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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20110117

Dossier : IMM-2114-10

Référence : 2011 CF 47

Montréal (Québec), le 17 janvier 2011  

En présence de monsieur le juge Martineau 

 

ENTRE :

 

SONER SÖKMEN

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur conteste la légalité d’une décision d’un agent d’immigration de l’ambassade du Canada à Ankara, Turquie, rejetant la demande de résidence permanente du demandeur et concluant que ce dernier et les membres de sa famille l’accompagnant sont interdits de territoire aux termes de l’alinéa 38(1)c) et l’article 42 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 (la Loi).

 

[2]               Suite au commentaire médical préparé par le Dr Hindle, le médecin agréé par Citoyenneté et Immigration Canada (le ministère), l’agent d’immigration a déterminé que le fils du demandeur, Bariş, a un état de santé qui risque d’entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé canadiens.

 

[3]               Dans le cadre de l’examen de la présente demande de contrôle judiciaire, les parties reconnaissent que la norme de contrôle de la décision de l’agent d’immigration est celle de la décision raisonnable. Selon la jurisprudence, l’agent d’immigration doit considérer l’évaluation du médecin agréé à la lumière de tous les éléments de preuve pertinents (médicaux et non-médicaux). Qui plus est, le médecin agréé doit procéder à une évaluation individualisée de la personne pour déterminer un fardeau excessif; lorsqu’on allègue que le médecin agréé a failli à cette tâche, la norme de contrôle est celle de la décision correcte.

 

[4]               Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire doit être accueillie. 

 

[5]               En l’espèce, le demandeur, un citoyen turc, a soumis une demande pour résidence permanente dans la catégorie économique, comme investisseur. Le demandeur et sa famille ont été sélectionnés par le Québec, mais encore faut-il qu’ils ne soient pas inadmissibles du Canada.

 

[6]               Or, Bariş, né le 15 février 1992, présente une tétralogie de Fallot, une maladie cardiaque de type congénital. D’ailleurs, depuis plus que quatorze (14) ans, il est traité en France par le docteur Emre Belli, un éminent cardiologue qui pratique à l’hôpital Marie Lannelongue, à Paris. Heureusement, la famille Sökmen a les moyens financiers pour soutenir Bariş car sa condition a nécessité plusieurs interventions dans le passé. Malgré leur projet de s’installer au Canada, la famille Sökmen préfère encore aujourd’hui que Bariş soit traité et suivi en France par le Dr Belli.

 

[7]               D’un autre côté, Bariş a un état stable et contrôlé, ce que confirme son médecin traitant, le Dr Belli. En effet, la nouvelle prothèse pulmonaire qui a été mise en place à Londres en 2008, par voie percutanée, permet à Bariş d’avoir le même rythme de vie que tous les garçons de son âge. D’ailleurs, il va à l’école à temps plein, effectue les tâches quotidiennes et pratique différents sports tel que le tennis.

 

[8]               Bariş prend des médicaments peu coûteux, soit un comprimé d’enapril 20 mg et une aspirine par jour. Il n’a pas besoin de l’aide de services sociaux. Ceci dit, le demandeur s’est personnellement engagé, si nécessaire, à payer tous les coûts de services sociaux et services de santé que pourrait entraîner l’arrivée de la famille au Canada.

 

[9]               Dans la décision contestée, en date du 3 février 2010, l’agent d’immigration rejette la demande de résidence permanente du demandeur au motif que l’état de santé de Bariş risque « d’entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé ». Cette décision finale prend la forme d’une lettre générique. Aucune mention particulière n’est faite des rapports médicaux au dossier, non plus que des représentations ayant été soumises par le demandeur.

 

[10]           Pour comprendre le refus de l’agent d’immigration de délivrer un visa de résident permanent, il faut en premier lieu se référer à la lettre d’équité en date du 4 juin 2009, qui avait été transmise au demandeur avec le commentaire médical du Dr Hindle. Rappelons que ce dernier n’a pas examiné Bariş et que son avis est prétendument fondé sur le dossier médical, incluant les opinions du cardiologue, qu’il a été en mesure de consulter. Voici un bref résumé des preuves médicales au dossier.

 

[11]           Tout d’abord, Bariş a été examiné en Turquie par le docteur Durmus Sevinç, pour le compte de l’ambassade du Canada à Ankara. Le Dr Sevinç a préparé un rapport médical détaillé en date du 19 septembre 2008. S’agissant du traitement de la tétralogie de Fallot dont souffre Bariş, le Dr Sevinç fait état des opérations chirurgicales de 1993, 1995 et 1997, ainsi que du remplacement d’une valve en 2003 et 2008. Les médicaments pris par Bariş sont également notés par le Dr Sevinç, de même que les résultats des examens complétés (vue, pression artérielle, respiration).

 

[12]           Au terme de son examen médical de Bariş, le Dr Sevinç a coché la case B du formulaire médical du ministère :

[traduction]

 

B. Affections qui nécessitent un suivi périodique par un spécialiste, mais qui peuvent normalement être soignées sans hospitalisations répétées ou utilisation des services sociaux (p.ex. cardiopathie congénitale ou rhumatisante totalement asymptomatique où le besoin d’hospitalisation et/ou d’intervention chirurgicale semble improbable au cours des 10 prochaines années, polyarthrite rhumatoïde bien contrôlée ayant une incidence fonctionnelle minimale, etc.). Le requérant devrait pouvoir fonctionner de façon indépendante et être autonome (aucun besoin prévu de soins à domicile ou en maison de soins pour patients chroniques). Aucune évidence d’arriération mentale ou de retard de développement. AUCUNE TUBERCULOSE ACTIVE NI COMPORTEMENT DANGEREUX. Tout au plus, une hospitalisation mineure est plausible.

 

 

[13]           Le rapport du Dr Sevinç a ensuite été communiqué de l’ambassade du Canada à Ankara à l’ambassade de Paris. Dans une note interne en date du 29 octobre 2008, un officier médical demande que l’on complète le dossier par l’opinion du médecin spécialiste qui traite Bariş pour sa condition médicale actuelle, ici son cardiologue. On désire obtenir l’opinion de ce dernier relativement à la probabilité d’une nouvelle chirurgie ou procédure non envahissante, et ce, au cours des cinq (5) prochaines années.

 

[14]           En l’espèce, le Dr Belli a rédigé deux rapports détaillés sur la condition médicale de Bariş, datées du 24 décembre 2008 et du 31 mars 2009.

 

[15]           Dans son premier rapport, le Dr Belli explique que les interventions chirurgicales permettent une qualité de vie normale et que la cardiopathie de Bariş est bien contrôlée. Il conclut qu’il sera « sans doute nécessaire d’intervenir sur sa bioprothèse pulmonaire, ceci dans plusieurs années et sans doute au-delà des cinq (5) ans à venir. Cette intervention sera préférablement sans reprise chirurgicale mais par cathétérisme interventionnel ».

 

[16]           Dans le second rapport, le Dr Belli rajoute au premier rapport en disant qu’il est difficile d’estimer la durée de vie de la valve prothétique qu’a Bariş, vu qu’il s’agit d’une valve relativement récente, mais qu’ « [i]l  est fort probable que, grâce aux mécanismes rhéologiques favorables, la dégénération de la valve soit plus lente ». Plus loin, il dit qu’il est probablement possible que la substitution de cette valve soit à nouveau sans intervention chirurgicale.

 

[17]           Bien que la tétralogie de Fallot dont souffre Bariş a été réparée en 1995 et qu’il ne sera sans doute pas nécessaire d’intervenir sur sa bioprothèse pulmonaire avant plusieurs années et sans doute au-delà des cinq (5) ans à venir (voir le rapport du Dr Belli), le médecin agréé par le ministère conclut malgré tout que son état de santé risque d’entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé canadiens.

 

[18]           L’analyse du Dr Hindle est succincte, en voici l’intégralité :

[traduction]

 

Diagnostic : Cardiopathie de type congénitale                759

 

Exposé :

 

L’enfant du demandeur investisseur (NV5) est né en Turquie en 1992 et souffre de la tétralogie de Fallot, une grave cardiopathie congénitale, et de transposition des gros vaisseaux.

 

Il a déjà dû subir plusieurs chirurgies cardiaques en 1993, en 1995 et en 1997, de même que des remplacements valvulaires en 2003 et en 2008. Selon le rapport du spécialiste, daté du 12 février 2008, sa consommation maximale d’oxygène était inférieure à 35 % de la valeur prévue. On a observé des signes probants d’altération de l’efficacité mécanique et du pouls en oxygène au niveau du cœur. La dernière chirurgie cardiaque consistait en une implantation de valvule pulmonaire par voie percutanée destinée à éliminer l’occlusion et la régurgitation pulmonaire. Cependant, [traduction] « la fonction des deux ventricules est considérablement réduite et les épreuves d’effort cardiopulmonaire avant et après l’intervention ont fait ressortir une capacité d’effort grandement réduite ». Selon le plus récent rapport cardiologique, daté du 13 mars 2009, il devra subir d’autres chirurgies à cœur ouvert.

 

Il faudra donc que le patient soit admis de nouveau en cardiologie et y soit opéré. Cette opération nécessitera l’utilisation d’équipements médicaux de pointe et les services d’une équipe de docteurs, d’infirmières et d’employés de soutien hautement qualifiée. Ces équipements et le personnel nécessaire sont dispendieux et en grande demande.

 

Toutes ces conclusions donnent à penser qu’il s’agit d’une grave cardiopathie et que la structure et le fonctionnement du cœur sont grandement modifiés. Le pronostic est que cette condition médicale ne cessera pas et se détériorera. Il faudra un suivi constant par des spécialistes et procéder à des examens; d’autres hospitalisations et interventions chirurgicales seront également nécessaires. Ces services sont très dispendieux, et, en outre, le demandeur prendrait la place d’une personne au Canada qui attend déjà d’avoir accès à ces services.

 

 

[19]           Nous reviendrons plus loin sur certaines affirmations gratuites du Dr Hindle. Pour le moment, retenons que dans la lettre d’équité en date du 4 juin 2009, l’agent d’immigration reprend l’analyse du Dr Hindle. À la page 2, parlant de la maladie congénitale dont souffre Bariş, l’agent d’immigration conclut :

[traduction]

 

Sur le fondement de mon évaluation des résultats de cet examen médical et des rapports que j’ai reçus en lien avec l’état de santé du demandeur, je conclus que l’état de santé de ce dernier risque vraisemblablement d’entraîner un fardeau excessif pour les services de santé. En particulier, il est raisonnable de croire que cet état de santé exigera des services de santé dont les coûts dépasseraient vraisemblablement les coûts moyens par habitant au Canada au cours des cinq à dix ans à venir et, en outre, le demandeur prendrait la place d’une personne au Canada qui attend déjà d’avoir accès à ces services. Le demandeur est donc déclaré interdit de territoire suivant l’alinéa 38(1)c) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

                                                                        (mes soulignés)

 

[20]           Ce qui frappe à prime abord c’est que la conclusion plus haut de l’agent d’immigration ne tienne pas compte du commentaire médical du médecin agréé.

 

[21]           Il est vrai que dans le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement), « fardeau excessif » vise notamment « toute charge pour les services sociaux ou les services de santé dont le coût prévisible dépasse la moyenne, par habitant au Canada, des dépenses pour les services de santé et pour les services sociaux sur une période de cinq années consécutives suivant la plus récente visite médicale exigée par le présent règlement ou, s’il y a lieu de croire que des dépenses importantes devront probablement être faites après cette période, sur une période d’au plus dix années consécutives » (mes soulignés).

 

[22]           Toutefois, le commentaire médical du Dr Hindle ne contient aucune indication pouvant permettre « de croire que des dépenses importantes devront probablement être faites après cette période, sur une période d’au plus dix années consécutives ».

 

[23]           D’ailleurs, si l’on examine la raisonnabilité de la conclusion générale de l’agent d’immigration dans la lettre d’équité à la lumière du Bulletin opérationnel 063-B – Évaluation de fardeau excessif pour les services sociaux, la période prise en considération doit être indiqué dans l’avis du médecin agréé remis à l’agent des visas, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Tout au plus, le commentaire médical du Dr Hindle traite de manière générique de la tétralogie de Fallot.

 

[24]           Le Dr Hindle n’examine pas non plus le plan proposé par le demandeur, en tenant compte de la disponibilité, de la qualité, de la faisabilité et du financement du plan proposé, sinon que Bariş devra subir une opération à cœur ouvert, ce qui viendra solliciter les ressources médicales en grande demande et au demeurant fort coûteuses du système de santé canadien.

 

[25]           Dans son rapport, le Dr Hindle fait état des chirurgies multiples que Bariş a subies en 1993, 1995 et 1997. Il fournit également certaines informations sur sa condition médicale en février 2008 extraites de son dossier médical. Toutefois, compte tenu de la preuve devant lui, l’analyse du Dr Hindle est biaisée et incomplète. Le Dr Hindle va jusqu’à affirmer que le pronostic est négatif et que la condition de Bariş va aller en se détériorant, ce qui va directement à l’encontre des preuves médicales au dossier.

 

[26]           Le Dr Belli ne parle jamais d’une opération à cœur ouvert. Son pronostic de l’évolution de la condition de Bariş est favorable. Or, le Dr Belli traite Bariş quasiment depuis sa naissance : il n’y a personne au monde qui connaît mieux la réalité médicale de Bariş. C’est un cardiologue réputé. Ceci dit, il n’y a aucune preuve au dossier suggérant que le Dr Hindle soit spécialisé dans les maladies cardiaques et pulmonaires, pas plus que l’officier médical travaillant à l’ambassade du Canada à Paris, qui semble avoir également été impliqué ou consulté.

 

[27]           Encore plus grave est le fait que le Dr Hindle cite le rapport du 31 mars 2009 du Dr Belli comme énonçant généralement que Bariş nécessiterait une chirurgie à cœur ouvert. En réalité, comme énoncé ci-haut, le deuxième rapport de Dr Belli indique que la substitution de sa valve pourrait peut-être se faire sans intervention chirurgicale, et le premier indique que la chirurgie serait « dans plusieurs années et sans doute au-delà des cinq ans à venir ».

 

 

[28]            Vu la nouveauté de la valve, Dr Belli ne fournissait aucune promesse, mais il n’a certainement pas dit qu’une chirurgie à cœur ouvert serait nécessaire dans les cinq (5) prochaines années. Le critère à considérer n’est pas si Bariş nécessiterait la chirurgie en tant que telle, comme sous-entend le rapport de Dr Hindle, mais plutôt dans les cinq (5) à dix (10) ans à venir.

 

[29]           Si le médecin agréé n’était pas d’accord avec l’évaluation du Dr Belli, il aurait dû expliquer dans son rapport pourquoi, ce qu’il n’a pas fait en l’espèce.

 

[30]           Dans les notes CAIPS au dossier du demandeur, l’agent d’immigration écrit le 3 février 2010, que les informations supplémentaires fournies par le demandeur suite à l’envoi de la lettre d’équité, ne modifient pas la détermination initiale que Bariş est inadmissible en vertu de l’alinéa 38(1)c) de la Loi :

[traduction]

 

LE MD (PARIS) A RÉPONDU LE 27 JANVIER À LA DEMANDE FONDÉE SUR L’ÉQUITÉ PROCÉDURALE;

VOICI SA DÉCLARATION :

APRÈS ÉVALUATION DU DOSSIER MÉDICAL ET DE TOUS LES DOCUMENTS FOURNIS, LES RENSEIGNEMENTS SUPPLÉMENTAIRES NE MODIFIENT EN RIEN LA DÉCLARATION D’INTERDICTION DE TERRITOIRE POUR MOTIFS SANITAIRES DU CLIENT EN CAUSE. MALGRÉ QU’IL S’EN TIRE BIEN POUR LE MOMENT, SES ANTÉCÉDENTS LIÉS AUX MULTIPLES OPÉRATIONS ET L’AVIS DU CHIRURGIEN CARDIOLOGUE SELON QUI LE DEMANDEUR DEVRA SUBIR UNE OPÉRATION À CŒUR OUVERT À PLUS OU MOINS BRÈVE ÉCHÉANCE FONT EN SORTE QUE L’ÉVALUATION M5 DOIT ÊTRE MAINTENUE. LE DEMANDEUR EST DONC DÉCLARÉ INTERDIT DE TERRITOIRE SUIVANT L’ALINÉA 38(1)c) DE LA LIPR.

 

SUR LE FONDEMENT DE CES RENSEIGNEMENTS, JE SUIS CONVAINCU QUE LE DEMANDEUR EST INTERDIT DE TERRITOIRE SUIVANT L’ALINÉA 38(1)c) de la LIPR.

LE DEMANDEUR EST INTERDIT DE TERRITOIRE POUR MOTIFS SANITAIRES ET SA DEMANDE EST DONC REFUSÉE EN APPLICATION DE L’ALINÉA 38(1)C) DE LA LOI. IL FAUT RÉDIGER UNE LETTRE.

                                                            (mes soulignés)

 

[31]           Comme on peut le constater, il semble que l’agent d’immigration soit revenu le 3 février 2010 sur la période prise en considération au niveau des coûts anticipés : il n’est plus question d’une période allant au-delà des cinq (5) prochaines années, l’agent d’immigration faisant maintenant état du fait que Bariş subira une opération à cœur ouvert avant cinq (5) ans.

 

[32]           Cependant, compte tenu du contenu des deux rapports du Dr Belli, la conclusion du Dr Hindle que « [l]e pronostic est que cette condition médicale ne cessera pas et se détériorera. Il faudra un suivi constant par des spécialistes et procéder à des examens; d’autres hospitalisations et interventions chirurgicales seront également nécessaire » est évidemment une conclusion générique sur la tétralogie de Fallot et non la situation particulière de Bariş.

 

[33]           Mais il y a également un motif supplémentaire pour casser la décision de l’agent d’immigration. Au-delà de l’aspect médical, la conclusion générale de l’agent d’immigration ne repose pas sur la preuve au dossier et est spéculative.

 

[34]           Sur le plan financier, la décision contestée ne contient aucune analyse du plan proposé par le demandeur. Faut-il le rappeler, selon l’alinéa 38(1)c) de la Loi, ce n’est que lorsqu’une condition médicale risque d’entraîner un fardeau excessif que la personne peut être interdit de territoire. Ceci indique qu’un certain fardeau est acceptable; pour déterminer que le fardeau est « excessif », une véritable analyse est donc requise.

 

[35]           La Cour d’appel fédérale a conclu dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Colaco, 2007 CAF 282, que la capacité et la volonté de l’étranger de payer les services sont des facteurs qu’il faut prendre en considération lorsque l’on évalue le risque de fardeau et l’importance de celui-ci. Ces facteurs ne sont pas déterminants ou concluants, mais ils doivent être pris en compte parce qu’ils peuvent influer sur l’importance du risque et du fardeau pour les services.

 

[36]           En l’espèce, le demandeur a soumis à l’agent d’immigration une preuve des moyens financiers de la famille Sökmen. Le demandeur a soumis aussi une déclaration de capacité et de volonté, dans laquelle le demandeur a déclaré son intention de continuer le traitement de Bariş par le Dr Belli à Paris, qu’il assumera toute responsabilité pour les soins de Bariş au Canada et que les gouvernements fédéral et provincial ne seraient aucunement responsables des coûts y étant associés. 

 

[37]           Une lecture de la décision contestée et des notes CAIPS au dossier ne permet pas à la Cour de conclure que ces facteurs ont été véritablement considérés par l’agent d’immigration, ce qui constitue une erreur révisable.

 

[38]           Pour tous ces motifs, la décision de l’agent d’immigration est déraisonnable et le contrôle judiciaire sera accordé par la Cour. Les procureurs des parties conviennent qu’aucune question d’importance générale ne se soulève dans ce dossier. Aussi, aucune question ne sera certifiée.


JUGEMENT

LA COUR ADJUGE ET STATUE :

1.      La demande de contrôle judiciaire est accordée;

2.      La décision du 3 février 2010 est cassée et la demande de résidence permanente du demandeur et des membres de sa famille l’accompagnant est retournée pour reconsidération par un autre agent d’immigration de l’ambassade du Canada à Ankara en Turquie; et

3.      Aucune question n’est certifiée.

 

 

« Luc Martineau »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2114-10

 

INTITULÉ :                                       SONER SÖKMEN ET LE MINISTRE DE LA

                                                            CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 6 décembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE MARTINEAU

 

DATE DES MOTIFS :                      le 17 janvier 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Nicole Goulet

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Agniska Zagorska

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Nicole Goulet

Gatineau (Québec)

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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