Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20110106

Dossier : IMM-2202-10

Référence : 2011 CF 5

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 6 janvier 2011

En présence de monsieur le juge Pinard

ENTRE :

JOSE GUADALUPE VELAZQUEZ HERNANDEZ

 

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

 ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée par Jose Guadalupe Velazquez Hernandez (le demandeur) en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), visant la décision rendue par un membre de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission). La Commission a conclu que le demandeur n’était pas un réfugié au sens de la Convention, ni une personne à protéger au titre des articles 96 et 97 de la Loi.

 

[2]               Le demandeur est un citoyen du Mexique venant de la ville d’Ocuiltzapotlan, dans l’État de Tabasco. Il allègue avoir été victime d’un vol par effraction le 7 avril 2006 alors qu’il était hors de son domicile. À son retour, des voisins l’ont informé que l’auteur du vol était un criminel notoire des environs, connu seulement sous le nom d’« El Pollero ». Le demandeur aurait tenté de déposer une plainte au bureau local du procureur général, mais il affirme qu’on a refusé de recevoir la plainte en raison d’un manque de preuves et de témoins. Il dit que ses voisins ont refusé de témoigner par crainte de représailles des criminels des environs. Il allègue que la police l’avait assuré que la surveillance serait accrue.

 

[3]               Le demandeur allègue néanmoins qu’El Pollero aurait eu vent de sa tentative de déposer une plainte. Le demandeur affirme qu’il a reçu des menaces venant d’El Pollero et de ses complices entre avril et août 2006.

 

[4]               Le demandeur allègue qu’il a changé de ville plusieurs fois à l’intérieur de la région, mais que le 22 juin 2007, alors qu’il était à Villa Hermosa, à environ 55 km d’Ocuiltzapotlan, le demandeur et un de ses collègues ont été attaqués dans la rue et se sont fait voler. Le demandeur allègue qu’ils ont réussi à déposer une plainte auprès de la police avec l’aide d’un avocat spécialisé en droit des sociétés. Le demandeur précise qu’il n’a pas formulé le nom d’El Pollero dans sa plainte, quoiqu’il allègue que ses agresseurs lui ont dit qu’ils étaient ses complices et agissaient par représailles.

 

[5]               Le demandeur est plus tard revenu vivre à Ocuiltzapotlan, le lieu du premier vol, où vivait sa famille. Il prétend avoir continué à craindre pour sa vie. Il est entré au Canada le 3 mai 2008 et a fait une demande d’asile le jour même.

 

[6]               La Commission a rejeté sa demande d’asile en raison d’un manque de crédibilité, et de l’existence d’une protection offerte par l’État et d’une possibilité de refuge intérieur.

 

[7]               La présente affaire soulève trois questions :

a)      Était-il raisonnable pour la Commission de conclure que le récit du demandeur était inventé et manquait de crédibilité?

b)      La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur pouvait se prévaloir de la protection offerte par l’État?

c)      La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur pouvait se prévaloir d’une possibilité de refuge intérieur?

 

 

 

[8]               Traitant d’abord de la question quant à la protection offerte par l’État, une question mixte de fait et de droit, et donc assujettie à la norme de la décision raisonnable, d’après le juge Yves de Montigny dans la décision Paguada c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 351, paragraphe 19, la Commission a conclu que le demandeur pouvait se prévaloir d’une protection adéquate offerte par l’État dans l’État de Tabasco. La Commission a souligné que, lorsque le demandeur avait usé de diligence raisonnable en juin 2007, par suite de l’agression, la police avait enregistré sa plainte. De plus, la Commission a fait remarquer qu’on aurait avisé le demandeur en avril 2006 que la surveillance serait accrue à la suite du cambriolage. La Commission a conclu que cela démontrait que les institutions de l’État fonctionnaient normalement et que le demandeur n’avait pas établi par une preuve claire et convaincante que ces institutions étaient désorganisées.

 

[9]               Le demandeur allègue essentiellement que la Commission n’a pas respecté le critère énoncé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, aux pages 724 à 726, quant à l’absence de protection offerte par l’État. Il avance qu’il est bien connu au Mexique que le gouvernement est incapable de protéger ses citoyens contre les organisations criminelles qui terrorisent la population sans répercussions; le demandeur ne relève cependant aucun élément de preuve important dont disposait la Commission pour étayer cette allégation.

 

[10]           L’affaire Ward stipule qu’il incombe au demandeur de fournir une preuve « claire et convaincante » que l’État lui refuse ou est incapable de lui assurer une protection. Il est admis dans l’affaire Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. Villafranca (1992), 18 Imm. L.R. (2d) 130 (C.A.F.), qu’aucun gouvernement ne peut garantir la protection de chacun de ses citoyens en tout temps, et qu’il ne suffit donc pas de démontrer que celui-ci n’a pas toujours réussi à protéger des personnes dans cette situation en particulier. Dans l’arrêt Kadenko et al. c. Canada (Solliciteur général) (1996), 206 N.R. 272 (C.A.F.), on fait aussi remarquer que l’incapacité d’une force policière locale à offrir une protection n’implique pas nécessairement que celle offerte par l’État dans son ensemble est inadéquate, tout particulièrement là où une enquête est difficilement réalisable en raison d’un manque de témoins ou d’un assaillant à l’identité inconnue (comme en l’espèce).

 

[11]           En dernier lieu, je trouve significatif le fait que le demandeur n’ait pas fourni de preuve selon laquelle l’État ne serait pas disposé à lui offrir une protection dans un cas où, comme lors du dépôt de sa plainte en juin 2007, des témoins seraient disponibles et l’assaillant serait identifiable.

 

[12]           Je conclus donc qu’il était raisonnable pour la Commission de conclure que le demandeur ne s’était pas acquitté du fardeau de démontrer que l’État n’avait pas la capacité ni la volonté de lui offrir une protection dans les circonstances.

 

[13]           Quant à la question de la possibilité de refuge intérieur, la Commission a fait remarquer qu’elle avait demandé au demandeur s’il lui était possible de déménager à Mexico et que celui-ci avait mentionné qu’il lui serait possible d’y trouver un logement et un emploi sans difficulté. La Commission a fait remarquer que le demandeur avait déclaré, lors de son entrevue avec l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC), qu’il ne désirait pas déménager à Mexico par crainte de perdre son emploi, quoiqu’il ait des parents là-bas. La Commission a conclu que le demandeur n’avait pas fait d’effort raisonnable pour trouver une possibilité de refuge intérieur et qu’il n’y avait aucune preuve qu’il serait effectivement exposé personnellement à un risque partout ailleurs au Mexique.

[14]           Le demandeur fait valoir que la Commission a commis une erreur en concluant qu’il n’avait fait aucune démarche à cet effet, et il souligne qu’il avait déménagé à Cardenas et à Comalcalco, mais que, allègue-t-il, El Pollero l’avait retrouvé à ces deux endroits.

 

[15]           Le défendeur avance que le demandeur n’a pas démontré qu’il serait actuellement exposé personnellement à un risque s’il déménageait à Mexico. Le défendeur fait remarquer que le demandeur a admis qu’il lui serait possible de trouver un emploi et un logement à Mexico (même si, comme l’avance le demandeur, cela ne pourrait être qualifié de [traduction] « vie normale »), et que, selon la Commission, il a déclaré lors de son entrevue avec l’AFSC qu’il ne voulait simplement pas déménager à Mexico par crainte de perdre son emploi. Le défendeur affirme que la Commission a dûment pris en considération l’observation du demandeur selon laquelle il craignait qu’El Pollero puisse le retrouver ailleurs au Mexique, mais l’a néanmoins rejetée. Le défendeur avance que le demandeur ne fait que contester l’appréciation de la preuve dans son ensemble par la Commission.

 

[16]           Je suis d’accord avec le défendeur sur ce point. La conclusion de la Commission quant à l’existence d’une possibilité de refuge intérieur est une question de faits, et la norme de contrôle applicable est aussi la décision raisonnable, d’après la décision Navarro c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 358, aux paragraphes 12 à 14. Je suis d’avis que la Commission a agi de manière raisonnable en concluant qu’une possibilité de refuge intérieur pour le demandeur existait à Mexico. Le demandeur n’a pas démontré que la Commission disposait d’une preuve significative pour réfuter cette conclusion.

 

[17]           Puisque les conclusions précitées sont déterminantes à l’égard de la présente demande de contrôle judiciaire, il ne sera pas nécessaire d’aborder la question de crédibilité.

 

[18]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

[19]           Je suis d’accord avec les avocats des parties qu’il n’y a aucune question à certifier.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

 

            La demande de contrôle judiciaire visant la décision rendue par un membre de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, selon laquelle le demandeur n’était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger au titre des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27, est rejetée.

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2202-10

 

INTITULÉ :                                       JOSE GUADALUPE VELAZQUEZ HERNANDEZ c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 30 novembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE PINARD

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 6 janvier 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Eric Freedman                                                  POUR DE DEMANDEUR

 

Christine Bernard                                              POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Eric Freedman                                                  POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

 

Myles J. Kirvan                                                POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.