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Date : 20110207

Dossier : T-1036-10

Référence : 2011 CF 137

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 7 février 2011

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE RENNIE

 

 

ENTRE :

 

JESSICA KATHRYN Wegener

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande présentée en vertu du paragraphe 18(1) de la Loi sur les Cours fédérales (la Loi) pour le contrôle judiciaire de la décision du 2 juin 2010 de Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC), dans laquelle le ministère a établi qu’il n’avait pas compétence pour antidater le début des cotisations d’assurance-emploi de la demanderesse pour les prestations spéciales en tant que travailleur indépendant.

[2]                 Le 1er janvier 2010, la Loi sur l’équité pour les travailleurs indépendants, 2009 L.C. (Loi ETI), a modifié la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1971, ch. 48 (LAE).  Cette modification avait pour effet de donner la possibilité aux travailleurs indépendants de participer à certains aspects du régime d’assurance-emploi établi par la LAE.  

 

[3]               Aux termes de la LAE, telle que modifiée, les travailleurs indépendants qui désirent cotiser aux programmes de prestations de maternité, parentales, de maladie et de compassion doivent conclure un accord avec la Commission de l’assurance-emploi (la Commission).  Aux termes de cet accord, les travailleurs indépendants s’engagent à payer des cotisations d’assurance-emploi (AE) pour l’année civile au cours de laquelle ils demandent la protection.  Avant d’avoir droit à ces « prestations spéciales », les travailleurs indépendants doivent attendre un minimum de douze mois à partir de la date à laquelle ils ont conclu l’accord.

 

[4]               À titre de mesure transitoire, les travailleurs indépendants qui ont conclu un accord avant le 1er avril 2010 étaient considérés comme ayant conclu leur accord en date du 1er janvier 2010.  Ceux qui ont conclu un accord après le 1er avril 2010 doivent attendre douze mois avant de présenter une demande de prestations.  Il ne fait aucun doute que l’accord en question a été conclu le 11 avril 2010.    

 

[5]               La demanderesse, Mme Wegener, voulait participer à ce régime. Elle a lancé sa propre entreprise et a obtenu tous les documents et les numéros d’enregistrement nécessaires.  À deux reprises entre le 18 mars 2010 et le 19 mars 2010, Mme Wegener a parlé au téléphone avec un employé de Service Canada de son intention de conclure un tel accord.  Madame Wegener prétend que l’employé de Service Canada lui a dit qu’elle devrait attendre un certain temps avant d’avoir accès à son dossier en ligne puisqu’il était mis à jour à la lumière des renseignements relatifs à son entreprise récemment établie.  Elle soutient aussi que l’employé ne l’a pas avisée de la date butoir du 1er avril 2010 pour avoir droit aux prestations de janvier 2011.  Par conséquent, Mme Wegener n’a pas conclu d’accord avec la Commission avant le 11 avril 2010.

 

[6]               Pour sa part, la Commission a soumis une preuve par affidavit selon laquelle Mme Wegener a eu accès, sans interruption, à son dossier électronique à partir du 31 janvier 2010 et qu’elle avait le choix de présenter son accord sur des copies papier traditionnelles.

 

[7]               Madame Wegener demande à la Cour une ordonnance : (i) enjoignant à la Commission d’antidater son accord au 1er avril 2010; ou (ii) une ordonnance déclarant que le Conseil arbitral a compétence pour se prononcer sur son admissibilité aux prestations spéciales d’AE.

 

[8]               Bien que la Cour soit sensible à la cause de Mme Wegener, qui a clairement manifesté son intention de présenter une demande en vertu du régime, elle n’a pas compétence pour modifier ou accorder une réparation en equity selon le texte clair employé par le législateur.  L’alinéa 152.07(1)a) de la LAE prévoit le délai de carence de douze mois :

Conditions requises

 

152.07 (1) Le travailleur indépendant remplit les conditions requises pour recevoir des prestations si, à la fois:

 

a) il s’est écoulé une période de douze mois ou, le cas échéant, la période prévue par règlement, depuis la conclusion de l’accord prévu à l’alinéa 152.02(1)b) par lui et la Commission;

 

Qualification requirements

 

152.07 (1) A self-employed person qualifies for benefits if

 

 

(a) at least 12 months have expired since the day on which the person entered into an agreement referred to in subsection 152.02(1) with the Commission, or if a period has been prescribed for the purpose of this section, a period that is at least as long as that prescribed period has expired since that day;

 



 

[9]               Le redressement prévu dans la disposition transitoire est énoncé dans la Loi sur l’équité pour les travailleurs indépendants, L.C. 57-58 Elizabeth II, ch. 33, art. 19 :

19. Malgré l’alinéa 152.07(1)a) de la Loi sur l’assurance-emploi, une période de prestations prévue par la partie VII.1 de cette loi peut débuter dès le 1er janvier 2011 pour un travailleur indépendant s’il a conclu un accord visé à l’alinéa 152.02(1)b) de cette loi au cours de la période commençant le 1er janvier 2010 — ou, si elle est postérieure, à la date de sanction de la présente loi — et se terminant le 1er avril 2010.

19.  Despite paragraph 152.07(1)(a) of the Employment Insurance Act, a benefit period under Part VII.1 of that Act may begin on or after January 1, 2011 if the self-employed person to whom the benefit period relates has, during the period that begins on the later of the day on which this Act receives its royal assent and January 1, 2010 and ends on April 1, 2010, entered into an agreement referred to in subsection 152.02(1) of that Act.

 



 

[10]           De plus, il est indiqué dans la Foire aux questions du site de Service Canada que l’accord doit être conclu avant le 1er avril 2010 :

9.  Quand puis-je conclure un accord avec la Commission de l’assurance-emploi du Canada afin de me prévaloir des mesures d’assurance-emploi pour les travailleurs autonomes?   

 

Si vous êtes un travailleur autonome, vous pourrez conclure un accord avec la Commission, par l’entremise de Service Canada, à compter du 31 janvier 2010.

 

Si vous concluez un accord entre le 31 janvier et le 1er avril 2010, vous pourrez présenter une demande de prestations spéciales de l’assurance-emploi à compter du 1er janvier 2011. Il s’agit de mesures initiales spéciales. Par contre, si vous concluez un accord après le 1er avril 2010, vous devrez attendre 12 mois à compter de la date de l’accord avant de faire une première demande de prestations spéciales.

 

[11]           La Cour n’a pas compétence pour modifier, au moyen d’une réparation fondée sur l’art.18.1, d’une réparation en equity ou autre, ce que le législateur a exigé; voir par exemple Canada (Procureur général) c. Buors [2002] CAF 372.  Cet arrêt, comme en l’espèce, portait sur une demande visant à conserver le trop-payé versé par suite d’informations erronées fournies par la Commission. Le juge Noël, au nom de la Cour d’appel, a indiqué qu’il n’avait pas compétence pour refuser d’appliquer la loi.  Dans le même ordre d’idées, le juge Evans, dans Canada (Procureur général) c. Alaie, 2003 CAF 416, a affirmé que la Cour ne peut pas trancher des litiges au motif qu’une partie a peut-être été induite en erreur quant aux prestations.  La Cour ne peut pas refuser d’appliquer la loi, même pour des motifs d’équité.

 

[12]           Le Conseil arbitral n’a pas compétence pour antidater l’accord, ou pour ordonner qu’il soit antidaté. La décision de ne pas antidater la demande de prestations n’est pas une décision de la Commission sur une demande de prestations et ce n’est pas non plus une décision que la Commission, en droit, pourrait prendre. La conclusion d’un accord est une condition préalable prévue par la loi, entre autres, à une demande de prestations.

 

[13]           Il ressort clairement de la jurisprudence que la compétence du Conseil arbitral se limite aux appels des décisions que rend la Commission sur les demandes de prestations; Canada (Procureur général) c. Gauley 2002 CAF 219; Canada (Procureur général) c. Mosher 2002 CAF 355.  Pour les motifs énoncés ci-dessus, même si, suivant une interprétation très large des termes « demande de prestations », on pouvait affirmer que le Conseil arbitral a compétence pour entendre les demandes voulant que l’accord soit antidaté,  il n’aurait pas compétence pour accorder le redressement demandé.

 

[14]           La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

 

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.  

 

 « Donald J. Rennie »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Mylène Borduas

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1036-10

 

INTITULÉ :                                       JESSICA KATHRYN WEGENER c.

                                                            PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 12 janvier 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE RENNIE

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 7 février 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jessica Wegener,
Pour son propre compte

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Benoit Laframboise

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jessica Wegener,
Pour son propre compte
Etobicoke (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan,
Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR



 

 

 

 

 

 

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