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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20110118

Dossier : T-1091-09

Référence : 2011 CF 58

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 18 janvier 2011

En présence de monsieur le juge Mandamin

 

 

ENTRE :

 

LE CONSEIL DU RÉGIME DE RETRAITE DES ENSEIGNANTES ET DES ENSEIGNANTS DE L’ONTARIO

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

      MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’un appel interjeté en vertu du paragraphe 56(1) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C., 1985, ch. T‑13 (la Loi). Le demandeur conteste la décision du 8 mai 2009 rendue par Mary Carman, la registraire des marques de commerce, de refuser d’enregistrer la marque de commerce « TEACHERS’ ». La registraire a conclu que la marque constitue un mot approprié sur le plan commercial pour décrire la nature intrinsèque de l’administration, de la gestion et de l’investissement d’un fonds de pension pour les enseignants, lequel mot devrait pouvoir être employé par d’autres personnes, et qu’il n’est donc pas enregistrable du fait qu’il contrevient à l’alinéa 12(1)b) de la Loi.

 

[2]               Le demandeur est le Conseil du régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario (le Conseil). Comme son nom le suggère, le Conseil administre le régime de pension des enseignants de l’Ontario. Il a fait une demande pour enregistrer la marque « TEACHERS’ » (lettres majuscules, au pluriel, forme possessive). Les examinateurs de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) avaient indiqué qu’il était possible que la marque de commerce ne soit pas enregistrable du fait qu’elle donne une description ou une description fausse et trompeuse des marchandises et services du demandeur. Après plusieurs échanges de messages, la registraire a refusé d’enregistrer la marque « TEACHERS’ », au motif qu’elle n’était pas enregistrable parce qu’elle contrevenait à l’alinéa 12(1)a) de la Loi.

 

 

[3]               Le demandeur interjette appel de cette décision en soutenant que la marque ne donne pas une description claire des marchandises et des services fournis.

 

[4]               Pour les motifs exposés ci-dessous, je rejetterai l’appel.

 

Le contexte

[5]               La demande a été présentée à l’OPIC en juin 2002. Les faits et les dates ayant trait à la demande sont les suivants :

 

Dates

Faits

20 juin 2002

Le demandeur fait une demande d’enregistrement (numéro 1,144,430) de la marque de commerce « TEACHERS’ » pour les services suivants : [traduction] « Administration d’un régime de pension ainsi que gestion et investissement d’un fonds de pension pour les enseignants en Ontario. »

29 avril 2003

L’examinateur conclut que la marque n’est pas enregistrable, car elle est une description claire ou une description fausse et trompeuse aux termes de l’alinéa 12(1)b) de la Loi et il invite le demandeur à soumettre des observations.

28 août 2003

Le demandeur demande une prolongation de délai pour répondre.

8 septembre 2003

Une prolongation de délai jusqu’au 29 février 2004 est accordée.

29 février 2004

Le demandeur répond en déclarant que l’utilisation de l’apostrophe [traduction] « signifie quelque chose qui appartient à ceux qui enseignent à d’autres ».

9 novembre 2004

Le rapport de l’examinateur envoyé au demandeur conclut que la marque n’est pas enregistrable, car [traduction] « le fait de mettre un mot au pluriel ne peut pas sauver une marque de commerce non enregistrable ».

9 mars 2005

Le demandeur répond au rapport de l’examinateur au moyen d’un document de trois pages dans lequel il présente des arguments et lui demande de reconsidérer sa décision et d’accueillir la demande. Il fait valoir que le seul service décrit dans le mot « Teachers’ » est l’enseignement; ce ne sont pas là les services pour lesquels la marque est enregistrée.

19 février 2007

L’examinateur produit un nouveau rapport dans lequel il maintient l’objection, en notant que [traduction] « l’on considère qu’un Canadien moyen, à sa première impression et en liaison avec les services du demandeur, comprend facilement et d’emblée que le demandeur administre un régime de pension et fournit des services de gestion et d’investissement de fonds de pension pour les enseignants ».

19 juin 2007

Le demandeur demande une prolongation de délai jusqu’au 19 décembre 2007.

28 juin 2007

La registraire accorde la demande de prolongation de délai jusqu’au 19 décembre 2007.

6 juillet 2007

Le demandeur ne présente pas d’observation, demande à la registraire de rapidement retirer l’objection ou de refuser la demande conformément au paragraphe 37(1) de la Loi afin que le demandeur puisse interjeter appel de la décision à la Cour fédérale.

19 décembre 2007

Le demandeur réitère les demandes précédentes.

2 juin 2008

L’avocat de la défenderesse explique que le demandeur est dans un litige avec un contrefacteur de marque et fait la remarque que [traduction] « la lenteur de la réponse du Bureau des marques de commerce cause un préjudice à mon client, lequel continuera jusqu’à ce qu’il reçoive une réponse ».

6 août 2008

Le demandeur demande qu’il lui soit répondu [traduction] « dès que possible ».

8 mai 2009

La registraire maintient le point de vue selon lequel la marque de commerce n’est pas enregistrable aux termes de l’alinéa 12(1)b) de la Loi et refuse d’accorder la demande en application de l’alinéa 37(1)b) de la Loi.

23 juillet 2009

Le demandeur dépose un avis de demande (modifié) à la Cour fédérale.

 

La décision contrôlée

[6]               Le 8 mai 2009, la registraire a communiqué, dans une lettre au demandeur, sa décision définitive de rejeter la demande, en concluant ce qui suit :

[traduction]

 

Ma position est que « TEACHERS’ », vu qu’il est l’équivalent phonétique de « TEACHER », est un mot approprié sur le plan commercial pour décrire la nature intrinsèque de l’administration d’un régime de pension ainsi que de la gestion et de l’investissement d’un fonds de pension pour les enseignants, et que, par conséquent, ce mot devrait pouvoir être employé par d’autres personnes parce que les mots descriptifs sont la propriété de tous et qu’une personne ne peut pas se les approprier pour son utilisation exclusive.

 

 

[7]               La registraire s’appuie sur le principe énoncé dans General Motors Corp. c Bellows, [1949] R.C.S. 678, 10 C.P.R. 101 aux pages 112 et 113 (General Motors Corp. c Bellows):

 

[traduction]

 

La règle citée illustre le conflit reconnu depuis longtemps par les tribunaux avant qu’on légifère sur la question, soit le conflit entre l’appropriation par un commerçant d’un mot dans un champ lexicologique qui serait employé habituellement par les commerçants pour décrire des marchandises particulières, et le droit d’autres commerçants dans l’exercice normal de leurs activités d’employer les mêmes mots ou des mots semblables. Dans le domaine de la publicité, plus des marchandises sont complexes et dispendieuses, plus ceux qui les produisent cherchent de manière imaginative des mots attrayants et surprenants; cependant, en établissant les limites de la protection légale, les tribunaux doivent mettre en balance les intérêts conflictuels et éviter de désavantager de manière indue la concurrence légitime en ce qui a trait aux mots qui sont communs à tous.

 

[8]                  Je répète que la registraire a conclu que la marque de commerce pour laquelle le demandeur a présenté une demande n’était pas enregistrable aux termes de l’alinéa 12(1)b) de la Loi et a rejeté la demande en application de l’alinéa 37(1)b).

 

Les dispositions légales

[9]                  Les dispositions pertinentes de la Loi sont les articles 12, 37 et 56 :

 

12. (1) Sous réserve de l’article 13, une marque de commerce est enregistrable sauf dans l’un ou l’autre des cas suivants :

[…]

b) qu’elle soit sous forme graphique, écrite ou sonore, elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse, en langue française ou anglaise, de la nature ou de la qualité des marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée, ou à l’égard desquels on projette de l’employer, ou des conditions de leur production, ou des personnes qui les produisent, ou du lieu d’origine de ces marchandises ou services;

 

12. (1) Subject to section 13, a trade-mark is registrable if it is not

 

 

(b) whether depicted, written or sounded, either clearly descriptive or deceptively misdescriptive in the English or French language of the character or quality of the wares or services in association with which it is used or proposed to be used or of the conditions of or the persons employed in their production or of their place of origin;

 

 

37. (1) Le registraire rejette une demande d’enregistrement d’une marque de commerce s’il est convaincu que, selon le cas :

a) la demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30;

 

b) la marque de commerce n’est pas enregistrable;

 

c) le requérant n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement de la marque de commerce parce que cette marque crée de la confusion avec une autre marque de commerce en vue de l’enregistrement de laquelle une demande est pendante.

Lorsque le registraire n’est pas ainsi convaincu, il fait annoncer la demande de la manière prescrite.

 

37. (1) The Registrar shall refuse an application for the registration of a trade-mark if he is satisfied that

(a) the application does not conform to the requirements of section 30,

(b) the trade-mark is not registrable, or

 

(c) the applicant is not the person entitled to registration of the trade-mark because it is confusing with another trade-mark for the registration of which an application is pending, and where the Registrar is not so satisfied, he shall cause the application to be advertised in the manner prescribed.

 

 

56. (1) Appel de toute décision rendue par le registraire, sous le régime de la présente loi, peut être interjeté à la Cour fédérale dans les deux mois qui suivent la date où le registraire a expédié l’avis de la décision ou dans tel délai supplémentaire accordé par le tribunal, soit avant, soit après l’expiration des deux mois.

 

(2) L’appel est interjeté au moyen d’un avis d’appel produit au bureau du registraire et à la Cour fédérale.

 

 

(3) L’appelant envoie, dans le délai établi ou accordé par le paragraphe (1), par courrier recommandé, une copie de l’avis au propriétaire inscrit de toute marque de commerce que le registraire a mentionnée dans la décision sur laquelle porte la plainte et à toute autre personne qui avait droit à un avis de cette décision.

 

(4) Le tribunal peut ordonner qu’un avis public de l’audition de l’appel et des matières en litige dans cet appel soit donné de la manière qu’il juge opportune.

 

 

(5) Lors de l’appel, il peut être apporté une preuve en plus de celle qui a été fournie devant le registraire, et le tribunal peut exercer toute discrétion dont le registraire est investi.

56. (1) An appeal lies to the Federal Court from any decision of the Registrar under this Act within two months from the date on which notice of the decision was dispatched by the Registrar or within such further time as the Court may allow, either before or after the expiration of the two months.

 

 

(2) An appeal under subsection (1) shall be made by way of notice of appeal filed with the Registrar and in the Federal Court.

 

(3) The applicant shall, within the time limited or allowed by subsection (1), send a copy of the notice by registered mail to the registered owner of any trade-mark that has been referred to by the Registrar in the decision complained of and to every other person who was entitled to notice of the decision.

 

(4) The Federal Court may direct that public notice of the hearing of an appeal under subsection (1) and of the matters at issue therein be given in such manner as it deems proper.

 

(5) On an appeal under subsection (1), evidence in addition to that adduced before the Registrar may be adduced and the Federal Court may exercise any discretion vested in the Registrar.

 

                          [Non souligné dans l’original.]

 

 

Les questions en litige                                                                                     

[10]               Le demandeur soulève une question en litige. Il soutient que la registraire a commis une erreur en concluant que la marque de commerce qui faisait l’objet de la demande n’était pas enregistrable pour le motif suivant :

[traduction]

 

« TEACHERS’ », vu qu’il est l’équivalent phonétique de « TEACHER », est un mot approprié sur le plan commercial pour décrire la nature intrinsèque de l’administration d’un régime ainsi que de la gestion et de l’investissement d’un fonds pour les enseignants, et que, par conséquent, ce mot devrait pouvoir être employé par d’autres personnes parce que les mots descriptifs sont la propriété de tous et qu’une personne ne peut pas se les approprier pour son utilisation exclusive.

Analyse

La norme de contrôle

[11]              Il s’agit d’un appel fondé sur le paragraphe 56(1) de la Loi. Le paragraphe 56(5) prévoit que des éléments de preuve peuvent être présentés en plus de ceux qui ont été présentés à la registraire, et la Cour fédérale peut exercer tout pouvoir discrétionnaire conféré à la registraire.

 

[12]              Lorsque de nouveaux éléments significatifs et importants sont soumis, la Cour doit procéder comme s’il s’agissait d’une nouvelle audition. La norme de contrôle applicable aux appels dans lesquels la question en litige est la probabilité d’une confusion a été établie par la Cour suprême du Canada dans Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., 2006 CSC 22, [2006] 1 R.C.S. 772 (Mattel). Lorsque de nouveaux éléments de preuve présentés à la Cour fédérale ne sont pas jugés pertinents, il a été décidé que la norme de contrôle applicable est la décision raisonnable simpliciter. Cependant, le juge Binnie, au paragraphe 35, a noté qu’une norme de contrôle différente s’appliquait lorsque de nouveaux éléments de preuve sont présentés en appel devant la Cour fédérale :

 

Lorsqu’un nouvel élément de preuve est admis, il peut, selon sa nature, apporter un éclairage tout à fait nouveau sur le dossier dont était saisie la Commission et amener ainsi le juge des requêtes à instruire l’affaire comme s’il s’agissait d’une nouvelle audition fondée sur ce dossier élargi plutôt que comme un simple appel (Philip Morris Inc. c. Imperial Tobacco Ltd., [1987] A.C.F. no 849 (QL) (C.A.)). L’article 56 laisse croire que le législateur voulait qu’il soit procédé à un réexamen complet, non seulement des questions de droit, mais aussi des questions de fait et des questions mixtes de fait et de droit, y compris la probabilité de confusion. Voir en général Brasseries Molson c. John Labatt Ltée, [2000] 3 C.F. 145 (C.A.), par. 46‑51; Novopharm Ltd. c. Bayer Inc., [2000] A.C.F. no 1864 (QL) (C.A.F.), par. 4, et Garbo Group Inc. c. Harriet Brown & Co., [1999] A.C.F. no 1763 (QL) (1re inst.).

 

 

[13]              Dans Molson Breweries c. John Labatt Ltd., [2000] 3 C.F. 145 (C.A.), (Molson Breweries c. John Labatt Ltd.) le juge Rothstein (maintenant juge à la Cour suprême du Canada) a déclaré ce qui suit aux paragraphes 46 et 51 :

Du fait qu’il offre l’opportunité de produire une nouvelle preuve, l’appel prévu à l’article 56 n’est pas une disposition d’appel habituelle par laquelle la cour saisie rend sa décision sur la base du dossier de la cour dont la décision fait l’objet de l’appel. Un appel régulier n’est pas interdit si aucune preuve additionnelle n’est produite, mais il n’y a aucune obligation de procéder ainsi. L’appel prévu n’est pas non plus un « procès de novo » au sens strict du terme. Ce terme renvoie habituellement à un procès qui requiert la création d’un tout nouveau dossier, comme s’il n’y avait pas eu de procès en première instance. Ainsi, dans un procès de novo, la cause doit être jugée uniquement sur la base du nouveau dossier et sans égard à la preuve présentée dans les procédures antérieures.

 

[…]

 

Je pense que l’approche suivie dans les affaires Benson & Hedges et McDonald’s Corp. est conforme à la conception moderne de la norme de contrôle. Même s’il y a, dans la Loi sur les marques de commerce, une disposition portant spécifiquement sur la possibilité d’un appel à la Cour fédérale, les connaissances spécialisées du registraire sont reconnues comme devant faire l’objet d’une certaine déférence. Compte tenu de l’expertise du registraire, et en l’absence de preuve supplémentaire devant la Section de première instance, je considère que les décisions du registraire qui relèvent de son champ d’expertise, qu’elles soient fondées sur les faits, sur le droit ou qu’elles résultent de l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, devraient être révisées suivant la norme de la décision raisonnable simpliciter. Toutefois, lorsqu’une preuve additionnelle est déposée devant la Section de première instance et que cette preuve aurait pu avoir un effet sur les conclusions du registraire ou sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, le juge doit en venir à ses propres conclusions en ce qui concerne l’exactitude de la décision du registraire.

                        [Non souligné dans l’original.]

 

[14]              Aux paragraphes 4 et 7 de l’arrêt Maison Cousin (1980) Inc. c. Cousins Submarines Inc., 2006 CAF 409, (2006) 60 C.P.R. (4th) 369 (Maison Cousin), qui a été rendu après l’arrêt Mattel, la Cour d’appel fédérale recommande de procéder en appel à un examen de novo lorsque des éléments de preuve pertinents sont présentés à la Cour fédérale :

 

L’appelante a porté cette décision en appel devant la Cour fédérale. Alertée par les commentaires du délégué du registraire quant à la faiblesse de sa preuve à l’appui de son opposition, l’appelante s’est prévalue du droit que lui confère le paragraphe 56(5) de suppléer à la preuve au dossier. Elle y a versé de nouveaux éléments de preuve. Le juge a examiné cette nouvelle preuve sous l’angle de la norme de contrôle. Il en est venu à la conclusion qu’elle était suffisamment significative et probante, et qu’il devait appliquer la norme de la décision correcte. Ce faisant, il nous apparaît que le juge limitait ainsi indûment sa discrétion d’intervenir car, ayant constaté le caractère significatif et probant de la nouvelle preuve, il n’était plus appelé à réviser la décision du délégué du registraire, mais plutôt à décider la question au mérite à partir des éléments de preuve dont il disposait.

 

[…]

 

Le juge qui décide la question de novo peut intervenir sans qu’il ait à identifier une erreur quelconque de la part du délégué, et il n’a aucune obligation de réserve face à la décision de ce dernier. Il est appelé à décider la cause à partir des éléments de preuve dont il dispose, et des règles de droit qui s’y appliquent.

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[15]               L’approche dans Maison Cousin a été appliquée dans une décision ultérieure de la Cour d’appel fédérale dans Shell Canada Ltd. c. P.T. Sari Incofood Corp, 2008 CAF 279, [2008] 380 N.R. 317.

 

[16]              Le juge Mainville (maintenant juge à la Cour d’appel fédérale) a procédé à une large revue de cette question dans son jugement dans Advance Magazine Publishers, Inc. c. Wise Gourmet, 2009 CF 1208, [2009] 356 F.T.R. 270. Il a conclu que la norme de contrôle appropriée en ce qui avait trait à la question de savoir s’il existait de la confusion entre des marques dépendait de la question de savoir si les parties soumettaient ou non de nouveaux éléments de preuve à la Cour. Le juge Mainville a conclu que la question de savoir si les nouveaux éléments de preuve étaient ou non importants et s’ils auraient eu un effet sur la décision de la registraire devait précéder l’analyse de la question soulevée en appel.

 

[17]              Dans les affaires citées ci‑dessus, la question en appel concernait la probabilité de confusion entre des marques de commerce. À mon avis, il convient d’appliquer la même approche à la question qui fait l’objet de l’appel, soit celle de savoir si une marque de commerce donne une description claire au sens de l’alinéa 12(1)b) de la Loi. Les deux questions requièrent de considérer la marque même, d’interpréter la marque concernée et d’évaluer l’impression que la marque crée sur le public ainsi que les effets de la marque sur d’autres entreprises dans le même domaine commercial ou dans un domaine connexe.

 

[18]              Durant les sept années de la présente demande, le demandeur a présenté très peu d’arguments et presque aucun élément de preuve à la registraire à l’appui de sa position. Dans sa réponse du 29 février 2004, le demandeur a présenté l’argument selon lequel la marque est :

[traduction]

 

[…] le mot au pluriel utilisé pour désigner celui qui instruit ou enseigne aux autres. L’apostrophe signifie quelque chose qui appartient à ceux qui enseignent à d’autres. Par conséquent, le mot « TEACHERS’ » ne donne pas une description ou une description fausse et trompeuse des services de fonds de pension et ne donne pas non plus une description ou une description fausse et trompeuse de services de fonds de pension pour les enseignants.

 

 

[19]              Le 9 mars 2005, le demandeur a soumis trois pages d’arguments qui renfermeraient des précédents portant sur l’alinéa 12(1)b)de la Loi, une définition du dictionnaire du mot « teacher » [enseignant] prise dans le site Internet www.dictionary.com et un renvoi à la base de données sur les marques de commerce de l’OPIC concernant des demandes d’enregistrement de marques de commerce dont le libellé comprend une référence aux bénéficiaires des services du demandeur.

 

[20]               En l’espèce, le demandeur a présenté, à l’appui de son appel, deux importants affidavits refermant trois recueils d’éléments de preuve. Il a le droit en vertu du paragraphe 56(5) de la Loi de soumettre de nouveaux éléments de preuve en appel.

 

[21]               Si, d’une part, il appert que les nouveaux éléments ne preuve n’auraient pas pu avoir un effet sensible sur la décision du registraire, alors la norme de contrôle en appel est la décision raisonnable. Si, d’autre part, il appert que les éléments de preuve auraient pu avoir un effet sur la décision du registraire, alors il s’agit d’un appel de novo fondé sur l’examen des éléments suivants : le dossier présenté du registraire, les nouveaux éléments de preuve et les conclusions de fait et de droit ainsi que l’exercice du pouvoir discrétionnaire du registraire : Molson Breweries c. John Labatt Ltd.

 

[22]              Les nouveaux éléments de preuve déposés à la Cour se trouvent, pour la plupart, dans deux affidavits. Elenita Anastacio, auteure de l’un des affidavits, est une recherchiste expérimentée en marques de commerce pour la firme qui représente le demandeur. Deborah Allan est la directrice des communications et des relations avec les médias pour le demandeur.

 

[23]              Une grande partie de la preuve de Mme Allan démontre l’emploi de la marque « TEACHERS’ » dans les communications publiques du demandeur, y compris les communiqués de presse et les rapports annuels. L’objectif principal de l’affidavit de Mme Allan est de démontrer qu’un grand nombre de Canadiens ont été exposés à l’emploi de la marque de commerce « TEACHERS’ ». L’emploi de cette marque par le demandeur n’est pas l’élément de preuve le plus pertinent lorsqu’il s’agit de savoir si la marque de commerce donne ou non une description claire. Cependant, il convient de noter que les pièces jointes à l’affidavit de Mme Allan d’une manière ou d’une autre renvoient expressément au régime de pension pour les enseignants.

 

[24]              La preuve de Mme Anastacio renferme des exemples de marques de commerce déposées qui donnent une description claire du groupe ciblé, mais non du service offert. Par exemple, Mme Anastacio, dans son affidavit, cite les marques de commerce déposées suivantes :

 

« Great Teachers » a été enregistrée à l’égard de The Teaching Company en vue de son emploi pour offrir des documents audiovisuels sur divers sujets scolaires comme l’histoire, la littérature et la science.

 

« Instant Firefighter » a été enregistrée à l’égard de Firebusters Inc. pour des systèmes de gicleurs.

 

« Principal » a été enregistrée à l’égard de Principal Financial Services Inc. pour des services financiers et de placements.

 

« Professor Go Metric » a été enregistrée pour la publicité et les documents de promotion ayant trait la conversion au système métrique. Dans ce cas, il a été renoncé à l’emploi exclusif des mots « Go » et « Metric ».

 

« Professor Perfecto » a été enregistrée à l’égard de la Société canadienne des postes relativement à l’exploitation d’un club de philatélistes.

 

« Professors House » a été enregistrée relativement à des sites Internet d’information et de ressources sur la maison, le jardinage et des sujets généraux ayant trait au mode de vie et à la qualité de vie.

 

« Relating to the Athlete in You » a été enregistrée (puis radiée par la suite en raison de son non‑emploi) relativement à des services financiers.

 

« The Wealthy Doctor » a été enregistrée relativement à la tenue de séminaires sur la planification financière.

 

« Video Professor » a été enregistrée relativement à des services de formation en informatique à l’aide de documents audiovisuels. Le déposant a renoncé à l’emploi exclusif du mot vidéo.

 

 

 

[25]              L’affidavit de Mme Anastacio comprend une liste de marques qui ont été annoncées, qui ont fait l’objet d’opposition ou qui ont été rejetées, radiées, admises ou enregistrées en liaison avec des services de régime de pension et de fonds de pension. La liste est longue, mais la marque de commerce numérotée 10 dans la liste ressort : « Business People Buying Businesses ». Elle est peut‑être tellement générique qu’elle ne donne pas une « description claire ». Par contraste, la marque numérotée 42, « The Retired Teachers of Ontario » a fait l’objet d’une opposition et n’a pas été enregistrée, sans doute parce qu’elle aurait pu causer de la confusion.

 

[26]              L’affidavit de Mme Anastacio présente des listes semblables de marques en liaison avec des régimes d’avantages sociaux et des régimes de retraite. De plus, il renferme les définitions du dictionnaire des mots « teacher » [enseignant] et « professor » [professeur]. Étant donné qu’il est facile d’établir le sens du mot « teacher » et de sa forme possessive et pluriel, la sens de la marque de commerce projetée n’est pas en soi remise en question.

 

[27]              Ces nouveaux éléments de preuve déposés par le demandeur n’a pas une incidence suffisamment importante sur la question de savoir si la marque de commerce en question, « TEACHERS’ », donne une description claire ou une description fausse et trompeuse au sens de l’alinéa 12(1)b) de la Loi. Ces éléments de preuve pourraient trancher la question en litige, mais il faudrait effectuer un nouvel examen de l’application de l’alinéa 12(1)b) de la Loi.

 

[28]              Je conclus que la présente affaire doit être examinée au vu de l’ensemble de la preuve. Je n’ai donc pas à décider si la registraire a commis une erreur et je ne suis pas non plus obligé de faire preuve de retenue à l’égard de la décision de la registraire (Maison Cousin).

 

Les observations écrites du demandeur

[29]              Le demandeur invoque Thomas J. Lipton, Limited c. Salada Foods Ltd., [1980] 1 C.F. 740 (C.F. 1re inst.) (Lipton), paragraphes 5 et 6, à l’appui de la prétention selon laquelle la question de savoir si une marque donne une description claire est une question de fait qui doit être tranchée par un tribunal. La preuve de même que le sens commun sont pertinents relativement à la considération par le décideur de la question de savoir si une marque donne une description claire.

 

[30]              Le demandeur soutient qu’à la première impression la marque « TEACHERS’ » ne donne pas une « description claire » des services en liaison avec son emploi. Il s’appuie sur le passage suivant de l’arrêt Oshawa Group Ltd. c. Canada (Registraire des marques de commerce), [1981] 2 C.F. 18, 46 C.P.R. (2d) 145 (C.F. 1re inst.), paragraphe 11 :

[…] la décision qu’une marque est une description claire doit reposer sur la première impression que cette marque laisse. Par conséquent, il ne faut pas analyser les différents mots qui forment la marque, mais plutôt déterminer l’impression immédiate que donne la marque compte tenu des services en liaison avec lesquels elle sera utilisée. [Souligné par le demandeur.]

 

[31]              Le demandeur met l’accent sur le fait que l’adjectif employé à l’alinéa 12(1)b) de la Loi, soit « claire », est un élément essentiel pour déterminer si une marque renfermant une description contrevient à l’interdiction prévue par la Loi en ce qui a trait à l’enregistrement. Le demandeur cite Lipton pour appuyer cette exigence. Le paragraphe 9 de Liption est rédigé comme suit :

Même une « suggestion ou implication spécifique » ou une « implication ou suggestion claire » qu’une marque de commerce donne soit une description claire soit une description fausse et trompeuse ne suffit pas pour la rendre non enregistrable en vertu de l’article 12(1)b). Ces dispositions n’admettent pas une simple implication ou suggestion. Le Parlement a utilisé les termes « claire » et « fausse et trompeuse » après le terme « description », et le registraire n’a aucunement constaté que le terme qui nous intéresse constituait soit une description claire soit une description fausse et trompeuse. Quant à savoir si une simple description suggestive suffit, on peut se référer au jugement rendu par l’ancienne Cour de l’Échiquier du Canada dans l’affaire Kellogg Company of Canada Limited c. Le registraire des marques de commerce.

 

 

[32]              Le demandeur examine le raisonnement de l’OPIC tel qu’il ressort des divers échanges qui ont abouti au rejet de sa demande. Les examinateurs de l’OPIC ont estimé que la marque donnait une description claire des services du demandeur liés au fonds de pension pour les enseignants et que l’utilisation de l’apostrophe – qui indique la possession du régime – en constituait une preuve supplémentaire.

 

[33]              Le demandeur soutient que la registraire a confondu les utilisateurs visés par le régime avec la nature particulière des services. Il cite une décision de la Commission des oppositions des marques de commerce, soit Faber-Castell Canada Inc. c. Binney & Smith Inc. (1991), 36 C.P.R. (3d) 388, dans laquelle la Commission a conclu que l’emploi des mots « MY FIRST » était en liaison avec des marchandises pour les enfants. Concluant que le fait de décrire les consommateurs visés ne contrevenait pas à l’alinéa 12(1)b), la Commission a déclaré : [traduction] « […] le fait que la marque de commerce MY FIRST puisse indiquer que les marchandises pour lesquelles la demande est présentée visent les enfants ne fait pas en sorte que la marque contrevient à l’alinéa 12(1)b) de la Loi [...] La marque, à mon avis, ne décrit pas une nature ou une qualité particulières des marchandises concernées. »

 

[34]              Le demandeur soutient que la registraire a commis une erreur en déduisant que la cible des services était une caractéristique inhérente de ces services parce que, fait-il valoir, la registraire a mal interprété la source sur laquelle elle s’appuyait. Le demandeur soutient qu’il y a plutôt une différence entre ceux qui fournissent les services décrits et ceux qui sont visés par ces services. Il fait valoir que « TEACHERS’ » décrit les personnes qui utiliseront les services, plutôt que les planificateurs financiers ou les planificateurs fiscaux qui fournissent les services.

 

[35]              Le demandeur ajoute que la conclusion de la registraire selon laquelle « TEACHERS’» est un [traduction] « mot approprié sur le plan commercial » est également erronée. Il soutient qu’il n’existe pas de relation entre « TEACHERS’ » en tant que marque de commerce et les services de planification fiscale en général : [traduction] « Il n’y a absolument aucune preuve que « TEACHERS » ou « TEACHERS’ » sont d’usage commun dans le commerce ou qu’ils donneraient aux concurrents un avantage indu ». [Souligné par le demandeur.] Le demandeur note que la preuve de Mme Anastacio établit que des marques de commerce existantes employées en liaison avec la planification financière, les fonds de pension et les régimes d’avantages sociaux emploient rarement les mots « TEACHERS » ou « TEACHERS’ ».

 

 

[36]              Le demandeur revient sur ce thème des [traduction] « services » dans l’ensemble de ses observations : la marque de commerce concerne des [traduction] « services » qui ont trait à l’administration, à la gestion et à l’investissement de fonds. il affirme que ces services ne sont pas fournis par des enseignants. Les enseignants sont plutôt les consommateurs finaux éventuels de ces services. Le demandeur soutient que la marque ne donne pas une description claire des services fournis au sens de l’alinéa 12(1)b).

 

 

[37]              Le demandeur fait état de différences dans les libellés utilisés par différents examinateurs de l’OPIC et il soutient que les examinateurs ont été inattentifs au fait que, pour contrevenir à l’alinéa 12(1)b), la marque doit décrire clairement les services et non les personnes qui peuvent se prévaloir des services. Elle observe que la marque « TEACHERS’ » ne décrit pas clairement les personnes qui sont [traduction] « employées ou engagées dans la fourniture » des services de [traduction] « d’administration d’un régime de pension ainsi que de gestion et d’investissement d’un fonds de pension pour les enseignants en Ontario ».

 

 

Examen de la marque de commerce projetée en contexte

[38]              Le demandeur contourne soigneusement ce qui saute aux yeux : le fonds de pension même.

 

[39]              Le demandeur est le Conseil du régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario. Son personnel est composé d’agents financiers qui administrent, gèrent et investissent un fonds de pension très important, celui des enseignants de l’Ontario. On peut décrire les enseignants de l’Ontario comme les consommateurs finaux éventuels des services financiers fournis par les agents financiers du Conseil. On peut également décrire les enseignants de l’Ontario, qu’ils soient actifs ou à la retraite, comme les propriétaires bénéficiaires du fonds de pension même. De plus, les diverses entreprises qui veulent que le fonds de pension investisse dans leurs activités peuvent également être décrites comme des consommateurs éventuels.

La description claire

 

[40]              L’alinéa 12(1)b) de la Loi utilise les mots « description claire » en relation avec plusieurs éléments qui concernent l’emploi de la marque de commerce projetée, à savoir :

·        les marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée, ou à l’égard desquels on projette de l’employer;

·        ou les conditions de leur production, ou des personnes qui les produisent, ou du lieu d’origine de ces marchandises ou services.

 

[41]              Je souscris à l’observation du demandeur selon laquelle « TEACHERS’ » ne donne pas une description claire des services fournis. Je n’estime pas non plus que la marque de commerce projetée décrit les conditions de leur production, ou des personnes qui les produisent, ou du lieu d’origine de ces marchandises ou services.

 

[42]              Cependant, l’utilisation des mots « marchandises ou services » requiert de considérer autre chose que les seuls services. À mon avis, le fonds de pension relève du domaine plus large visé par les mots « marchandises ou services ».

 

Le contexte

[43]              Une marque de commerce projetée doit être examinée en contexte. L’alinéa 12(1)b) prévoit expressément qu’il faut examiner les « marchandises ou services en liaison avec lesquels [la marque de commerce] est employée, ou à l’égard desquels on projette de l’employer ». Comme le juge Cattanach a déclaré dans Molson Companies Limited « il ne faut pas considérer la marque isolément, mais à la lumière du produit dont il s’agit ». Comme je l’ai noté précédemment, les exemples donnés dans la liste fournie en preuve par le demandeur quant à son emploi concret de la marque de commerce projetée renvoyaient invariablement au régime de pension.

 

[44]              Je conclus qu’il convient de considérer « TEACHERS’ » dans le contexte d’un fonds de pension et, en particulier, du fonds de pension des enseignants de l’Ontario.

 

Les marchandises ou services

[45]              À mon avis, on peut se demander quel est le sens du terme « marchandises ou services » à l’alinéa 12(1)b) de la Loi en comparaison aux mots « marchandises » ou « services » utilisés seuls. On considère généralement les marchandises comme des produits commerciaux ou des produits manufacturés, alors que l’on considère les services comme comprenant des activités bénéfiques pour d’autres personnes. Cependant, je ne pense pas que l’intention du Parlement était soustraire les diverses formes de fonds financiers à l’application de l’alinéa 12(1)b), du fait qu’elles ne constituaient ni des marchandises, ni des services. En vérité, je note avec un certain intérêt – quoique sans m’y fonder – que la troisième édition du Shorter Oxford English Dictionnary comprend une obscure définition de « ware » [« marchandise »] comme étant « invest (money) » [« investir (de l’argent) »]. Je pense que le Parlement, par les mots « marchandises ou services », souhaitait que les fonds financiers commerciaux soient visés par le large domaine du commerce qui est l’objet de la Loi.

 

La nature

[46]              Il est également question de « la nature ou […] [de] la qualité » des marchandises ou services à l’alinéa 12(1)b) de la Loi. Le mot « nature » ne décrit pas nécessairement complètement les marchandises ou services; il décrit plutôt une caractéristique distinctive ou notable des marchandises ou services. Dans la décision Café Suprême F et P Ltée c. Canada (Registraire des marques de commerce), [1984] 3 C.I.P.R. 201, 4 C.P.R. (3d) 529 (C.F. 1re inst.), le juge Dubé écrit :

À savoir si la marque « Café Suprême » constitue une description claire de la nature des services fournis, il faut retenir que l’adjectif « clair » n’est pas ici synonyme d’exact mais plutôt d’évident, de facile à comprendre. Le mot « nature » signifie ici le trait caractéristique ou particulier du produit ou des services.

[Non souligné dans l’original.]

 

 

 

[47]           Cela a été réitéré par la juge Tremblay‑Lamer dans la décision ITV Technologies Inc. c. WIC Television Ltd., 2003 CF 1056, où elle a écrit ce qui suit au paragraphe 67 :

En ce qui concerne le premier motif invoqué par ITV Technologies, la marque, pour donner la description claire visée à l’alinéa 12(1)b), doit faire plus que suggérer ou évoquer la nature ou la qualité des marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée ou à l’égard desquels on projette de l’employer. La description doit s’appliquer à la composition matérielle des marchandises ou services qui forment l’objet de la marque de commerce, ou se rapporter à une de leurs qualités intrinsèques évidentes, par exemple une caractéristique, une particularité ou un trait inhérents au produit [Provenzano c. Registraire des marques de commerce (1977), 37 C.P.R. (2d) 189].

 

[Non souligné dans l’original.]

 

Je conclus de ce qui précède qu’une marque de commerce projetée qui décrit clairement une caractéristique notable des marchandises ou services tombe sous le coup de l’interdiction d’enregistrement prévue paragraphe 12(1)b).

 

Le sens commun

[48]           Dans la décision Neptune S.A. c. Canada (Procureur général), 2003 CFPI 715 (Neptune S.A.), le juge Martineau a statué que le décideur doit non seulement considérer les éléments de preuve dont il dispose, mais aussi appliquer son sens commun à l’évaluation des faits. Par conséquent, pour évaluer la validité d’une marque de commerce projetée, il faut non seulement apprécier la preuve, mais aussi tenir compte du sens commun. De plus, la décision que la marque de commerce donne une description claire doit être fondée sur la première impression créée par les marchandises ou services en question : Neptune S.A.

 

[49]            Lorsque l’on pense à un fonds de pension, il est tout aussi probable, voire plus probable, que l’on pense au pensionné ou au pensionné éventuel plutôt qu’à l’administrateur ou au gestionnaire. En d’autres termes, l’on est plus susceptible de penser au bénéficiaire de la pension, en l’espèce les enseignants, que de penser à ceux qui administrent le fonds de pension, les agents financiers. Les gens décrits par le demandeur comme étant les consommateurs finaux éventuels des services qu’il fournit, soit les enseignants de l’Ontario, estimeraient certainement d’emblée, à la première impression, que la marque de commerce projetée décrit leur fonds de pension.

 

[50]              À mon avis, la première impression créée par la marque de commerce « TEACHERS’ » – si l’on tient compte du contexte du régime de pension, du fonds de pension même et des services fournis par le demandeur – est que la marque de commerce projetée décrit une caractéristique notable d’un fonds de pension pour les enseignants et qu’elle tombe sous le coup de l’alinéa 12(1)b) comme donnant une description claire même si elle ne décrit pas l’administration, la gestion ou l’investissement des fonds de pension en question.

 

Conclusion

[51]              L’alinéa 12(1)b) vise fondamentalement à empêcher un monopole relativement à l’usage d’un mot communément employé par d’autres personnes qui fournissent un service semblable : General Motors Corp. c Bellows. Le demandeur administre, gère et investit un fonds de pension pour les enseignants de l’Ontario. Cependant, la marque de commerce projetée a une portée nationale. Il existe des enseignants dans d’autres provinces et territoires qui, sans nul doute, ont des régimes de pension. Il existe également d’autres groupes d’enseignants dans des écoles privées ou des institutions en Ontario qui ne sont pas nécessairement inclus. Il est probable qu’eux‑aussi aient des régimes de pension ou d’autres fonds financiers spécialisés.

 

 

[52]              Le demandeur ne peut se contenter de répondre que, parce qu’on ne s’attendait pas à ce qu’il présente des éléments de preuve à ce sujet dans le cadre de sa demande d’enregistrement de sa marque, il n’y a pas d’éléments de preuve à ce sujet. Sur ce point, j’estime pouvoir m’appuyer sur la connaissance et l’expertise de la registraire des marques de commerce qui a déclaré ce qui suit :

[traduction]

 

Ma position est que « TEACHERS’ », vu qu’il est l’équivalent phonétique de « TEACHER », est un mot approprié sur le plan commercial pour décrire la nature intrinsèque de l’administration d’un régime ainsi que de la gestion et de l’investissement d’un fonds pour les enseignants, et que, par conséquent, ce mot devrait pouvoir être employé par d’autres personnes parce que les mots descriptifs sont la propriété de tous et qu’une personne ne peut pas se les approprier pour son utilisation exclusive.

[Non souligné dans l’original.]

 

Le demandeur n’a présenté aucun élément de preuve pour réfuter la conclusion de la registraire selon laquelle le mot « teachers’», au possessif ou au pluriel, devrait pouvoir être employé par d’autres personnes.

 

[53]              Je conclus que la marque de commerce en question, soit le mot « TEACHERS’ » dans sa forme au possessif et au pluriel, est une caractéristique distinctive du régime de pension et qu’il en représente donc la nature, car il s’agit d’un régime de pension qui n’offre des services qu’à des enseignants. La marque de commerce décrit une caractéristique notable des marchandises ou des services fournis. Accorder au demandeur le monopole de l’emploi de ce mot empêcherait d’autres services de pension et de services financiers visant les enseignants de l’Ontario ou d’autres provinces ou territoires, ou appartenant à de tels enseignants, d’employer le terme.

 

[54]              En conséquence, malgré les nouveaux éléments de preuve soumis, je parviens à la même conclusion que la registraire. La registraire avait raison de conclure que la marque « TEACHERS’ » n’était pas enregistrable en application de l’alinéa 12(1)b) de la Loi.

 

[55]              L’appel sera rejeté.

 

Les dépens

[56]              Le demandeur a sollicité une ordonnance sur les dépens. Comme il n’a pas gain de cause, je ne rendrai aucune ordonnance sur les dépens en faveur du demandeur.

[57]              D’autre part, la registraire, lorsqu’elle rend des décisions suivant la Loi relativement à des demandes d’enregistrement de marques de commerce, exerce une fonction officielle. Le défendeur n’a pas agi pour le compte de la registraire pour la contestation du présent appel et n’a pas engagé de frais à cet égard.

 

[58]              En conséquence, aucune ordonnance n’est rendue quant aux dépens.

 

 

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

1.                  L’appel est rejeté.

 

2.                  Aucune ordonnance n’est rendue quant aux dépens.

 

 

« Leonard S. Mandamin »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Jean-François Martin, LL.B., M.A.Trad.jur.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1091-09

 

 

INTITULÉ :                                       CONSEIL DU RÉGIME DE RETRAITE DES ENSEIGNANTES ET DES ENSEIGNANTS DE L’ONTARIO

                                                            c.

                                                            PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 10 MAI 2010

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE MANDAMIN

 

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 18 JANVIER 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Kenneth D. McKay

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Abigail Browne

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Sim, Lowman, Ashton & McKay LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Ministère de la Justice

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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