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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20110112

Dossier : IMM-2136-10

Référence : 2011 CF 31

Toronto (Ontario), le 12 janvier 2011

En présence de monsieur le juge Hughes

 

 

ENTRE :

NAREEZA PERSAUD

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire concernant une décision datée du 29 mars 2010 par laquelle la Section d’appel de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté l’appel de la demanderesse à l’encontre d’une mesure de renvoi prononcée à son encontre par la Section de l’immigration de la Commission. Pour les motifs qui suivent, je fais droit à la demande, annulant ainsi la décision de la Section d’appel et recommandant que l’affaire soit renvoyée à la Section de l’immigration en vue de la tenue d’une nouvelle audition.

 

[2]               Les faits de cette affaire sont quelque peu inusités. La demanderesse est une citoyenne adulte du Guyana. Le 18 août 2003, elle a épousé un citoyen canadien, Muniraj Persaud, au Guyana. Peu de temps après, son époux est rentré au Canada et a parrainé une demande de la demanderesse pour que celle-ci vienne au Canada à titre de membre de la catégorie du regroupement familial. Le 5 octobre 2003, la demanderesse est arrivée au Canada à ce titre.

 

[3]               Une déléguée du ministre a interrogé la demanderesse le 28 septembre 2006; le but de cette entrevue n’ayant pas été communiqué au préalable à cette dernière, elle n’était pas accompagnée d’un avocat et n’a pas été informée qu’un avocat pouvait être présent. La déléguée du ministre a établi un mémoire narratif dans lequel il a été fait référence à l’entrevue ainsi qu’à une déclaration solennelle de l’époux qui était censément jointe, mais il n’y a aucune trace de cette déclaration dans le dossier. Ce mémoire recommandait l’expulsion de la demanderesse, au motif, notamment, que cette dernière avait conclu un mariage de mauvaise foi.

 

[4]               Une enquête a eu lieu le 28 mai 2008 devant un commissaire de la Section de l’immigration. La demanderesse était représentée par un conseil et elle a été interrogée. Le conseil a fait des observations sur, notamment, l’irrégularité de l’entrevue du 28 septembre 2006 et le fait que le ministre n’avait pas fourni la déclaration solennelle de l’époux dont il était question dans le mémoire narratif.

 

[5]               Le commissaire de la Section de l’immigration a rendu une décision écrite datée du 9 juin 2008, dans laquelle il a été décidé que la demanderesse était interdite de territoire parce qu’elle avait conclu un mariage non authentique à seule fin d’obtenir la résidente permanente au Canada. Subsidiairement, le commissaire a décidé que même si la demanderesse avait conclu le mariage de bonne foi, elle avait omis de divulguer sa décision ultérieure de ne pas vivre avec son époux. Dans les motifs, le commissaire de la Section de l’immigration, au paragraphe 11, a reconnu que l’entrevue du 28 septembre 2006 avait été menée en violation d’une obligation d’équité et que, cela étant, rien ne serait fait au sujet des contradictions alléguées entre ce qui y avait été dit et d’autres sources.

 

[6]               Un appel de cette décision a été interjeté devant un tribunal (composé d’un seul commissaire) de la Section d’appel de l’immigration. La demanderesse était représentée par un conseil et elle a été interrogée par le tribunal. Son conseil a fait des observations au tribunal. Ce dernier, le 29 mars 2010, a rejeté l’appel dans la décision qui est en litige en l’espèce. Il a conclu que le commissaire de la Section de l’immigration, ayant jugé que l’entrevue initiale était sérieusement entachée, aurait dû renvoyer toute l’affaire afin qu’elle soit reprise. Le tribunal a déclaré ce qui suit, aux paragraphes 9 à 14 de ses motifs :

[9] Le tribunal souligne avec intérêt que le conseil du ministre n’a fait aucune tentative, durant le présent appel, pour réfuter la préoccupation du conseil de l’appelante relative aux faits liés aux circonstances de l’entrevue, et le tribunal a donc des raisons de croire que, en fait, lorsque l’appelante a été convoquée à l’entrevue, elle ne comprenait pas pleinement qu’elle risquait d’être renvoyée du Canada en raison de ses réponses à l’entrevue.

[10] De l’avis du tribunal, cela contrevient à l’équité procédurale et constitue un manquement à la justice naturelle. Le tribunal souligne avec intérêt que, dans sa décision, à la page 5 du dossier, le commissaire de la Section de l’immigration déclare ce qui suit au paragraphe 11 :

[Traduction]

Je suis d’accord avec le conseil lorsqu’il affirme que l’entrevue qui a été réalisée à Etobicoke par CIC constitue un manquement à l’obligation de Citoyenneté et Immigration Canada d’agir équitablement à l’égard de l’intimée. Elle n’a pas été mise au courant de l’objectif de l’audience, n’a reçu aucune copie des documents auxquels l’agente a fait référence et n’a pas été avisée du fait qu’elle pouvait demander à un conseil d’observer l’entrevue ou de l’aider à rédiger ses observations écrites. Par conséquent, je refuse de rendre une décision défavorable concernant les contradictions alléguées entre ce qui a été dit à l’entrevue et d’autres sources.

[11] La conclusion du commissaire de la Section de l’immigration est sensée. Cependant, dans un paragraphe antérieur de ces motifs, à savoir le paragraphe 8, (page 4 du dossier), le commissaire de la Section de l’immigration déclare ce qui suit :

[Traduction]

Durant l’audience, elle a indiqué qu’elle n’a jamais habité avec le répondant, ce qui contredit une déclaration du contraire qui a été faite durant l’entrevue de CIC à Etobicoke.

[12] Il est vrai que le commissaire de la Section de l’immigration déclare ensuite qu’il ne rendrait pas de décisions défavorables concernant les contradictions alléguées entre ce qui a été dit à l’entrevue et d’autres sources, mais le tribunal est d’avis qu’il n’aurait pas dû mentionner une contradiction en particulier s’il n’allait pas tenir compte de l’entrevue.

[13] Ce qui est encore plus important, selon le tribunal, c’est que, après avoir conclu que l’intégralité de l’entrevue avait été gravement compromise, le commissaire de la Section de l’immigration aurait dû conclure que cette appelante n’avait pas bénéficié d’un traitement équitable et il aurait dû renvoyer l’affaire à CIC afin qu’elle soit réétudiée.

 

[14] Le dossier montre clairement que l’entrevue avec l’appelante avait été déterminante dans la conclusion de l’agente d’immigration selon laquelle l’affaire devait être renvoyée à la Section de l’immigration.

 

 

 

[7]               Le tribunal a ensuite traité dans ses motifs d’autres difficultés attribuables à la décision du commissaire de la Section de l’immigration, disant que certaines conclusions tirées relevaient de la conjecture. Le tribunal a conclu, au paragraphe 24 de ses motifs, qu’il y avait eu manquement à la justice naturelle et que la décision du commissaire de la Section de l’immigration n’était pas valide en droit.

[24] Il y a donc eu manquement à la justice naturelle dans cette décision, et la décision n’est pas valide en droit.

 

 

 

[8]               Cependant, le tribunal ne s’est pas arrêté là; il a demandé aux conseils leurs observations sur le fait de savoir s’il devait rendre une décision lui-même plutôt que de renvoyer l’affaire. Le tribunal a offert son interprétation de la décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Mobil Oil case (Mobil Oil Canada Ltd. c. Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 R.C.S. 202).

[25] Toutefois, malgré ce constat, le tribunal a indiqué aux conseils qu’il souhaitait entendre des observations en vue de déterminer s’il devrait rendre une décision lui-même ou renvoyer l’affaire à la Section de l’immigration.

[26] Le tribunal a renvoyé les conseils à des décisions antérieures et a reçu des observations à cet égard.

[27] La loi a été clairement établie par la juge Layden-Stevenson dans Qu. Au paragraphe 26 de cette décision, la juge Layden‑Stevenson déclare qu’un manquement à l’équité procédurale rend habituellement nulles l’audience et la décision qui en résulte, mais qu’il existe une exception à cette règle.

[28] Elle affirme ensuite que cette exception trouve son origine dans l’arrêt Mobil Oil, dans lequel la Cour suprême du Canada a expliqué qu’un manquement à l’équité procédurale ne requiert pas la tenue d’une nouvelle audience dans les « circonstances spéciales » où la réclamation en cause était par ailleurs « sans espoir » ou que le résultat obtenu était « inévitable ».

 

 

 

[9]               Le tribunal a ensuite passé en revue les éléments de preuve qui lui avaient été soumis. L’avocat de la demanderesse soutient qu’un certain nombre d’erreurs ont été commises. Le tribunal a conclu que le récit de la demanderesse n’était pas plausible. Aux paragraphes 47 et 48 de ses motifs, le tribunal écrit ceci :

[47] Le tribunal en est arrivé à cette conclusion en se fondant uniquement sur les éléments de preuve présentés par l’appelante. Il ne s’est pas du tout fié aux documents compromis qui ont été présentés au commissaire à l’audience de la Section de l’immigration.

[48] Le tribunal est convaincu que, si un commissaire de la Section de l’immigration avait entendu les mêmes éléments de preuve que ceux soumis au tribunal durant le présent appel, il en serait venu à la même conclusion. Cela aurait mené à un appel devant la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, et, inévitablement, le résultat aurait été le même.

 

 

 

[10]           Le tribunal, cependant, ne s’est pas arrêté là. La conclusion ultime qu’il a manifestement tirée était qu’il y avait eu des manquements à la justice naturelle et à l’équité procédurale en dépit desquels, à cause du principe énoncé dans l’arrêt Mobil Oil, la cause était sans espoir. Voici ce qu’il a écrit aux paragraphes 49 et 50 :

[49] Compte tenu des préoccupations du tribunal à l’égard de la vraisemblance du récit de l’appelante, il conclut que, malgré le manquement à la justice naturelle et à l’équité procédurale qu’il y a eu à l’audience de la Section de l’immigration, le principe énoncé dans l’arrêt Mobil Oil s’applique. La cause de l’appelante est sans espoir, et le rejet de son appel est inévitable.

[50] L’appel est rejeté.

 

 

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

 

[11]           En l’espèce, la question essentielle consiste à savoir ce que la Section d’appel doit faire d’une décision de la Section de l’immigration une fois qu’il a été conclu qu’un principe de justice naturelle n’a pas été observé.

 

ANALYSE

[12]           L’article 67 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), est le suivant :

67. (1) Il est fait droit à l’appel sur preuve qu’au moment où il en est disposé :

 

 

 

a) la décision attaquée est erronée en droit, en fait ou en droit et en fait;

 

b) il y a eu manquement à un principe de justice naturelle;

 

 

c) sauf dans le cas de l’appel du ministre, il y a — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales.

 

 

 

Effet

(2) La décision attaquée est cassée; y est substituée celle, accompagnée, le cas échéant, d’une mesure de renvoi, qui aurait dû être rendue, ou l’affaire est renvoyée devant l’instance compétente.

 

67. (1) To allow an appeal, the Immigration Appeal Division must be satisfied that, at the time that the appeal is disposed of,

 

(a) the decision appealed is wrong in law or fact or mixed law and fact;

 

(b) a principle of natural justice has not been observed; or

 

(c) other than in the case of an appeal by the Minister, taking into account the best interests of a child directly affected by the decision, sufficient humanitarian and compassionate considerations warrant special relief in light of all the circumstances of the case.

 

Effect

(2) If the Immigration Appeal Division allows the appeal, it shall set aside the original decision and substitute a determination that, in its opinion, should have been made, including the making of a removal order, or refer the matter to the appropriate decision-maker for reconsideration.

 

 

 

[13]           Dans les présentes circonstances, nous avons affaire à l’alinéa 67(1)b), qui dispose que, pour faire droit à un appel, la Section d’appel doit conclure qu’il y a eu manquement à un principe de justice naturelle. En l’espèce, c’est exactement ce que la Section d’appel a conclu.

 

[14]           Le paragraphe 67(2) prévoit qu’une fois qu’il y a eu manquement à un principe de justice naturelle, la Section d’appel peut, si la décision attaquée est cassée, prendre l’une des deux mesures suivantes : substituer à cette décision celle qui aurait dû être rendue, ou renvoyer l’affaire devant l’instance compétente. En l’espèce, la Section d’appel a fait quelque chose de déroutant. Elle semble d’abord avoir rendu sa propre décision en se fondant uniquement sur les éléments de preuve qu’elle avait en main et, en ce faisant, elle est arrivée au même résultat que la Section de l’immigration. C’est ce qu’a écrit la Section d’appel au paragraphe 47 de ses motifs :

[47] Le tribunal en est arrivé à cette conclusion en se fondant uniquement sur les éléments de preuve présentés par l’appelante. Il ne s’est pas du tout fié aux documents compromis qui ont été présentés au commissaire à l’audience de la Section de l’immigration.

 

 

 

[15]           Cependant, le tribunal ne s’est pas arrêté là; il semble s’être dit que même s’il renvoyait l’affaire à la Section de l’immigration, le commissaire arriverait au même résultat. Cela est peut‑être bien possible, mais nullement certain. Ensuite, le tribunal a dit que si la décision était renvoyée à la Section d’appel, on se heurterait inévitablement au même résultat. Cette façon de préjuger de ce qu’un ou plusieurs décideurs peuvent faire n’est pas un motif valable pour refuser de renvoyer une affaire. Au paragraphe 48 de ses motifs, le tribunal a écrit ceci :

[48] Le tribunal est convaincu que, si un commissaire de la Section de l’immigration avait entendu les mêmes éléments de preuve que ceux soumis au tribunal durant le présent appel, il en serait venu à la même conclusion. Cela aurait mené à un appel devant la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, et, inévitablement, le résultat aurait été le même.

 

 

 

[16]           Dans les derniers paragraphes des motifs, soient les nos 49 et 50, le tribunal a jugé que « malgré le manquement à la justice naturelle et à l’équité procédurale », une chose qu’il a appelé le « principe énoncé dans l’arrêt Mobil Oil » s’appliquait et il a conclu que l’affaire était « sans espoir » et son manque de succès « inévitable »; l’appel a donc été rejeté.

[49] Compte tenu des préoccupations du tribunal à l’égard de la vraisemblance du récit de l’appelante, il conclut que, malgré le manquement à la justice naturelle et à l’équité procédurale qu’il y a eu à l’audience de la Section de l’immigration, le principe énoncé dans l’arrêt Mobil Oil s’applique. La cause de l’appelante est sans espoir, et le rejet de son appel est inévitable.

 

[50] L’appel est rejeté.

 

 

 

[17]           Le « principe énoncé dans l’arrêt Mobil Oil » auquel se reporte le tribunal est probablement celui qui est énoncé au paragraphe 28 des motifs :

[28] Elle affirme ensuite que cette exception trouve son origine dans l’arrêt Mobil Oil, dans lequel la Cour suprême du Canada a expliqué qu’un manquement à l’équité procédurale ne requiert pas la tenue d’une nouvelle audience dans les « circonstances spéciales » où la réclamation en cause était par ailleurs « sans espoir » ou que le résultat obtenu était « inévitable ».

 

 

 

[18]           Les avocats des deux parties qui ont comparu devant moi ont convenu que l’arrêt Mobil Oil n’étaye pas une telle thèse. Cet arrêt avait trait à une série unique de circonstances dans lesquelles il avait été conclu à un manquement à l’équité procédurale qui, d’après la Cour suprême, aurait obligé à renvoyer l’affaire en vue d’une nouvelle décision. Cependant, étant donné que la question qui aurait été l’objet d’une nouvelle décision n’était pas l’objet des réparations demandées, il a été décidé qu’il était peu pratique de la renvoyer. Le juge Iacobucci a écrit ce qui suit au nom de la Cour :

La demande de Mobil Oil a été suivie d’une lettre du président indiquant qu’elle ne pouvait [traduction] « pas être soumise à l’Office » parce qu’elle n’était pas « valable ». Bien que j’accepte que la Loi de mise en {oe}uvre ne peut absolument pas étayer l’interprétation préconisée par Mobil Oil, je n’irai pas jusqu’à prétendre que Mobil Oil ne méritait pas une audience complète qui aurait pu avoir lieu par écrit, relativement à son interprétation nouvelle. La réponse du président était le fruit d’une subdélégation irrégulière qui a effectivement court-circuité les garanties procédurales de Mobil Oil. En fait, l’avocat de l’Office a admis, devant notre Cour, qu’il eût été préférable que Mobil Oil obtienne une audience devant l’Office. Si cela aurait été préférable, pourquoi devrait-on accepter un autre résultat?

Compte tenu de ces observations, Mobil Oil aurait normalement droit à un redressement pour les manquements à l’équité et à la justice naturelle que j’ai décrits. Cependant, vu la façon dont je statue sur le pourvoi incident, les redressements que demande Mobil Oil dans le pourvoi lui-même sont peu réalistes. Bien qu’il puisse sembler indiqué d’annuler la décision du président pour le motif qu’elle résulte d’une subdélégation irrégulière, il serait absurde de le faire et de forcer l’Office à examiner maintenant la demande présentée par Mobil Oil en 1990 étant donné que, suivant le résultat du pourvoi incident, l’Office serait juridiquement tenu de rejeter cette demande, en raison de l’arrêt de notre Cour.

Le résultat de ce pourvoi est donc exceptionnel puisque, habituellement, la futilité apparente d’un redressement ne constituera pas une fin de non-recevoir: Cardinal, précité. Cependant, il est parfois arrivé que notre Cour examine les circonstances dans lesquelles aucun redressement ne sera accordé face à la violation de principes de droit administratif : voir, par exemple, Harelkin c. Université de Regina, [1979] 2 R.C.S. 561. Comme je l’ai affirmé dans le contexte de la question soulevée dans le pourvoi incident, les circonstances de la présente affaire soulèvent un type particulier de question de droit, savoir une question pour laquelle il existe une réponse inéluctable.

Dans Administrative Law (6e éd. 1988), à la p. 535, le professeur Wade examine la notion selon laquelle l’équité procédurale devrait avoir préséance et la faiblesse d’une cause ne devrait pas normalement amener les tribunaux à ignorer les manquements à l’équité ou à la justice naturelle. Il ajoute toutefois ceci :

[Traduction]  On pourrait peut-être faire une distinction fondée sur la nature de la décision. Dans le cas d’un tribunal qui doit trancher selon le droit, il peut être justifiable d’ignorer un manquement à la justice naturelle lorsque le fondement de la demande est à ce point faible que la cause est de toute façon sans espoir.

Dans ce pourvoi, la distinction que propose le professeur Wade est pertinente.

 

 

 

[19]           Ce que souligne la Cour suprême, c’est que lorsqu’on a conclu à l’existence d’un manquement à la justice naturelle ou à l’équité procédurale, la Cour ne peut refuser de renvoyer la décision parce qu’elle suppose que l’on jugera l’affaire futile. Il existe une rare exception : lorsque la réparation demandée ne sera pas pertinente dans le contexte de l’affaire soumise à la Cour.

 

[20]           En l’espèce, la réparation que demande la demanderesse est précisément celle qui est touchée par le manque de justice naturelle et d’équité procédurale. Le tribunal ne devrait pas présumer quel serait l’issue, pas plus qu’il ne devrait préjuger que l’affaire est sans espoir.

 

[21]           En l’espèce, si le tribunal s’était arrêté au paragraphe 47 de ses motifs, la Cour n’aurait pas eu grand-chose à dire. Cependant, comme le tribunal a ajouté les paragraphes 48 à 50, la Cour ne peut considérer cela comme de simples remarques superflues. Elle doit considérer que le tribunal rendait une décision valide à cet égard. Cela étant le cas, il est préférable de renvoyer l’affaire en vue d’une nouvelle décision. Comme la demanderesse a seulement demandé que ce soit la Section d’appel qui rende une nouvelle décision, c’est ce que je ferai; je recommande toutefois que la Section d’appel, à son tour, renvoie l’affaire à la Section  de l’immigration.

 

[22]           Les avocats ont proposé d’éventuelles questions à certifier, mais l’affaire est de nature suffisamment factuelle pour que je n’en certifie pas.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.             la demande est accueillie;

2.             l’affaire est renvoyée à la Section d’appel de l’immigration, assortie de la recommandation de renvoyer l’affaire à la Section de l’immigration en vue d’une nouvelle audition;

3.             il n’y a pas de question à certifier;

4.             aucune ordonnance n’est rendue quant aux dépens.

 

 

« Roger T. Hughes »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2136-10

 

INTITULÉ :                                       NAREEZA PERSAUD

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 11 JANVIER 2011

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE HUGHES

 

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       LE 12 JANVIER 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Robert Blanshay

POUR LA DEMANDERESSE

 

Brad Gotkin

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Robert Blanshay

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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