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Date : 20110209

Dossier : IMM‑3554‑10

Référence : 2011 CF 142

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 9 février 2011

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SIMON NOËL

 

 

ENTRE :

SHU LIANG SUN

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Les présents motifs du jugement et jugement portent sur une décision par laquelle l’agente des visas Chung, du consulat du Canada à Hong Kong, a refusé d’accorder au demandeur le statut de résident permanent au titre de la catégorie des investisseurs, en application des dispositions de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR). L’autorisation a été accordée par le juge Mosley le 3 novembre 2010.

 

[2]               Le 11 avril 2007, l’agente des visas a reçu la demande de résidence permanente présentée par M. Sun au titre de la catégorie des investisseurs. Le 13 octobre 2008, l’agente des visas a envoyé un courriel au consultant en immigration du demandeur pour lui demander de produire la demande et les documents à l’appui au plus tard le 10 février 2009. La date limite a été reportée au 18 mai 2009. La demande complète a été reçue le 11 mai 2009. Préoccupée par la provenance des fonds de M. Sun, plus précisément par le prêt de son beau‑frère, M. Li, l’agente des visas a envoyé une lettre le 11 mars 2010 (la « lettre d’équité »), dans laquelle elle exprimait ses préoccupations concernant l’absence de preuve tangible suffisante relativement à la source du capital de démarrage emprunté à M. Li. Le demandeur avait trente (30) jours pour répondre à cette lettre, ce qu’il a fait. L’agente des visas n’a pas été convaincue par les éléments de preuve supplémentaires soumis par le demandeur et a rejeté sa demande de résidence permanente, au motif que la légalité de la source des fonds de M. Sun n’était pas établie.

 

Le droit applicable

[3]               Le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le RIPR) énonce divers critères à satisfaire pour devenir résident permanent au titre de la catégorie des investisseurs. De manière générale, l’article 90 prévoit ce qui suit :

Qualité

90. (1) Pour l’application du paragraphe 12(2) de la Loi, la catégorie des investisseurs est une catégorie réglementaire de personnes qui peuvent devenir résidents permanents du fait de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada et qui sont des investisseurs au sens du paragraphe 88(1).

 

 

Exigences minimales

(2) Si le demandeur au titre de la catégorie des investisseurs n’est pas un investisseur au sens du paragraphe 88(1), l’agent met fin à l’examen de la demande et la rejette.

Members of the class

90. (1) For the purposes of subsection 12(2) of the Act, the investor class is hereby prescribed as a class of persons who may become permanent residents on the basis of their ability to become economically established in Canada and who are investors within the meaning of subsection 88(1).

 

 

Minimal requirements

(2) If a foreign national who makes an application as a member of the investor class is not an investor within the meaning of subsection 88(1), the application shall be refused and no further assessment is required.

 

 

[4]               Tel que mentionné, l’article 88 du RIPR indique en quoi consiste la catégorie des investisseurs. Plus précisément, le litige portait sur l’exigence formulée dans la définition d’« investisseur » selon laquelle le demandeur était tenu de démontrer qu’il avait un avoir net d’au moins 800 000 $ « obtenu licitement ». En ce qui concerne ce fardeau, l’alinéa 10(1)c) du RIPR prévoit ce qui suit :

Forme et contenu de la demande

10. (1) Sous réserve des alinéas 28b) à d), toute demande au titre du présent règlement :

[…]

c) comporte les renseignements et documents exigés par le présent règlement et est accompagnée des autres pièces justificatives exigées par la Loi;

Form and content of application

10. (1) Subject to paragraphs 28(b) to (d), an application under these Regulations shall

 

(…)

(c) include all information and documents required by these Regulations, as well as any other evidence required by the Act;

 

 

 

[5]               À cet égard, les dispositions suivantes de la LIPR sont également pertinentes :

Pouvoir de l’agent

15. (1) L’agent peut procéder à un contrôle dans le cadre de toute demande qui lui est faite au titre de la présente loi.

Examination by officer

15. (1) An officer is authorized to proceed with an examination where a person makes an application to the officer in accordance with this Act.

 

Obligation du demandeur

 

16. (1) L’auteur d’une demande au titre de la présente loi doit répondre véridiquement aux questions qui lui sont posées lors du contrôle, donner les renseignements et tous éléments de preuve pertinents et présenter les visa et documents requis.

Obligation — answer truthfully

16. (1) A person who makes an application must answer truthfully all questions put to them for the purpose of the examination and must produce a visa and all relevant evidence and documents that the officer reasonably requires.

 

 

[6]               En conséquence, il incombe au demandeur de prouver qu’il a « obtenu licitement » son avoir net d’au moins 800 000 $.

 

La norme de contrôle

[7]               La principale question soulevée par le demandeur concerne l’appréciation par l’agente des visas de la preuve produite par le demandeur relativement à la provenance de ses fonds. Le demandeur laisse entendre qu’il s’agit d’une question d’équité procédurale susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte, étant donné que, selon lui, la lettre d’équité qui a été envoyée n’était pas assez claire pour lui donner une possibilité raisonnable de dissiper les doutes de l’agente. En outre, il allègue que rien ne prouve que les fonds ont été obtenus illégalement, de sorte que les doutes de l’agente des visas étaient déraisonnables. De plus, il reproche à l’agente des visas de ne pas avoir véritablement examiné la preuve soumise en réponse à la lettre d’équité.

 

[8]               Étant donné qu’une lettre d’équité a été envoyée et que le demandeur y a répondu, rien n’indique qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale. Comme nous le verrons, le contenu de la lettre d’équité était clair.

 

[9]               Il est clair que la question en litige concerne l’appréciation par l’agente des visas de la preuve produite par le demandeur. Cette question est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable, puisqu’il s’agit d’une conclusion mixte de fait et de droit (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9). Sans toutefois le dire expressément, le juge Zinn a adopté la norme de la décision raisonnable dans l’affaire Vassan c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 1049.

 

La lettre d’équité

[10]           Il est allégué que la lettre d’équité envoyée par l’agente des visas n’était pas claire en ce qui concerne les renseignements qu’il fallait fournir pour satisfaire à l’exigence de la « légalité » afin de répondre aux critères de la catégorie des investisseurs. Il est donc utile de reproduire les passages pertinents de cette lettre afin d’examiner l’argument du demandeur à propos de sa clarté et de dissiper les doutes au sujet de l’équité procédurale :

[traduction]

Je vous informe par la présente que j’ai de sérieuses réserves quant au fait que vous ne semblez pas remplir les conditions d’admission à titre d’investisseur. Afin de pouvoir immigrer au Canada au titre de la catégorie des investisseurs, vous devez divulguer tout l’actif et le passif, ce qui donne votre avoir net personnel, et convaincre un agent quant à la source de vos fonds et actifs, notamment en démontrant qu’ils ont été obtenus licitement.

 

Compte tenu des documents que vous avez soumis, j’estime que vous n’avez pas suffisamment démontré la source de vos fonds ou qu’ils ont été obtenus licitement et que vous n’êtes pas inadmissible. J’aimerais vous rappeler que c’est à vous, le demandeur, qu’il incombe de démontrer quand vous avez obtenu vos fonds, comment ils ont été obtenus, la source et le mode de transfert, et que toutes les lois fiscales et autres lois applicables ont été respectées. Plus précisément, vous semblez avoir emprunté 1,9 million de yuan (RMB) à votre beau‑frère, Li Qiu Bin, en 1998 afin de créer votre entreprise. Ainsi, vous n’avez pas fourni une preuve tangible suffisante relativement à la provenance de votre capital de démarrage. [Italiques ajoutés.]

 

 

[11]           Cette lettre expose clairement les préoccupations de l’agente des visas concernant la demande de M. Sun. Essentiellement, elle voulait de plus amples détails relativement au prêt consenti par M. Li, son beau‑frère. La lettre énumère des éléments précis de ce prêt : comment les fonds ont été obtenus, la source et le mode de transfert, si les exigences fiscales et juridiques ont été remplies. Étant donné que M. Sun a présenté des éléments de preuve afin de répondre à ces préoccupations, il est clair qu’il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale. Selon les notes du STIDI, l’agente des visas n’a pas rendu de décision avant de recevoir la réponse du demandeur. En conséquence, le demandeur n’a pas réussi à me persuader qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale ou que la lettre n’était pas claire. À cet égard, mes conclusions sont très similaires à celles formulées dans Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 599. Par ailleurs, dans ses observations, le demandeur n’a pas invoqué de renseignements ou de documents à l’appui de sa prétention selon laquelle la lettre d’équité manquait de précision ou de clarté, à part d’affirmer que [traduction] « ce qu’il manque dans cette demande, c’est une demande expresse concernant la provenance des sommes qui ont été prêtées au demandeur par M. Li », et qu’il n’était pas clair que l’agente cherchait à savoir d’où provenaient les fonds de M. Li.

 

[12]           Le paragraphe 16(1) de la LIPR prévoit que le demandeur doit se plier à toute demande de documents raisonnable et pertinente formulée par l’agent. En l’espèce, il est clair que les renseignements demandés étaient pertinents pour traiter la demande de résidence permanente. Ils visent à s’assurer de la légitimité du [traduction] « capital de démarrage » afin d’établir qu’il « a l’avoir net minimal et l’a obtenu licitement ». De plus, il n’était pas déraisonnable dans les circonstances de demander des renseignements au sujet du prêt consenti en 1998 (lequel constituait le capital de démarrage de l’entreprise du demandeur) et rien dans le dossier n’indique que M. Sun n’était pas en mesure d’obtenir ces renseignements.

 

Le caractère raisonnable de la décision de l’agente des visas

[13]           Le contrôle d’une décision selon la norme de la décision raisonnable repose sur des principes très clairs. La Cour ne doit pas apprécier de nouveau la preuve ou substituer sa décision à celle de l’agente des visas. La Cour doit plutôt déterminer si la décision appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47).

 

[14]           Le demandeur s’est vu accorder, par une lettre d’équité, la possibilité de dissiper les doutes de l’agente des visas. Les notes du STIDI indiquent que ces renseignements supplémentaires ont bel et bien été examinés, ce qu’a confirmé l’affidavit de l’agente des visas. Plus précisément, les notes du STIDI indiquent que [traduction] « la LTR [sic] du beau‑frère indiquait simplement qu’il avait prêté au demandeur RMB2M [sic]. Aucune preuve tangible n’a été présentée pour montrer comment le beau‑frère a pu accumuler les sommes prêtées au demandeur. Il a déjà été rappelé au demandeur qu’il lui incombe de démontrer d’où proviennent les fonds ».

 

[15]           Les seuls renseignements sur la provenance des fonds que l’on pourrait qualifier de nouveaux qui ont été communiqués à la suite de la lettre d’équité sont tirés de l’affidavit de M. Li. Il y est indiqué que les sommes prêtées au demandeur [traduction] « provenaient de mon revenu accumulé pendant des années grâce à mon travail et à mes activités dans le monde des affaires ». Cela ne dissipe certainement pas les doutes exprimés dans la lettre d’équité. Il fallait des éléments de preuve plus précis, notamment pour s’assurer que les fonds avaient bel et bien été « obtenus licitement ». Il incombait à l’agente de vérifier que l’avoir net avait été obtenu licitement et que le demandeur remplissait les conditions pour être considéré comme un « investisseur » au sens du paragraphe 88(1) du RIPR. Comme le laissait entendre la lettre d’équité, une telle conclusion nécessite des renseignements précis. Comme l’a souligné l’agente des visas, les déclarations de MM. Li et Sun ne constituent pas une « preuve tangible ».

 

[16]           Les renseignements demandés par l’agente des visas dans la lettre d’équité étaient « requis », conformément au paragraphe 16(1) de la LIPR. Par ailleurs, comme le reconnaît la jurisprudence, l’agente des visas n’avait pas à affirmer que le demandeur était impliqué dans des activités illégales avant de demander des renseignements supplémentaires (Martirossian c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2001 CFPI 1119). L’agente des visas devait vérifier que les fonds avaient été obtenus licitement, comme l’exigeait le RIPR. Cette obligation était clairement formulée dans la lettre d’équité et le demandeur n’a pas véritablement dissipé les doutes soulevés.

 

[17]           Par conséquent, la décision contestée est raisonnable et appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. La demande est rejetée.

 

[18]           Aucune question à certifier n’a été proposée et aucune ne se pose.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 

« Simon Noël »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jenny Kourakos, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑3554‑10

 

INTITULÉ :                                                   SHU LIANG SUN c. MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 2 février 2011

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE S. NOËL

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 9 février 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Steven Meurrens

POUR LE DEMANDEUR

 

Caroline Christiaens

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Larlee Rosenberg

Avocats

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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