à Mme Bessette avait été erroné, celle-ci n’a pas obtenu un versement rétroactif de prestations restreint en raison d’une erreur; la restriction trouvait plutôt son origine dans la loi. C’est le défaut de les avoir demandées en temps opportun qui a entraîné la perte des prestations, et non le comportement de la fonctionnaire à qui Mme Bessette avait parlé. La situation serait entièrement différente, bien sûr, si on avait dit à Mme Bessette qu’elle n’avait pas à présenter une demande de prestations lors de la naissance de ses enfants parce que le versement rétroactif des prestations pouvait être décidé en tout temps peu important le moment de la soumission de la demande. Mme Bessette aurait dans un tel cas subi une perte attribuable à un avis erroné. Ce n’est toutefois pas cela qui s’est produit en l’espèce. Même si la fonctionnaire avait commis une erreur quant à la règle de la rétroactivité, la restriction touchant l’admissibilité de Mme Bessette à des prestations serait le fruit de la seule volonté du législateur telle qu’elle est exprimée dans le RPC, et non pas de cette erreur de la fonctionnaire.

 

[17]           Je ne peux donc pas conclure que la décision du ministre de refuser de verser à Mme Bessette des prestations rétroactives au-delà de la période prévue de 11 mois était déraisonnable.

 

IV.  Conclusion et décision

 

[18]           La conclusion du ministre selon laquelle Mme Bessette n’a pas obtenu un avis erroné et, en tout état de cause, n’a pas été privée de prestations par suite d’un avis erroné était raisonnable, en ce sens qu’elle appartenait aux issues possibles acceptables au regard des faits et du droit. Je dois par conséquent rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Aucuns dépens ne sont adjugés.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Aucuns dépens ne sont adjugés.

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Jean-François Martin, LL.B., M.A.Trad.jur.

 

 


Annexe A

 

Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, ch. C-8

 

Demande de prestation

 

60. (1) Aucune prestation n’est payable à une personne sous le régime de la présente loi, sauf si demande en a été faite par elle ou en son nom et que le paiement en ait été approuvé selon la présente loi.

 

Refus d’une prestation en raison d’une erreur administrative

66. (4) Dans le cas où le ministre est convaincu qu’un avis erroné ou une erreur administrative survenue dans le cadre de l’application de la présente loi a eu pour résultat que soit refusé à cette personne, selon le cas :

a) en tout ou en partie, une prestation à laquelle elle aurait eu droit en vertu de la présente loi,

b) le partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension en application de l’article 55 ou 55.1,

c) la cession d’une pension de retraite conformément à l’article 65.1,

le ministre prend les mesures correctives qu’il estime indiquées pour placer la personne en question dans la situation où cette dernière se retrouverait sous l’autorité de la présente loi s’il n’y avait pas eu avis erroné ou erreur administrative.

 

Début du versement de la prestation

74. (2) Sous réserve de l’article 62, lorsque le paiement d’une prestation d’enfant de cotisant invalide ou d’une prestation d’orphelin est approuvé, relativement à un cotisant, la prestation est payable pour chaque mois à compter :

 

a) dans le cas d’une prestation d’enfant de cotisant invalide, du dernier en date des mois suivants :

[…]

 

(ii) le mois qui suit celui où l’enfant est né ou est devenu de quelque autre manière l’enfant du cotisant;

 

[…]

Toutefois, ce mois ne peut en aucun cas être antérieur au douzième précédant le mois suivant celui où la demande a été reçue.

 

Canada Pension Plan, RSC, 1985, c C-8

 

 

Application for benefit

 

 60. (1) No benefit is payable to any person under this Act unless an application therefor has been made by him or on his behalf and payment of the benefit has been approved under this Act.

 

 

Where person denied benefit due to departmental error, etc.

 

 66. (4) Where the Minister is satisfied that, as a result of erroneous advice or administrative error in the administration of this Act, any person has been denied

 

(a) a benefit, or portion thereof, to which that person would have been entitled under this Act,

(b) a division of unadjusted pensionable earnings under section 55 or 55.1, or

(c) an assignment of a retirement pension under section 65.1,

 

the Minister shall take such remedial action as the Minister considers appropriate to place the person in the position that the person would be in under this Act had the erroneous advice not been given or the administrative error not been made.

 

 

Commencement of payment of benefit

 

 74. (2) Subject to section 62, where payment of a disabled contributor’s child’s benefit or orphan’s benefit in respect of a contributor is approved, the benefit is payable for each month commencing with,

 

(a)   in the case of a disabled contributor’s child’s benefit, the later of

 

 

(ii) the month next following the month in which the child was born or otherwise became a child of the contributor,

 

but in no case earlier than the twelfth month preceding the month following the month in which the application was received.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1091-10

 

INTITULÉ :                                       KIM MARIE BESSETTE

                                                            c.

                                                            PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 25 janvier 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 ET JUGEMENT :                             LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 14 février 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

Kim Marie Bessette

 

LA DEMANDERESSE

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Nancy Luitwieler

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Kim Marie Bessette

Edmonton (Alberta)

 

LA DEMANDERESSE

(POUR SON PROPRE COMPTE)

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.