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Date : 20110128

Dossier : T‑1073‑10

Référence : 2011 CF 46

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 28 janvier 2011

En présence de monsieur le juge Mosley

 

 

ENTRE :

 

TINGMEI HAO

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La question qui se pose dans la présente affaire est celle de savoir si un juge de la citoyenneté a commis, dans son examen d’une demande de citoyenneté canadienne, une erreur en appliquant l’un des divers critères visant à déterminer les exigences en matière de résidence antérieurement approuvés par notre Cour. Dernièrement, certains juges de notre Cour ont adopté le point de vue qu’un seul de ces critères devait avoir préséance, ce qui permettrait d’éviter le manque d’uniformité dans l’application de la loi. Lappel de la décision d’un juge de la citoyenneté devrait‑il être accueilli lorsque le juge choisit d’appliquer un critère plutôt qu’un autre et que la décision n’est pas autrement déraisonnable?

 

CONTEXTE

 

[2]               Il s’agit en l’espèce d’un appel interjeté en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C‑29, à l’encontre de la décision, en date du 18 mai 2010, par laquelle le juge de la citoyenneté Robert D. Watt a rejeté la demande de citoyenneté de la demanderesse. De tels appels sont interjetés au moyen d’une demande fondée sur le dossier soumis au juge de la citoyenneté et sont régis par les Règles des Cours fédérales relatives aux les demandes : alinéa 300c); Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Wang, 2009 CF 1290, Imm. L.R. (3d) 184. Les décisions de notre Cour à l’égard de tels appels sont définitives. Si l’affaire n’est pas renvoyée pour qu’une nouvelle décision soit rendue, le demandeur débouté qui répond aux critères prévus par la loi peut toutefois présenter une nouvelle demande.

 

[3]               La demanderesse, une citoyenne de la Chine, est arrivée au Canada avec ses parents en tant que résidente permanente le 3 février 2003; elle était alors âgée de 13 ans. Durant les six années suivantes, elle s’est absentée à plusieurs reprises du Canada pendant des périodes prolongées, la première de ces absences ayant eu lieu 17 jours à peine après son arrivée. Durant ses absences, la demanderesse a visité des membres de sa famille et a fréquenté l’école secondaire en Chine. Elle a étudié dans une école secondaire à Vancouver, en Colombie‑Britannique, de septembre 2004 à octobre 2006, où elle y a fait sa 10e et sa 11e année. Pendant la majeure partie de 2007, la demanderesse se trouvait en Chine. Pendant cette période, elle a terminé ses études secondaires dans sa ville natale, Tianjin. De retour au Canada, elle a poursuivi ses études postsecondaires et a présenté une demande de citoyenneté le 3 janvier 2009. Une audience a eu lieu devant le juge de la citoyenneté le 31 mars 2010. La demanderesse a été informée de la décision et des motifs du juge dans une lettre datée du 18 mai 2010.

 

DÉCISION FAISANT L’OBJET DE L’APPEL

 

[4]               Le juge de la citoyenneté a utilisé la période du 3 janvier 2005 au 3 janvier 2009 pour calculer la durée de la résidence de la demanderesse au Canada.

 

[5]               Le juge de la citoyenneté a fait remarquer qu’il s’était appuyé sur l’approche analytique préconisée par le juge Francis Muldoon dans Re Pourghasemi (1993), 62 F.T.R. 122, 19 Imm. L.R. (2d) 259 : il fallait que le candidat à la citoyenneté établisse qu’il avait été physiquement présent au Canada 1 095 jours au cours de la période de quatre ans ayant précédé sa demande de citoyenneté.

 

[6]               Selon le juge de la citoyenneté, la demande démontrait une présence au Canada de 972 jours, soit 123 jours de moins que les 1 095 jours requis, lesquels correspondent à trois des quatre années précédentes. Il a conclu que les fréquents voyages de la demanderesse en Chine pour visiter sa famille, y compris un grand‑père en phase terminale, ou pour entreprendre ou terminer des études secondaires l’ont empêchée de respecter l’exigence minimale en matière de présence physique au Canada. Il a par conséquent conclu que Mme Hao n’avait pas satisfait aux exigences relatives à l’attribution de la citoyenneté énoncées à l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté.

 

[7]               Le juge de la citoyenneté Watt a estimé que l’objet de l’alinéa 5(1)c), comme il a été expliqué dans l’arrêt Pourghasemi, est de faire en sorte que les personnes qui demandent la citoyenneté « se canadianisent » en « côtoyant » des Canadiens dans les activités courantes de la vie quotidienne. En étant présente au Canada pendant cette période, le candidat à la citoyenneté peut observer la société canadienne et ses valeurs et s’y accoutumer. En fait, le défaut d’avoir ce bagage d’expériences pourrait permettre à quelqu’un « qui est encore un étranger pour ce qui est de son vécu, de son degré d’adaptation sociale, et souvent de sa pensée et de sa conception des choses » de se voir accorder la citoyenneté.

 

[8]               Se fondant sur les renseignements qui lui ont été fournis, le juge de la citoyenneté a également conclu qu’il ne s’agissait pas d’une affaire qui justifie une recommandation en faveur de l’exercice du pouvoir discrétionnaire d’accorder la citoyenneté prévu aux paragraphes 5(4) et 15(1) de la Loi. À son avis, il n’existait pas une [traduction] « situation particulière et inhabituelle de détresse ou de services exceptionnels rendus au Canada » justifiant une telle recommandation. Cette conclusion discrétionnaire n’a pas été contestée dans le cadre de la présente demande.

 

QUESTION EN LITIGE

 

[9]               Comme nous l’avons indiqué précédemment, outre la question des dépens, la seule question en litige dans la présente demande est la suivante :

Existe‑t‑il un seul critère approprié devant être appliqué par le juge de la citoyenneté pour déterminer si la demanderesse satisfait à l’exigence en matière de résidence prévue à l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté?

 

 

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

 

 

[10]           L’alinéa 5(1)c) établit la méthode de calcul de la durée de résidence pour les résidents permanents cherchant à obtenir la citoyenneté, mais ne définit pas le terme :

Attribution de la citoyenneté

Grant of citizenship

 

5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

 

5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

[…]

 

[…]

c) est un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande,

résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :

 

(c) is a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his or her application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

 

(i) un demi‑jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,

 

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one‑half of a day of residence, and

 

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence

 

 

 

ANALYSE

 

[11]           Les parties s’accordent pour dire que la norme générale de contrôle qui doit être appliquée dans le cadre d’un appel d’une décision en matière de citoyenneté est celle de la décision raisonnable. Pour l’essentiel, la jurisprudence de la Cour fédérale, tant avant qu’après l’arrêt de la Cour suprême du Canada Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, appuie cette conclusion. Voir par exemple : Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 85, par. 6; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Ryan, 2009 CF 1159, par. 13 à 16.

 

[12]           Le juge James Russell a décrit le consensus auquel est arrivée la Cour fédérale dans Pourzand c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 395, 71 Imm. L.R. (3d) 289, aux paragraphes 19 et 20 :

 

[19]           Il est de jurisprudence constante, à la Cour fédérale, que la norme de contrôle applicable en ce qui concerne les décisions des juges de la citoyenneté sur la question de savoir si les demandeurs respectent ou non l’obligation de résidence, laquelle est une question mixte de fait et de droit, est la norme de la décision raisonnable simpliciter (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Chang, 2003 CF 1472; Rizvi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1641; Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 85; Zhao c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1536). Vu l’arrêt récent Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir], dans lequel la Cour suprême du Canada a fondu la norme de la décision raisonnable simpliciter et la norme de la décision manifestement déraisonnable en une seule norme, celle de la décision raisonnable, j’estime que la norme de contrôle applicable à la conclusion tirée en l’espèce par la juge de la citoyenneté sur la question de savoir si la demanderesse satisfaisait ou non l’obligation en matière de résidence est celle de la décision raisonnable.

 

 

 

[20]           Pour ce qui est des erreurs factuelles reprochées, notre Cour a jugé, dans plusieurs décisions antérieures à l’arrêt Dunsmuir, qu’il convenait d’appliquer la norme de la décision manifestement déraisonnable aux conclusions de fait tirées par un juge de la citoyenneté. Il y a lieu de faire preuve d’un degré élevé de retenue à l’égard des conclusions de fait des juges de la citoyenneté, car ils ont accès aux documents originaux et ont la possibilité de discuter des faits pertinents avec les demandeurs. Ainsi, si j’applique le critère de l’arrêt Dunsmuir, je conclus que c’est également le critère de la décision raisonnable qui s’applique au contrôle de ces conclusions. Je constate toutefois que, même si la norme de la décision manifestement déraisonnable avait été appliquée en l’espèce au contrôle des conclusions de fait de la juge de la citoyenneté, mes conclusions auraient été les mêmes.

 

 

[13]           Il y a toujours eu, et qu’il continue d’y avoir, un consensus général selon lequel la norme de contrôle applicable à une décision en matière de citoyenneté est la norme de la décision raisonnable, mais les juges de notre Cour ne s’entendent pas sur la façon dont l’obligation de résidence devrait être interprétée. Cette mésentente découle du fait que les Règles des Cours fédérales (les Règles) exigeaient auparavant que ces appels soient entendus de novo plutôt qu’au moyen d’une demande. Ainsi, avant les modifications des Règles, un juge de la Cour qui entendait un appel d’une décision d’un juge de la citoyenneté était tenu de rendre une nouvelle décision sur la question de savoir si le demandeur avait satisfait aux exigences prévues par la loi. Ce faisant, la Cour devait déterminer ce que signifiait le terme « résidence » (« résident ») de l’alinéa 5(1)c) de la Loi. En raison des changements apportés aux Règles, qui exigent dorénavant de traiter ces appels comme des demandes, il faut, pour pouvoir annuler une décision d’un juge de la citoyenneté, que la Cour conclue qu’il y a une erreur susceptible de révision : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Tovbin (2000), 10 Imm. L.R. (3d) 306, 190 F.T.R. 102.

 

[14]           L’interprétation de l’obligation de résidence, que l’on peut décrire comme étant l’exigence la plus généreuse envers un demandeur qui n’a pas été physiquement présent au Canada pendant trois des quatre années précédant la demande, est celle donnée dans la décision du juge en chef adjoint Arthur Thurlow (Re) Papadogiorgakis, [1978] 2 C.F. 208. Dans cette décision, il a été statué que la personne qui a établi son foyer au Canada peut quitter le pays pour des périodes de temps prolongées et continuer d’être considérée comme un résident du Canada. Selon le juge en chef adjoint Thurlow, la question à trancher est celle de savoir si la personne a centralisé son mode de vie au Canada grâce à ses relations sociales et autres intérêts. C’est la qualité de l’attachement au Canada, plutôt que le nombre de jours qui y ont été passés, qui est importante pour ceux qui souscrivent à ce point de vue.

 

[15]           On retrouve une interprétation plus étroite de la loi dans les décisions du juge Muldoon (Re) Pourghasemi, précitée, et (Re) Harry (1998), 144 F.T.R. 141, 77 A.C.W.S. (3d) 933. Selon le juge Muldoon, le libellé de la Loi est clair et exige une présence physique au Canada pendant trois des quatre années précédant la demande. Le juge Muldoon croyait fermement que la Cour ne devait pas adopter une interprétation incompatible avec le texte clair de la loi dans le but de répondre aux besoins de demandeurs qui n’étaient pas prêts à passer trois des quatre années au Canada avant de demander la citoyenneté.

 

[16]           Une position que l’on peut qualifier de mitoyenne est celle que l’on retrouve dans l’analyse de la juge Barbara Reed dans (Re) Koo (1992), 59 F.T.R. 27, 19 Imm. L.R. (2d) 1. La juge Reed a souscrit au point de vue du juge en chef adjoint Thurlow dans Papadogiorgakis selon lequel les personnes peuvent avoir centralisé leur mode de vie au Canada sans avoir été physiquement présentes pendant trois des quatre années visées. La juge Reed dresse une liste non limitative de six questions servant à déterminer si la personne a vécu régulièrement, normalement ou habituellement au Canada au cours de trois des quatre années précédentes

 

[17]           Le « critère du mode d’existence centralisé », dont le respect est évalué par les six questions de la juge Reed, est devenu la norme que les juges de la citoyenneté préfèrent utiliser pour déterminer si un demandeur a satisfait à l’obligation de résidence. Le juge James O’Reilly a décrit ce critère dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Nandre, 2003 CFPI 650, 234 F.T.R. 245, au paragraphe 21, comme étant un critère qualitatif qui doit être appliqué lorsqu’une personne ne satisfait pas au critère de la présence physique. À son avis, les liens de la personne avec le Canada devraient être très forts pour que les absences soient considérées comme des périodes de résidence continue.

 

[18]           Cette appréciation qualitative semble avoir été préconisée par le ministre puisqu’il fournit, entre autres choses, des formules normalisées aux juges de la citoyenneté, lesquelles font des six questions énoncées dans Koo des facteurs devant être pris en compte pour prendre une décision quant à la résidence.

 

[19]           Bien que l’on dise parfois qu’il existe trois critères en matière de résidence, en réalité, il n’y en a que deux : la présence physique rigoureuse ou la résidence, établie selon les facteurs qualitatifs de Koo.

 

[20]           Malgré la dominance du critère énoncé dans Koo et du changement dans la manière dont ces appels sont entendus, le recours à la norme de la présence physique pour déterminer la résidence continue d’être accepté par notre Cour. Le juge Allan Lutfy (maintenant juge en chef) s’est penché sur cette question après que les Règles de la Cour eurent être changées pour que ces appels soient traités comme des demandes plutôt que comme des audiences de novo. Dans Lam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 164 F.T.R. 177, 87 A.C.W.S. (3d) 432, le juge Lutfy a statué que le juge de la citoyenneté peut adhérer à l’une ou l’autre des interprétations contradictoires représentées par le critère énoncé dans Koo ou par Pourghasemi, pourvu qu’il applique correctement aux faits de la cause les principes de l’approche qu’il privilégie.

 

[21]           Au moment où la décision Lam a été rendue, le Parlement était saisi de propositions législatives visant à modifier la Loi sur la citoyenneté, le projet de loi C‑63. S’il avait été adopté selon la forme déposée, ce projet de loi aurait expressément exigé que le critère de la présence physique serve à déterminer la résidence. Le juge Lutfy estimait que le conflit jurisprudentiel serait probablement résolu par l’adoption du projet de loi C‑63. Dans l’intervalle, selon son raisonnement, il n’était pas approprié pour les juges en appel de substituer leurs différentes conceptions de l’obligation de résidence à celles des juges de la citoyenneté. Il a jugé qu’il convenait de faire preuve de retenue envers les connaissances et l’expérience particulières du juge de la citoyenneté, particulièrement « durant la période de transition », c’est‑à‑dire jusqu’à ce que les modifications proposées soient adoptées par le Parlement.  

 

[22]           En fin de compte, le projet de loi C‑63 n’a pas été adopté. Des propositions similaires ont toutefois à nouveau été déposées devant le Parlement dans le projet de loi C‑37, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté (2010), présenté le 10 juin 2010. Le projet de loi C‑37 était toujours à l’étape de la première lecture en date des présentes.

 

[23]           La Cour a jusqu’à récemment suivi de façon constante la position énoncée dans Lam. Voir à titre d’exemple : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Wall, 2005 CF 110, 45 Imm. L.R. (3d) 32; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Zhou, 2008 CF 939; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Ntilivamunda, 2008 CF 1081; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Jeizan, 2010 CF 323.

 

[24]           La décision concernant la résidence prise par les juges de la citoyenneté suppose une analyse en deux étapes. Il faut d’abord se demander si la résidence au Canada a été établie; si ce n’est pas le cas, l’analyse s’arrête là. Si ce critère est respecté, la deuxième étape consiste à décider si la résidence du demandeur en question satisfait ou non au nombre total de jours requis par la loi. Les juges de la citoyenneté ont encore la faculté de choisir entre les deux courants jurisprudentiels énoncés respectivement dans Pourghasemi et Papadogiorgakis/Koo pour prendre cette décision, pourvu qu’ils appliquent raisonnablement l’interprétation de la loi qu’ils privilégient aux faits de la demande dont ils sont saisis.

 

[25]           Je remarque que la Cour a exprimé son inquiétude au regard de cette situation. En effet, le juge Muldoon a reconnu que les interprétations contradictoires de l’obligation de résidence avaient créé ce qu’il a décrit au paragraphe 22 de Harry comme une « incertitude scandaleuse en droit ». Dans Lin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 346, 21 Imm. L.R. (3d) 104, au paragraphe 19, la juge Eleanor Dawson (maintenant juge de la Cour d’appel fédérale) a jugé bon de faire l’observation qu’« [i]l ne peut y avoir plus d’une interprétation correcte de l’alinéa 5(1)c) ». Elle reprenait les commentaires du juge Marc Nadon (qui était alors juge de la Cour fédérale) dans Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 1229, 17 Imm. L.R. (3d) 222, selon lesquels « la proposition avancée dans l’arrêt Lam, précité, ne permettra pas d’obtenir des résultats justes et équitables ». La juge Dawson a ajouté au paragraphe 21 que « [s]eul le Parlement peut remédier à cette situation en exprimant clairement sa volonté concernant l’exigence de la résidence ».

 

[26]           Entretemps, étant donné l’absence de mesures législatives, le statu quo à cet égard a récemment été remis en question.

 

[27]           Dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Takla, 2009 CF 1120, 359 F.T.R. 248, le juge Robert Mainville (maintenant juge de la Cour d’appel fédérale) a effectué une analyse approfondie de la jurisprudence relative à la norme qui devrait être appliquée dans un appel d’une décision d’un juge de la citoyenneté. Il a conclu, aux paragraphes 38 et 39 de ses motifs, que les caractéristiques propres à la norme de la décision raisonnable étaient particulièrement applicables dans le contexte de l’affaire, mais la Cour ne devait faire preuve que d’une déférence restreinte à l’égard de la décision d’un juge de la citoyenneté concernant la détermination du respect de l’obligation de résidence. Le juge Mainville a estimé qu’il était désormais approprié de fixer une interprétation unique de l’alinéa 5(1)c), et que le critère de la centralisation du mode de vie au Canada établi dans la décision Koo, précitée, et les six questions qui y sont énoncées aux fins d’analyse devraient devenir l’unique critère de résidence.

 

[28]           Dans les commentaires figurant aux paragraphes 41 et 47 de ses motifs dans Takla, le juge Mainville indique que, selon le libellé clair de la loi, il préférerait qu’on applique le critère de la présence physique conformément à l’interprétation préconisée dans Pourghasemi. Je suis d’accord avec le juge Mainville que cette interprétation semble correspondre à l’intention du législateur lorsqu’il a adopté l’alinéa 5(1)c), qui indique que la personne qui présente une demande n’est pas tenue de résider réellement au Canada pendant l’une des quatre années précédant cette demande. On peut raisonnablement inférer à la suite de la lecture de la Loi dans son ensemble que le législateur estimait qu’une période d’absence d’un an était suffisante pour répondre aux besoins d’un demandeur qui est en train d’établir sa résidence au Canada.

 

[29]           Malgré sa lecture de la loi, le juge Mainville a estimé nécessaire de résoudre, en faveur du critère établi dans Koo, la divergence d’opinions persistante quant à l’interprétation correcte à donner à la loi. Le juge Mainville a expliqué sa position par le fait que le critère établi dans Koo était celui que les tribunaux privilégiaient et qu’il était préférable de favoriser une approche uniforme à l’interprétation et à l’application du libellé de la loi. À l’appui de cette dernière conclusion, le juge Mainville a cité Procureur général du Canada c. Mowat, 2009 CAF 309, 312 D.L.R. (4th) 294, demande de pourvoi devant la Cour suprême du Canada mise en délibéré (13 décembre 2010) [2009] C.S.C.R. n545 (QL).

 

[30]           L’arrêt Mowat est l’une des nombreuses affaires dans lesquelles a été abordée la question de l’uniformité des décisions des tribunaux administratifs dans la foulée de l’arrêt Dunsmuir, précité, de la Cour suprême du Canada.

 

[31]           Avant Dunsmuir, le point de vue prédominant dans la jurisprudence semblait être que lorsque la norme de révision n’était pas celle de la décision correcte, les tribunaux ne devaient pas intervenir pour résoudre le manque d’uniformité dans l’interprétation par un tribunal administratif de sa loi constitutive. L’absence d’unanimité était considérée comme le prix à payer pour la liberté et l’indépendance décisionnelles accordées aux membres des tribunaux : Domtar Inc. c. Québec (Commission d’appel en matière de lésions professionnelles), [1993] 2 R.C.S. 756, par. 94; Essex County Roman Catholic Board c. Ontario English Catholic Teachers’ Association (2001), 56 O.R. (3d) 85, par. 29 et 30 (C.A.); National Steel Car Ltd. c. United Steelworkers of America, Local 7135 (2006), 278 D.L.R. (4th) 345, 218 O.A.C. 207, par. 31 (C.A.); Hydro Ottawa Ltd. c. I.B.E.W., Local 636 (2007), 85 O.R. (3d) 727, par. 59 (C.A.); Ottawa Police Assn. c. Ottawa Police Services Board (2008), 233 O.A.C. 51, par. 30.

 

[32]           Cette approche a été précisée : il a été décidé qu’il était justifié d’intervenir judiciairement dans les cas où des conflits opérationnels rendent impossible le respect des décisions incompatibles : British Columbia Telephone Co. c. Shaw Cable Systems (B.C.) Ltd., [1995] 2 R.C.S. 739, par. 53; Chapman c. Canada (Ministre du Revenu national), 2002 CFPI 655, 221 F.T.R. 126.

 

[33]           Depuis Dunsmuir, de nombreux tribunaux ont laissé entendre, en ce qui concerne l’application de la norme de la décision raisonnable, qu’il conviendrait de privilégier une approche différente pour déterminer s’il est nécessaire de faire preuve de retenue envers les décisions des tribunaux administratifs qui interprètent différemment les principes juridiques applicables. Dans Abdoulrab c. Ontario (Labour Relations Board), 2009 ONCA 491, 95 Admin. L.R. (4th) 121, au paragraphe 48, la décision ne reposait pas sur cette question, mais le juge Russell Juriansz de la Cour d’appel de l’Ontario a fait les remarques suivantes :

[traduction] D’un point de vue logique, il est difficile d’accepter que deux interprétations véritablement contradictoires d’une même disposition législative puissent être jugées toutes deux raisonnables. Si deux interprétations d’une même disposition législative sont véritablement contradictoires, il est difficile de considérer qu’elles appartiennent toutes deux aux issues possibles acceptables. Plus important encore, il paraît contraire à la primauté du droit que deux interprétations contradictoires de la même disposition d’une loi d’intérêt public, qui régit la vie des citoyens, puissent être jugées toutes deux raisonnables.

 

 

[34]           La juge Kathryn Feldman de la même cour a tenu des propos similaires dans Taub c. Investment Dealers Association of Canada, 2009 ONCA 628, 311 D.L.R. (4th) 389. Elle déclare, au paragraphe 67 :

[traduction] Je suis d’accord avec le juge Juriansz pour dire qu’il est conforme à la primauté du droit qu’une loi d’intérêt public qui s’applique également à tous les citoyens concernés devrait recevoir la même interprétation universellement admise. Il s’ensuit que si un tribunal établi par une loi interprète sa loi constitutive comme une question de droit, le fait qu’en appel ou dans le cadre d’un contrôle judiciaire la norme de révision soit celle de la décision raisonnable ne change pas la valeur de précédent de la décision à l’égard du tribunal. Le fait qu’une cour a eu l’occasion de déclarer que la décision était correcte conformément aux principes judiciairement applicables ne devrait pas avoir d’incidence sur le précédent établi par la décision. Comme dans Abdoulrab, il n’est pas nécessaire de trancher la question en l’espèce.

 

[35]           La juge Feldman a décrit l’évolution du concept de retenue judiciaire de la manière suivante dans Taub, au paragraphe 24 de ses motifs :

[traduction] On a dit que lorsque la norme de contrôle n’est pas correcte, sur des questions relevant de son expertise, le tribunal administratif a « droit à l’erreur » : voir par exemple Air Canada c. International Assn. of Machinists and Aerospace Workers, [1978] O.J. no 1053 (C. div.), par. 11. À mon avis, Dunsmuir a fait clairement ressortir que, si cela a déjà été vrai, ce n’est plus le cas maintenant. Lorsqu’une question est susceptible de révision selon la norme de la décision raisonnable, si elle est jugée déraisonnable, elle sera de ce fait erronée dans presque tous les cas. Si une certaine déférence est de mise à l’égard d’une décision en raison du processus par lequel elle a été rendue et que la conclusion est raisonnable, elle ne sera pas erronée. Comme je l’ai indiqué précédemment, le concept de déférence en droit administratif ne correspond pas à la déférence envers l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire quasi judiciaire, mais est plutôt lié au respect d’un décideur expérimenté possédant une expertise particulière qui s’est engagé dans un processus et qui est parvenu à un résultat qui, selon ce qui a été démontré, justifie cette déférence.

 

 

[36]           Ces observations de Abdoulrab et Taub ont été citées et approuvées par la Cour d’appel fédérale dans Mowat. Cet arrêt portait sur la conclusion à laquelle est parvenu le Tribunal canadien des droits de la personne selon laquelle il avait le pouvoir d’adjuger des dépens à un plaignant ayant eu gain de cause. La question n’avait pas reçu une réponse cohérente du Tribunal et la jurisprudence de la Cour fédérale était partagée. La Cour d’appel fédérale a conclu, aux paragraphes 47 à 51, que le juge de première instance avait commis une erreur en choisissant la norme de contrôle de la décision raisonnable. En raison du mandat du Tribunal en matière d’intérêt public et de la nature d’intérêt public de la loi, il s’agissait à la fois d’une question générale de droit d’une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et d’une question étrangère au domaine d’expertise du Tribunal. Par conséquent, la norme de contrôle applicable était celle de la décision correcte. Appliquant cette norme et les principes d’interprétation législative généralement reconnus, la Cour d’appel fédérale a statué que la Loi canadienne sur les droits de la personne ne donnait pas au Tribunal le pouvoir d’adjuger des dépens.

 

[37]           Au paragraphe 45 de Mowat, reprenant les observations des arrêts de la Cour d’appel de l’Ontario reproduites ci‑dessus, la juge Carolyn Layden‑Stevenson fait remarquer au nom de la Cour :

On peut très pertinemment dire que lorsqu’il existe deux courants jurisprudentiels divergents dans l’interprétation de la même disposition législative – même si chacun pourrait en soi être considéré raisonnable – un tribunal ne saurait raisonnablement les confirmer tous les deux […]

 

Mais Mowat n’a pas été tranché sur ce fondement. La Cour d’appel fédérale, appliquant la norme de la décision correcte, a conclu que le Tribunal avait commis une erreur dans son interprétation de sa loi constitutive. Comme l’a fait remarquer la juge Layden‑Stevenson au paragraphe 97, citant ATCO Gas and Pipelines Ltd. c. Alberta (Energy and Utilities Board), [2006] 1 R.C.S. 140, au paragraphe 51, « il incombe à la Cour de déterminer l’intention du législateur et d’y donner effet sans franchir la ligne qui sépare l’interprétation judiciaire de la formulation législative ».

 

[38]           En l’espèce, on n’a pas fait valoir que l’interprétation de la disposition législative par le juge de la citoyenneté exige l’application de la norme de la décision correcte et une conclusion suivant laquelle l’interprétation du juge de la citoyenneté est erronée en droit. En effet, il aurait été difficile pour la demanderesse d’affirmer de telles choses, compte tenu des remarques du juge Mainville dans Takla et celles de plusieurs autres juges de notre Cour selon lesquelles le libellé clair de la loi appuie l’interprétation de la présence physique.

 

[39]           J’aurais eu de la difficulté à conclure que la question en litige en est une de droit général d’une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et étrangère au domaine d’expertise du Tribunal : arrêt Dunsmuir, précité, par. 60. À mon avis, l’expertise d’un tribunal combinée à une question de droit relevant de son champ d’expertise prévu devrait appeler la déférence, même en présence d’un droit d’appel prévu par la loi.

 

[40]           Il a été allégué en l’espèce qu’il existe plusieurs considérations en faveur d’une conclusion suivant laquelle la décision était déraisonnable, dont le fait que la transition mentionnée dans la décision Lam, précitée, n’a pas eu lieu, car le législateur a omis de traiter la question et il n’est plus raisonnable d’adhérer à une interprétation stricte. De plus, les interprétations non uniformes de la condition de résidence utilisées par les juges de la citoyenneté provoquent de l’incertitude dans la façon dont le droit sera appliqué à un demandeur donné.

 

[41]           Je conviens qu’il s’agit de considérations importantes et que le raisonnement dans les observations incidentes des arrêts Abdoulrab, Taub et Mowat, précités, est convaincant. Il est préférable d’un point de vue du droit administratif que l’interprétation des dispositions d’une loi qui régit les intérêts des personnes soit uniforme. Cependant, est‑ce à la Cour ou au législateur qu’il appartient de résoudre cette question?

 

[42]           Le raisonnement dans Takla voulant que le critère établi dans Koo soit l’unique norme applicable a été endossé dans plusieurs décisions subséquentes de notre Cour : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Elzubair, 2010 CF 298; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Cobos, 2010 CF 903; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Salim, 2010 CF 975; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Emmanuel Manas, 2010 CF 1056; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Abou‑Zahra, 2010 CF 1073; Dedaj c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 777; Ghaedi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 85.

 

[43]           L’interprétation de la présence physique avait été appliquée par les juges de la citoyenneté dans Manas, Dedaj et Ghaedi. Dans Manas et Dedaj, cette interprétation a été jugée déraisonnable. Dans Ghaedi, le juge Robert Barnes a contrôlé la décision selon la norme de la décision correcte. Dans Cobos, tout comme dans Takla, le juge de la citoyenneté avait appliqué le cadre d’analyse de Koo. La question déterminante à trancher était de savoir si on avait répondu aux questions de façon raisonnable. Dans Elzubair, Salim et Abou‑Zahra, les motifs des juges de la citoyenneté n’indiquaient pas clairement quel critère ils avaient privilégié. 

 

[44]           Dans Dachan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 538, le juge Luc Martineau a pris bonne note de Takla et Elzubair sans tirer de conclusion quant à savoir si la Cour fédérale devait privilégier un critère plutôt que l’autre. Ni l’une ni l’autre des parties n’avait soulevé la question de savoir si une seule et unique approche regroupée et contextuelle devait être adoptée. Dans Dachan, il fallait décider si la conclusion de fait selon laquelle la demanderesse n’avait pas établi sa présence au Canada pendant la période minimale de 1 095 jours était raisonnable.

 

[45]           Dans Sarvarian c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1117, le juge Yvon Pinard a pris acte de l’existence de décisions dans lesquelles il avait été statué que la présence physique pendant la totalité des 1 095 jours n’était pas requise. À son avis, la présence réelle au Canada demeure le facteur le plus pertinent et crucial dont il faut tenir compte pour déterminer si une personne était un « résident » au Canada au sens de la disposition. Toujours selon lui, permettre une absence supérieure à un an va à l’encontre de l’esprit de la Loi. Par conséquent, le juge Pinard a rejeté l’appel interjeté de la décision du juge de la citoyenneté, qui appliquait l’interprétation préconisée dans Pourghasemi.

 

[46]           Dans une autre décision, Shubeilat c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1260, le juge Michel Shore a souscrit au point de vue qui veut qu’il appartienne au juge de la citoyenneté de décider du critère approprié à appliquer, lequel peut être le critère strict de la présence physique établi dans Pourghasemi. Le juge Shore a confirmé le caractère raisonnable de la conclusion du juge de la citoyenneté suivant laquelle la demanderesse n’avait pas été physiquement présente au Canada pendant les 1 095 jours requis.

 

[47]           Dans Cardin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 29, au paragraphe 18, la juge Anne Mactavish a également confirmé le pouvoir discrétionnaire qu’ont les juges de la citoyenneté d’appliquer les autres critères. Compte tenu des circonstances particulières de la cause, elle a toutefois conclu qu’il était déraisonnable de la part du juge de la citoyenneté d’appliquer la norme de la présence physique, car le demandeur avait déjà développé des liens profonds et durables avec le Canada. La juge Mactavish a souscrit à l’opinion exprimée par la juge Dawson dans la décision Lin, précitée, à savoir qu’il s’agit d’un domaine qui a un criant besoin de réforme législative.

 

[48]           Je suis incapable de conclure que la décision sous‑jacente dans la présente affaire était déraisonnable. Il ressort clairement du dossier que le juge de la citoyenneté a attentivement examiné les faits de la demande. Les notes contenues au dossier indiquent clairement qu’il a pris soin d’interroger la demanderesse pour comprendre son attachement au Canada et les raisons de ses absences au cours des quatre années ayant précédé sa demande. Il a rédigé des motifs détaillés pour la décision qui répondent à la norme de suffisance. Mis à part la préférence de la demanderesse pour une interprétation de la condition de résidence qui est plus favorable à sa situation personnelle, le bien‑fondé de la décision n’a pas été contesté. En outre, il ne s’agit pas d’un cas où je conclurais que la résidence avait été établie eu égard à des circonstances factuelles particulières et que l’application du critère de la présence physique était déraisonnable, comme dans la décision Cardin, précitée.

 

[49]           Au nom de la courtoisie judiciaire, j’ai examiné la question de savoir si je devais suivre l’analyse de mes collègues qui sont en faveur du critère établi dans Koo. Selon le principe de la courtoisie judiciaire, les décisions de la Cour doivent concorder les unes avec les autres, de manière à assurer aux parties en litige une certaine prévisibilité : Abbott Laboratories c. Canada (Ministre de la Santé), 2006 CF 120, infirmée en appel pour d’autres motifs : 2007 CAF 73, 361 N.R. 90. Je note que, dans la décision Ghaedi, précitée, le juge Barnes a refusé d’appliquer le principe au contexte de l’espèce, quoique en référence au courant jurisprudentiel établi dans Lam.

 

[50]           Je conviens qu’une uniformité du critère à appliquer pour déterminer la résidence serait préférable, mais plusieurs juges de notre Cour, y compris moi‑même, ont conclu que, si l’on se fie au texte de la loi, l’interprétation de la résidence physique est appropriée. En outre, la Cour a pendant plus de onze ans traité avec déférence les décisions des juges de la citoyenneté de privilégier cette interprétation plutôt qu’une autre comme étant un exercice raisonnable de leur pouvoir discrétionnaire. Bien que l’application non uniforme de la loi soit malheureuse, on ne peut pas dire que tous les exemples de ce manque d’uniformité dans le présent contexte sont déraisonnables. Si la situation est « scandaleuse », comme l’a laissé entendre le juge Muldoon il y a de cela bon nombre d’années dans Harry, c’est au législateur que revient le rôle de corriger le problème.

 

[51]           L’appel est rejeté. Compte tenu des circonstances, bien que des dépens aient été demandés, je ne considère pas approprié d’en adjuger.


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que l’appel de la décision par laquelle un juge de la citoyenneté a rejeté la demande de citoyenneté de la demanderesse en vertu de l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C‑29, est rejeté. Il n’y aura pas d’adjudication de dépens.

 

« Richard G. Mosley »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    T‑1073‑10

 

INTITULÉ :                                                   TINGMEO HAO

 

                                                                        et

 

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                        ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 9 novembre 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :              LE JUGE MOSLEY

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 28 janvier 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Aleksander Stojicevic

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Hilla Aharon

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Maynard Kishcer Stojicevic

Avocats

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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