Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20110104

Dossiers : T-488-10

T-692-10

Référence : 2010 CF 1335

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 4 janvier 2011

En présence de monsieur le juge Hughes

 

 

ENTRE :

 

AIR CANADA

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

ADMINISTRATION PORTUAIRE DE TORONTO ET PORTER AIRLINES INC.

 

 

défenderesses

 

 

 

 

  MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

  • [1] Les présents motifs et jugement s’ajoutent à ceux que j’ai délivrés le 21 juillet 2010 dans le cadre de la présente instance. Les présents motifs concernent la question des dépens. À la fin de la première audition de ces demandes sur le fond, les avocats de chacune des parties ont indiqué qu’il était probable que les parties s’entendent sur l’adjudication des dépens. Ce fait a dicté ce qui suit au paragraphe 114 de mes motifs antérieurs (2010 CF 774) :

Les avocats à l’audience ont indiqué qu’il se peut que les parties s’entendent sur l’adjudication des dépens. Je les laisse donc s’occuper de la question, à condition, toutefois, que s’ils ne peuvent s’entendre dans un délai raisonnable, l’un ou plusieurs d’entre eux me demande, dans une courte lettre adressée à moi, une nouvelle ordonnance et de nouvelles directives au sujet des dépens. (sic)

 

  • [2] Malheureusement, les parties n’ont pu s’entendre à l’égard des dépens et m’ont demandé de trancher la question. C’est ce que je vais faire même si Air Canada a interjeté appel de mon jugement. Cet appel n’a pas encore été entendu.

 

  • [3] Dans mon jugement daté du 21 juillet 2010, j’ai rejeté les deux demandes. Toutes les parties conviennent qu’à l’égard des questions débattues devant moi, les défenderesses Administration portuaire de Toronto et Porter Airlines Inc. ont en grande partie eu gain de cause sur la plupart des questions et certainement en ce qui concerne le résultat. Les défenderesses ont eu gain de cause et chacune d’elle a droit à des dépens. La seule question est d’en établir la somme.

 

  • [4] Administration portuaire de Toronto et Porter Airlines Inc. font toutes deux valoir qu’elles ont droit à une indemnisation substantielle en ce qui concerne les dépens et à une indemnisation complète en ce qui concerne les débours. Chacune d’elle a présenté un projet de mémoire de frais et de débours indiquant les dépens réels et les dépens réclamés sur la base d’une indemnisation substantielle.

 

  • [5] Air Canada soutient que les dépens adjugés à chacune des défenderesses ne devraient pas dépasser deux fois le barème de la colonne IV du Tarif B (estimé à 112 000 $ chacune) en plus des débours raisonnables.

 

  • [6] Il convient de noter qu’Air Canada ne conteste pas les sommes établies dans chacun des projets de mémoire de frais et de débours des défenderesses en ce qui concerne la somme et qu’Air Canada n’a pas présenté de projet de mémoire ou d’autres renseignements à l’égard de ses propres dépens et débours. Je conclus par conséquent que les sommes en dollars établies par les projets de mémoire des défenderesses ne sont pas sérieusement contestées.

 

  • [7] Aucune partie n’a fait d’offre de règlement qui aurait une incidence sur le montant des dépens.

 

  • [8] Administration portuaire de Toronto présente le résumé qui suit à l’égard des dépens et des débours, les dépens demandés correspondant à 75 % des dépens réels.

 

 

Point

 

 

Dépens à raison d’une indemnisation complète

 

 

Montant du tarif

(Colonne V)

 

Dépens demandés

 

Honoraires

1 410 262,69 $

69 664,02 $

1 057 697,02 $

Débours

194 851,15 $

194 851,15 $

194 851,15 $

TOTAL :

1 605 113,84 $

264 515,17 $

1 252 548,17 $

 

  • [9] Porter Airlines Inc. présente le résumé qui suit en ce qui concerne les dépens et débours, les dépens demandés correspondant à 75 % des dépens réels.

 

Point

 

 

Montant du tarif

(Colonne III)

 

 

Montant du tarif

(Colonne V)

 

Dépens réels

 

Dépens demandés

 

Honoraires

47 014,40 $

81 171,20 $

1 672 497,36 $

1 250 000,00 $

Débours

156 422,88 $

156 422,88 $

156 422,88 $

156 422,88 $

TOTAL :

203 437,28 $

237 594,08 $

1 828 920,24 $

1 406 422,88 $

 

  • [10] Air Canada n’a soulevé aucune objection sérieuse à l’égard de la somme et des débours de chacune des défenderesses. Sa position à l’égard du montant des dépens peut se résumer comme suit :

Administration portuaire de Toronto

  Dépens :  120 000,00 $

   Débours :  194 851,15 $

   Total :  314 851,15 $

 

Porter Airlines Inc. :

  Dépens :  120 000,00 $

   Débours :  156 422,88 $

    Total :  276 422,88 $

 

  • [11] Le paragraphe 400(1) des Règles confère à la Cour le pouvoir discrétionnaire de déterminer le montant des dépens et de les répartir. Le paragraphe 400(3) des Règles énumère un certain nombre de facteurs dont la Cour peut tenir compte dans l’exercice de cette discrétion, y compris, à l’alinéa o), toute autre question que la Cour juge pertinente.

 

  • [12] Dans mes motifs antérieurs (2010 CF 774), j’ai examiné le contexte de ces deux demandes, les parties, la preuve et les questions en litige et j’ai fourni une chronologie des événements importants. Ces points ne doivent pas être répétés en l’espèce. En résumé, ces deux demandes, qui ont été entendues en même temps sur preuve commune, ont fait l’objet d’une lutte acharnée, étaient complexes et se sont terminées dans un délai de sept mois de l’institution des procédures. Bien qu’aucune réparation pécuniaire n’ait été réclamée, les enjeux étaient importants à l’égard du résultat. L’accès à l’Aéroport des îles de Toronto (Aéroport Billy Bishop) et sa viabilité commerciale étaient en jeu. Les parties n’ont pas lésiné sur les ressources juridiques pour traiter la question. Des efforts considérables ont été déployés par les avocats de première classe engagés par toutes les parties. Le temps ni l’argent ne semblent pas avoir été un obstacle.

 

  • [13] Ces questions ont été exceptionnellement bien plaidées devant moi. Toutefois, la nouvelle formulation de certaines questions et l’émergence de nouvelles questions n’ayant pas été plaidées au nom d’Air Canada m’ont donné du fil à retordre, comme le reflètent mes motifs précédents.

 

  • [14] Traditionnellement, la Cour fédérale du Canada a été à la traîne comparativement à d’autres tribunaux supérieurs du Canada, comme en Ontario, à l’égard de la hausse d’un barème de dépens approprié. Bon nombre de causes devant la Cour fédérale impliquent des personnes dont les moyens sont limités intentant des recours contre le gouvernement fédéral d’un genre ou d’un autre. Le barème des dépens est habituellement modeste dans de telles circonstances ou non existant dans des causes comme les causes en matière d’immigration. Les affaires commerciales complexes sont fréquemment celles qui impliquent la propriété intellectuelle comme les actions en contrefaçon de brevet ou des demandes présentées en application du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133, dans sa version modifiée. Les dépens dans de telles affaires sont encore évalués dans une large mesure en tenant compte du tarif à un des niveaux les plus élevés comme la colonne IV ou V.

 

  • [15] D’autres territoires, comme l’Ontario, se sont écartés d’un tarif, se tournant vers les concepts d’indemnisation complète ou d’indemnisation partielle fondée sur les coûts réels et les débours engagés dans le cadre de l’instance. La théorie est qu’une partie ayant gain de cause ne devrait pas être pénalisée en raison du fait qu’elle a dû engager ou recourir à un litige. Ce faisant, un tribunal doit toutefois être conscient qu’une partie, bien qu’elle ait eu gain de cause, peut ne pas l’avoir eu sur toute la ligne, que l’affaire peut avoir été difficile à trancher ou qu’il peut s’agir d’une affaire pour laquelle l’aide d’un tribunal était essentielle pour en arriver à une résolution. Par conséquent, une partie déboutée ne devrait pas indûment être punie en ayant à supporter non seulement ses propres dépenses, mais aussi une grande partie de celles des autres parties.

 

  • [16] En l’espèce, je suis convaincu que l’approche de l’indemnisation est la bonne, la seule question étant d’établir si cette indemnisation doit être complète ou partielle et, dans le cas où elle devrait être partielle, quelle en est la partie. Comme je l’ai mentionné plus tôt, il ne semble pas exister de véritable différend quant au montant des dépens réels et des débours engagés. Je suis convaincu qu’Administration portuaire de Toronto et Porter Airlines Inc. doivent chacune recouvrer d’Air Canada le plein montant des débours qu’elles ont déclarés.

 

  • [17] Quant aux dépens, Administration portuaire de Toronto et Porter Airlines Inc. demandent de recouvrer 75 % de leurs dépens réels. Air Canada recommande une somme qui équivaut à moins de 10 % de ces dépens réels. Pour déterminer un pourcentage approprié des dépens, j’ai tenu compte du paragraphe 400(3) des Règles comprenant toute autre question comme l’indique l’alinéa 400(3)o) et je conclus que les facteurs qui suivent sont les plus pertinents :

    1. Air Canada était l’agresseur au cours de ce litige. Elle a présenté la première demande suivie par la seconde et a menacé d’engager une procédure d’injonction interlocutoire tant qu’une date d’audience avancée n’a pas été établie. J’ai mentionné des procédures antérieures dans lesquelles Air Canada ou Jazz, une société liée, ont été impliquées, mais je n’en tiens pas compte puisque les dépens ont été ou peuvent être établis dans ces procédures. Le point que je considère comme important est qu’Air Canada a été une plaideuse agressive et devait avoir pleinement conscience des conséquences à l’égard des dépens.

    2. En conséquence, je conclus, entre autres, que la Cour n’avait pas compétence pour traiter des questions en litige et qu’il n’y a eu aucune « décision » de mettre les pouvoirs de la Cour à contribution. Air Canada semble avoir été consciente du fait qu’elle semblait avoir de la difficulté à gagner du terrain dans ces procédures. Cela semble expliquer les questions changeantes qu’elle a soulevées de temps à autre, y compris à l’audience en tant que telle.

    3. Les enjeux étaient élevés, car ils concernaient l’exploitation commerciale de l’Aéroport des îles de Toronto (Aéroport Billy Bishop) et l’accès de Porter Airlines Inc. et d’Air Canada aux installations de cet aéroport.

    4. Les parties n’ont pas lésiné sur les dépenses juridiques, le temps et l’effort. Plusieurs avocats principaux et autres ont été engagés par chacune des parties. De courts délais ont mis de la pression sur les avocats, les témoins et les parties en litige. Aucune partie n’était désillusionnée à l’égard des dépens et du risque lié à ces dépens.

    5. Air Canada a formulé des allégations, finalement non prouvées et essentiellement non pertinentes, en ce qui concerne l’inconduite et les activités anticoncurrentielles de la part d’Administration portuaire de Toronto et de Porter Airlines Inc. De plus, Air Canada a tenu des propos non fondés à l’égard de l’éthique de certains témoins des défenderesses.

    6. Les sommes réclamées par Administration portuaire de Toronto et Porter Airlines Inc. sont extrêmement élevées et dépassent de beaucoup le spectre de ce qui était essentiellement, deux jours et demi d’audience même si cela impliquait des témoignages par affidavit exhaustifs en contre-interrogatoire.

 

  • [18] Compte tenu de ces considérations, je conclus que la demande d’indemnisation partielle des défenderesses en ce qui concerne les dépens au niveau de 50 % des dépens réels et d’indemnisation complète en ce qui concerne les débours est appropriée et sera par conséquent accordée. Le recouvrement demandé établi dans le projet de mémoire de frais comprend les taxes ce qui fait qu’aucune compensation supplémentaire n’est apparemment nécessaire à cet égard.

 

  • [19] En conséquence, la somme de 705 131,35 $ est adjugée à Administration portuaire de Toronto à l’égard des dépens et des taxes et la somme de 194 851,15 $ à l’égard des débours ce qui équivaut, au total, à la somme de 899 982,45 $. La somme de 836 248,65 $ est adjugée à Porter à l’égard des dépens et des taxes et la somme de 156 422,88 $ à l’égard des débours ce qui équivaut, au total, à la somme de 992 671,53 $. Les sommes accordées comprennent les taxes applicables.


JUGEMENT SUR LES DÉPENS

 

Pour les motifs qui précèdent,

 

LE JUGEMENT DE CETTE COUR QUANT AUX DÉPENS est le suivant :

  1. La défenderesse Administration portuaire de Toronto est admissible au recouvrement de la somme de 899 982,45 $ de la demanderesse Air Canada dont 194 851,15 $ représentent des débours. Les sommes accordées comprennent les taxes applicables.

  2. La défenderesse Porter Airlines Inc. est admissible au recouvrement de la somme de 992 671,53 $ de la demanderesse Air Canada dont 156 422,88 $ représentent des débours. La somme accordée comprend les taxes applicables.

 

 

 

Juge

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIERS :  T-488-10

  T-692-10

 

 

INTITULÉ :  AIR CANADA c. ADMINISTRATION PORTUAIRE DE TORONTO ET PORTER AIRLINES INC.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATES DE L’AUDIENCE :  DU 6 AU 8 JUILLET 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :  LE JUGE HUGUES

 

DATE DES MOTIFS :  LE 4 JANVIER 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Neil Finkelstein

Sarit E. Batner

Brandon Kain

Byron Shaw

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Peter Doody

Colleen M. Shannon

Christiaan A. Jordaan

POUR LA DÉFENDERESSE

ADMINISTRATION PORTUAIRE DE TORONTO

 

 

Robert L. Armstrong

Orestes Pasparakis

Greg Sheahan

POUR LA DÉFENDERESSE

PORTER AIRLINES INC.

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Borden Ladner Gervais S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

ADMINISTRATION PORTUAIRE DE TORONTO

 

Ogilvy Renault S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

PORTER AIRLINES INC.

 

 

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.