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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20110106

Dossier : IMM-2213-10

Référence : 2011 CF 3

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 6 janvier 2011

En présence de monsieur le juge Pinard

ENTRE :

HAJERA KHATUN,

MOHAMMAD ROWSHAN BHUYAN,

FAHMIDA BEGUM

 

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

 ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la  Loi), visant la décision rendue par la gestionnaire des opérations de la Section des visas au haut-commissariat du Canada à Singapour (l’agente), et déposée par Hajera Khatun, son fils Mohammad Rowshan Bhuyan et sa fille Fahmida Begum (les demandeurs). L’agente a déterminé qu’il y avait des motifs raisonnables de croire que les demandeurs avaient fait une présentation erronée sur un fait important dans leur demande de résidence permanente au titre du paragraphe 40(1) de la Loi.

 

* * * * * * * *

 

[2]               Les demandeurs sont des citoyens du Bangladesh. L’époux de la demanderesse principale est décédé en 1999. Son fils Mohammad Kawsar Bhuyan (le parrain) est citoyen canadien depuis 2009, ayant d’abord obtenu le statut de résident permanent en 2004 pour des motifs d’ordre humanitaire.

 

[3]               Le parrain a énuméré les membres de sa famille sur son formulaire d’immigration original datant de 2000. Il y indiquait que sa sœur Fahmida Begum est née en 1990, et que son frère Mohammad Rowshan Bhuyan est né le 18 août 1980 et était donc âgé de 19 ans en 2000. Le parrain a déclaré la même date de naissance pour son frère (1980) dans un autre formulaire d’immigration déposé en 2003, puis un autre en mai 2004. Cependant, sur le formulaire « Demande de parrainage et engagement » rempli en novembre 2004, il a déclaré que la date de naissance de son frère était le 18 août 1986. Il allègue qu’il avait accidentellement déclaré la mauvaise année de naissance dans le formulaire datant de 2000 et que l’erreur s’était répétée parce qu'il copiait les renseignements d’un formulaire à l’autre sans apporter de modifications.

 

[4]               Le 6 mai 2009, Citoyenneté et Immigration Canada a envoyé une « lettre d’équité procédurale » à la demanderesse principale, lui demandant une explication sur la divergence des dates. Le parrain a répondu à la lettre le 20 mai 2009. Il alléguait avoir commis une inadvertance dans les formulaires précédents et il a déposé des copies de l'acte de naissance de Mohammad Rowshan Bhuyan, de son passeport et de divers documents scolaires qui indiquaient tous 1986 comme année de naissance.

 

* * * * * * * *

 

[5]               L’agente a remarqué les divergences par rapport à l’année de naissance de Mohammad Rowshan Bhuyan et a souligné que, sur le formulaire original de 2000, le parrain avait déclaré que Mohammad Rowshan Bhuyan était alors âgé de 19 ans, ce qui concorderait avec une date de naissance en 1980 ou 1981. L’agente a reconnu avoir reçu les documents qui certifiaient la date de naissance en 1986, mais elle a conclu que ceux-ci ne réussissaient pas à la convaincre que le demandeur était bel et bien né en 1986. Elle a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, le demandeur avait fait une présentation erronée sur un fait important lors de la demande, en contravention avec le paragraphe 40(1) de la Loi. Elle a remarqué qu’une date de naissance en 1980 signifierait que le demandeur n’aurait pas moins de 22 ans à la date déterminante de la demande, soit le 5 novembre 2004, et qu’il ne serait donc pas admissible à être parrainé à titre d’enfant à charge.

 

* * * * * * * *

 

[6]               La présente affaire soulève deux questions :

a)      L’agente a-t-elle manqué à l’équité procédurale en ne motivant pas adéquatement le rejet de la preuve présentée?

b)      La conclusion de l’agente selon laquelle les demandeurs ont fait de fausses déclarations était-elle raisonnable, compte tenu de la preuve?

 

 

 

[7]               Dans la décision Karami c. Canada (Citoyenneté et Immigration), [2009] A.C.F no 912, aux paragraphes 14 à 17, monsieur le juge James Russell, en se basant sur l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47, a conclu que la norme de contrôle applicable à la conclusion d’un agent quant à la présentation erronée sur un fait important était la décision raisonnable, mais que la norme applicable aux questions d’équité procédurale était la décision correcte.

 

A.        Les motifs de l’agente étaient-ils adéquats?

[8]               Les demandeurs allèguent que l’agente n’a rien fait de plus que de déclarer qu’elle n’était pas convaincue qu’il n’y avait pas eu de fausse déclaration, sans motiver le rejet des observations et de la preuve documentaire présentée par le parrain. Les demandeurs invoquent l’arrêt rendu par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Hilo c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 15 Imm. L.R. (2d) 199, pour affirmer qu’une décision mettant en doute la crédibilité d’un témoignage ou d’un élément de preuve doit être formulée en termes clairs et explicites.

 

[9]               Le défendeur a déposé un affidavit de l’agente décideuse, Patricia Brown. Dans cet affidavit, Mme Brown explique les motifs de sa décision en détail.

 

[10]           Le défendeur se base sur cet affidavit de même que sur les notes contenues dans le Système de traitement informatisé des dossiers d’immigrations (le STIDI), qui répètent une portion de ces mêmes motifs, les considérant comme une preuve de la suffisance des motifs. Cependant, je suis d’avis que le défendeur ne peut utiliser cet affidavit pour compléter les motifs formulés dans la lettre de décision. La jurisprudence de la Cour a été constante en ce que le défendeur ne peut soumettre d’affidavit durant la procédure de contrôle judiciaire pour tenter d’étayer les motifs donnés dans la décision : Kalra c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F no 1199, au paragraphe 15; Du c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2001), 15 Imm. L.R. (3d) 64 (C.F. 1re inst.); Adil c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2010] A.C.F no 1228, au paragraphe 35.

 

[11]           Dans les décisions précitées, on a cependant conclu que les notes du STIDI peuvent compléter les motifs fournis dans la décision (voir, par exemple, Kalra, précitée, au paragraphe 15). En l’espèce, l’agente énumère les éléments suivants dans les notes du STIDI, datées du 18 janvier 2010, pour expliquer ses préoccupations à l’égard de la preuve présentée :

[traduction]

-les renseignements contenus dans les actes de naissance au Bangladesh sont basés sur des faits autodéclarés;

-les actes de naissance servent de référence pour les passeports au Bangladesh;

-les documents scolaires peuvent facilement être acquis de manière frauduleuse au Bangladesh et n’ont donc pas une plus grande valeur probante que les faits déclarés dans les formulaires d’immigration du parrain;

-même si les documents scolaires sont authentiques, la lettre de l’établissement stipule que la date de naissance est basée sur le registre d’admission, qui serait basé sur les déclarations de la famille;

-le parrain a fait des déclarations cohérentes quant à l’âge de son frère dans le formulaire original, déclarant un âge en rapport avec 1980 comme année de naissance.

 

[12]           Puisque les notes du STIDI sont admissibles comme faisant partie des motifs de la décision et qu’elles fournissent des détails quant aux motifs derrière le rejet de chaque élément de preuve qui fut présenté,  je conclus que les motifs étaient adéquats et qu’il n’y a pas eu de manquement à l’équité procédurale.

 

B.         L’agente était-elle déraisonnable en concluant que les demandeurs ont fait de fausses déclarations?

 

[13]           Je suis d’avis, bien que les motifs présentés dans les notes du STIDI soient moins détaillés que ceux énoncés dans l’affidavit de l’agente, et bien qu’il n’y ait pas de preuve à l’appui du motif voulant que les documents scolaires soient facilement accessibles de manière frauduleuse au Bangladesh, je conclus que, dans l’ensemble, les autres motifs sont néanmoins suffisants et raisonnables. Les notes du STIDI insistent sur le fait que le parrain n’a pas seulement déclaré, au départ, que le demandeur était né en 1980, mais qu’il a aussi déclaré que son frère était âgé de 19 ans en 2000, ce qui concorde avec une date de naissance en 1980. Bien qu’il soit possible que le parrain ait véritablement commis une inadvertance en n’inscrivant pas la bonne date de naissance, j’estime qu’il était raisonnable pour l’agente de conclure qu’il était improbable que le parrain commette aussi une faute d’écriture en déclarant l’âge du demandeur, à savoir 19 ans au lieu de 13 ans (l’âge qu’impliquerait une date de naissance en 1986 comme il a été allégué,). La combinaison de ces facteurs avec l’incitation à plus tard modifier la date de naissance à une année ultérieure afin de permettre au demandeur d’immigrer au Canada à titre d’enfant à charge (un facteur aussi cité dans les notes du STIDI) peuvent raisonnablement mener à une conclusion selon laquelle il s’agissait d’une fausse déclaration difficile à surmonter avec des documents basés sur des faits autodéclarés.

 

[14]           En l’espèce, je conclus que la « lettre d’équité procédurale » de Citoyenneté et Immigration Canada à l’intention de demanderesse principale, datée du 6 mai 2009, qui demande une explication sur la divergence des dates, satisfait les exigences d’équité procédurale dans l’ensemble de la présente affaire.

 

* * * * * * * *

 

[15]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

[16]           Je suis d’accord avec les avocats des parties qu’il n’y a aucune question à certifier.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

 

            La demande de contrôle judiciaire visant la décision rendue par la gestionnaire des opérations de la Section des visas du haut-commissariat du Canada à Singapour, selon laquelle il y avait des motifs raisonnables de croire que les demandeurs avaient fait une présentation erronée sur un fait important dans leur demande de résidence permanente au titre du paragraphe 40(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, est rejetée.

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2213-10

 

INTITULÉ :                                       HAJERA KHATUN, MOHAMMAD ROWSHAN BHUYAN et FAHMIDA BEGUM c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 29 novembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE PINARD

 

DATES DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT:                        Le 6 janvier 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Viken G. Artinian                                              POUR LES DEMANDEURS

 

Émilie Tremblay                                                POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Joseph W. Allen                                               POUR LES DEMANDEURS

Montréal (Québec)

 

Myles J. Kirvan                                                POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

 

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