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Cour fédérale

 

Federal Court


 

 

Date : 20110106

Dossier : T-1150-09

Référence : 2011 CF 11

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 6 janvier 2011

En présence de Monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

DOUGLAS CAINE

demandeur

et

 

L’AGENCE DU REVENU DU CANADA

défenderesse

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

OBJET DE LA DEMANDE

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision du 15 juin 2009 (la décision) de l’Agence du revenu du Canada (l’ARC/ le ministre) qui faisait suite à la demande présentée par le demandeur pour que l’ARC exerce son pouvoir discrétionnaire d’examen à l’égard des années d’imposition 1997, 1998, 1999 et 2000.

 

[2]               Dans la décision, l’ARC a réduit de 27 156 $ le revenu de profession libérale du demandeur pour l’année d’imposition 1997, de 12 565 $ pour 1999 et de 34 041 $ pour 2000, tout en augmentant de 28 168 $ ce revenu pour l’année d’imposition 1998. L’ARC a rejeté les demandes de redressement présentées par le demandeur pour faire augmenter de 9 600 $ en 1998 et de 15 000 $ en 2000 ses frais de réparation et d’entretien. L’ARC a admis une déduction pour honoraires de 1 203 $ en 1998, mais n’a pas admis de nouvelle déduction pour honoraires en 1999 ni en 2000.

 

LE CONTEXTE

 

[3]               Le 2 octobre 2007, le demandeur a déposé une demande de redressement d’une T1 accompagnée de pièces justificatives pour les années d’imposition 1997, 1998, 1999 et 2000 (la première demande).

 

[4]               L’ARC a informé le demandeur, par lettre datée du 18 septembre 2008, que ses demandes de redressement pour les années d’imposition 1997, 1998, 1999 et 2000 avaient été rejetées, mis à part une augmentation des frais juridiques de 6 706 $ admise pour l’année d’imposition 1999.

 

[5]               Le demandeur a demandé par l’entremise de son avocate, dans une lettre datée du 6 janvier 2009 (la deuxième demande), que l’ARC soumette sa décision à un examen indépendant. Le demandeur a également modifié au moyen de cette lettre sa demande de redressement d’une T1 pour les années d’imposition 1997, 1998, 1999 et 2000, en sollicitant une réduction supérieure de son revenu de profession libérale.

 

[6]               M. Shafik Popat, vérificateur de l’ARC, a établi un rapport sur la demande d’allègement d’un contribuable daté du 8 juin 2009, rapport qu’a approuvé M. Jim Powell, chef d’équipe, également de l’ARC.

 

[7]               M. Don Scarcello, directeur du Bureau des services fiscaux de London et représentant du ministre, a passé en revue et étudié les documents suivants en vue de rendre sa décision relativement à la deuxième demande du demandeur :

 

a.                   la deuxième demande, datée du 6 janvier 2009, du demandeur et les pièces jointes;

b.                  le rapport sur la demande d’allègement d’un contribuable daté du 8 juin 2009;

c.                   les feuilles de travail de Shafik Popat, vérificateur de l’ARC, datées du 18 mars 2009 ainsi que les pièces jointes;

d.                  la circulaire d’information IC-07-1 de l’ARC – « Dispositions d’allègement pour les contribuables ».

 

[8]               Après avoir étudié les documents susmentionnés et pris en compte les lignes directrices et les facteurs énoncés dans la circulaire d’information IC-07-1 ainsi que les dispositions pertinentes de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e supp.) (la Loi), l’ARC a décidé de faire droit en partie à la deuxième demande du demandeur et d’admettre les redressements suivants à son revenu :

 

 

1997

1998

1999

2000

1997

1998

1999

2000

Revenu d’entreprise

 -53 632 $

-7 112 $

+7 294 $

+11 971 $

-27 156 $

+28 168 $

-12 565 $

-34 041 $

Entretien et réparation

 

+9 600 $

 

+15 000 $

 

Néant

 

Néant

Frais juridiques et comptables

 

+1 203 $

+51 811 $

+25 203 $

 

+1 203 $

Néant

Néant

 

 

[9]               Le demandeur a été informé, par lettre datée du 15 juin 2009, de la décision de l’ARC de faire droit en partie à sa deuxième demande et des motifs de cette décision.

 

[10]           Par avis de demande daté du 15 juillet 2009, le demandeur a soumis à la Cour fédérale une demande de contrôle judiciaire de la décision du 15 juin 2009 du ministre.

 

[11]           Shafik Popat, de l’ARC, était le vérificateur chargé d’étudier les redressements sollicités par le demandeur pour les années d’imposition 1997, 1998, 1999 et 2000 et visés dans la décision du 15 juin 2009 du ministre. M. Popat a appris le 26 mars 2010 qu’on ne pouvait donner suite à la demande de redressement du demandeur pour les années d’imposition 1997 et 1998, cette demande ayant été faite le 6 janvier 2009, soit plus de dix années civiles après la fin de ces années d’imposition.

 

[12]           M. Popat a informé le demandeur par lettre datée du 18 mai 2010 qu’il ne pouvait bénéficier d’aucun redressement pour les années d’imposition 1997 et 1998 en raison du délai de prescription de dix ans prévu au paragraphe 152(4.2) de la Loi.

 

[13]           À compter du 2 février 1987, le demandeur a exercé comme dentiste avec le Dr Sears dans un immeuble connu sous le nom de 175 Albert Street et situé à London (Ontario).

 

[14]           En décembre 1986, le Dr Sears et le demandeur ont acheté le 175 Albert Street; en 1991, le titre de propriété sur l’immeuble a été transféré à Seca Management Inc., dont l’épouse du demandeur et l’épouse du Dr Sears disposaient chacune de 50% des actions.

 

[15]           La relation entre le demandeur et le Dr Sears étant devenue mauvaise, ce dernier a quitté le 175 Albert Street le 19 novembre 1999.

 

[16]           Après son départ, le Dr Sears et son épouse ont intenté une poursuite contre Seca Management Inc., le demandeur et Mme Caine, l’épouse du demandeur.

 

[17]           Le recours en justice du Dr Sears et de son épouse a occasionné d’importants frais juridiques et comptables au demandeur.

 

[18]           Le demandeur a en outre engagé des frais de réparation et d’entretien pour le 175 Albert Street, des dépenses qu’il a dites être nécessaires pour pouvoir y exercer sa profession de dentiste, et qu’il a dû assumer seul comme le Dr Sears refusait d’en acquitter une partie.

 

[19]           L’ARC a refusé que ces frais juridiques et comptables et ces frais de réparation et d’entretien puissent être déduits, comme cela a été confirmé dans la décision; c’est celle-ci qui fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

 

LA DÉCISION À L’EXAMEN

 

[20]           On signale dans la décision du 15 juin 2009 avoir procédé, à l’égard des déclarations de revenus pour 1997, 1998, 1999 et 2000 du demandeur, à un examen indépendant des examens précédemment effectués. On a pris en compte et étudié toutes les questions soulevées par le demandeur dans ses observations, et la décision se fondait sur les conclusions tirées par suite de l’examen ainsi que sur les alinéas 18(1)a) et h) de la Loi.

 

[21]           L’ARC a apporté des redressements au revenu de profession libérale pour la période en cause du demandeur.

 

[22]           L’ARC s’est ensuite penchée sur la déduction supérieure demandée pour frais de réparation et d’entretien pour les années d’imposition 1998 et 2000 en application de l’alinéa 18(1)a) de la Loi. Elle a admis la preuve du demandeur selon laquelle :

1.         le demandeur avait acquitté ces frais;

2.         il avait engagé ces frais en vue d’assurer, pour l’exploitation de son entreprise, la sécurité de l’immeuble;

3.         les frais engagés pour l’immeuble devaient être partagés entre le demandeur et le Dr Sears;

4.         le Dr Sears ne voulait pas contribuer à l’acquittement de ces frais.

 

[23]           L’ARC a déclaré qu’il lui fallait établir, dans le cadre de son examen, si une personne raisonnable sans lien de dépendance eût procédé aux mêmes réparations pour continuer d’exploiter son entreprise, ou eût plutôt demandé au propriétaire de les faire effectuer. L’ARC a pris en compte, à cette fin les faits suivants :

1.         en 1998, Seca Management Inc. était propriétaire de l’immeuble;

2.         les actionnaires de Seca Management Inc. étaient l’épouse du demandeur (pour 50%) et l’épouse du Dr Sears (pour 50%);

3.         aux fins de la Loi, le demandeur et son épouse étaient considérés avoir entre eux un lien de dépendance;

4.         aucun contrat de location n’avait été conclu entre le demandeur, le Dr Sears et Seca Management Inc., ce qui rendait impossible de départager les responsabilités de chacun quant aux réparations;

5.         les réparations visaient à embellir l’intérieur et l’extérieur de l’immeuble ou étaient de nature générale;

6.         il y avait d’autres appartements dans l’immeuble;

7.         le montant des réparations était important.

 

[24]           L’ARC a conclu que l’ensemble des travaux de réparation n’étaient pas liés, de par leur nature, à l’exploitation de l’entreprise du demandeur, et que ce dernier avait payé ces travaux du fait de sa relation avec son épouse, actionnaire de Seca Management Inc.. En l’absence de cette relation, une personne raisonnable n’aurait pas procédé à des travaux d’une telle importance, et se serait tournée la plupart du temps vers le propriétaire pour les faire effectuer. L’ARC a par conséquent conclu que les frais n’étaient pas directement liés à l’entreprise du demandeur, et n’avaient donc pas été engagés pour tirer un revenu tel qu’il est requis à l’alinéa 18(l)a) de la Loi.

 

[25]           L’ARC s’est finalement penchée sur l’augmentation de la déduction demandée pour des honoraires pour les années d’imposition 1998, 1999 et 2000. La déduction de certains honoraires, mais pas tous, a été admise en application de l’alinéa 18(1)a) de la Loi. L’ARC a relevé que les honoraires réclamés se rapportaient pour la plupart à des services juridiques et comptables dispensés en regard du litige opposant le Dr Sears et Seca Management Inc. Elle a aussi pris en compte l’argument du demandeur selon lequel ne pas avoir obtenu ces services juridiques ou comptables aurait porté préjudice à son entreprise.

 

[26]           L’ARC a déclaré qu’on établissait si des frais étaient déductibles en application de l’alinéa 18(l)a) en fonction de l’activité à la source de la demande de déduction, et du lien de cette activité avec l’exploitation de l’entreprise. Dans le cas du demandeur, la procédure judiciaire découlait non pas de l’exploitation de son entreprise, mais bien d’un litige mettant en cause Seca Management Inc. Même si le demandeur n’avait pas exercé ses activités professionnelles, il aurait engagé des honoraires d’avocat pour assurer sa défense contre le Dr Sears, et ceux-ci n’auraient donc pas été déductibles sous le régime de la Loi.

 

 

[27]           Les honoraires, en outre, n’étaient habituellement pas des frais engagés par les dentistes. Les répercussions que pouvait avoir sur la pratique dentaire du demandeur l’issue défavorable du litige ou l’absence de toute défense étaient trop éloignées pour que soit justifiée la déduction demandée. Il n’y avait aucun risque important directement lié à l’entreprise du demandeur, celui-ci semblant avoir acquitté les honoraires pour le compte de Seca Management Inc. et de son épouse.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

 

[28]           Le demandeur a soulevé les questions suivantes dans le cadre de la présente demande :

a.                   Quelle est la norme de contrôle applicable?

b.                  La décision devrait-elle être annulée en raison de son caractère déraisonnable?

 

LES DISPOSITIONS LÉGALES PERTINENTES

 

[29]           Les dispositions suivantes de la Loi de l’impôt sur le revenu sont applicables en l’instance :

 18. (1) Dans le calcul du revenu du contribuable tiré d’une entreprise ou d’un bien, les éléments suivants ne sont pas déductibles :

 

 

a) les dépenses, sauf dans la mesure où elles ont été engagées ou effectuées par le contribuable en vue de tirer un revenu de l’entreprise ou du bien;

 

b) une dépense en capital, une perte en capital ou un remplacement de capital, un paiement à titre de capital ou une provision pour amortissement, désuétude ou épuisement, sauf ce qui est expressément permis par la présente partie;

 

 

h) le montant des frais personnels ou de subsistance du contribuable — à l’exception des frais de déplacement engagés par celui-ci dans le cadre de l’exploitation de son entreprise pendant qu’il était absent de chez lui;

 

152. (4.2) Malgré les paragraphes (4), (4.1) et (5), pour déterminer, à un moment donné après la fin de la période normale de nouvelle cotisation applicable à un contribuable — particulier, autre qu’une fiducie, ou fiducie testamentaire — pour une année d’imposition le remboursement auquel le contribuable a droit à ce moment pour l’année ou la réduction d’un montant payable par le contribuable pour l’année en vertu de la présente partie, le ministre peut, si le contribuable demande pareille détermination au plus tard le jour qui suit de dix années civiles la fin de cette année d’imposition, à la fois :

 

a) établir de nouvelles cotisations concernant l’impôt, les intérêts ou les pénalités payables par le contribuable pour l’année en vertu de la présente partie;

 

b) déterminer de nouveau l’impôt qui est réputé, par les paragraphes 120(2) ou (2.2), 122.5(3), 122.51(2), 122.7(2) ou (3), 127.1(1), 127.41(3) ou 210.2(3) ou (4), avoir été payé au titre de l’impôt payable par le contribuable en vertu de la présente partie pour l’année ou qui est réputé, par le paragraphe 122.61(1), être un paiement en trop au titre des sommes dont le contribuable est redevable en vertu de la présente partie pour l’année.

 

18. (1) In computing the income of a taxpayer from a business or property no deduction shall be made in respect of

 

 

(a) an outlay or expense except to the extent that it was made or incurred by the taxpayer for the purpose of gaining or producing income from the business or property;

 

(b) an outlay, loss or replacement of capital, a payment on account of capital or an allowance in respect of depreciation, obsolescence or depletion except as expressly permitted by this Part;

 

 

 

 

(h) personal or living expenses of the taxpayer, other than travel expenses incurred by the taxpayer while away from home in the course of carrying on the taxpayer’s business;

 

 

 

 

152. (4.2) Notwithstanding subsections (4), (4.1) and (5), for the purpose of determining, at any time after the end of the normal reassessment period of a taxpayer who is an individual (other than a trust) or a testamentary trust in respect of a taxation year, the amount of any refund to which the taxpayer is entitled at that time for the year, or a reduction of an amount payable under this Part by the taxpayer for the year, the Minister may, if the taxpayer makes an application for that determination on or before the day that is ten calendar years after the end of that taxation year,

 

 

 

 

(a) reassess tax, interest or penalties payable under this Part by the taxpayer in respect of that year; and

 

 

 

(b) redetermine the amount, if any, deemed by subsection 120(2) or (2.2), 122.5(3), 122.51(2), 122.7(2) or (3), 127.1(1), 127.41(3) or 210.2(3) or (4) to be paid on account of the taxpayer’s tax payable under this Part for the year or deemed by subsection 122.61(1) to be an overpayment on account of the taxpayer’s liability under this Part for the year.

 

 

[30]           Les dispositions suivantes de la Loi sur les Cours fédérales s’appliquent également en l’espèce :

18.1(4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises si la Cour fédérale est convaincue que l’office fédéral, selon le cas :

 

a) a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l’exercer ;

 

 

b) n’a pas observé un principe de justice naturelle ou d’équité procédurale ou toute autre procédure qu’il était légalement tenu de respecter ;

 

c) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier ;

 

d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose ;

 

e) a agi ou omis d’agir en raison d’une fraude ou de faux témoignages ;

 

f) a agi de toute autre façon contraire à la loi.

 

18.1(4) The Federal Court may grant relief under subsection (3) if it is satisfied that the federal board, commission or other tribunal

 

(a) acted without jurisdiction, acted beyond its jurisdiction or refused to exercise its jurisdiction;

 

(b) failed to observe a principle of natural justice, procedural fairness or other procedure that it was required by law to observe;

 

© erred in law in making a decision or an order, whether or not the error appears on the face of the record;

 

 

(d) based its decision or order on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it;

 

(e) acted, or failed to act, by reason of fraud or perjured evidence; or

 

(f) acted in any other way that was contrary to law.

 

 

LA NORME DE CONTRÔLE

 

[31]           Les deux parties conviennent que la norme de contrôle applicable dans la présente affaire est celle de la raisonnabilité. Je suis du même avis.

 

[32]           Le ministre dispose du pouvoir discrétionnaire, en vertu du paragraphe 152(4.2) de la Loi, d’établir de nouvelles cotisations concernant l’impôt, les intérêts ou les pénalités payables par le contribuable après la période normale de nouvelle cotisation de trois ans, si le contribuable demande pareille détermination au ministre dans les dix années suivant la fin de l’année d’imposition en cause.

 

[33]           Le paragraphe 152(4.2) fait partie des dispositions d’allègement pour les contribuables, auparavant désignées les dispositions d’équité, de la Loi. Les dispositions d’allègement confèrent un vaste pouvoir discrétionnaire au ministre. On ne précise aucunement dans la Loi ni dans ses règlements d’application selon quels critères le ministre doit exercer ce pouvoir. Le ministre peut ainsi recourir aux critères de son choix, dans la mesure où il respecte l’obligation générale d’agir équitablement, en conformité avec les principes d’équité procédurale élaborés en droit administratif.

 

Les lignes directrices en matière d’équité

 

[34]           Le ministre a créé des lignes directrices devant orienter l’exercice du pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 152(4.2) de la Loi et intitulées « IC-07-1 – Dispositions d’allègement pour les contribuables ». S’il est loisible au ministre de formuler ces lignes directrices générales, il ne peut restreindre l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en leur attribuant un caractère obligatoire ou en excluant tout autre motif pertinent d’exercice de ce pouvoir. Chaque demande d’allègement est examinée sur le fond.

 

[35]           À la partie IV des lignes directrices IC-07-1, intitulée « Lignes directrices concernant l’émission de remboursements ou la réduction de montants payables au-delà de la période normale de trois ans », on énonce les facteurs pris en compte par l’ARC pour décider s’il y a lieu d’établir une nouvelle cotisation pour une année d’imposition une fois expiré le délai de prescription de trois ans.

 

[36]           Les lignes directrices prévoient que l’ARC peut émettre un remboursement ou réduire le montant payable dû en application du paragraphe 152(4.2) de la Loi si elle est convaincue

a.                   qu’un tel remboursement ou une telle réduction aurait été accordé si la déclaration ou la demande avait été produite ou présentée à temps

b.                  que la cotisation à établir est conforme à la loi

c.                   que le remboursement ou la réduction n’a pas déjà été accordé.

 

Les motifs de contrôle

 

[37]           Les motifs de contrôle judiciaire sont énoncés au paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7.

 

[38]           En ce qui concerne les cours de révision, « […] [l]orsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s’est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l’objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision » (voir Maple Lodge Farms Ltd. c. Canada, [1982] 2 R.C.S. 2, aux pages 7et 8).

 

[39]           En l’espèce, la Cour ne contrôlera que la manière dont l’ARC a exercé son pouvoir discrétionnaire. Il n’incombe pas à la cour de révision d’exercer le pouvoir discrétionnaire conféré au ministre ou de substituer sa propre décision à celle du ministre. La Cour ne doit pas dire que le ministre a commis une erreur simplement parce qu’elle aurait exercé différemment de lui le pouvoir discrétionnaire.

 

La norme de contrôle judiciaire

 

[40]           Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, la Cour suprême du Canada a statué qu’il n’était pas toujours nécessaire de se livrer à l’analyse de la bonne norme de contrôle. Lorsqu’est déjà bien établie en jurisprudence la norme de contrôle applicable à la question particulière dont la cour de révision est saisie, en effet, celle-ci peut s’en rapporter à cette norme. Ce n’est que lorsque la recherche d’une telle jurisprudence s’avère infructueuse que la cour de révision doit examiner les quatre facteurs constitutifs de l’analyse relative à la norme de contrôle.

 

[41]           La Cour d’appel fédérale a déjà statué que la norme de la raisonnabilité s’applique à une décision discrétionnaire rendue par le ministre en application des dispositions d’allègement pour les contribuables (voir Lanno c. Canada (Agence du revenu du Canada), 2005 CAF 153, aux paragraphes 6 et 7).

 

[42]           Je conclus, compte tenu de l’arrêt Dunsmuir, précité, de la Cour suprême du Canada ainsi que de la jurisprudence antérieure de la Cour, que les questions soulevées par le demandeur appellent la norme de contrôle de la raisonnabilité. Aux fins du contrôle d’une décision en fonction de la norme de la raisonnabilité, on s’attardera dans l’analyse « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47). Autrement dit, la Cour ne devrait intervenir que si la décision était déraisonnable, en ce sens qu’elle n’appartenait pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit »

 

LES ARGUMENTS DES PARTIES

 

[43]           La poursuite intentée par le Dr et Mme Sears ont occasionné au demandeur d’importants frais juridiques et comptables.

 

[44]           Le demandeur a en outre engagé des frais pour des travaux de réparation et d’entretien effectués au 175 Albert Street. Ces frais étaient nécessaires pour l’exercice dans cet immeuble de la pratique dentaire du demandeur et celui-ci, selon ses dires, a dû acquitter lui-même ces frais en raison du refus du Dr Sears de prendre part à leur paiement.

 

[45]           L’ARC a refusé que ces frais juridiques et comptables et ces frais de réparation et d’entretien puissent être déduits, comme cela a été confirmé dans la décision; c’est ce refus qui fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[46]           Le demandeur affirme qu’en vue de décider de ne pas déduire les honoraires et les frais de réparation et d’entretien, l’ARC a fait abstraction ou trop peu de cas de faits pertinents, dont l’importance pour lui de la poursuite de sa pratique et les répercussions défavorables sur son revenu d’un déménagement hors du 175 Albert Street.

 

[47]           Le demandeur affirme que c’est de manière manifeste, et donc déraisonnable, que l’ARC a fait abstraction ou trop peu de cas d’éléments pertinents, et qu’il n’est ainsi guère possible de douter du caractère erroné de la décision. L’ARC aurait particulièrement omis de prendre en compte des critères pertinents lorsqu’elle a examiné s’il convenait d’admettre les honoraires et les frais de réparation et d’entretien. Parmi ces critères, il y avait l’importance pour le demandeur de demeurer au 175 Albert Street pour éviter d’engager d’importants frais de déménagement et de mettre en danger sa pratique dentaire établie; l’excellent emplacement de l’immeuble, avec stationnement gratuit, pour les patients; les améliorations locatives d’importance effectuées par le demandeur; la désignation du demandeur dans l’avis de demande déposé par Gerald et Jocelyn Sears à l’encontre de Seca Management Inc., du demandeur et de Mme Caine; la nécessité pour le demandeur d’opposer une défense à cette demande, comme sa pratique dentaire était solidement établie à son emplacement actuel et comme, parmi les mesures réparatoires demandées, il y avait la vente, aux répercussions importantes sur cette pratique, du 175 Albert Street.

 

Les arguments de la défenderesse

            La décision est raisonnable

 

[48]           La défenderesse affirme que la décision était parfaitement raisonnable, et que le dossier du demandeur ne renferme aucun élément de preuve qui donne à penser le contraire.

 

[49]           Pour en arriver à sa décision, l’ARC a procédé à un examen approfondi de la demande de redressement de T1 du demandeur pour les années d’imposition 1997 à 2000, ainsi que des documents et observations présentés par le demandeur au soutien de sa demande d’allègement.

 

[50]           L’ARC peut accepter de redresser la déclaration de revenus et l’impôt à payer d’un contribuable si la cotisation à établir est conforme à la loi. Or après un examen approfondi de l’ensemble des documents et des observations présentés par le demandeur et un examen des dispositions pertinentes de la Loi, l’ARC a statué que les frais dont le demandeur souhaitait la déduction n’étaient pas des frais professionnels, mais bien plutôt des frais personnels, et n’étaient donc pas déductibles sous le régime de la Loi.

 

[51]           On a expliqué de manière détaillée dans la décision de l’ARC, énoncée dans la lettre du 15 juin 2009, seul un redressement partiel pour les années d’imposition 1997 à 2000 du demandeur serait admis.

 

[52]           Selon la défenderesse, il était parfaitement raisonnable pour l’ARC de rejeter la demande du demandeur, comme les frais que celui-ci souhaitait déduire de son revenu d’entreprise n’avaient pas été engagés pour son entreprise et que l’ARC ne les aurait pas admis si le demandeur en avait inscrit la déduction dans ses déclarations T1 originales pour les années 1997 à 2000.

 

Le ministre a respecté les principes de justice naturelle et d’équité procédurale

 

[53]           Rien dans le dossier du demandeur ne démontre que le ministre aurait manqué aux principes de justice naturelle ou d’équité procédurale ou aurait enfreint une quelconque autre procédure.

 

[54]           Le dossier du demandeur ne renferme aucune preuve de mauvaise foi ni aucune preuve quant au fait que le ministre aurait fondé sa décision sur des faits non pertinents ou commis une erreur de droit.

 

[55]           Rien dans le dossier du demandeur ne démontre non plus que le ministre se serait écarté des lignes directrices de l’ARC en matière de procédure.

 

[56]           Le ministre n’a pas restreint son pouvoir discrétionnaire en se considérant lié par ses propres lignes directrices ou politiques. Il a examiné et pris en compte l’ensemble des renseignements et des observations qui lui avaient été soumis et il a exercé son pouvoir discrétionnaire dans le respect des lignes directrices. Il n’a toutefois pas prêté à celles-ci un caractère obligatoire.

 

Le redressement pour les années d’imposition 1997 et 1998 a été demandé après le délai de prescription de dix ans

 

[57]           Aux termes du paragraphe 152(4.2) de la Loi, l’ARC ne peut établir une nouvelle cotisation pour une année d’imposition si le contribuable demande pareille détermination au plus tard le jour qui suit de dix années civiles la fin de cette année d’imposition. C’est le 6 janvier 2009 que le demandeur a sollicité un redressement pour les années d’imposition 1997 et 1998, soit plus de dix années civiles après la fin de celles-ci. La modification apportée par l’ARC à sa décision, énoncée dans la lettre du 18 mai 2010 au demandeur, était par conséquent raisonnable et fondée en droit.

 

Conclusion

 

[58]           Aucune preuve ne démontre, selon la défenderesse, que l’ARC aurait agi de mauvaise foi en rendant sa décision, fait abstraction de faits pertinents ou tenu compte de faits non pertinents. L’ARC a agi de manière équitable et raisonnable, en tenant compte de toutes les observations présentées par le demandeur et de tous les facteurs pertinents dont elle était saisie. C’est de manière raisonnable que l’ARC n’a établi que partiellement de nouvelles cotisations pour les années d’imposition du demandeur hors la période normale de nouvelle cotisation.

 

[59]           Le demandeur n’a pas démontré que la décision de l’ARC mettait en cause l’un des motifs prévus au paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales qui justifieraient en l’espèce l’intervention de la Cour; la demande devrait par conséquent être rejetée.

 

ANALYSE

 

[60]           Le demandeur soutient qu’en n’admettant pas la déduction des honoraires et des frais de réparation et d’entretien, l’ARC [traduction] « a fait abstraction ou trop peu de cas de faits pertinents […] ».

 

[61]           Selon le demandeur, l’ARC a fait abstraction ou trop peu de cas des faits suivants :

[traduction]

Le ministre a particulièrement omis de prendre en compte des critères pertinents lorsqu’il a examiné s’il convenait d’admettre les honoraires et les frais de réparation et d’entretien. Parmi ces critères, il y avait l’importance pour [le demandeur] de demeurer au 175 Albert Street pour éviter d’engager d’importants frais de déménagement et de mettre en danger sa pratique dentaire établie; l’excellent emplacement de l’immeuble, avec stationnement gratuit, pour les patients; les améliorations locatives d’importance effectuées par [le demandeur]; la désignation [du demandeur] dans l’avis de demande déposé par Gerald et Jocelyn Sears à l’encontre de Seca Management Inc., [du demandeur] et de Mme Caine; la nécessité pour [le demandeur] d’opposer une défense à cette demande, comme sa pratique dentaire était solidement établie à son emplacement actuel et comme, parmi les mesures réparatoires demandées, il y avait la vente, aux répercussions importantes sur cette pratique, du 175 Albert Street.

 

 

 

[62]           Toutefois, rien dans la décision ne laisse croire que l’ARC a véritablement fait abstraction des facteurs mentionnés par le demandeur dans le cadre de la présente demande. L’ARC a procédé à un examen détaillé de la demande de redressement des T1 du demandeur pour les années d’imposition 1997, 1998, 1999 et 2000, ainsi que des documents et des observations présentés par le demandeur au soutien de sa demande d’allègement. Il ressort aussi clairement de la décision que l’ARC a bien compris la situation du demandeur et éprouvait de la compassion pour celui-ci, aux prises avec des problèmes liés au Dr Sears.

 

[63]           L’élément central du différend opposant les parties est la prétention de l’ARC selon laquelle les frais de réparation et d’entretien engagés par le demandeur au 175 Albert Street l’avaient été pour le compte du propriétaire. L’argument veut qu’un contribuable ne puisse obtenir une déduction dans un cas où une personne raisonnable, sans lien de dépendance avec le propriétaire, n’aurait pas engagé les frais en cause. Si un propriétaire omet de procéder à des réparations, le contribuable ne devrait pas demander une déduction d’impôt plutôt que de tenter de recouvrer du propriétaire les frais qu’il a engagés. Les frais engagés pour le compte d’un propriétaire ne sont pas déductibles sous le régime de la Loi. L’ARC affirme en d’autres mots que le demandeur lui a simplement demandé, et demande maintenant à la Cour, de ne pas tenir compte de la société de gestion qu’il avait mise sur pied avec le Dr Sears pour donner un cadre à leur entreprise.

 

[64]           Le demandeur affirme pour sa part que l’ARC n’a pas tenu compte de la situation concrète à laquelle il avait été confronté lorsque la relation avec le Dr Sears avait pris fin et qu’il avait dû faire faire des travaux de réparation et d’entretien au 175 Albert Street.

 

[65]           Ni l’une ni l’autre partie n’a produit devant la Cour de jurisprudence sur ce point.

 

[66]           L’ARC affirme qu’il incombait à la société, à titre de propriétaire de l’immeuble, d’acquitter les travaux de réparation. Peu importe la raison pour laquelle le Dr Caine a payé ces travaux – soit les travaux devaient être effectués rapidement et, en raison du litige mettant en cause Seca Management Inc., une solution rapide du problème était peu probable, soit comme l’a conclu l’ARC, le demandeur était l’époux d’une actionnaire à 50% de la société propriétaire de l’immeuble – il a choisi d’acquitter ces frais même s’il incombait à quelqu’un d’autre de les assumer.

 

[67]           L’approche adoptée par l’ARC est la bonne, selon ma propre analyse de la jurisprudence. Celle-ci met en garde de longue date les tribunaux contre la « levée du voile corporatif ». Dans l’arrêt Steven G. Meredith c. Sa Majesté la Reine, 2002 DTC 7190, le juge Robert Décary de la Cour d’appel fédérale a conclu (aux paragraphes 11 et 12) que le juge de première instance avait commis une erreur en passant « outre à l’entité corporative elle-même pour évaluer les actes du demandeur ». Il a ainsi fait observer ce qui suit :

[12] La levée du voile corporatif est contraire aux principes établis depuis longtemps en droit corporatif. En l'absence d'allégation selon laquelle la société constitue un « trompe-l’œil » ou un véhicule permettant à des actionnaires putatifs de commettre des fautes et en l'absence d'autorisation légale, les tribunaux doivent respecter les rapports juridiques créés par un contribuable (voir Salomon v. Salomon & Co., [1897] A.C. 22; Kosmopoulos c. Constitution Insurance Co. of Canada, [1987] 1 R.C.S. 2). Les tribunaux ne peuvent pas qualifier autrement les véritables rapports en fonction de ce qu'ils jugent être la réalité économique qui les sous-tend (voir Continental Bank Leasing Corp. c. La Reine, [1998] 2 R.C.S. 298; Shell Canada Ltd. c. La Reine, [1999] 3 R.C.S. 622 ; Ludco Enterprises Limited c. La Reine, 2001 CSC 62, au par. 51). Il s'ensuit donc que le juge de première instance a commis une erreur de droit lorsqu'il s'est penché sur la réalité économique du rapport entre Stem et Meredith, alors que ni la loi ni la common law ne l'autorisaient à le faire. [Non souligné dans l’original.]

 

[68]           L’ARC a conclu qu’il y avait un lien de dépendance entre le demandeur et l’une des actionnaires de Seca Management Inc., comme l’épouse de ce dernier détenait 50% des actions de cette société. Le juge Arthur Stone de la Cour d’appel fédérale a fait remarquer dans l’arrêt Wishing Star Fishing Co. c. B.C. Baron, [1988] 2 C.F. 325, [1987] A.C.F. n° 1149 (QL) (au paragraphe 14) qu’en présence de tels liens étroits,

[i]l pourrait être tentant […] de faire abstraction de l'existence indépendante de la société pour considérer uniquement l'individu. Cette manière de procéder peut ne soulever aucune difficulté dans l'exercice courant des activités de la société; la situation est cependant tout autre en droit strict. L'individu et la société ont des personnalités juridiques distinctes (Salomon v. Salomon & Co., [1897] A.C. 22 (H.L.)), et tout défaut de tenir compte d'une telle distinction ne peut qu'engendrer la confusion et entraîner des conséquences juridiques imprévues. 

 

[69]           Cette citation décrit fort bien à mon sens l’arrangement commercial assez vague existant entre le Dr Caine et le Dr Sears et les liens de ceux-ci avec Seca Management Inc. aux fins du partage des dépenses et des affaires courantes. Cela vient peut-être du fait que les parties n’avaient pas parfaitement compris l’existence distincte en tant qu’entité juridique de la société ni respecté cette existence distincte.

 

[70]           En l’espèce, le demandeur a constitué une société pour les avantages qu’il pourrait en tirer. Quand plus tard les inconvénients l’ont emporté sur les avantages, il a choisi de faire abstraction de la structure de cette société tout en croyant, vu la réalité économique à laquelle il était confronté, que ses actions étaient justifiées. Le demandeur demande à la Cour de reconnaître l’existence de cette réalité et de conclure en sa faveur. Comme la Cour d’appel fédérale l’a toutefois déjà déclaré, « [l]es tribunaux ne peuvent pas qualifier autrement les véritables rapports en fonction de ce qu’ils jugent être la réalité économique qui les sous-tend ». Le demandeur n’a fait valoir aucune jurisprudence permettant à la Cour d’agir en ce sens. Il doit accepter les inconvénients tout autant que les avantages. Selon mon analyse de la jurisprudence, la décision de l’ARC appartient aux issues possibles acceptables au sens où l’entend l’arrêt Dunsmuir.

 

[71]           Ce que le demandeur demande véritablement à la Cour de faire en l’espèce, c’est d’apprécier de nouveau la preuve et de rendre une conclusion qui lui soit favorable. Cela, la Cour ne peut pas le faire.

 

[72]           En effet, la Cour ne peut pas exercer son propre pouvoir discrétionnaire et substituer son opinion à celle de l’ARC, même si elle eût elle-même exercé ce pouvoir de manière différente (voir Maple Lodge Farms, précité, aux paragraphes 5 à 7).

 

[73]           La décision possède les attributs de la justification, de la transparence et de l’intelligibilité requis par l’arrêt Dunsmuir, précité, et appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

[74]           L’ARC a statué que les frais de réparation et d’entretien que le demandeur souhaitait déduire en 1998 n’avaient pas été engagés aux fins de sa pratique dentaire, mais constituaient plutôt des frais personnels non déductibles sous le régime de la Loi. Il s’agissait en fait de frais engagés pour le compte du propriétaire de l’immeuble.

 

[75]           Cela peut sembler au demandeur contraire à son premier réflexe, mais il ressort clairement des motifs que la décision était justifiée. Quant aux travaux de réparation et d’entretien effectués au 175 Albert Street, l’ARC a conclu que les [traduction] « réparations visaient à embellir l’intérieur et l’extérieur de l’immeuble, ou qu’il s’agissait de réparations générales effectuées notamment dans le loft et le grenier », qu’il y avait [traduction] « d’autres appartements dans l’immeuble », que le demandeur [traduction] « avait payé les travaux de réparation du fait de sa relation avec son épouse, actionnaire de SECA Management Inc. » et qu’ [traduction] « une personne raisonnable n’aurait pas procédé à des travaux d’une telle importance, et se serait tournée la plupart du temps vers le propriétaire pour les faire effectuer ». Au vu des documents soumis et des conclusions tirées, autrement dit, il était raisonnable pour l’ARC de conclure que [traduction] « les frais n’étaient pas directement liés à votre entreprise, et n’ont donc pas été engagés pour tirer un revenu tel qu’il est requis à l’alinéa 18(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu ».

 

[76]           Quant à l’année 2000, cette fois, il était de même justifié pour l’ARC de conclure que [traduction] « les travaux de réparation effectués étaient d’importance et ne se rapportaient pas qu’à l’exploitation de votre entreprise ». L’ARC a en outre conclu qu’il était [traduction] « raisonnable de conclure qu’une personne sans lien de dépendance n’aurait pas procédé à des travaux de réparation d’une telle nature, qu’elle aurait plutôt demandé au propriétaire d’effectuer ».

 

[77]           Quant aux honoraires, cette fois, la preuve révélait que les déductions demandées par le demandeur se rapportaient [traduction] « pour la plupart aux services juridiques et comptables dispensés en regard du litige opposant le Dr Sears et Seca Management Inc. ».

 

[78]           L’ARC a refusé de déduire ces frais parce que le demandeur était

[traduction]

mentionné dans le recours en raison d[e son] lien matrimonial avec l’actionnaire de Seca Management Inc., ou d’arrangements conclus entre [le demandeur] et le Dr Sears en lien avec les activités de Seca Management Inc., et non pour une question quelconque liée à l’exploitation de l’entreprise. Il semble donc que l’objet principal du litige soit Seca Management Inc.

 

 

 

[79]           Les frais n’auraient pas été déductibles en application de l’alinéa 18(1)b) de la Loi parce que le demandeur, même s’il n’avait pas eu sa pratique dentaire, aurait dû acquitter les frais juridiques et comptables nécessités par sa défense contre le recours du Dr Sears. Quant à l’alinéa 18(1)a) de la Loi, ces frais n’étaient pas de ceux qu’engagent habituellement les personnes exerçant la même profession et, selon l’ARC, [traduction] « les répercussions éventuelles sur votre pratique dentaire de l’issue défavorable du litige ou de l’absence de défense [étaient] trop éloignées pour que soit justifiée la déduction visée à l’alinéa 18(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu ».

 

[80]           Bien que ces conclusions puissent être contestées, comme l’a fait le demandeur, je ne crois pas qu’elles échappent aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (voir Dunsmuir, précité).

 

[81]           Le demandeur affirme une fois encore que, peu important la nature de la demande présentée par le Dr Sears, il y était désigné comme partie et il a dû verser des honoraires pour assurer sa défense alors qu’une des mesures réparatoires sollicitées était la liquidation de la société de gestion et la distribution des biens au 175 Albert Street. Selon le demandeur, l’ARC a fait abstraction du fait qu’il était essentiel pour son entreprise qu’il puisse poursuivre sa pratique dentaire dans cet immeuble. Je crois toutefois pour ma part que l’ARC n’en a pas fait abstraction. J’estime que le demandeur a demandé à la Cour d’apprécier de nouveau la preuve ainsi que les facteurs qui avaient été pris en compte.

 

 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE :

 

1.         La demande est rejetée et les dépens sont adjugés à la défenderesse.

 

 

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1150-09

 

INTITULÉ :                                       DOUGLAS CAINE

 

                                                            demandeur

 - et -

 

 L’AGENCE DE REVENU DU CANADA

 

                                                            défenderesse

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 13 OCTOBRE 2010

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS ET

DU JUGEMENT :                             LE 6 JANVIER 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Susan Fincher-Stoll                                                                   POUR LE DEMANDEUR

                                                                                               

Julian Malone                                                                           POUR LA DÉFENDERESSE

 

 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Harrison Pensa LLP                                                                 POUR LE DEMANDEUR

London (Ontario)

 

Myles J. Kirvan                                                                        POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

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