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Cour fédérale

 

Federal Court


 

 

Date : 20110112

Dossier : T-955-09

Référence : 2011 CF 26

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

ENTRE :

NASEEM HUSSAINI
ET SYED HUSSAINI

demandeurs

et

LA MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL

défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE HENEGHAN

 

Introduction

[1]               Mme Naseem Hussaini (la demanderesse) et M. Syed Hussaini (collectivement, les demandeurs) sollicitent le contrôle judiciaire d’une décision qu’un tribunal de révision (Régime de pensions du Canada – Sécurité de la vieillesse) a rendue le 11 mai 2009. Dans cette décision, le tribunal de révision a rejeté l’appel de la demanderesse concernant une décision de révision concluant qu’elle n’était pas admissible à une pension de la Sécurité de la vieillesse (SV) à compter du mois de juillet 2005.

 

Les faits

[2]               Les faits sont tirés de l’affidavit de M. Trevor Bank, y compris des pièces qui y sont jointes. Les documents pertinents de la ministre du Développement social du Canada (la ministre) sont joints en tant que pièces à l’affidavit de M. Bank.

 

[3]               Les demandeurs sont nés en Inde. La demanderesse soutient qu’elle est née le 8 juin 1939, mais la totalité des documents la concernant qui ont été délivrés avant 2007 indique qu’elle est née le 10 juin 1948.

 

[4]               La demanderesse a rencontré M. Hussaini à l’époque où sa famille à elle vivait dans un immeuble avec la famille de son futur époux. C’est à la suite de la mort de son père que son mariage avec M. Hussaini a été organisé. Même si l’on semble contester les dates, le certificat de mariage des demandeurs révèle qu’ils se sont mariés le 4 juin 1966. À l’audience devant le tribunal de révision, la demanderesse a déclaré qu’elle avait entre 17 et 19 ans lorsqu’elle avait épousé M. Hussaini. Le fils aîné des demandeurs est né en Inde le 25 mai 1967, et leur second fils est né au Canada le 1er juin 1974.

 

[5]               La demanderesse a obtenu un passeport indien le 18 février 1970. Ce document mentionne que sa date de naissance est le 10 juin 1948. Son dossier d’identification aux fins de l’immigration canadienne, qui porte la date du 28 janvier 1974, son certificat de citoyenneté canadienne, qui est daté de 1977, et sa demande de numéro d’assurance sociale canadien, qui porte la date du 7 septembre 1973, indiquent tous qu’elle est née le 10 juin 1948. La demanderesse a tenté à deux reprises de faire modifier son dossier d’identification aux fins de l’immigration canadienne, mais sans succès. Son passeport canadien a été délivré le 11 mai 2005, et la date de naissance qui est y est inscrite est le 10 juin 1948.

 

[6]               À l’audience devant le tribunal de révision, la demanderesse a déclaré, et elle a confirmé son témoignage, qu’elle n’a pas su sa véritable date de naissance avant 2005.

 

[7]               Le 29 mars 2005, la demanderesse a présenté une demande de pension de la SV, indiquant comme date de naissance le 8 juin 1939. Le 21 février 2006, la pleine pension de la SV et le Supplément de revenu garanti (SRG) lui ont été accordés à compter de juillet 2004, en se fondant sur le 8 juin 1939 comme date de naissance.

 

[8]               Le 18 avril 2007, la ministre a fait savoir à la demanderesse qu’elle n’était pas admissible à la SV à compter de juin 2004 et que, de ce fait, elle avait reçu en trop la somme totale de 21 016,46 $. La demanderesse a demandé que cette décision soit révisée. Elle a produit, entre autres documents, des certificats de mariage obtenus en mars 2005, des affidavits établis par elle‑même, sa tante et son oncle en février 2005, de même qu’une lettre datée du 4 avril 2007 de la part d’Argosy Securities Inc., attestant l’âge de la demanderesse et le fait qu’elle reçoit de cette société un paiement mensuel tiré d’un fonds de revenu viager.

 

[9]               La ministre a rejeté la demande de révision des demandeurs le 4 juin 2007 au motif que la carte de citoyenneté canadienne, le passeport canadien et le dossier d’identification aux fins de l’immigration canadienne de la demanderesse donnaient à penser que la demanderesse était née en juin 1948.

 

[10]           La ministre n’a pas produit de documents en vertu de l’article 317 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (les Règles), car elle était d’avis que les demandeurs avaient en main tous les documents du tribunal de révision. Ces documents ont été fournis sous forme d’annexes aux affidavits produits pour le compte des demandeurs et de la ministre.

 

[11]           La demanderesse a déposé un avis d’appel auprès du tribunal de révision le 5 septembre 2007. De pair avec cet avis, elle a produit des lettres d’un certain Dr De Souza et d’un certain Dr Lacy, datées du 27 novembre et du 9 août 2007, respectivement. Ces lettres mentionnent que la demanderesse est née en 1939. Le Dr Lacy, qui est le médecin de famille des demandeurs depuis vingt ans, a indiqué qu’il n’y avait aucune raison de douter que la demanderesse était âgée de 68 ans en 2007. Ses documents fiscaux applicables aux 2006 et 2007 indiquent eux aussi une date de naissance située en 1939.

 

[12]           L’audience du tribunal de révision a eu lieu le 27 janvier 2009. Ce dernier a rejeté l’appel le 11 mai 2009, concluant que la date de naissance de la demanderesse était le 10 juin 1948.

 

[13]           M. Hussaini a lui aussi interjeté appel d’une décision de la ministre. Son appel a été entendu en même temps que celui de son épouse, mais une décision distincte a été rendue, et la présente demande de contrôle judiciaire ne traite pas de cette décision-là.

 

Analyse et décision

Les questions préliminaires

[14]           La ministre a soulevé deux questions préliminaires. La première est liée à l’affidavit de M. Hussaini, qui est daté du 21 décembre 2009. Cet affidavit n’est pas fait sous serment et n’est pas signé par un commissaire à l’assermentation. Par ailleurs, la ministre dit que les pièces ne sont pas désignées d’une manière conforme au paragraphe 80(3) des Règles.

 

[15]           La ministre soutient que l’affidavit est susceptible d’être jugé inadmissible, se fondant à cet égard sur la décision rendue dans Huang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. no 106 (QL). De plus, elle soutient qu’une bonne part de l’affidavit contient des arguments et des opinions. Ce document, ajoute-t-elle, devrait être radié dans son intégralité.

 

[16]           En outre, la ministre soutient que le fait que la demanderesse n’a pas déposé un affidavit devrait donner lieu à une conclusion défavorable à son endroit, aux termes du paragraphe 81(2) des Règles.

 

[17]           La demanderesse n’a pas répliqué à cette question, telle qu’expliquée par la ministre.

 

[18]           Je souscris aux arguments que la ministre invoque. Le seul affidavit que les demandeurs ont déposé dans le dossier soumis à la Cour est celui de M. Hussaini. Il est signé par ce dernier, mais n’est pas fait sous serment. Dans la décision Huang, l’opposition du défendeur à un affidavit a été rejetée, en partie parce que cette opposition avait été soulevée pour la première fois à l’audience. En l’espèce, la ministre s’est opposée à l’admission de l’affidavit dans son argumentation écrite, et il était loisible à la demanderesse de solliciter l’autorisation de déposer un affidavit ou un document supplémentaire.

 

[19]           Étant donné que la totalité des pièces jointes à l’affidavit de M. Hussaini ne sont pas désignées et que ce document est essentiellement de nature argumentative, il convient de le radier. Mais cela ne veut pas dire qu’il doit être physiquement retiré du dossier. En l’espèce, cela veut dire qu’il ne sera pas pris en considération.

 

[20]           Il n’est pas certain que le paragraphe 81(2) s’applique nécessairement en l’espèce. Le texte de ce paragraphe est le suivant :

81(2) Lorsqu’un affidavit contient des déclarations fondées sur ce que croit le déclarant, le fait de ne pas offrir le témoignage de personnes ayant une connaissance personnelle des faits substantiels peut donner lieu à des conclusions défavorables.

 

81(2) Where an affidavit is made on belief, an adverse inference may be drawn from the failure of a party to provide evidence of persons having personal knowledge of material facts.

 

[21]           Cette règle accorde simplement à la Cour le pouvoir discrétionnaire de tirer une conclusion défavorable quand un affidavit contient des déclarations fondées sur ce que croit le déclarant. Elle ne prescrit pas nécessairement que le défaut d’un demandeur de déposer son propre affidavit donne nécessairement lieu au rejet de la demande. Une demande de contrôle judiciaire peut avoir lieu sans qu’un affidavit ait été déposé pour le compte du ou des demandeurs; voir la décision Ominayak c. Première nation de Lubicon Lake (Sharon Venne, en sa capacité de directrice du scrutin) (2000), 185 F.T.R. 33, décision infirmée pour d’autres motifs (2000), 267 N.R. 96.

 

[22]           Quoi qu’il en soit, nous avons affaire ici à une demande de contrôle judiciaire et celle-ci est fondée sur le dossier qui a été soumis au décideur subalterne. En l’absence de preuves fondées sur la connaissance personnelle, toute erreur doit être manifeste au vu du dossier : voir la décision Turcinovica c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2002), 216 F.T.R. 305. Les faits nécessaires sont contenus dans ce dossier, qui est joint à un affidavit déposé pour le compte de la ministre. La Cour a donc en main les faits nécessaires. L’affidavit de M. Hussaini est valide mais, comme il a été mentionné plus tôt, il ne sera pas pris en considération.

 

[23]           La ministre s’oppose de plus à la façon dont les demandeurs ont formulé l’intitulé de l’affaire. Elle soutient qu’il n’y a qu’un seul demandeur, soit la demanderesse. Cette dernière était l’unique appelante devant le tribunal de révision. M. Hussaini n’a pas demandé que l’on soumette à un contrôle judiciaire la décision par laquelle le tribunal de révision a rejeté son appel et, d’après la ministre, il ne peut être inclus dans la présente instance.

 

[24]           En outre, la ministre soutient qu’il faudrait modifier l’intitulé afin d’indiquer comme partie défenderesse le procureur général du Canada plutôt que la ministre du Développement social.

 

[25]           Là encore, les demandeurs n’ont pas traité de ces arguments. Cependant, ces questions méritent de brefs commentaires.

 

[26]           La partie 5 des Règles, qui traite des demandes, et cela inclut les demandes de contrôle judiciaire, ne contient pas de définition du mot « demandeur ». On trouve toutefois une définition de ce mot à l’article 2 :

Les définitions qui suivent s’appliquent aux présentes règles.

[…]

 

« demandeur »

 

a) Dans le cas d’une action ou d’une demande autre que celle autorisée comme recours collectif, est assimilée au demandeur toute personne pour le compte de laquelle l’action ou la demande est introduite;

 

b) dans le cas d’une action ou d’une demande autorisée comme recours collectif :

 

(i) à l’égard des points de droit ou de fait communs, le représentant demandeur,

 

(ii) à l’égard des points individuels, le membre concerné.

 

The following definitions apply in these Rules.

 

 

“applicant”

 

(a) except in the case of an application that has been certified as a class proceeding, includes a person on whose behalf an application is commenced; and

 

 

(b) in the case of an application that has been certified as a class proceeding, means

 

(i) in respect of the common questions of law or fact, the representative applicant, and

 

(ii) in respect of individual questions, the member to whom those questions apply.

 

[27]           L’alinéa a) de la définition citée dans l’extrait qui précède s’applique en l’espèce. Cette définition est élémentaire, et le critère est qu’une demande a été introduite. Les questions plus précises quant au statut véritable d’un « demandeur » peuvent être réglées dans le contexte du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7, qui prévoit ce qui suit :

Une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l’objet de la demande.

An application for judicial review may be made by the Attorney General of Canada or by anyone directly affected by the matter in respect of which relief is sought.

 

[28]           Dans le cas présent, le critère est que quiconque présente une demande doit être « directement touché par l’objet de la demande ».

 

[29]           En l’espèce, M. Hussaini était partie à l’appel que la demanderesse a interjeté devant le tribunal de révision. Cependant, cette instance n’équivaut pas à la présente. Même si le montant des prestations de retraite de la demanderesse peut faire partie du revenu familial de cette dernière et de M. Hussaini, on ne m’a présenté aucune preuve montrant que M. Hussaini est « directement touché » par la décision faisant l’objet du contrôle. De ce fait, en l’absence d’éléments de preuve, je refuse d’exercer mon pouvoir discrétionnaire de façon à reconnaître que M. Hussaini est partie à la présente demande de contrôle judiciaire, et l’intitulé sera modifié en conséquence.

 

[30]           L’article 303 des Règles définit qui est désigné à titre de défendeur dans une demande de contrôle judiciaire :

303. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le demandeur désigne à titre de défendeur :

 

a) toute personne directement touchée par l’ordonnance recherchée, autre que l’office fédéral visé par la demande;

 

 

b) toute autre personne qui doit être désignée à titre de partie aux termes de la loi fédérale ou de ses textes d’application qui prévoient ou autorisent la présentation de la demande.

 

Défendeurs — demande de contrôle judiciaire

 

(2) Dans une demande de contrôle judiciaire, si aucun défendeur n’est désigné en application du paragraphe (1), le demandeur désigne le procureur général du Canada à ce titre.

 

Remplaçant du procureur général

 

(3) La Cour peut, sur requête du procureur général du Canada, si elle est convaincue que celui-ci est incapable d’agir à titre de défendeur ou n’est pas disposé à le faire après avoir été ainsi désigné conformément au paragraphe (2), désigner en remplacement une autre personne ou entité, y compris l’office fédéral visé par la demande.

 

303. (1) Subject to subsection (2), an applicant shall name as a respondent every person

 

(a) directly affected by the order sought in the application, other than a tribunal in respect of which the application is brought; or

 

(b) required to be named as a party under an Act of Parliament pursuant to which the application is brought.

 

 

 

Application for judicial review

 

 

(2) Where in an application for judicial review there are no persons that can be named under subsection (1), the applicant shall name the Attorney General of Canada as a respondent.

 

Substitution for Attorney General

 

(3) On a motion by the Attorney General of Canada, where the Court is satisfied that the Attorney General is unable or unwilling to act as a respondent after having been named under subsection (2), the Court may substitute another person or body, including the tribunal in respect of which the application is made, as a respondent in the place of the Attorney General of Canada.

 

 

[31]           La ministre du Développement social, qui est présentement désignée à titre de défenderesse dans la présente demande, n’est pas « directement touchée » par la présente demande de contrôle judiciaire, pas plus qu’il n’est exigé dans la Loi sur la sécurité de la vieillesse, L.R.C. 1985, ch. O‑9, qu’elle soit désignée à titre de défenderesse.

 

[32]           Il s’ensuit donc que les conditions prescrites au paragraphe 303(1) des Règles ne sont pas remplies et que le paragraphe 303(2) s’applique : le défendeur approprié est le procureur général du Canada.

 

[33]           L’intitulé sera donc modifié de façon à supprimer du dossier M. Hussaini à titre de demandeur et la ministre du Développement social à titre de défenderesse, et à nommer le procureur général du Canada à titre de seul défendeur (le défendeur).

 

[34]           Le défendeur soulève une question additionnelle, qui est de la nature d’une question préliminaire concernant la tentative de la demanderesse d’introduire un nouvel élément de preuve. Le prétendu nouvel élément de preuve est une photographie de M. Hussaini à l’âge de six ans. Selon les observations déposées pour le compte de la demanderesse, cette photographie a été trouvée, par hasard, après l’audience devant le tribunal de révision. La demanderesse souhaite que cette photographie soit introduite à titre de nouvelle preuve, vraisemblablement à l’appui de sa prétention selon laquelle il faudrait reconnaître que sa vrai date de naissance est le 8 juin 1939.

 

[35]           Le critère à deux volets qui s’applique à l’introduction d’une nouvelle preuve est exposé dans la décision Kent c. Canada (Procureur général) (2004), 328 N.R. 161, comme suit :

 

a.         les faits nouveaux avancés ne doivent pas avoir pu être découverts, malgré une diligence raisonnable;

 

b.         les faits nouveaux proposés doivent être substantiels, en ce sens qu’ils doivent être pour ainsi dire déterminants.

 

 

[36]           La demanderesse soutient que l’on a satisfait à ce critère en l’espèce, mais le défendeur n’est pas d’accord. Tout d’abord, il dit que le Tribunal de révision n’aurait pas pu avoir [traduction] « omis » d’admettre de nouveaux éléments de preuve, car aucun ne lui a été soumis suivant la loi applicable. Il soutient en outre que la demanderesse ne peut pas maintenant tenter d’introduire de nouveaux faits qui ne sont pas visés par la demande de contrôle judiciaire.

 

[37]           Il est possible de régler rapidement cette question. La demanderesse n’a pas satisfait au critère juridique énoncé dans la décision Kent. Même si je tiens pour acquis que la photographie pouvait être découverte moyennant une diligence raisonnable, elle n’est pas substantielle pour la présente affaire. La photographie est liée à la date de naissance de M. Hussaini. La décision du tribunal de révision au sujet de M. Hussaini n’est pas une question qui est soumise à la Cour dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire. Une photographie de M. Hussaini ne montrerait pas de manière concluante que le tribunal de révision a commis une erreur dans sa conclusion de fait à propos de la date de naissance de la demanderesse.

 

Les questions de fond

[38]           En ce qui concerne maintenant le fond de la présente affaire, la première question à régler est la norme de contrôle applicable. Vu de la décision que la Cour suprême du Canada a rendue dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, il n’existe aujourd’hui que deux normes de contrôle possibles : la décision correcte ou la raisonnabilité. La norme de la décision correcte s’applique aux questions de droit et aux questions d’équité procédurale.

 

[39]           La demanderesse soutient que le tribunal de révision a commis une erreur procédurale en omettant de demander un rapport d’examen de document. La présente question a été soulevée dans les observations écrites déposées pour le compte de la demanderesse. À l’audience devant le tribunal de révision, M. Hussaini a déclaré qu’il avait retenu les services d’Anaya Solutions Inc. pour confirmer par analyse d’expert en document l’âge des documents familiaux de la demanderesse, mais il n’a fourni aucun document écrit de la part de cette entreprise. Le tribunal de révision a qualifié cette preuve de ouï-dire et lui a accordé peu de poids. La demanderesse soutient maintenant que le tribunal de révision a commis une erreur en ne posant pas de questions sur le rapport d’examen de document à l’audience.

 

[40]           En réponse, le défendeur soutient que c’est par choix personnel que la demanderesse n’a pas produit un rapport d’examen de document à l’audience tenue devant le tribunal de révision et qu’on ne peut pas considérer qu’il s’agit là d’une erreur de la part de ce tribunal.

 

[41]           La demanderesse qualifie cette erreur alléguée de manquement à l’équité procédurale. Ceci étant dit avec égards, je ne suis pas d’accord.

 

[42]           Aucune source jurisprudentielle n’a été fournie pour montrer que l’obligation d’équité exige que le tribunal de révision recueille des éléments de preuve, généraux ou spécialisés, quand il est saisi d’un appel. À mon avis, le tribunal de révision n’a pas manqué à l’obligation d’équité due à la demanderesse en omettant d’exiger qu’elle produise un rapport d’examen de document pour authentifier les documents familiaux.

 

[43]           La norme de la raisonnabilité s’applique aux questions de fait et aux questions mixtes de fait et de droit. Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47, la Cour suprême conclut que la norme de la raisonnabilité s’applique à la fois au processus décisionnel et à l’issue de la décision :

La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

 

[44]           À mon avis, la question centrale qui se pose dans la présente demande consiste à savoir si le tribunal de révision a commis une erreur de fait dans sa décision concernant la date de naissance de la demanderesse. Il s’agit là d’une question de fait, susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable.

 

[45]           La demanderesse fait valoir que le tribunal de révision a omis d’évaluer ses documents familiaux, qui montrent qu’elle est née en 1939, et, en outre, qu’il a omis de prendre en considération l’avis médical concernant son âge. Elle laisse entendre que le tribunal de révision a mis erronément l’accent sur les dossiers d’identification aux fins de l’immigration canadienne et a omis de reconnaître que ces dossiers étaient fondés sur des passeports inexacts. Enfin, soutient‑elle, le tribunal de révision a commis une erreur en concluant qu’elle avait entre 17 et 19 ans lorsqu’elle avait épousé M. Hussaini.

 

[46]           Pour sa part, le défendeur soutient que la décision du tribunal de révision est raisonnable eu égard aux éléments de preuve présentés. Le numéro d’assurance sociale de la demanderesse indiquait comme date de naissance le 10 juin 1948 et il n’a été modifié que deux ans après que la demanderesse a présenté une demande de pension de la SV. La demanderesse a demandé cette pension en 2005 et a tenté de faire modifier son numéro d’assurance sociale en 2007.

 

[47]           La question soumise au tribunal de révision était la date de naissance de la demanderesse, en vue de la détermination de son admissibilité à la pension de la SV. Une date de naissance est essentiellement une question de fait et, par conséquent, elle est susceptible de contrôle selon la norme de la raisonnabilité. Le tribunal de révision a pris en considération les éléments de preuve admissibles que la demanderesse a produits.

 

[48]           En définitive, je suis convaincue que la décision du tribunal de révision est raisonnable, eu égard aux éléments de preuve qu’il avait en main.

 

[49]           En conclusion, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. En vertu de mon pouvoir discrétionnaire, et compte tenu du paragraphe 400(1) des Règles, je ne rendrai aucune ordonnance quant aux dépens.

 

« E. Heneghan »

Juge

 

Ottawa (Ontario)

Le 12 janvier 2011

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Jean-François Martin, LL.B., M.A.Trad.jur.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-955-09

 

INTITULÉ :                                       NASEEM HUSSAINI ET SYED HUSSAINI c. MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 1er NOVEMBRE 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LA JUGE HENEGHAN

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 12 JANVIER 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Dhimy Egalite

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Bahaa Sunallah

Christine Langill

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Egalite Law Office

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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