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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20110204

Dossier : T-26-10

Référence : 2011 CF 130

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 4 février 2011

En présence de monsieur le juge Hughes

 

ENTRE :

 

PUBLIC MOBILE INC.

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

GLOBALIVE WIRELESS MANAGEMENT CORP., BELL CANADA,

ROGERS COMMUNICATIONS INC.,

SHAW COMMUNICATIONS INC. ET

TELUS COMMUNICATIONS COMPANY

 

 

 

défendeurs

 

et

 

 

 

ALLIANCE OF CANADIAN CINEMA, TELEVISION AND RADIO ARTISTS, LE SYNDICAT CANADIEN DES COMMUNICATIONS, DE L’ÉNERGIE ET DU PAPIER ET FRIENDS OF CANADIAN BROADCASTING

 

 

 

 

 

 

intervenants

 

 

  MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7, d’un décret pris par la gouverneure en conseil le 10 décembre 2009 en vertu du paragraphe 12(1) de la Loi sur les télécommunications, L.C. 1993, ch. 38. Par ce décret, la gouverneure en conseil a modifié une décision rendue par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (le Conseil), à savoir la décision de télécom CRTC 2009‑678. Elle a décidé que la défenderesse Globalive Wireless Management Corp. respectait l’article 16 de la Loi sur les télécommunications et était admise, dès lors, à opérer comme entreprise de télécommunication au Canada.

 

[2]               Pour les motifs exposés ci‑dessous, je conclus que la demanderesse Public Mobile a qualité pour présenter la demande de contrôle judiciaire, que le décret de la gouverneure en conseil est annulé, que l’application du jugement est suspendue pendant 45 jours et que les parties devront présenter des observations au sujet des dépens.

 

TABLE DES MATIÈRES

Par souci de commodité, je fournis une table des matières des présents motifs :

LES PARTIES                                                                       paragraphes 3 à 7

LES FAITS                                                                             paragraphes 8 à 13

LA DÉCISION NO 2009-678 DU CONSEIL                       paragraphes 14 à 37

LE DÉCRET DE LA GOUVERNEURE EN CONSEIL    paragraphes 38 à 59

LES QUESTIONS EN LITIGE                                            paragraphes 60 à 61

LA FONCTION DE SURVEILLANCE DE LA COUR

– ARTICLE 18.1                                                                    paragraphes 62 à 65

 

LA PREMIÈRE QUESTION EN LITIGE

a)         La qualité pour agir                                       paragraphes 66 à 79

 

b)         L’autre recours                                              paragraphes 80 à 83

 

LA SECONDE QUESTION EN LITIGE

a)         La Loi sur les télécommunications               paragraphes 84 à 95

 

b)         Les conclusions de fait                                  paragraphes 96 à 104

 

            c)         Les conclusions de droit                                paragraphes 105 à 119

 

CONCLUSION                                                                      paragraphes 120 à 121

LES DÉPENS                                                                                    paragraphes 122 à 123

JUGEMENT                         

 

LES PARTIES

[3]               En 2008, la demanderesse Public Mobile Inc. a participé avec succès à une vente aux enchères du spectre des radiofréquences tenue par le ministre de l’Industrie. Elle a par la suite proposé de commencer à opérer comme entreprise de télécommunication à un moment donné en 2010. Public Mobile a reçu une lettre du Conseil l’avisant qu’elle devait le convaincre qu’elle respectait les exigences relatives à la propriété fixées par la Loi sur les télécommunications. Le dossier révèle que Public Mobile participait à des audiences devant le Conseil à ce sujet en date du dépôt du dossier.

 

[4]               Le procureur général du Canada, défendeur, représente la gouverneure en conseil en l’espèce.

 

[5]               La défenderesse Globalive Wireless Managements Corp. a également participé avec succès à la vente aux enchères du spectre des radiofréquences et a obtenu le droit de se servir de radiofréquences qui lui permettraient d’offrir des services de télécommunication sans fil au public, à la condition qu’elle respecte les dispositions de la Loi sur les télécommunications. Le Conseil a tenu une audience quant à la question de savoir si Globalive respectait l’exigence de propriété canadienne imposée par cette Loi. Le Conseil, dans sa décision, a conclu que Globalive ne respectait pas les dispositions du paragraphe 16(1) de cette Loi parce qu’elle était contrôlée par un non‑Canadien. Le décret de la gouverneure en conseil a annulé la décision du Conseil.

 

[6]               Les défenderesses Bell Canada, Rogers Communications Inc., Shaw Communications et Telus Communications, tout comme Public Mobile et Globalive, ont aussi participé avec succès à la vente aux enchères du spectre des radiofréquences. Elles n’ont pas eu à convaincre le Conseil qu’elles respectaient les exigences de la Loi sur les télécommunications, sans doute parce qu’elles offraient et fournissaient déjà des services de télécommunications sans fil au Canada. Seule Telus a participé à la présente instance. Lors de l’audience, elle a présenté des observations à l’appui de la position de la demanderesse Public Mobile.

 

[7]               L’Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists, le Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier et les Friends of Canadian Broadcasting ont tous obtenu le statut d’intervenant en l’espèce. Ils étaient tous représentés par le même avocat, qui a présenté des observations écrites et a pris parole devant la Cour lors de l’audience. Ces observations appuyaient la position de la demanderesse Public Mobile.

 

LES FAITS

[8]               Au Canada, la télécommunication sans fil longue distance est régie par des lois fédérales, notamment par la Loi sur les télécommunications et par la Loi sur la radiocommunication, L.R.C. 1985, ch. R‑2, et son règlement d’application, le Règlement sur la radiocommunication, DORS/96‑484 (le Règlement). L’histoire de la Loi sur les télécommunications est inhabituelle. Elle remonte à l’Acte des chemins de fer, 1903, 3 Edw. VII, ch. 58, mais elle a fait l’objet de plusieurs révisions, refontes et modifications depuis ce temps.

 

[9]               La télécommunication sans fil est rendue possible grâce à des dispositifs électroniques qui utilisent le spectre électromagnétique. Ce spectre comprend un grand éventail de radiofréquences qui sont considérées comme une ressource publique dont le gouvernement fédéral est le propriétaire et l’administrateur. Le gouvernement détermine les fréquences utilisables, les personnes pouvant les utiliser et l’objet de leur utilisation. Certaines parties du spectre des fréquences peuvent être destinées à des fins commerciales, comme celles permettant d’offrir les services de téléphone cellulaire, et elles ont fait l’objet de ventes aux enchères par le gouvernement fédéral. La vente aux enchères pertinente quant aux enjeux en l’espèce a débuté vers la fin de l’année 2007, lorsque le gouvernement fédéral a annoncé publiquement le cadre relatif à la délivrance de licences du spectre pour la bande de services sans fil évolués (SSFE). La vente aux enchères a été tenue au milieu de l’année 2008 et plusieurs parties ont réussi à obtenir des licences du spectre pour les SSFE, notamment Globalive, Public Mobile, Bell, Rogers, Shaw et Telus. Certaines de ces parties ont payé des sommes s’élevant jusqu’à 900 millions de dollars pour obtenir de telles licences. Globalive a payé plus de 440 millions de dollars pour ses licences.

 

[10]           Par la suite, suivant les dispositions de la Loi sur la radiocommunication et son règlement d’application, précités, les soumissionnaires retenus devaient obtenir une licence du ministre de l’Industrie. Il fallait notamment que les parties convainquent le ministre qu’elles « [sont] la propriété de Canadiens et sous contrôle canadien » au sens de l’article 10 du Règlement. Cet article reprend mot pour mot le paragraphe 16(3) de la Loi sur les télécommunications, que j’examinerai ci‑dessous. Le ministre n’a pas tenu d’audience ni fourni de décision motivée suivant le Règlement. Il a tout simplement délivré une licence. Toutes les parties, y compris Public Mobile, Globalive, Telus et les autres sociétés défenderesses, ont reçu une telle licence.

 

[11]           Public Mobile et Globalive devaient ensuite franchir une seconde étape, soit montrer au Conseil qu’elles respectaient les conditions d’admissibilité imposées par la Loi sur les télécommunications et, en particulier, l’exigence de propriété et de contrôle canadiens. À cette fin, elles devaient fournir des renseignements et présenter des observations au Conseil, qui a aussi demandé à d’autres intéressés de présenter des observations. Le Conseil a tenu des audiences publiques et à huis clos distinctes pour Globalive et pour Public Mobile. Le 29 octobre 2009, le Conseil a rendu sa décision CRTC 2009-678 concernant Globalive. Il a conclu que Globalive était de fait contrôlée par un non‑Canadien, qu’elle ne respectait donc pas l’exigence imposée par l’article 16 de la Loi sur les télécommunications et qu’elle n’était pas, dès lors, admissible à opérer comme entreprise de télécommunication au Canada.

 

[12]           L’article 12 de la Loi sur les télécommunications dispose que, dans un délai donné, le gouverneur en conseil peut, par décret, soit de sa propre initiative, soit sur demande écrite, modifier ou annuler une décision du Conseil ou la renvoyer au Conseil pour réexamen de tout ou partie de celle-ci et nouvelle audience. En l’espèce, la gouverneure en conseil a, de sa propre initiative, procédé à une révision de la décision du Conseil. L’article 13 de la Loi sur les télécommunications prévoit que chaque province doit avoir l’occasion de présenter des observations, ce qui a été fait. Les parties, y compris Globalive et Public Mobile, ont présenté des observations écrites supplémentaires à la gouverneure en conseil. La gouverneure en conseil a peut­être reçu d’autres observations. L’avocat de la demanderesse a demandé à l’avocat du procureur général de lui fournir des copies des documents invoqués par la gouverneure en conseil dans son décret, mais l’avocat du procureur général a refusé de les lui fournir.

 

[13]           Le 10 décembre 2009, la gouverneure en conseil a pris le décret C.P. 2009­2008, suivant lequel la décision du Conseil mentionnée précédemment a été modifiée, et elle a conclu que Globalive n’était pas contrôlée de fait par un non­Canadien et qu’elle était donc admissible à opérer comme entreprise de télécommunication au Canada. Il s’agit de la décision faisant l’objet du présent contrôle judiciaire.

 

LA DÉCISION NO 2009­678 DU CONSEIL

[14]           Le Conseil a rendu sa décision 2009­678 portant sur la question de savoir si Globalive respectait les dispositions de la Loi sur les télécommunications le 29 octobre 2009. Le Conseil a conclu que Globalive ne répondait pas aux exigences énoncées à l’article 16 de cette Loi et qu’elle n’était pas dès lors admise à opérer comme entreprise de télécommunication. Il a conclu de la façon suivante au paragraphe 119 de sa décision :

119.       Compte tenu de ce qui précède, le Conseil établit que Globalive est contrôlée de fait par Orascom, un non‑Canadien. Par conséquent, le Conseil conclut que Globalive ne répond pas aux exigences énoncées à l’article 16 de la Loi et qu’elle n’est pas actuellement admise à opérer comme entreprise de télécommunication canadienne.

 

[15]           La preuve dont disposait le Conseil était composée des documents et des observations de Globalive. Il semble que, pendant l’instance, Globalive ait apporté certaines modifications à quelques­uns des documents, particulièrement à ceux portant sur les ententes financières entre elle et une organisation nommée Orascom Telecom Holding (Canada) Limited.

 

[16]           Au paragraphe 30 de la décision, le Conseil a conclu qu’Orascom était une entité non­canadienne au sens du Règlement. Cette conclusion n’a pas été contestée par la gouverneure en conseil.

 

[17]           Le cœur de l’affaire, selon le Conseil, était la question de savoir si Globalive respectait les exigences imposées par le paragraphe 16(3) de la Loi sur les télécommunications, qui est ainsi libellé :

Contrôle et propriété canadiens

 

16        (3) Pour l’application du paragraphe (1), est la propriété de Canadiens et est contrôlée par ceux-ci la personne morale :

 

a) dont au moins quatre-vingts pour cent des administrateurs sont des Canadiens;

 

b) dont au moins quatre-vingts pour cent des actions avec droit de vote émises et en circulation sont la propriété effective, directe ou indirecte, de Canadiens, à l’exception de celles qui sont détenues à titre de sûreté uniquement;

 

c) qui n’est pas par ailleurs contrôlée par des non-Canadiens.

 

[18]           Les deux premiers alinéas, soit les alinéas a) et b), portent sur ce qu’on appelle le « contrôle de droit ». Le Conseil a conclu que Globalive respectait ces exigences. Cette conclusion n’a pas été modifiée par la gouverneure en conseil et n’a pas été contestée en l’espèce.

 

[19]           La question en litige opposant le Conseil et la gouverneure en conseil et celle qui a été débattue lors de l’audience était de savoir si Globalive respectait l’exigence imposée à l’alinéa 16(3)c) de la Loi sur les télécommunications. Cette exigence porte sur ce qu’on appelle le « contrôle de fait ». Le Conseil, au début de son examen de cette question aux paragraphes 34 et 35, a renvoyé à ce qu’il a appelé la décision Lignes aériennes Canadien. La gouverneure en conseil a reconnu que cette décision était pertinente, et aucune contestation à cet égard n’a été présentée lors de l’audience. Le Conseil a écrit ce qui suit aux paragraphes 34 et 35 de sa décision :

Contrôle de fait

 

34.       Comme il est indiqué dans la décision de radiodiffusion 2007-429 (la décision CanWest3) et appliqué dans la décision de radiodiffusion 2008-69 (la décision BCE4), le Conseil estime que le critère pertinent à l’évaluation du contrôle de fait a été énoncé dans la décision sur les Lignes aériennes Canadien5 de l’Office national des transports qui s’appelle aujourd’hui l’Office des transports du Canada. Dans cette décision, l’Office des transports du Canada a conclu :

 

            Il n’existe pas de définition standard de contrôle de fait, mais de façon générale, il peut être considéré comme le pouvoir ou la capacité, exercé ou non, de décider de l’orientation du processus décisionnel d’une entreprise sur ses activités. On peut également l’interpréter comme étant la capacité de gérer les activités quotidiennes d’une entreprise. Les actionnaires minoritaires et leurs administrateurs désignés ont normalement la capacité d’influencer une entreprise, ainsi que d’autres comme les banquiers et les employés. Mais l’influence, qui peut s’exercer de façon positive ou négative au moyen de droits de veto, doit être dominante ou déterminante pour qu’elle se traduise par un contrôle de fait.

 

35.       L’Office des transports du Canada a poursuivi en disant que la détermination du contrôle de fait tient compte de facteurs individuels qui, pris ensemble, peuvent donner le contrôle à un actionnaire minoritaire :

 

            Dans tous les examens et enquêtes antérieurs sur la propriété canadienne, l’Office a non seulement examiné les accords individuels entre les actionnaires et la compagnie aérienne pour déterminer où s’exerce le contrôle de fait, mais également tous les accords pris ensemble. Les accords individuels conclus entre l’actionnaire minoritaire et la compagnie aérienne peuvent aboutir à l’exercice d’un certain degré d’influence de la part de l’actionnaire minoritaire sur la compagnie. Cette influence, dans le cadre d’un accord individuel, peut n’être pas déterminante et peut ne pas aboutir à l’exercice d’un certain degré d’influence de la part de l’actionnaire minoritaire sur la compagnie aérienne. Mais ces influences prises ensemble peuvent aboutir à l’exercice d’un certain degré d’influence de la part de l’actionnaire minoritaire, ce qui se traduit par un contrôle. [c’est nous qui soulignons]

 

 

[20]           Aux paragraphes 36 et 37 de sa décision, le Conseil a reconnu que, dans une affaire donnée, il fallait mener un examen minutieux des faits et a énuméré quatre sujets importants dont il tiendrait compte :

36. La détermination du contrôle de fait implique nécessairement l’étude des faits dans un cas donné. Par conséquent, les décisions antérieures du Conseil relatives à la propriété et au contrôle ne sont pas exécutoires ou déterminantes. Elles sont cependant utiles pour de futures interprétations et applications du critère de contrôle de fait.

 

37. À la suite d’une analyse de tous les renseignements présentés dans le cadre de la présente instance, le Conseil estime que les sujets ci-dessous soulèvent des préoccupations relatives au contrôle de fait :

 

·                    la gouvernance de l’entreprise;

·                    les droits des actionnaires;

·                    les ententes commerciales conclues entre Globalive et des          non‑Canadiens;

·                    la participation économique de Globalive et des non‑Canadiens.

 

[21]           En ce qui concerne le premier de ces quatre sujets, la gouvernance de l’entreprise, le Conseil a conclu qu’il fallait considérer trois points : la composition des conseils d’administration, les dispositions relatives au quorum et la nomination des dirigeants. Le Conseil a écrit ce qui suit au paragraphe 38 de sa décision :

Gouvernance de l’entreprise

 

38. Comme l’indiquent les décisions BCE et CanWest, certaines ententes relatives à la gouvernance de l’entreprise peuvent avoir des répercussions importantes sur le contrôle de fait. Dans le cas présent, les ententes pertinentes comprennent celles qui portent sur la composition des conseils d’administration, les dispositions relatives au quorum et la nomination des dirigeants.

 

[22]           En ce qui a trait au premier point, la composition des conseils d’administration, le Conseil a analysé les faits et a conclu, au paragraphe 45, que Globalive devait apporter certaines modifications si elle voulait le convaincre qu’elle respectait ce point :

45.       Dans le cas présent, le Conseil estime que la structure révisée des conseils d’administration, y compris le rôle et la composition du comité de sélection, ne garantit pas que le nombre des représentants de l’actionnaire canadien est suffisant pour contrebalancer l’influence d’Orascom, un actionnaire non canadien. Afin de résoudre ce point, Globalive devrait modifier son entente des actionnaires et ses documents d’entreprise de façon à ce qu’à chacun des deux conseils d’administration, AAL nomme cinq administrateurs, Orascom en nomme quatre, et AAL et Orascom nomment chacune un administrateur indépendant. Il ne serait plus nécessaire d’avoir un comité de sélection.

 

[23]           En ce qui concerne le deuxième point, les dispositions relatives au quorum, le Conseil a conclu au paragraphe 49 que, si Globalive apportait les modifications demandées au paragraphe 45, elle respecterait ce point :

Résultats de l’analyse du Conseil

 

49.       À condition que les conseils d’administration soient reconstitués conformément au paragraphe 45 ci-dessus, le Conseil estime que les conditions révisées pour l’assurance du quorum garantissent que le nombre des représentants de l’actionnaire canadien est suffisant pour contrebalancer l’influence d’Orascom.

 

[24]           En ce qui a trait au troisième point, la nomination des dirigeants, le Conseil a conclu qu’il n’y voyait aucun problème. Il a écrit ce qui suit au paragraphe 53 :

53.       Le Conseil n’a pas d’objection à la nomination des membres de la direction selon la structure révisée.

 

[25]           Le deuxième sujet principal sur lequel le Conseil s’est penché concernait les droits des actionnaires. À cet égard, le Conseil a examiné, à partir du paragraphe 54 de sa décision, les droits de liquidité, les acheteurs admissibles et les droits de veto. Au paragraphe 59 de sa décision, il a conclu, en ce qui concerne le premier point, que les droits de liquidité, même sous leur forme révisée, donnaient une indication de l’influence d’Orascom sur l’entreprise :

Résultats de l’analyse du Conseil

 

59. Le Conseil estime que les droits de liquidité figurant dans les documents révisés représentent une amélioration par rapport à la kyrielle des droits accordés au départ à Orascom en tant qu’actionnaire minoritaire avec droit de vote. Il n’en demeure pas moins que les droits de liquidité, même sous leur forme révisée, donnent une indication de l’influence d’Orascom sur l’entreprise. La spécification d’un prix plancher et l’imposition d’un plafond sur le produit de la vente éventuelle des actions d’AAL ne va pas dans le sens des intérêts avec droit de vote relatifs des actionnaires.

 

[26]           Quant au deuxième point, les acheteurs admissibles, le Conseil a conclu au paragraphe 64 de sa décision que Globalive devait apporter un certain nombre de modifications :

64.       Par conséquent, le Conseil estime que Globalive devrait modifier la définition de concurrent stratégique afin de n’inclure que les entités qui, avec les affiliées, détiennent une participation supérieure à 10 % du marché canadien des services sans fil en fonction des revenus par abonné.

 

[27]           En ce qui concerne le troisième point, les droits de veto, le Conseil a conclu aux paragraphes 71 et 72 de sa décision qu’aucune autre modification n’était nécessaire :

Résultats de l’analyse du Conseil

 

71.       Le Conseil fait remarquer que les modifications apportées aux droits de veto sont considérables. L’ajout d’une exception relative à l’exercice normal des activités de l’entreprise constitue un pas important vers l’élimination des préoccupations selon lesquelles les droits de veto permettent à Orascom d’exercer son influence sur les activités du domaine du sans fil. Toutefois, le Conseil estime que la valeur du spectre ne constitue pas un fondement sur lequel s’appuyer pour établir le seuil de 5 %. Le Conseil est d’avis que la valeur d’affaire de Globalive est une mesure plus appropriée.

 

72.       Par conséquent, la valeur monétaire des droits de veto devrait être fixée à 5% de la valeur d’affaire de Globalive telle qu’elle est fixée par son conseil aux deux ans, d’après la valeur établie par un tiers.

 

[28]           Le troisième sujet principal examiné par le Conseil concernait les ententes commerciales conclues entre Globalive et des non­Canadiens. À cet égard, le Conseil a tenu compte d’une entente de services techniques (l’EST) et d’un accord sur l’utilisation d’une marque de commerce.

 

[29]           Quant à l’EST, le Conseil a conclu qu’une telle entente faisait en sorte qu’Orascom continuerait d’exercer une influence sur les décisions d’ordre opérationnel et stratégique liées au réseau de Globalive. Il a écrit ce qui suit aux paragraphes 82 à 84 de sa décision :

Résultats de l’analyse du Conseil

 

82.       Le Conseil admet que l’EST a un double objectif. D’une part, cette entente permet à Globalive de profiter de l’importante expertise que possède Orascom dans le domaine de l’exploitation du sans-fil, et d’avoir accès au pouvoir d’achat global et privilégié de la firme. D’autre part, elle permet à Orascom de tirer certains avantages financiers. Le Conseil fait remarquer que, aux termes de l’EST révisée, Globalive doit payer un montant fixe à Orascom, que les services soient rendus ou non, et si elle résilie l’entente, elle devra lui verser, selon les circonstances, un montant qui sera alors négocié ou 100 millions de dollars, moins les montants déjà versés.

 

83.       Le Conseil ajoute que l’EST confère à Globalive des avantages qui constituent des éléments déterminants de sa réussite. C’est d’ailleurs cette dépendance de Globalive qui définit la relation entre les deux entreprises et qui permet à Orascom d’orienter un large éventail de décisions en matière de fonctionnement et de stratégies.

 

84.       Étant donné que Globalive tire de grands avantages de l’EST, le Conseil est d’avis que, dans l’avenir prévisible, Globalive conservera l’entente. Ainsi, le Conseil estime qu’Orascom continuera d’exercer une influence sur les décisions d’ordre opérationnel et stratégique liées au réseau de Globalive.

 

[30]           En ce qui concerne l’accord sur l’utilisation d’une marque de commerce (WIND), le Conseil a conclu que cet accord permettait à Orascom d’exercer une influence sur Globalive. Il a écrit ce qui suit au paragraphe 89 :

89.       Toutefois, le Conseil établit que Globalive, en adoptant et en utilisant une marque de commerce qui appartient à une affiliée d’Orascom, permet à Orascom (ou à son actionnaire majoritaire) d’exercer une influence sur elle parce qu’Orascom peut restreindre l’utilisation qui est faite de la marque de commerce en question.

 

[31]           Le dernier sujet principal sur lequel s’est penché le Conseil était la participation économique de Globalive et des non­Canadiens. À cet égard, le Conseil a tenu compte de la participation dans les capitaux propres et des accords de financement.

 

[32]           En ce qui a trait à la participation dans les capitaux propres, le Conseil a conclu que, bien que cette participation laissait place à l’exercice d’une influence, elle ne suffisait pas à transformer l’influence en contrôle. Il a écrit ce qui suit aux paragraphes 90 et 94 :

Participation économique de Globalive et de non‑Canadiens

 

A. Participation dans les capitaux propres

 

90.   La participation globale des actionnaires est la même aux termes de la structure préalable à l’audience et de la structure révisée. Combinées, les actions avec droit de vote et les actions sans droit de vote qu’Orascom détient dans GIHC représentent 65,1 % de tous les capitaux propres de Globalive.        

[. . .]

       

94.   La participation d’Orascom s’établit à 65,1 %, ce qui respecte les niveaux d’investissements non canadiens que le Conseil a approuvés antérieurement9. Le Conseil estime que, dans les circonstances de l’affaire qui l’occupe, le niveau de participation financière laisse place à l’exercice d’une influence, mais l’existence de cette possibilité ne suffit pas, à elle seule, à transformer l’influence en contrôle.

 

[33]           Quant aux accords de financement, le Conseil s’est longuement penché sur ce point dans sa décision et il a conclu au paragraphe 112 que le haut niveau d’endettement de Globalive à l’endroit d’un non­Canadien n’était pas acceptable. Le Conseil a commencé son analyse aux paragraphes 95 et 96 de sa décision :

B. Accords de financement

 

95.       Orascom est le principal créancier de Globalive. Orascom lui a avancé 442,4 millions de dollars aux termes d’un contrat de prêt pour l’achat de fréquences daté du 31 juillet 2008 et lui a garanti une somme supplémentaire de 66 millions de dollars aux termes d’un contrat de prêt d’exploitation daté du 23 mars 2008, soit un engagement total de 508,4 millions de dollars (collectivement les accords de prêts d’Orascom). En plus des prêts consentis par Orascom, GCC, filiale à part entière de GIHC, a consenti un prêt de 400 000 $ à Globalive aux termes d’un contrat de prêt daté du 14 avril 2008.

 

96.       D’après les contrats de prêts préalables à l’audience, les montants étaient exigibles en totalité en août 2011, y compris une échéance initiale et des prolongations. Le taux d’intérêt était fixé au taux LIBOR10 plus 12 % pour l’échéance initiale, au taux LIBOR plus 15 % pour la première prolongation et au taux LIBOR plus 18 % pour la deuxième prolongation.

 

[34]           Les constatations du Conseil quant aux accords de financement l’ont mené à conclure que ces accords n’étaient pas acceptables. Le Conseil a écrit ce qui suit aux paragraphes 104 à 112 :

Résultats de l’analyse du Conseil

 

104.     Le Conseil admet que la loi ne prévoit aucune restriction quant au montant des créances qu’une entité non canadienne peut avoir sur une entreprise de télécommunication canadienne. Toutefois, l’ampleur de la dette et les accords de financement par emprunt peuvent révéler d’importants indices sur la source d’influence. En effet, si les créances et les capitaux propres sont concentrés dans les mains d’une seule entité étrangère, l’entité non canadienne pourrait avoir l’occasion d’exercer une influence indue sur l’entreprise canadienne, comme il est précisé dans la décision CanWest :

 

            « Le Conseil s’inquiétait du fait suivant : si, en plus de la participation détenue par GSCP, Goldman, Sachs & Co. devenait le principal agent de la syndication de la dette ou le principal créancier selon n’importe quelle entente de prêt, cette situation pouvait donner une influence indue à un non‑Canadien12. »

 

105.     Dans le cas de la décision CanWest, l’actionnaire non canadien, qui détenait 65 % des capitaux propres avait également une bonne part de la créance sur CanWest. Avant la tenue des comparutions dans le cadre de cette instance, le Conseil avait exprimé des réserves à l’égard du taux d’endettement proposé et, lors des comparutions, CanWest avait confirmé que la créance que détenait l’investisseur non canadien avait été réduite et s’établissait alors à moins de 20 % et que Goldman, Sachs & Co. ne serait pas le principal agent de syndication.

 

106.     Dans le cas présent, Orascom, le principal actionnaire non canadien, a consenti environ 99 % des prêts constituant la dette actuelle de Globalive, à l’exclusion d’un certain financement provenant de tiers vendeurs, qui représente la grande majorité du financement total de Globalive.

 

107.     Lorsque les créances et les capitaux propres sont concentrés dans les mains d’une seule entité, la possibilité d’exercer une influence existe, mais dans des circonstances comme celle-ci, où la compagnie est largement financée par emprunt, le créancier peut exercer une influence considérable sur l’entreprise.

 

108.     En raison de l’ampleur du prêt consenti par Orascom, du financement par emprunt par rapport au financement par actions et du fait que la créance est détenue par une seule entité, le Conseil craint que les prêts ne constituent une source d’influence pour Orascom. Les modifications apportées aux clauses restrictives et aux modalités des prêts ne contribuent guère à atténuer ces craintes. De plus, le Conseil fait remarquer que l’annexe A de la convention des actionnaires comporte toujours des clauses restrictives semblables à celles qui ont été supprimées des contrats de prêts d’Orascom.

 

109.     Outre les craintes mentionnées ci-dessus, le Conseil estime que l’incapacité d’une compagnie à obtenir un financement de sources tierces peut également être un élément pertinent à la question du contrôle de fait. Tel qu’il est précisé dans la décision Unitel, [traduction] « dans certaines circonstances, il serait sans doute possible de conclure qu’un actionnaire ou un prêteur non canadien exerce un poids considérable, voire un contrôle, sur une entreprise de télécommunication à court d’argent.13 »

 

110.     Lors des comparutions dans le cadre de l’audience publique, Globalive a précisé qu’Orascom et AAL avaient prévu recourir essentiellement à de l’aide extérieure pour financer Globalive. Toutefois, après la conclusion de la vente aux enchères du spectre pour les SSFE, alors que le moment était venu pour Globalive de faire des démarches afin d’obtenir du financement externe qui devait remplacer les prêts consentis par Orascom, le marché du crédit a connu un déclin marqué. Orascom a affirmé qu’elle n’entendait pas demeurer le principal créancier de Globalive et qu’elle était résolue à transférer les prêts à un tiers. Néanmoins, pour le moment, Orascom demeure la principale source de financement de Globalive à court terme.

 

111.     Lors des comparutions, Globalive a affirmé que le lancement d’une entreprise nationale de services sans fil nécessite un investissement en capital qui dépasse largement un milliard de dollars. Globalive a déjà réuni environ 600 millions de dollars, mais elle aura besoin d’autres capitaux importants pour terminer l’installation de son réseau. Le Conseil estime que Globalive risque fort bien de dépendre encore plus de l’aide financière d’Orascom à court terme puisqu’elle n’a pas réussi, à ce jour, à dénicher des investissements considérables de tiers.

 

112.     Le Conseil estime qu’une telle concentration de dette entre les mains d’Orascom, représentant la grande majorité de la valeur d’entreprise de Globalive, confère à Orascom une influence sur Globalive. Compte tenu de la participation d’Orascom dans Globalive, un tel niveau d’endettement entre les mains d’un non‑Canadien est inacceptable.

 

[35]           Finalement, le Conseil a exposé son inférence aux paragraphes 113 à 119 de sa décision, à savoir que chacun des facteurs examinés permet à Orascom d’exercer une influence sur Globalive, mais que, ensemble, ces facteurs permettent un contrôle de fait (voir l’alinéa 16(3)c) de la Loi sur les télécommunications). Le Conseil a écrit ce qui suit :

Conclusion

 

113.     Le Conseil estime que chacun des facteurs abordés ci-dessus permet à Orascom, un non‑Canadien, d’exercer une influence sur Globalive. Exercés seuls, les points d’influence ne traduiront peut-être pas l’exercice d’un contrôle; mais exercés ensemble, ils peuvent permettre l’exercice d’un contrôle de fait.

 

114.     Tel qu’il est indiqué précédemment, on conclut à l’existence du contrôle de fait uniquement lorsque l’influence exercée est dominante ou déterminante. Plus précisément, il s’agit d’établir s’il y a pouvoir ou capacité, exercé ou non, de décider de l’orientation du processus décisionnel de l’entreprise sur ses activités ou de gérer les activités quotidiennes de l’entreprise.

 

115.     Globalive a apporté de nombreux changements importants à la structure et aux documents de l’entreprise afin de corriger bon nombre des préoccupations cernées par le Conseil. Dans la présente décision, le Conseil a relevé d’autres changements que l’entreprise doit apporter pour régler quelques problèmes qui subsistent en ce qui concerne l’influence qu’Orascom exerce sur Globalive. Ces modifications portent sur la composition des conseils d’administration, les droits liés à la liquidité et le seuil lié aux droits de veto.

 

116.     Nonobstant ces changements supplémentaires, il subsiste de grandes inquiétudes à l’égard du contrôle de fait qu’Orascom exerce sur Globalive. Dans le cas présent, le dossier indique qu’Orascom, un non‑Canadien :

 

·           détient deux tiers des capitaux propres de Globalive;

·           constitue la principale source d’expertise technique;

·                                 permet à Globalive d’utiliser une marque de commerce établie dans le secteur du sans fil.

 

117.     Compte tenu des changements apportés pendant l’audience publique et en supposant que les autres changements indiqués dans la présente décision soient réalisés, ces éléments pris ensemble, bien qu’importants, ne permettraient pas au Conseil, dans les circonstances particulières à ce cas, de conclure qu’Orascom exerce une influence qui est à la fois dominante et déterminante.

 

118.     Par contre, lorsqu’il examine ces effets parallèlement au fait qu’Orascom assure la grande majorité du financement par emprunt de Globalive, le Conseil établit qu’il lui est impossible de conclure que Globalive n’est pas, de fait, sous le contrôle d’un non‑Canadien, en l’occurrence Orascom. Autrement dit, le Conseil conclut qu’Orascom possède, en tout temps, le pouvoir de décider de l’orientation du processus décisionnel de Globalive sur les activités de l’entreprise.

 

119.     Compte tenu de ce qui précède, le Conseil établit que Globalive est contrôlée de fait par Orascom, un non‑Canadien. Par conséquent, le Conseil conclut que Globalive ne répond pas aux exigences énoncées à l’article 16 de la Loi et qu’elle n’est pas actuellement admise à opérer comme entreprise de télécommunication canadienne.

 

[36]           En ce qui concerne le paragraphe 115, cité ci­dessus, le Conseil a publié un erratum le 4 novembre 2009, suivant lequel les mots « droits de liquidité » se trouvant à la fin du paragraphe 115 sont remplacés par les mots « les acheteurs admissibles »; ce paragraphe est donc maintenant libellé de la façon suivante :

115.     Globalive a apporté de nombreux changements importants à la structure et aux documents de l’entreprise afin de corriger bon nombre des préoccupations cernées par le Conseil. Dans la présente décision, le Conseil a relevé d’autres changements que l’entreprise doit apporter pour régler quelques problèmes qui subsistent en ce qui concerne l’influence qu’Orascom exerce sur Globalive. Ces modifications portent sur la composition des conseils d’administration, les acheteurs admissibles, et le seuil lié aux droits de veto.

 

[37]           Il s’agit de la décision que la gouverneure en conseil a, de sa propre initiative, révisée.

 

LE DÉCRET DE LA GOUVERNEURE EN CONSEIL

[38]           Le 10 décembre 2009, le Conseil privé a publié le décret C.P. 2009­2008, pris par la gouverneure en conseil. Ce décret est divisé en deux parties. Les cinq premières pages renferment une série d’« attendus » et un « à ces causes » final. Vingt­quatre paragraphes étaient joints en annexe, lesquels modifiaient à divers égards plusieurs paragraphes de la décision du Conseil. Comme le révèle le paragraphe 23 de l’annexe, la gouverneure en conseil a décidé de modifier la décision du Conseil et a conclu que Globalive n’était pas contrôlée de fait par Orascom, une entité non canadienne, et qu’elle était admissible à opérer à titre d’entreprise de télécommunication. Le paragraphe 23 de l’annexe est libellé comme suit :

23.       À la lumière de ces constats, Globalive n’est pas contrôlée de fait par Orascom, une entité non canadienne. En conséquence, Globalive satisfait aux exigences énoncées à l’article 16 de la Loi et elle est admise à opérer à titre d’entreprise de télécommunication à l’heure actuelle.

 

 

[39]           Le paragraphe 12(8) de la Loi sur les télécommunications dispose que, lorsque le gouverneur en conseil prend un décret comme celui en l’espèce, il doit énoncer les motifs du décret. M. Heintzman, l’avocat de Globalive, a plaidé que le document de la gouverneure en conseil était divisé de la façon suivante : les « attendus » constituaient le décret mentionné à l’article 12 et l’annexe constituait la décision rendue sur le fondement de l’article 16 concernant la question de savoir si Globalive était contrôlée par des non­Canadiens. M. MacKinnon, pour le compte du procureur général, a allégué que tant la partie sur les « attendus » que l’annexe pouvaient être considérés comme étant la décision et les motifs. L’avocat de la demanderesse et les avocats des intervenants qui l’appuient étaient perplexes et ne savaient trop quelle partie de ce document pouvait être considérée comme étant les motifs.

 

[40]           J’estime que les cinq premières pages, qui renferment les « attendus », s’apparentent à ce que la Cour appelle une « ordonnance motivée », de telle sorte que les « attendus » peuvent être considérés comme étant les « motifs ». On peut estimer que l’annexe complète ces motifs.

 

[41]           Sur la première page de la partie sur les « attendus », la gouverneure en conseil a admis que le Conseil avait soulevé quatre questions préoccupantes relatives au contrôle de fait :

Attendu que, dans la décision, le Conseil soulève quatre questions préoccupantes relatives au contrôle de fait, soit la gouvernance de l’entreprise, les droits des actionnaires, les ententes commerciales et la participation économique de non-Canadiens.

 

[42]           La gouverneure en conseil, dans le premier paragraphe de la deuxième page, a affirmé que la raison première pour laquelle le Conseil avait conclu que Globalive ne satisfaisait pas aux exigences de propriété et de contrôle canadiens était le financement par emprunt :

Attendu que, dans la décision, le Conseil a conclu que, malgré les changements apportés à la structure et aux documents de Globalive et à condition que les autres changements requis soient apportés, les moyens dont dispose toujours le non-Canadien pour exercer de l’influence – le fait qu’il détient 65 pour cent du financement par capitaux propres, qu’il constitue la source principale du savoir-faire technique et qu’il fournit l’accès à une marque de commerce établie dans le domaine du sans-fil – ne l’aurait pas amené à conclure que Globalive ne satisfait pas aux exigences de propriété et de contrôle canadiens, si ce n’est que ce même non-Canadien fournit à celle-ci la plus grande partie de son financement par emprunt;

 

 

[43]           Dans le paragraphe suivant de la deuxième page, la gouverneure en conseil a énoncé ce qu’elle estimait être les objectifs de la politique canadienne en matière de télécommunication :

Attendu que la politique canadienne en matière de télécommunication a entre autres comme objectif de permettre l’accès aux Canadiens dans toutes les régions – rurales ou urbaines – du Canada à des services de télécommunication sûrs, abordables et de qualité, de promouvoir l’accession à la propriété des entreprises canadiennes, et à leur contrôle, par des Canadiens et d’accroître l’efficacité et la compétitivité, sur les plans national et international, des télécommunications canadiennes;

 

[44]           La gouverneure en conseil semble s’inspirer des objectifs énoncés aux alinéas 7b), c) et d) de la Loi sur les télécommunications :

Politique

 

7. La présente loi affirme le caractère essentiel des télécommunications pour l’identité et la souveraineté canadiennes; la politique canadienne de télécommunication vise à :

 

[...]

 

b) permettre l’accès aux Canadiens dans toutes les régions — rurales ou urbaines — du Canada à des services de télécommunication sûrs, abordables et de qualité;

 

c) accroître l’efficacité et la compétitivité, sur les plans national et international, des télécommunications canadiennes;

 

d) promouvoir l’accession à la propriété des entreprises canadiennes, et à leur contrôle, par des Canadiens;

 

[45]           La gouverneure en conseil a par la suite mentionné le processus de vente aux enchères du spectre et a rappelé que Globalive avait été retenue comme soumissionnaire. Dans le dernier paragraphe de la deuxième page, la gouverneure en conseil a reconnu que Globalive devait satisfaire aux exigences de propriété et de contrôle canadiens énoncées dans la Loi sur les télécommunications :

Attendu que pour être admise à opérer comme entreprise de télécommunication au Canada, Globalive doit satisfaire aux exigences de propriété et de contrôle canadiens énoncées dans la Loi;

 

 

[46]           Ces exigences sont énoncées aux paragraphes 16(3) de la Loi sur les télécommunications dont il a été question précédemment. Il s’agit des exigences de « contrôle de droit » et de « contrôle de fait ».

 

[47]           L’emploi des mots « dans la mesure du possible » par la gouverneure en conseil dans le paragraphe suivant de la partie sur les « attendus » laisse perplexe. La gouverneure en conseil laisse entendre que les objectifs de la politique qui exigent la propriété et le contrôle canadiens énoncés à l’alinéa 7d) de la Loi sur les télécommunications sont d’une certaine façon aussi flexibles et possiblement moins importants que d’autres objectifs, comme celui établi par l’alinéa 7c), soit l’accroissement de l’efficacité et de la concurrence. Aucun objectif de la politique n’est plus important que les autres :

Attendu que la gouverneure en conseil considère que, dans la mesure du possible, le fait de satisfaire aux exigences de propriété et de contrôle canadiens devrait appuyer les objectifs de la politique canadienne en matière de télécommunication énoncés dans la Loi, notamment accroître la concurrence sur le marché des télécommunications; [Non souligné dans l’original.]

 

[48]           L’« attendu » suivant est important, parce qu’il semble ajouter aux objectifs de la politique un objectif qui ne se trouve ni dans l’article 7 ni dans aucune autre disposition de la Loi sur les télécommunications, à savoir que l’accès aux capitaux, à la technologie et au savoir‑faire étrangers devrait être favorisé et garanti :

Attendu que les exigences de propriété et de contrôle canadiens restreignent le droit de propriété d’actions avec droit de vote de non-Canadiens, mais que la Loi ne limite pas l’investissement étranger dans les entreprises de télécommunication et que celle-ci devrait s’interpréter de manière à favoriser l’accès aux capitaux, à la technologie et au savoir-faire étrangers dans le but d’appuyer tous les objectifs de la politique canadienne en matière de télécommunication; [Non souligné dans l’original.]

 

[49]           La gouverneure en conseil, dans son décret, a par la suite reconnu que le critère relatif au contrôle visait tant le contrôle de droit que le contrôle de fait, et que, comme l’avait conclu le Conseil, les exigences liées au contrôle de droit avaient été respectées. Les parties n’ont pas contesté cette conclusion.

 

[50]           La gouverneure en conseil a par la suite examiné le « contrôle de fait » et a noté que le critère établi par l’alinéa 16(3)c) de la Loi sur les télécommunications était énoncé par une double négation, à savoir « n’est pas contrôlée par un non­Canadien ».

Attendu que la gouverneure en conseil considère, dans son interprétation, qu’il est important, lors de l’évaluation du contrôle de fait, que la Loi n’oblige pas le Conseil à conclure qu’une entreprise de télécommunication est contrôlée par des Canadiens, mais plutôt qu’elle n’est pas contrôlée par un non-Canadien;

 

[51]           Lorsqu’il lui a été demandé si ce recours à la double négation était une pure question de forme, l’avocat de Globalive a répondu par la négative, position appuyée par l’avocat du procureur général. Ces avocats ont plaidé que cette formulation fait en sorte qu’une entité multinationale dont l’actionnariat est très diversifié puisse détenir le contrôle. Selon les avocats, dans cette situation, une entité qui « n’est pas contrôlée par un non‑Canadien » pourrait détenir le contrôle.

 

[52]           La gouverneure en conseil, dans le premier paragraphe de la page 4 de son décret, a affirmé qu’elle rejetait la conclusion du Conseil en ce qui avait trait à la combinaison de plusieurs moyens d’influence. Le paragraphe suivant renvoie à des « raisons » (qui ne sont pas autrement exposées et qui ne font l’objet d’aucune mention quant à savoir où l’on pourrait les trouver) qui révéleraient pourquoi Globalive n’est pas considérée comme étant la propriété de non­Canadiens ni comme étant contrôlée par des non­Canadiens.

Attendu que la gouverneure en conseil reconnaît que la combinaison de plusieurs moyens d’influencer peut se traduire en contrôle de fait, mais que ce n’est pas cas de Globalive;

 

Attendu que la gouverneure en conseil considère, après avoir soigneusement examiné les faits et les représentations présentés au Conseil, qu’il est raisonnable de conclure, pour les raisons indiquées dans le présent décret, que Globalive n’est pas contrôlée par des non‑Canadiens et qu’elle satisfait par conséquent aux exigences de propriété et de contrôle canadiens énoncées dans la Loi, ce qui la rend admise à opérer à titre d’entreprise de télécommunication au Canada;

 

[53]           Les quatrième et cinquième paragraphes de la page 4 révèlent que l’on a fourni aux provinces l’occasion de présenter des observations et que la gouverneure en conseil a pu bénéficier des observations présentées par Globalive et par d’autres parties lors de l’audience du Conseil. Il y est également question de « représentations » soumises par d’autres intéressés. La demanderesse a demandé que ces représentations lui soient communiquées, ce qui lui a été refusé par le procureur général. Bien que la demanderesse ait plaidé dans ses observations écrites que ce refus justifiait que la Cour annule le décret de la gouverneure en conseil ou tire des conclusions défavorables, l’avocat de la demanderesse n’a pas vraiment insisté sur ce point lors de l’audience.

 

[54]           Le dernier paragraphe de la page 4 établit un critère auquel la gouverneure en conseil a eu recours dans son décret, soit la question de savoir si les Canadiens seraient privés d’un marché des télécommunications sans fil plus concurrentiel. Ce critère fait écho au libellé de l’alinéa 7c) de la Loi sur les télécommunications.

Attendu que la gouverneure en conseil estime que la décision prive les Canadiens de la possibilité d’un marché des télécommunications sans fil plus concurrentiel en empêchant le lancement d’un service au public par une compagnie appartenant à des Canadiens et sous contrôle par eux;

 

[55]           L’avant-dernier paragraphe du décret semble ouvrir la porte du marché canadien à Globalive tout en la fermant aux autres entreprises :

Attendu que la gouverneure en conseil considère que le présent décret se fonde sur les faits propres à ce cas et n’a des répercussions directes importantes que sur Globalive;

 

 

[56]           Le dernier paragraphe du décret de la gouverneure en conseil est un « à ces causes » qui renvoie le lecteur à l’annexe jointe au décret :

À ces causes, sur recommandation du ministre de l’Industrie et en vertu du paragraphe12(1) de la Loi sur les télécommunications, Son Excellence la Gouverneure générale en conseil modifie la décision télécom CRTC 2009-678, dans sa version modifiée par la décision télécom CRTC 2009-678-1, conformément à l’annexe ci‑après.

 

 

[57]           L’annexe reprend pour l’essentiel le libellé de la décision du Conseil, mais on y a apporté plusieurs changements qui modifient la conclusion rendue par le Conseil. Ces changements comprennent des conclusions sur les questions de savoir si la structure du conseil d’administration garantissait que des candidats non canadiens pourraient y être nommés et si le mode de financement par emprunt pouvait donner une influence indue à un non­Canadien ainsi que sur l’effet des droits de liquidité, sur la définition d’acheteur admissible d’actions, sur l’effet de l’entente de services techniques et sur l’accord sur l’utilisation d’une marque de commerce. Toutes ces conclusions ont mené le Conseil à inférer que Globalive était « contrôlée de fait » par un non­Canadien. Les changements apportés par la gouverneure en conseil l’ont menée à tirer une inférence contraire.

 

[58]           J’accepte le résumé qui a été présenté par la demanderesse dans ses observations écrites et qui montre plusieurs différences entre la décision du Conseil et celle de la gouverneure en conseil :

 

Conclusions du Conseil

(Tirées de la décision 2009‑678)

 

Conclusions de la gouverneure en conseil

(Tirées de l’annexe du décret)

 

Composition des conseils d’administration

 

45.       Dans le cas présent, le Conseil estime que la structure révisée des conseils d’administration, y compris le rôle et la composition du comité de sélection, ne garantit pas que le nombre des représentants de l’actionnaire canadien est suffisant pour contrebalancer l’influence d’Orascom, un actionnaire non canadien.

 

 

 

 

 

[Le Conseil a exigé que les ententes soient modifiées de façon à ce que sur le conseil d’administration de GIHC, AAL nomme cinq administrateurs, Orascom nomme quatre administrateurs et ALL et Orascom nomment ensemble un administrateur indépendant.]

1.         Dans le cas présent, la structure révisée du conseil d’administration, notamment le rôle et la composition du comité de sélection, ne permet pas à Orascom Telecom Holding S.A.E. (Orascom), actionnaire non-canadien, de nommer un nombre suffisant d’administrateurs pour contrôler les décisions stratégiques ou opérationnelles de Globalive. En effet, le nombre des administrateurs nommés par l’actionnaire canadien et des administrateurs indépendants, au sens de l’entente entre actionnaires (administrateurs indépendants) et des documents d’entreprise, suffit à contrebalancer l’influence d’Orascom. Donc, il n’y a pas lieu de modifier la composition des conseils d’administration actuels.

 

 

 

Droits de liquidité d’ALL

 

59.       Le Conseil estime que les droits de liquidité figurant dans les documents révisés représentent une amélioration par rapport à la kyrielle des droits accordés au départ à Orascom en tant qu’actionnaire minoritaire avec droit de vote. Il n’en demeure pas moins que les droits de liquidité, même sous leur forme révisée, donnent une indication de l’influence d’Orascom sur l’entreprise. La spécification d’un prix plancher et l’imposition d’un plafond sur le produit de la vente éventuelle des actions d’AAL ne va pas dans le sens des intérêts avec droit de vote relatifs des actionnaires.

 

5.         Les droits de liquidité figurant dans les documents d’entreprise révisés de Globalive représentent une amélioration par rapport à l’ensemble des droits accordés au départ à Orascom en tant qu’actionnaire minoritaire avec droit de vote.

 

6.         En l’espèce, les dispositions relatives aux droits de liquidité s’appliquent de manière équilibrée, à la fois à AAL et à Orascom, à l’exception du prix plancher indiqué et du plafond imposé au produit d’une vente éventuelle par AAL de ses actions. L’imposition d’un tel plafond concorde avec l’investissement relatif des capitaux propres des actionnaires. Le prix plancher indiqué correspond à l’investissement d’une entreprise établie dans une entreprise à risque, et a peu d’incidence sur le contrôle.

 

Définition d’acheteurs admissibles

 

63.       Le Conseil estime que la capacité de l’investisseur sortant à trouver un acheteur qui lui convient est une question importante. Le Conseil craint que la définition d’acheteur admissible limite le bassin d’acheteurs potentiels aux investisseurs financiers et restreigne la capacité de l’actionnaire majoritaire avec droit de votre [AAL] à vendre la totalité ou une partie de ses actions. […]

 

64.       Par conséquent, le Conseil estime que Globalive devrait modifier la définition de concurrent stratégique afin de n’inclure que les entités qui, avec les affiliées, détiennent une participation supérieure à 10 % du marché canadien des services sans fil en fonction des revenus par abonné.

 

8.         La capacité de l’investisseur sortant à trouver un acheteur qui lui convient est une question importante sur le plan des liquidités. Même si la définition de « acheteur admissible » dans l’entente entre actionnaires limite le bassin des acheteurs potentiels, cette restriction ne constitue pas pour Orascom un moyen d’influer sur les opérations quotidiennes ou sur la prise des décisions stratégiques par Globalive. Il s’agit d’un moyen acceptable d’éviter que les autres actionnaires soient forcés de faire affaire avec un concurrent. D’abord, les actionnaires peuvent, à leur discrétion, renoncer à cette restriction. Ensuite, les modalités établies dans la définition de « acheteur admissible » s’appliquent à tous les actionnaires de la même manière. Enfin, toutes les dispositions relatives à la vente sont assujetties à des droits de premier refus importants en faveur de l’actionnaire non vendeur. Il n’y a pas lieu de modifier la définition de « acheteur admissible » dans l’entente entre actionnaires.

 

Entente de services techniques

 

84.       Étant donné que Globalive tire de grands avantages de l’EST, le Conseil est d’avis que, dans l’avenir prévisible, Globalive conservera l’entente. Ainsi, le Conseil estime qu’Orascom continuera d’exercer une influence sur les décisions d’ordre opérationnel et stratégique liées au réseau de Globalive.

13.       Compte tenu des importants avantages qu’elle tire de l’EST, Globalive pourrait avoir des raisons valables sur le plan commercial de conserver l’EST dans un avenir prévisible. Il est donc problable que l’EST continue de donner à Orascom un moyen d’influencer Globalive, mais non de façon dominante ou déterminante.

 

 

Marque de commerce WIND

 

89.       Toutefois, le Conseil établit que Globalive, en adoptant et en utilisant une marque de commerce qui appartient à une affiliée d’Orascom, permet à Orascom (ou à son actionnaire majoritaire) d’exercer une influence sur elle parce qu’Orascom peut restreindre l’utilisation qui est faite de la marque de commerce en question.

14.       L’accord sur l’utilisation d’une marque de commerce ne permet pas à Orascom d’influencer Globalive de façon importante. La durée et les droits de résiliation stipulés dans l’accord ne sont pas préoccupants. De plus, les modalités de l’accord ne permettent pas à Orascom de restreindre de façon importante l’utilisation de la marque de commerce.

 

Financement par emprunt

 

208.     En raison de l’ampleur du prêt consenti par Orascom, du financement par emprunt par rapport au financement par actions et du fait que la créance est détenue par une seule entité, le Conseil craint que les prêts ne constituent une source d’influence pour Orascom. Les modifications apportées aux clauses restrictives et aux modalités des prêts ne contribuent guère à atténuer ces craintes.

18.       Quoique l’importance du financement par emprunt provenant d’Orascom, le ratio relatif capitaux d’emprunt/capitaux propres et le fait que le financement par emprunt provienne d’une seule source soulèvent des préoccupations relatives à l’influence que pourrait exercer Orascom, l’élimination des clauses restrictives (tant positives que négatives), l’absence de droits de conversion, la prolongation de la durée du prêt et les droits de renouvellement (élément de stabilité pour Globalive), le droit de Globalive de retirer ou de remplacer l’emprunt sans pénalité et la modification des dispositions relatives au défaut de paiement du prêt contribuent beaucoup à dissiper ces préoccupations. La capacité d’Orascom de se servir des prêts existants ou des modalités de ces prêts comme moyens d’influence est suffisamment atténuée.

 

 

Conclusion

 

118.     […] Autrement dit, le Conseil conclut qu’Orascom possède, en tout temps, le pouvoir de décider de l’orientation du processus décisionnel de Globalive sur les activités de l’entreprise.

22.       […] Autrement dit, Orascom n’a pas le pouvoir [...] de décider de l’orientation du processus décisionnel de Globalive sur ses activités […].

                                                                                     

 

[59]           Ces deux documents, les « attendus » et l’annexe, forment la décision de la gouverneure en conseil faisant l’objet du présent contrôle judiciaire.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[60]           J’accepte la formulation succincte des questions en litige proposée dans le mémoire du procureur général :

    1. Public Mobile a‑t‑elle qualité pour agir, et aurait‑elle pu se prévaloir d’un autre recours, en vertu de la Loi sur les télécommunications, lequel recours n’a pas été épuisé?

2.      La gouverneure en conseil a‑t‑elle outrepassé son mandat légal en modifiant la décision du Conseil concernant Globalive?

 

[61]           Des sous-questions seront également examinées. Je commencerai par des observations générales sur le contrôle judiciaire et l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales.

 

LA FONCTION DE SURVEILLANCE DE LA COUR – ARTICLE 18.1

[62]           La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, a examiné la fonction de surveillance générale des tribunaux en ce qui a trait aux pouvoirs administratifs exercés par les décideurs. Tout exercice de pouvoir décisionnel par l’autorité publique doit procéder de la loi, et ce, qu’il découle de la loi habilitante ou bien des règles de common law ou de droit civil applicables. Ce principe prévoit que même le gouverneur en conseil doit respecter la primauté du droit et les textes de loi édictés par le Parlement. Les juges Bastarache et LeBel ont écrit ce qui suit aux paragraphes 27 à 29 de l’arrêt Dunsmuir :

III.

Premier volet : Contrôle de l’interprétation de la loi par l’arbitre

 

A. Le contrôle judiciaire

 

27 Sur le plan constitutionnel, le contrôle judiciaire est intimement lié au maintien de la primauté du droit. C’est essentiellement cette assise constitutionnelle qui explique sa raison d’être et oriente sa fonction et son application. Le contrôle judiciaire s’intéresse à la tension sous‑jacente à la relation entre la primauté du droit et le principe démocratique fondamental, qui se traduit par la prise de mesures législatives pour créer divers organismes administratifs et les investir de larges pouvoirs. Lorsqu’elles s’acquittent de leurs fonctions constitutionnelles de contrôle judiciaire, les cours de justice doivent tenir compte de la nécessité non seulement de maintenir la primauté du droit, mais également d’éviter toute immixtion injustifiée dans l’exercice de fonctions administratives en certaines matières déterminées par le législateur.

 

28 La primauté du droit veut que tout exercice de l’autorité publique procède de la loi. Tout pouvoir décisionnel est légalement circonscrit par la loi habilitante, la common law, le droit civil ou la Constitution. Le contrôle judiciaire permet aux cours de justice de s’assurer que les pouvoirs légaux sont exercés dans les limites fixées par le législateur. Il vise à assurer la légalité, la rationalité et l’équité du processus administratif et de la décision rendue.

 

29 Les décideurs administratifs exercent leurs pouvoirs dans le cadre de régimes législatifs qui sont eux‑mêmes délimités. Ils ne peuvent exercer de pouvoirs qui ne leur sont pas expressément conférés. S’ils agissent sans autorisation légale, [page 212] ils portent atteinte au principe de la primauté du droit. C’est pourquoi lorsque la cour de révision se penche sur l’étendue d’un pouvoir décisionnel ou de la compétence accordée par la loi, l’analyse relative à la norme de contrôle vise à déterminer quel pouvoir le législateur a voulu donner à l’organisme en la matière. Elle le fait dans le contexte de son obligation constitutionnelle de veiller à la légalité de l’action administrative : Crevier c. Procureur général du Québec, [1981] 2 R.C.S. 220, p. 234; également, Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, 2003 CSC 19, par. 21.

 

[63]           L’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales confère à la Cour fédérale le pouvoir de contrôler les décisions des offices fédéraux et le pouvoir d’accorder réparation s’il est estimé que l’un des motifs énoncés au paragraphe 18.1(4) a été établi :

Demande de contrôle judiciaire

 

18.1

 

(1) Une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l’objet de la demande.

[...]

 

Pouvoirs de la Cour fédérale

 

(3) Sur présentation d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour fédérale peut :

 

a) ordonner à l’office fédéral en cause d’accomplir tout acte qu’il a illégalement omis ou refusé d’accomplir ou dont il a retardé l’exécution de manière déraisonnable;

 

b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu’elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l’office fédéral.

 

Motifs

 

(4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises si la Cour fédérale est convaincue que l’office fédéral, selon le cas :

 

a) a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l’exercer;

 

b) n’a pas observé un principe de justice naturelle ou d’équité procédurale ou toute autre procédure qu’il était légalement tenu de respecter;

 

c) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier;

 

d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;

 

e) a agi ou omis d’agir en raison d’une fraude ou de faux témoignages;

 

f) a agi de toute autre façon contraire à la loi.

 

[64]           La Cour suprême du Canada s’est récemment penchée sur la nature du contrôle judiciaire exercé suivant l’article 18.1 dans son arrêt Canada (Procureur général) c. TeleZone Inc., 2010 CSC 62, qui a été rendu à l’unanimité. Elle a affirmé que le contrôle judiciaire s’intéresse à la légalité, à la raisonnabilité et à l’équité du processus suivi et des mesures prises par l’administration publique et qu’il est conçu pour assurer la primauté du droit et le respect de la Constitution (paragraphe 24). Elle a également écrit que l’édiction de la Loi sur les Cours fédérales et les modifications qui y ont été apportées visaient à accroître la responsabilité de l’administration publique ainsi qu’à promouvoir l’accès à la justice (paragraphe 32).

 

[65]           En l’espèce, le contrôle judiciaire doit être mené afin d’établir la responsabilité de l’administration publique, notamment celle de la gouverneure en conseil. Le rôle de la Cour est de contrôler le respect de la primauté du droit, de déterminer si les procédures utilisées et les mesures prises respectaient la Constitution et si la décision rendue était légale, raisonnable et équitable.

 

LA PREMIÈRE QUESTION EN LITIGE

                                    Public Mobile a‑t‑elle qualité pour agir, et aurait‑elle pu se prévaloir d’un autre recours, en vertu de la Loi sur les télécommunications, lequel recours n’a pas été épuisé?

a) La qualité pour agir

[66]           Public Mobile, comme Globalive, a été retenue comme soumissionnaire lors de la vente aux enchères du spectre de radiofréquences. Le ministre de l’Industrie a délivré à Public Mobile une licence lui permettant d’offrir des services de communication sans fil au Canada par utilisation du spectre. Le Conseil a exigé que Public Mobile lui montre qu’elle était la propriété de Canadiens et sous contrôle canadien.

 

[67]           Les autres défenderesses – à l’exception du procureur général – ont également été retenues comme soumissionnaire et ont obtenu des licences lors de la vente aux enchères. Elles n’ont toutefois pas eu à montrer au Conseil qu’elles étaient la propriété de Canadiens et sous contrôles canadien, sans doute parce qu’elles offraient déjà des services sur le marché canadien.

 

[68]           Seule la position de Globalive a été modifiée. Elle a été retenue comme soumissionnaire lors de la vente aux enchères, et le ministre de l’Industrie lui a délivré une licence. Le Conseil a conclu que Globalive ne pouvait pas offrir ses services au Canada parce qu’elle n’était pas la propriété de Canadiens ni sous contrôle canadien. Cette décision a été modifiée par la gouverneure en conseil.

 

[69]           La question de savoir qui a qualité pour contester une décision d’un office fédéral a suscité de nombreux commentaires. J’ai récemment examiné certaines décisions sur ce sujet dans la décision Air Canada c. Administration portuaire de Toronto, 2010 CF 774, particulièrement aux paragraphes 58 à 66, et je me suis notamment penché sur les arrêts rendus par la Cour d’appel fédérale dans les affaires Irving Shipbuilding Inc. c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 116, 314 DLR (4th) 430, et Ferring Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2007 CAF 276, 370 N.R. 263. J’ai conclu au paragraphe 65 de la décision Air Canada qu’il n’existait pas de formule simple permettant de conclure qu’une personne ayant un intérêt commercial peut être considérée comme ayant qualité pour agir. Il faut tenir compte du contexte de l’affaire et du fondement du contrôle judiciaire.

 

[70]           Lors de l’audience, j’ai porté à l’attention des parties le très récent arrêt rendu par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Ligue des droits de la personne de B’Nai Brith Canada c. Canada, 2010 CAF 307, dans lequel le juge Stratas, au nom de la Cour d’appel fédérale, a examiné tant l’intérêt direct pour agir que la qualité pour agir dans l’intérêt public, aux paragraphes 57 à 59 :

C. Analyse

 

(1) L’appelante avait‑elle qualité pour présenter les demandes de contrôle judiciaire en question?

 

a) L’intérêt direct pour agir

 

[57]      L’appelante invoque un intérêt direct pour solliciter le contrôle judiciaire des décisions du gouverneur en conseil, faisant valoir qu’elle est « directement touchée » au sens du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F­7. Aux termes de cette disposition, une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par quiconque est « directement touché ».

 

[58]      Mais l’appelante n’est pas en fait « directement touchée ». Afin d’être « directement touchée » par les décisions du gouverneur en conseil, il faudrait que les décisions en question aient affecté ses droits, lui aient imposé en droit des obligations, ou lui aient porté préjudice : Rothmans of Pall Mall Canada Ltd. c. Canada (M.R.N.), [1976] 2 C.F. 500 (C.A.); Irving Shipbuilding Inc. c. Canada (P.G.), 2009 CAF 116. En l’espèce, aucune preuve ne donne à penser que l’appelante est ainsi touchée. Je fais miens les propos du juge des requêtes (2008 CF 732, au paragraphe 26) :

 

[traduction]


Il ne fait aucun doute que l’appelante et les familles qu’elle affirme représenter s’intéressent de très près à la procédure de révocation de la citoyenneté de M. Odynsky, et à ses états de service en tant que garde affecté au périmètre de la Siedlung au camp de travail de Poniatowa en Pologne sous l’occupation nazie, et qu’elle s’en soucie au plus haut point. L’intérêt qu’elle porte à cette affaire ne signifie cependant pas que les droits de la demanderesse, ou de ceux qu’elle représente, ont été affectés ou atteints par la décision de ne pas révoquer la citoyenneté de M. Odynsky. Son intérêt vise, plutôt, à redresser le tort qui découle, selon elle, de la non‑révocation de la citoyenneté de M. Odynsky, ou à défendre un principe
.

 

b) Qualité pour agir dans l’intérêt public

 

59 L’appelante fait subsidiairement valoir qu’elle a, en tant que partie représentant l’intérêt public, qualité pour contester les décisions du gouverneur en conseil. Elle prétend répondre au triple critère de reconnaissance de la qualité pour agir dans l’intérêt public établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Conseil canadien des églises c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 R.C.S. 236. Voici ce critère :

 

a) il y a une sérieuse question à juger;

 

b) la partie qui demande qu’on lui reconnaisse la qualité pour agir dans l’intérêt public possède un intérêt véritable et direct quant à l’issue du litige;

 

c) il n’y a aucun autre moyen raisonnable et efficace de soumettre la question à la Cour.

 

 

[71]           Il ne faut pas interpréter l’analyse effectuée dans l’arrêt B’Nai Brith comme voulant dire que les seules personnes qui ont qualité pour contester une décision sont celles dont les intérêts sont directement touchés ou celles qui représentent l’intérêt public suivant un certain nombre de critères. Comme le juge Evans l’a écrit dans l’arrêt Irving Shipbuilding, précité, la question de la qualité pour agir ne peut pas être tranchée dans l’abstrait. La qualité pour agir doit être examinée en fonction du contexte entourant le contrôle judiciaire. Il a écrit ce qui suit aux paragraphes 28, 32 et 33 :

28 Selon moi, la question de la qualité pour agir des appelantes devrait être tranchée, non dans l’abstrait, mais dans le contexte du motif de contrôle sur lequel elles s’appuient, soit, le manquement à l’obligation d’équité procédurale. Ainsi, si les appelantes ont droit à l’équité procédurale, elles doivent également avoir le droit de soumettre la question à la Cour afin de tenter d’établir que le processus en vertu duquel le contrat pour le soutien des sous‑marins a été attribué à CSMG viole leurs droits procéduraux. Si TPSGC avait une obligation d’équité envers les appelantes et qu’il avait attribué le contrat à CSMG en violation de cette obligation, les appelantes seraient « directement touchées » par la décision contestée. Si elles n’ont pas droit à l’équité procédurale, le débat devrait, en règle générale, être clos. À mon avis, il n’est pas nécessaire d’analyser distinctement la question, mais j’examinerai brièvement deux questions découlant des observations des parties.

[…]

 

32 En accordant l’importance défendue par les intimés aux mots « directement touché » choisis par le législateur plutôt que de s’appuyer sur l’une ou l’autre des exigences relatives à la qualité pour agir tirées de la common law (« personne lésée » ou « particulièrement touchée », par exemple) on ne tiendrait pas compte du contexte et de l’objectif du libellé du paragraphe 18.1(1) de la Loi. Comme l’a affirmé la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Khosa (paragraphe 19) :

 

[…] la plupart des dispositions législatives relatives au contrôle judiciaire, sinon toutes, sont rédigées comme s’inscrivant dans le contexte de la common law en matière de contrôle judiciaire. Même les lois les plus exhaustives […] ne peuvent être interprétées sensément que dans le contexte de la common law […]

 

[…]

33 De plus, puisque tous ces termes ne sont sensiblement pas définis, le choix du législateur doit être considéré comme ayant relativement peu d’importance. Voir également Thomas A Cromwell, Locus Standi : A Commentary on the Law of Standing in Canada (Toronto : Carswell, 1986), pages 163-164 (Locus Standi), plus particulièrement sa très juste description (à la page 163) du [traduction] « vide sémantique » avec lequel les tribunaux doivent composer pour appliquer les divers critères liés à la qualité pour agir, qu’il soient prévus par la loi ou tirés de la common law. Même s’il traite des différences entre les libellés anglais et français du paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales, l’extrait suivant de l’arrêt Khosa (paragraphe 39) semble s’appliquer tout aussi bien à l’interprétation des mots « directement touché » du paragraphe 18.1(1) :

 

Une vision étroite des différences entre les deux textes risque de mener à une interprétation incompatible avec la règle moderne parce que, isolément, les considérations linguistiques ne doivent pas élever un argument sur le texte au‑dessus du contexte pertinent et de l’objet du régime législatif […]

 

[72]           Les tribunaux, dans leur approche à l’égard de la qualité pour agir des personnes sollicitant un contrôle judiciaire, devraient adopter une approche qui favorise l’inclusion plutôt que l’exclusion. Par analogie, la Cour suprême a récemment rendu un arrêt unanime dans l’affaire Canada (Procureur général) c. McArthur, 2010 CSC 63, dans lequel elle a affirmé aux paragraphes 11 et 12 qu’il ne fallait pas exagérer la portée de la compétence exclusive accordée par l’article 18 de la Loi sur les Cours fédérales : une personne ne devrait pas avoir à franchir des étapes procédurales inutiles et improductive.

 

[73]           Si l’on se penche, par exemple, sur l’arrêt Thorson c. Canada (Procureur général), [1975] 1 R.C.S. 138, on peut comprendre l’attitude des tribunaux dans l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire, particulièrement aux pages 161 et 162, où la Cour suprême du Canada a permis à un particulier canadien (quoiqu’il s’agît d’un ancien président de la Cour de l’échiquier) n’ayant aucun intérêt propre ou unique de contester la constitutionnalité d’une loi fédérale donnée.

 

[74]           On peut même remonter beaucoup plus loin dans le temps et renvoyer au Livre II de la dissertation Contre Apion écrite par Flavius Josephus, historien romain et juif, vers la fin du premier siècle de l’ère chrétienne et dans lequel il a examiné les écrits des Phéniciens, des Chaldéens et des Égyptiens sur les lois de la nation juive. Le verset 28 se lit comme suit (voir la seconde phrase) :

Si un juge reçoit des présents, il est puni de mort. L’indifférence envers un suppliant qu’on pourrait secourir engage la responsabilité.

 

[75]           Toute ces sources ne mènent qu’à une seule conclusion : si la question soulevée est d’une quelconque façon valable, la Cour devrait se montrer indulgente dans sa décision d’accorder la qualité pour agir.

 

[76]           En l’espèce, Public Mobile, Globalive et les autres sociétés demanderesses se trouvaient toutes dans la même situation sur le plan commercial. Elles ont toutes participé à la vente aux enchères du spectre. Elles ont toutes été retenues. Elles ont toutes obtenu des licences. Le Conseil a décidé que l’une d’elles, Globalive, n’y avait pas droit notamment en raison de la structure de son financement et parce qu’elle était, selon le Conseil, contrôlée par des étrangers. La gouverneure en conseil a modifié cette décision et a affirmé que son décret ne visait que Globalive.

 

[77]           Public Mobile a participé à l’ensemble du processus. Elle a présenté des observations à la gouverneure en conseil. Les conséquences du décret de cette dernière ont été clairement exposées par M. Alex Krstajic, président‑directeur général de Public Mobile, lors de son contre‑interrogatoire dans la présente affaire, mené le 6 avril 2010, alors qu’il répondait aux questions 181 et 182, et ce, malgré l’objection soulevée par son propre avocat :

[traduction]

 

M. HUBBARD :

 

181.     Q.        Monsieur, seriez-vous d’accord avec moi pour affirmer que Public Mobile n’a aucun intérêt direct dans le décret de la gouverneure générale?

 

M. LASKIN :  C’est…

 

M. HUBBARD : Pourquoi vous opposez-vous collègue?

 

M. LASKIN :  Il a commencé à répondre, je le laisserai donc faire.

 

LE TÉMOIN : Laissez-moi répondre à cette question. Nous avons bel et bien un intérêt direct dans la présente affaire. Si le décret avait changé le droit et que n’importe quelle nouvelle société étrangère, comme Globalive, pourrait avoir la même structure que Globalive et aurait le droit d’obtenir du financement étranger, je peux vous garantir que la présente demande n’aurait jamais été présentée, point à la ligne. Mais le fait que la gouverneure en conseil ait essayé de dire… qu’il ne s’agissait pas d’une modification du droit, qu’il faut fermez les yeux parce que le droit n’a pas été modifié, et que le décret ne s’applique qu’à Globalive, cela me touche directement parce que cela nuit à ma capacité d’obtenir du financement et ainsi de croître. Et cela cause une inégalité des chances parce que la gouverneure en conseil permet à Globalive d’avoir accès à du financement étranger auquel je n’ai pas accès. Par conséquent, ne croyez‑vous pas que ce décret me touche directement? Souvenons‑nous de nos leçons d’économie quant aux éléments qui permettent à une société de croître. La part de marché n’explique pas tout. Comment augmente‑t‑on la part de marché d’une société? Vous obtenez davantage de capital qui vous permet de mettre en place des réseaux très dispendieux et d’ouvrir de nouveaux marchés, ce qui apporte davantage de revenus. Par conséquent, suis‑je directement touché par le fait qu’un compétiteur peut obtenir du capital étranger et qu’un autre ne le peut pas? Oui, tout à fait, cela me touche directement.

 

[78]           L’avocat du procureur général a avancé que la demanderesse n’avait pas « plaidé » la nature de la qualité pour agir qu’elle alléguait afin d’obtenir réparation par la Cour. Il s’agit d’une demande et non d’une action. Les exigences imposées par les Règles des Cours fédérales, à savoir que le demandeur « plaide » sont vagues ou même inexistantes. J’ai examiné la présente question dans la décision Air Canada, précitée, aux paragraphes 77 à 85. Même s’il existait des exigences selon lesquelles le demandeur doit plaider, le fait de « plaider » la qualité pour agir dans l’avis de demande équivaudrait à anticiper une défense. Il n’existe aucune exigence selon laquelle le demandeur doit plaider en prévision d’une défense. En l’espèce, les défendeurs n’ont aucunement « plaidé ». Lors de l’audience, les parties étaient parfaitement au courant des allégations soulevées à l’égard de la qualité pour agir. Personne n’a été pris par surprise. Les parties ont débattu à fond de cette question. Je rejette tout argument selon lequel le demandeur n’a pas « plaidé » la qualité pour agir.

 

[79]           Je conclus que Public Mobile a un intérêt suffisant en l’espèce et qu’elle avait donc le droit de solliciter le présent contrôle judiciaire.

 

b) L’autre recours

[80]           L’avocat du procureur général a plaidé que Public Mobile ne devrait pas avoir qualité pour agir parce qu’elle dispose d’un autre recours approprié. Le présent point n’a pas été débattu énergiquement lors de l’audience. L’argument ne trouve son fondement ni dans la Loi sur les télécommunications ni dans aucune autre loi pertinente; il est plutôt fondé sur la prétention que Public Mobile pourrait avoir recours à certaines stratégies juridiques qui pourraient lui apporter une réparation quelconque qu’elle pourrait considérer comme étant satisfaisante. Je cite le paragraphe 66 du mémoire du procureur général qui expose ces stratégies :

[traduction]

 

66.       La seule façon dont Public Mobile peut obtenir une certitude en droit quant aux préoccupations soulevées consiste à présenter au Conseil une demande d’examen de propriété et de contrôle canadiens en fonction des faits qui lui sont propres. Si Public Mobile obtient davantage de capital étranger et que le Conseil ne peut plus conclure que Public Mobile n’est pas contrôlée de fait par un non‑Canadien, elle peut lui demander de réviser sa décision en vertu de l’article 62 de la Loi, demander au gouverneur général de modifier la décision en vertu de l’article 12 ou interjeter appel à la Cour d’appel fédérale.

 

 

[81]           Le procureur général a invoqué l’arrêt rendu par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Canada (Agence des services frontaliers) c. C.B. Powell Ltd., 2010 CAF 61, pour affirmer qu’une partie ne peut s’adresser aux tribunaux qu’après avoir épuisé toutes les voies de recours utiles qui lui sont ouvertes en vertu du processus administratif.

 

[82]           Je suis d’accord : si la loi ou le règlement applicable prévoit un droit d’appel ou de révision ou bien d’autres voies de recours semblables à l’égard d’une décision, il convient de les épuiser avant de saisir les tribunaux de l’affaire. Cela ne veut pas dire qu’une partie adverse qui propose des stratégies juridiques dont l’issue est incertaine empêche l’accès aux tribunaux en les proposant. C’est tout ce que le procureur général propose dans le paragraphe 66 cité ci­dessus.

 

[83]           En l’espèce, l’accès aux tribunaux est approprié.

 

LA SECONDE QUESTION EN LITIGE   

La gouverneure en conseil a‑t‑elle outrepassé son mandat légal en modifiant la décision du Conseil concernant Globalive?

a) La Loi sur les télécommunications

[84]           Tous conviennent que la Loi sur les télécommunications, L.C. 1993, ch. 38, est la loi pertinente et que tant le Conseil que la gouverneure en conseil ont rendu leur décision en vertu de cette loi. Les articles 4 et 5 de la Loi disposent que quiconque, hormis les entreprises de radiodiffusions, gère ou exploite une installation de transmission d’une entreprise canadienne est assujetti à la Loi. Chacun de ces termes est défini et, aux fins des présents motifs, on peut accepter que Public Mobile, Globalive et les sociétés défenderesses sont des personnes assujetties à la Loi.

 

[85]           L’article 7 de la Loi établit les objectifs de la politique canadienne en matière de télécommunication :

Politique

 

7. La présente loi affirme le caractère essentiel des télécommunications pour l’identité et la souveraineté canadiennes; la politique canadienne de télécommunication vise à :

 

a) favoriser le développement ordonné des télécommunications partout au Canada en un système qui contribue à sauvegarder, enrichir et renforcer la structure sociale et économique du Canada et de ses régions;

 

b) permettre l’accès aux Canadiens dans toutes les régions — rurales ou urbaines — du Canada à des services de télécommunication sûrs, abordables et de qualité;

 

c) accroître l’efficacité et la compétitivité, sur les plans national et international, des télécommunications canadiennes;

 

d) promouvoir l’accession à la propriété des entreprises canadiennes, et à leur contrôle, par des Canadiens;

 

e) promouvoir l’utilisation d’installations de transmission canadiennes pour les télécommunications à l’intérieur du Canada et à destination ou en provenance de l’étranger;

 

f) favoriser le libre jeu du marché en ce qui concerne la fourniture de services de télécommunication et assurer l’efficacité de la réglementation, dans le cas où celle-ci est nécessaire;

 

g) stimuler la recherche et le développement au Canada dans le domaine des télécommunications ainsi que l’innovation en ce qui touche la fourniture de services dans ce domaine;

 

h) satisfaire les exigences économiques et sociales des usagers des services de télécommunication;

 

i) contribuer à la protection de la vie privée des personnes.

 

[86]           Les articles 8, 10 et 11 de la Loi permettent au gouverneur en conseil, par décret, de donner au Conseil des instructions d’application générale relativement à la politique canadienne en matière de télécommunication. Aucun décret de ce type n’a été pris en l’espèce.

 

[87]           Le paragraphe 12(1) de la Loi prévoit que le gouverneur en conseil peut, par décret, soit de sa propre initiative, soit sur demande écrite, modifier ou annuler la décision du Conseil ou la lui renvoyer. Le paragraphe 12(8) exige que des motifs soient énoncés. L’article 13 prévoit que les gouvernements des provinces peuvent consulter le gouverneur en conseil.

Modification ou annulation

 

12. (1) Dans l’année qui suit la prise d’une décision par le Conseil, le gouverneur en conseil peut, par décret, soit de sa propre initiative, soit sur demande écrite présentée dans les quatre-vingt-dix jours de cette prise, modifier ou annuler la décision ou la renvoyer au Conseil pour réexamen de tout ou partie de celle-ci et nouvelle audience.

[...]

Motifs

 

(8) Le gouverneur en conseil énonce, dans un décret qu’il prend en vertu du paragraphe (1) ou (7), les motifs de celui-ci.

 

[...]

 

Consultation

 

13. Le ministre, avant de présenter sa recommandation au gouverneur en conseil sur la prise d’un décret en vertu des articles 8 ou 12 ou avant de prendre un arrêté en vertu de l’article 15, avise le ministre désigné par le gouvernement de chaque province de son intention de présenter la recommandation ou de prendre l’arrêté et lui donne la possibilité de le consulter.

 

[88]           Suivant l’article 72.15, les décisions du Conseil en ce qui a trait à la violation de ses ordonnances et à l’imposition d’une pénalité ne peuvent pas faire l’objet d’une révision par le gouverneur en conseil. Cette disposition n’est pas pertinente en l’espèce.

 

[89]           Le paragraphe 16(1) de la Loi dispose qu’une entreprise de télécommunication est admissible à opérer en tant qu’entreprise canadienne si elle est une personne morale constituée sous le régime des lois fédérales ou provinciales et est la propriété de Canadiens et sous contrôle canadien.

Admissibilité

 

16. (1) Est admise à opérer comme entreprise de télécommunication l’entreprise canadienne qui :

 

a) soit est une personne morale constituée ou prorogée sous le régime des lois fédérales ou provinciales et est la propriété de Canadiens et sous contrôle canadien;

 

b) soit n’est propriétaire ou exploitante que d’une installation de transmission visée au paragraphe (5).

 

[90]           Le paragraphe 16(3) de la Loi, qui est pertinent en l’espèce, définit ce qu’on entend par propriété de Canadiens et sous contrôle canadien aux fins du paragraphe 16(1) :

Contrôle et propriété canadiens

 

(3) Pour l’application du paragraphe (1), est la propriété de Canadiens et est contrôlée par ceux-ci la personne morale :

 

a) dont au moins quatre-vingts pour cent des administrateurs sont des Canadiens;

 

b) dont au moins quatre-vingts pour cent des actions avec droit de vote émises et en circulation sont la propriété effective, directe ou indirecte, de Canadiens, à l’exception de celles qui sont détenues à titre de sûreté uniquement;

 

c) qui n’est pas par ailleurs contrôlée par des non-Canadiens.

 

 

[91]           Tous conviennent que Globalive satisfait aux exigences liées au « contrôle de droit » établies par les alinéas 16(3)a) et b). Dans leur décision, le Conseil et la gouverneure en conseil n’étaient pas du même avis quant à savoir si la disposition concernant le « contrôle de fait », soit l’alinéa 16(3)c), avait été respectée.

 

[92]           L’article 47 de la Loi dispose que le Conseil doit exercer ses pouvoirs de façon à réaliser les objectifs de la politique canadienne en matière de télécommunication.

Conseil soumis aux normes et décrets

 

47. Le Conseil doit, en se conformant aux décrets que lui adresse le gouverneur en conseil au titre de l’article 8 ou aux normes prescrites par arrêté du ministre au titre de l’article 15, exercer les pouvoirs et fonctions que lui confèrent la présente loi et toute loi spéciale de manière à réaliser les objectifs de la politique canadienne de télécommunication et à assurer la conformité des services et tarifs des entreprises canadiennes avec les dispositions de l’article 27.

 

 

[93]           L’article 52 de la Loi porte sur les conclusions de fait tirées par le Conseil. Le paragraphe 52(1) dispose que les décisions sur les questions de fait sont obligatoires et définitives :

Question de droit ou de fait

 

52. (1) Le Conseil connaît, dans l’exercice des pouvoirs et fonctions qui lui sont conférés au titre de la présente loi ou d’une loi spéciale, aussi bien des questions de droit que des questions de fait; ses décisions sur ces dernières sont obligatoires et définitives.

 

Jugements d’autres tribunaux

 

(2) Dans les décisions qu’il rend sur des questions de fait, le Conseil n’est pas lié par les conclusions ou jugements des tribunaux, lesquels sont cependant admissibles devant lui.

 

Litispendance

 

(3) Le Conseil peut juger les questions de fait dont connaît déjà un tribunal.

 

[94]           Les articles 60 à 63 de la Loi portent sur les décisions du Conseil. Le paragraphe 64(1) prévoit qu’il est possible d’interjeter appel devant la Cour d’appel fédérale sur des questions de droit ou de compétence :

Droit d’appel

 

64. (1) Avec son autorisation, il peut être interjeté appel devant la Cour d’appel fédérale, sur des questions de droit ou de compétence, des décisions du Conseil.

 

[95]           Le respect des objectifs de la politique canadienne en matière de télécommunication constitue un thème récurrent dans la Loi. Ces objectifs sont établis à l’article 7 de la Loi. Le passage introductif de l’article 7 souligne que les télécommunications jouent rôle essentiel pour l’identité et la souveraineté du Canada.

 

b) Les conclusions de fait

[96]           Le paragraphe 52(1) de la Loi sur les télécommunications, qui est cité ci‑dessus, prévoit que les décisions du Conseil sur les questions de fait sont obligatoires et définitives.

 

[97]           L’avocat de Globalive a retracé l’origine du paragraphe 52(1) à l’article 59 de la Loi sur les transports nationaux, L.R.C. 1985, ch. N‑20, puis à l’article 42 de l’Acte des chemins de fer, 3. Edw. VII, ch. 58, qui disposait que les conclusions de fait liaient « tous les tribunaux ». Globalive a plaidé que le paragraphe 52(1) devait être interprété dans son contexte et que, par conséquent, les conclusions de fait tirées par le Conseil liaient les tribunaux, mais non le gouverneur en conseil.

 

[98]           Par ailleurs, l’avocat de Public Mobile soutient qu’il faut interpréter le paragraphe 52(1) sans restriction et que ce paragraphe s’applique de la même façon à toute entité appelée à se pencher sur les décisions du Conseil, y compris le gouverneur en conseil. Il allègue qu’il ne faut pas [traduction] « donner une seconde vie » à l’Acte des chemins de fer de 1903 de façon à restreindre la portée de la Loi sur les télécommunications en vigueur actuellement.

 

[99]           Pour déterminer si le paragraphe 52(1) de la Loi sur les télécommunications s’applique au décret de la gouverneure en conseil, la Cour doit établir si la gouverneure en conseil a modifié une [traduction] « conclusion de fait » du Conseil.

 

[100]       La Cour suprême du Canada a fourni des conseils utiles à cet égard dans l’arrêt Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235. Les motifs de la majorité, qui ont été rédigés par les juges Iacobucci et Major, ont révélé l’importante distinction qu’il faut faire entre les conclusions de fait et les inférences découlant de ces conclusions, lesquelles inférences sont parfois aussi appelées, quelque peu maladroitement, conclusions de fait. Si un tribunal conclut qu’une personne a commis les actes A et B, mais pas l’acte C, il s’agit de conclusions de fait. Si la Cour infère par la suite qu’il ressort de ces conclusions de fait que la personne a été négligente, il s’agit d’une inférence tirée sur le fondement de ces conclusions. C’est ce qui est appelé question mixte de fait et de droit. La majorité a écrit ce qui suit au paragraphe 26 :

D.        La norme de contrôle applicable aux questions mixtes de fait et de droit

 

26 D’entrée de jeu, il importe de distinguer les questions mixtes de fait et de droit des conclusions factuelles (qu’il s’agisse de conclusions directes ou d’inférences). Les questions mixtes de fait et de droit supposent l’application d’une norme juridique à un ensemble de faits : Canada (Directeur des enquêtes et des recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748, par. 35. Par contre, les conclusions ou les inférences de fait exigent que soit tirée une conclusion factuelle d’un ensemble de faits. Tant les questions mixtes de fait et de droit que les questions de fait exigent souvent du tribunal qu’il tire des inférences; la différence réside dans le caractère -- juridique ou factuel -- de ces inférences. En raison de cette similitude, on confond parfois les deux catégories de questions. Cette confusion a été soulignée par A. L. Goodhart dans « Appeals on Questions of Fact » (1955), 71 L.Q.R. 402, p. 405 :

 

[traduction] La distinction entre [la perception des faits et l’appréciation de ceux‑ci] a tendance à être embrouillée parce que nous utilisons la formule « le juge a conclu au fait que le défendeur avait été négligent », alors que ce que nous voulons dire, c’est que « le juge a constaté le fait que le défendeur a commis les actes A et B et, suivant son opinion, il a conclu qu’il n’était pas raisonnable pour ce dernier d’avoir agi ainsi ».

 

L’affaire qui nous occupe présente des exemples des deux catégories de questions. Pour répondre à la question de savoir si la municipalité aurait dû connaître le danger présenté par le chemin, il faut apprécier les faits à l’origine de l’affaire et tirer des conclusions factuelles relativement à la connaissance de la municipalité. Il faut appliquer à ces conclusions factuelles une norme juridique qui, en l’occurrence, est énoncée au par. 192(3) de la Rural Municipality Act, 1989, S.S. 1989-90, ch. R-26.1. De même, pour pouvoir conclure à la négligence, il faut apprécier les faits essentiels, en tirer des conclusions factuelles puis en dégager une inférence, c’est‑à‑dire se demander si la municipalité a oui ou non omis de respecter la norme de diligence raisonnable et si elle a, par conséquent, été négligente ou non.

 

[101]       Une fois que la Cour a établi qu’une conclusion constitue une question de fait et de droit, elle doit déterminer si l’erreur alléguée est une pure erreur de droit assujettie à la norme de la décision correcte. La majorité dans l’arrêt Housen a écrit ce qui suit au paragraphe 27 :

27 Une fois établi que la question examinée exige l’application d’une norme juridique à un ensemble de faits et qu’il s’agit donc d’une question mixte de fait et de droit, il faut alors déterminer quelle est la norme de contrôle appropriée et l’appliquer. Vu les diverses normes de contrôle qui s’appliquent aux questions de droit et aux questions de fait, il est souvent difficile de déterminer celle qui s’applique. Dans l’arrêt Southam, précité, par. 39, notre Cour a expliqué comment une erreur touchant une question mixte de fait et de droit peut constituer une pure erreur de droit, assujettie à la norme de la décision correcte :

 

. . . si un décideur dit que, en vertu du critère applicable, il lui faut tenir compte de A, B, C et D, mais que, dans les [page 258] faits, il ne prend en considération que A, B, et C, alors le résultat est le même que s’il avait appliqué une règle de droit lui dictant de ne tenir compte que de A, B et C. Si le bon critère lui commandait de tenir compte aussi de D, il a en fait appliqué la mauvaise règle de droit et commis, de ce fait, une erreur de droit.

 

Par conséquent, ce qui peut paraître une question mixte de fait et de droit peut, après plus ample examen, se révéler en réalité une pure erreur de droit.

 

[102]       Dans son décret, la gouverneure en conseil n’a pas remis en question les conclusions de fait du Conseil. Elle était en désaccord avec le Conseil quant aux inférences tirées sur le fondement de ces conclusions de fait, ce qui ressort clairement, par exemple, des « attendus » des pages 3 et 4 :

Attendu que la gouverneure en conseil reconnaît que le Conseil a conclu que Globalive ne répond pas aux exigences de propriété et de contrôle après avoir examiné plusieurs facteurs qui permettent à l’actionnaire non canadien d’exercer une influence et qui, pris ensemble, constituent, à son avis, un contrôle de fait;

 

Attendu que la gouverneure en conseil reconnaît que la combinaison de plusieurs moyens d’influencer peut se traduire en contrôle de fait, mais que ce n’est pas le cas de Globalive;

 

Attendu que la gouverneure en conseil considère, après avoir soigneusement examiné les faits et les représentations présentées au Conseil, qu’il est raisonnable de conclure, pour les raisons indiquées dans le présent décret, que Globalive n’est pas contrôlée par des non‑Canadiens et qu’elle satisfait par conséquent aux exigences de propriété et de contrôle canadiens énoncées dans la Loi, ce qui la rend admise à opérer à titre d’entreprise de télécommunication au Canada;

 

 

[103]       Cela ressort également de l’annexe, dont la plus grande partie a été citée ci‑dessus. Je reproduit de nouveau le paragraphe 20 :

20.       En résumé, une telle concentration de la dette entre les mains d’Orascom lui permet d’influencer Globalive. Toutefois, compte tenu d’une part, des modalités exceptionnelles des accords de prêts qui restreignent de façon importante les protections accordées au prêteur et, d’autre part, les droits de Globalive de renouveler l’emprunt pendant une période pouvant aller jusqu’à six ans ou de le retirer à son entière discrétion, sans pénalité (de sorte que les emprunts ne sont pas précaires), le financement par emprunt fourni par Orascom ne lui permet pas d’exercer un contrôle de fait sur les décisions de Globalive, tant sur le plan stratégique que sur le plan opérationnel.

 

 

[104]       Je conclus donc que la gouverneure en conseil n’a pas tiré de conclusions de fait différentes de celles tirées par le Conseil. La gouverneure en conseil a toutefois fait des inférences différentes sur le fondement de ces conclusions de fait. Elle a tiré des conclusions de droit sur le fondement de ces faits. Par conséquent, la norme de contrôle applicable au décret de la gouverneure en conseil pris sur le fondement des conclusions de droit est la décision correcte. (Dunsmuir, précité, paragraphe 50.)

 

c) Les conclusions de droit

[105]       Comme je l’ai mentionné ci‑dessus, le décret de la gouverneure en conseil renferme des conclusions de droit qui doivent être contrôlées selon la norme de la décision correcte. Les dispositions applicables se trouvent dans la Loi sur les télécommunications.

 

[106]       La gouverneure en conseil a précisé le fondement légal de son décret aux pages 2 et 3 des attendus :

Attendu que la politique canadienne en matière de télécommunication a entre autres comme objectif de permettre l’accès aux Canadiens dans toutes les régions – rurales ou urbaines – du Canada à des services de télécommunication sûrs, abordables et de qualité, de promouvoir l’accession à la propriété des entreprises canadiennes, et à leur contrôle, par des Canadiens et d’accroître l’efficacité et la compétitivité, sur les plans national et international, des télécommunications canadiennes;

 

Attendu que le ministre de l’Industrie a pris des mesures dans le cadre des enchères du spectre des services sans fil évolués, en 2007-2008, pour favoriser l’émergence et la participation des nouveaux venus et de ce fait stimuler la concurrence et l’innovation sur le marché canadien des télécommunications sans fil, et de répondre aux besoins des utilisateurs canadiens des services de télécommunication en vue d’obtenir une réduction des prix et une amélioration du service et des choix offerts aux consommateurs et aux entreprises;

 

Attendu que Globalive, à titre de l’un de ces nouveaux venus, a été un soumissionnaire gagnant du processus d’attribution de licences du spectre des services sans fil évolués et que le ministre de l’Industrie lui a délivré des licences du spectre;

 

Attendu que pour être admise à opérer comme entreprise de télécommunication au Canada, Globalive doit satisfaire aux exigences de propriété et de contrôle canadiens énoncées dans la Loi;

 

Attendu que la gouverneure en conseil considère que, dans la mesure du possible, le fait de satisfaire aux exigences de propriété et de contrôle canadiens devrait appuyer les objectifs de la politique canadienne en matière de télécommunication énoncés dans la Loi, notamment accroître la concurrence sur le marché des télécommunications;

 

Attendu que les exigences de propriété et de contrôle canadiens restreignent le droit de propriété d’actions avec droit de vote de non-Canadiens, mais que la Loi ne limite pas l’investissement étranger dans les entreprises de télécommunication et que celle-ci devrait s’interpréter de manière à favoriser l’accès aux capitaux, à la technologie et au savoir-faire étrangers dans le but d’appuyer tous les objectifs de la politique canadienne en matière de télécommunication;

 

 

[107]       La gouverneure en conseil a, à de nombreux égards, fait siens et reconnu les objectifs de la politique canadienne en matière de télécommunication établis à l’article 7 de la Loi sur les télécommunications. Cependant, la gouverneure en conseil s’est écartée des dispositions de cet article lorsqu’elle a ajouté un nouvel objectif aux objectifs de la politique établis par l’article 7, à savoir garantir l’accès aux capitaux, à la technologie et au savoir‑faire étrangers. Elle a également commis une erreur en affirmant que son décret ne visait que Globalive. Quelles en sont les conséquences?

 

[108]       Il ne fait aucun doute le gouverneur en conseil est lié par la Loi sur les télécommunications et que les tribunaux peuvent, par voie de contrôle judiciaire, établir si le gouverneur en conseil a respecté ou outrepassé les dispositions de la Loi sur les télécommunications. La Cour suprême du Canada a récemment adopté une telle approche dans l’arrêt Montréal (Ville) c. Administration portuaire de Montréal, 2010 CSC 14. Le juge Lebel, au nom de la Cour suprême, a écrit ce qui suit aux paragraphes 33 et 47 :

33 Toutefois, dans le cadre d’un État fondé sur la primauté du droit et d’une société régie par des principes de légalité, pouvoir discrétionnaire ne saurait être assimilé à arbitraire. Certes, ce pouvoir discrétionnaire existe, mais il s’exerce à l’intérieur d’un cadre juridique déterminé. L’acte discrétionnaire se situe dans une hiérarchie normative. Dans les présents dossiers, l’autorité administrative applique un règlement lui‑même pris en vertu d’une loi habilitante. La loi et les règlements délimitent l’étendue du pouvoir discrétionnaire ainsi que les principes qui gouverneront son exercice et permettront d’apprécier le caractère raisonnable de celui-ci.

 

[…]

 

47 Lorsqu’elles ont pris leurs décisions, les intimées n’ont pas respecté les principes d’application du texte de la LPRI et du Règlement et l’intention du législateur. Cet exercice de la discrétion des intimées entraînait un résultat déraisonnable, qui justifiait l’exercice du pouvoir de contrôle judiciaire de la Cour fédérale.

 

[109]       La Cour suprême du Canada, alors qu’elle se penchait sur une décision du gouverneur en conseil qui avait révisé une décision du Conseil dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Inuit Tapirisat et autre, [1980] 2 R.C.S. 735, a énoncé les mêmes principes. Le juge Estey, au nom de la Cour suprême, a écrit ce qui suit à la page 748 :

Il faut dire tout de suite que la simple attribution par la loi d’un pouvoir au gouverneur en conseil ne signifie pas que son exercice échappe à toute révision. Si ce corps constitué n’a pas respecté une condition préalable à l’exercice de ce pouvoir, la cour peut déclarer ce prétendu exercice nul.

 

[110]       Le juge Estey a ajouté ce qui suit à la page 752 :

Cependant, à mon avis, l’essentiel du principe de droit applicable en l’espèce est simplement que dans l’exercice d’un pouvoir conféré par la loi, le gouverneur en conseil, comme n’importe quelle autre personne ou groupe de personnes, doit respecter les limites de la loi édictée par le Parlement ou la Législature. Y déroger déclenchera le rôle de surveillance de la cour supérieure qui a la responsabilité de faire appliquer la loi, c’est‑à‑dire de s’assurer que les actes autorisés par la loi sont accomplis en conformité avec ses dispositions ou qu’une autorité publique ne se dérobe pas à une obligation qu’elle lui impose.

 

 

[111]       Les questions en litige dans l’affaire Inuit Tapirisat sont différentes de celles en l’espèce : cette affaire portait sur les aspects procéduraux d’une décision rendue par le gouverneur en conseil. La présente affaire porte sur le fondement juridique d’une telle décision.

 

[112]       La Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Canada (Commission canadienne du blé) c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 214, 392 N.R. 149, a affirmé qu’il était bien établi en droit que le gouverneur en conseil doit demeurer dans les limites de la loi habilitante. Le juge Noël a écrit ce qui suit au nom de la Cour d’appel fédérale au paragraphe 37 :

37 Il est bien établi en droit que lorsque le gouverneur en conseil exerce un pouvoir conféré par une loi, il doit demeurer dans les limites de la loi habilitante en ce qui a trait à l’habilitation et à la finalité. Le gouverneur en conseil est à tous les autres égards libre d’exercer son pouvoir conféré par la loi sans l’intervention de la Cour, sauf dans un cas flagrant ou lorsque la preuve établit l’absence de bonne foi (Thorne’s Hardware Ltd. c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 106, p. 111; Procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat et autre, [1980] 2 R.C.S. 735).

 

[113]       Un décideur tel que le gouverneur en conseil est non seulement tenu de prendre en considération les critères légaux pertinents, mais il doit également exclure ceux qui ne le sont pas. Le juge Binnie, au nom de la majorité de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Syndicat canadien de la fonction publique et Union internationale des employés des services (U.I.E.S.) c. Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 R.C.S. 539, a écrit ce qui suit au paragraphe 172 :

Le principe voulant que le décideur légal soit tenu de prendre en considération les critères pertinents, tout comme il se doit d’exclure ceux qui ne le sont pas, a été réitéré à maintes reprises.

 

 

[114]       Le même principe a été énoncé par le juge Cory (plus tard juge à la Cour suprême du Canada) dans une décision de la Cour divisionnaire de l’Ontario dans l’affaire Doctors’ Hospital and Minister of Health, (1976), 12 O.R. (2d) 164, page 174 :

[traduction]

 

Il a été statué que, même s’il est commis de bonne foi et avec la meilleure des intentions, tout manquement d’un organe décisionnel à l’objet de la loi qui l’autorise à agir est contestable et peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire par les tribunaux.

 

[115]       La gouverneure en conseil en l’espèce a commis des erreurs de droit, particulièrement dans ses « motifs » formulés dans les « attendus » suivants :

 

Attendu que les exigences de propriété et de contrôle canadiens restreignent le droit de propriété d’actions avec droit de vote de non-Canadiens, mais que la Loi ne limite pas l’investissement étranger dans les entreprises de télécommunication et que celle-ci devrait s’interpréter de manière à favoriser l’accès aux capitaux, à la technologie et au savoir-faire étrangers dans le but d’appuyer tous les objectifs de la politique canadienne en matière de télécommunication; [Non souligné dans l’original.]

 

[…]

 

Attendu que la gouverneure en conseil considère que le présent décret se fonde sur les faits propres à ce cas et n’a des répercussions directes importantes que sur Globalive; [Non souligné dans l’original.]

 

 

[116]       En ce qui a trait à la présente affaire, la Loi sur les télécommunications prévoit clairement dans le passage introductif de l’article 7 que les télécommunications jouent un rôle essentiel pour l’identité et la souveraineté du Canada. L’alinéa 7d) établit que l’un des objectifs de la politique est la promotion de l’accession à la propriété des entreprises canadiennes, et à leur contrôle, par des Canadiens. L’article 16 de la Loi dispose que le contrôle de droit et le contrôle de fait doivent être canadiens.

 

[117]       Dans le premier « attendu » cité ci­dessus, la gouverneure en conseil a commis une erreur de droit lorsqu’elle a estimé que les exigences de propriété et de contrôle canadiens prévues par la Loi sur les télécommunications devaient être interprétées « de manière à favoriser l’accès aux capitaux, à la technologie et au savoir-faire étrangers ». La gouverneure en conseil a raison d’affirmer dans la même phrase que « la Loi ne limite pas l’investissement étranger dans les entreprises de télécommunication », mais il faut garder à l’esprit qu’il n’est aucunement question d’« investissement étranger » ni de capitaux, de technologie et de savoir‑faire étrangers dans la Loi. La Loi prévoit plutôt que les télécommunications jouent un rôle essentiel pour l’identité et la souveraineté du Canada et elle établit que l’un des objectifs de la politique est de promouvoir l’accession à la propriété des entreprises canadiennes, et à leur contrôle, par des Canadiens. Aucun des objectifs de la politique prévus par la Loi n’a pour but de favoriser l’investissement étranger. La Loi établit le critère lié à la propriété et au contrôle canadiens, notamment à l’alinéa 16(3)c), qui prévoit que la personne morale ne doit pas par ailleurs être contrôlée par des non‑Canadiens. L’esprit de la Loi est clair : une affaire telle que celle en l’espèce doit être tranchée de façon à s’assurer que la personne morale est contrôlée par des Canadiens. Lorsque l’on craint que l’investissement étranger et d’autres facteurs constituent une menace envers le contrôle canadien, le critère essentiel dont il faut alors tenir compte pour trancher l’affaire est alors la promotion du contrôle canadien. Il appartient au législateur et non au gouverneur en conseil de réécrire la Loi.

 

[118]       Dans le deuxième « attendu » cité ci­dessus, la gouverneure en conseil a outrepassé les dispositions de la Loi sur les télécommunications lorsqu’elle a affirmé que son décret ne visait que Globalive. La gouverneure en conseil ne pouvait pas limiter son interprétation à un seul intéressé à l’exclusion des autres intéressés qui pourraient se trouver dans une situation semblable.

 

[119]       Ces considérations inappropriées étaient au cœur du décret de la gouverneure en conseil par lequel elle a modifié la décision du Conseil. Par conséquent, le décret de la gouverneure en conseil doit être annulé.

 

CONCLUSION

[120]       Pour les motifs exposés ci­dessus, je conclus que la demanderesse Public Mobile a qualité pour solliciter le contrôle judiciaire du décret pris le 10 décembre 2009 par la gouverneure en conseil. Ce décret était fondé sur des erreurs de droit et doit être annulé.

 

[121]       L’avocat de Globalive a avancé que, dans le cas où je rendrais une telle décision, il serait raisonnable d’en suspendre l’application pendant une certaine période de temps de façon à ce que Globalive et tout autre intéressé puissent interjeter appel ou exercer toute autre voie de recours s’offrant à eux. Je suspendrai l’application de mon jugement pour une période de quarante‑cinq (45) jours.

 

DÉPENS

[122]       J’ai demandé aux parties de présenter des observations quant aux dépens liés à l’instruction. Après discussion, il a été décidé que ces observations seraient présentées après le prononcé des présents motifs. J’invite donc les avocats à fournir des observations écrites quant aux dépens, tant en ce qui concerne leur répartition que leur montant. Les observations doivent avoir au plus trois (3) pages et être présentées dans les 30 jours après la communication des présents motifs.

 

[123]       Aucuns dépens ne seront adjugés en faveur des intervenants ou contre eux.


JUGEMENT

 

POUR LES MOTIFS EXPOSÉS, LA COUR STATUE :

 

1.         La demande est accueillie;

2.         Le décret C.P. 2009‑2008 du 10 décembre 2010 pris par la gouverneure en conseil est infirmé parce qu’il était fondé sur des considérations juridiques étrangères à la Loi sur les télécommunications, L.C. 1993, ch. 38;

3.         Le décret de la gouverneure en conseil mentionné ci­dessus est annulé;

4.         L’application des paragraphes 2 et 3 du présent jugement est suspendue pour une période de quarante‑cinq (45) jours après la communication des présents motifs et jugement;

5.                  Aucuns dépens ne sont adjugés en faveur des intervenants ou contre eux;

6.                  Les avocats des parties doivent fournir des observations écrites sur les dépens, tant en ce qui concerne leur répartition que leur montant. Les observations doivent avoir au plus trois (3) pages et être présentées dans les trente (30) jours après la communication des présents motifs et jugement.

 

« Roger T. Hughes »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Jean-François Martin, LL.B., M.A.Trad.jur.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-26-10

 

INTITULÉ :                                       PUBLIC MOBILE INC., (demanderesse)

                                                            c.

                                                            PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, GLOVALIVE WIRELESS MANAGEMENT CORP., BELL CANADA, ROGERS COMMUNICATIONS INCL, SHAW COMMUNICATIONS INCL AND TELUS COMMUNICATIONS COMPANY, (défendeurs)

                                                            c.

                                                            ALLIANCE OF CANADIAN CINEMA, SYNDICAT CANADIEN DES COMMUNICATIONS, DE L’ÉNERGIE ET DU PAPIER ET FRIENDS OF CANADIAN BROADCASTING (Intervenants)   

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

 

DATES DE L’AUDIENCE :             Les 19 et 20 janvier 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE HUGHES

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 4 février, 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

John B. Laskin

Torys LLP, Toronto (Ontario)

 

Michael H. Ryan

Arnold & Porter LLP, Londres, Angleterre

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Robert MacKinnon

Alexander Gay

POUR LE DÉFENDEUR,

Procureur général du Canada

 

Thomas G. Heintzman c.r.

Malcolm M. Mercer

Anna Matas

 

POUR LA DÉFENDERESSE,

Globalive Wireless Management Corp.

 

 

 

Kenneth Jull

Stephen Schmidt

POUR LA DÉFENDERESSE,

Telus Communications Company

 

Steven Shrybman

POUR LES INTERVENANTS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Dougald E. Brown

Nelligan O’Brien Payne LLP

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR,

Procureur général du Canada

McCarthy Tetrault LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE,

Globalive Wireless Management Corp.

Stephen Schmidt

Chief Regulatory Legal Counsel

Telus Communications Company

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE,

Telus Communications Company

Sack Goldblatt Mitchell LLP

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES INTERVENANTS

 

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