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Cour fédérale

Federal Court

 


Date : 20101223

Dossier : T-193-10

Référence : 2010 CF 1327

Ottawa (Ontario), le 23 décembre 2010

En présence de monsieur le juge Boivin 

 

ENTRE :

 

GABRIEL CHARKY

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, ch F-7, d’une décision rendue le 20 janvier 2010 par le Directeur-adjoint de l’Exécution du Bureau des services fiscaux de Montréal (ci-après le BSF) de l’Agence du revenu du Canada (ci-après l’Agence). Cette décision rejette la demande de divulgation volontaire de M. Gabriel Charky.

 

 

Faits

[2]               Pendant les années d’imposition 2005 à 2007, M. Charky était président de la société Allianz Madvac inc. (Allianz), une entreprise de fabrication d’équipements industriels.

 

[3]               Dans les déclarations de revenus qu’elle a produites pour ces années d’imposition, Allianz a déduit certaines dépenses de son revenu d’entreprise qui représentaient des dépenses personnelles de M. Charky.

 

[4]               Le 19 avril 2007, M. Léo-Paul Dumont du BSF de la Montérégie a informé M. Michel Jagger, à ce moment employé du service de la comptabilité d’Allianz, qu’il y aurait une vérification générale au cours de laquelle les dépenses d’un contribuable sont susceptibles d’être vérifiées.

 

[5]                Le lendemain, M. Dumont a convenu avec M. Jagger qu’un informaticien de l’Agence irait sur les lieux d’Allianz extraire les données informatiques du système de comptabilité de l’entreprise.

 

[6]               Au mois de juin 2007, des membres du service de l’informatique de l’Agence ont procédé à l’extraction des données.

 

[7]               Le 13 juillet 2007, l’Agence a reçu une demande anonyme de divulgation volontaire. Le contribuable en question était M. Charky.

 

[8]               L’identité de M. Charky a été connue de l’Agence le 13 août 2008.

 

La première décision

[9]               Le 11 février 2009, l’Agence a confirmé par lettre le refus de la demande de divulgation volontaire de M. Charky. M. Mario Côté conclut dans sa décision que la demande ne peut être considérée comme étant volontaire puisqu’elle fait suite à une vérification fiscale effectuée auprès d’une personne apparentée.

 

[10]           À la suite de cette décision, M. Charky a demandé une révision de cette décision.

 

[11]           Le 28 juillet 2009, M. Charky a transmis des représentations supplémentaires à l’Agence concernant la demande de divulgation volontaire.

 

La deuxième décision

[12]           Le 20 janvier 2010, le Directeur-adjoint de l’Exécution du BSF de Montréal a rejeté la demande de divulgation volontaire de M. Charky. Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, le Directeur-adjoint a conclu que la divulgation n’était pas volontaire puisque des mesures d’exécution, susceptibles de révéler les renseignements que M. Charky voulait divulguer, avaient été préalablement prises à l’égard de la société dont il était le président.

 

[13]           Premièrement, le Directeur-adjoint affirme avoir pris connaissance des observations de     M. Charky et que tous les faits soumis ont été examinés attentivement, conformément au programme des divulgations volontaires, établi en vertu du paragraphe 220(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC, 1985 (5e suppl.), ch 1 (ci-après la Loi).

 

[14]           Deuxièmement, le Directeur-adjoint soutient que la demande de divulgation n’était pas volontaire compte tenu de la circulaire IC00-1R2, des lignes directrices publiées par l’Agence au mois de juin 2008 et des circonstances particulières de l’affaire.

 

[15]           Troisièmement, le Directeur-adjoint est d’avis que la vérification générale dont faisait l’objet Allianz était susceptible de révéler les renseignements que M. Charky voulait divulguer.

 

[16]           Finalement, le Directeur-adjoint soutient que dans les circonstances étant donné que          M. Charky était le président d’Allianz, considérer la divulgation comme volontaire irait à l’encontre de l’esprit de la politique et du programme de divulgation volontaire. 

 

Dispositions législatives pertinentes

[17]           Le paragraphe 220(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu se lit comme suit :

Renonciation aux pénalités et aux intérêts

 

(3.1) Le ministre peut, au plus tard le jour qui suit de dix années civiles la fin de l’année d’imposition d’un contribuable ou de l’exercice d’une société de personnes ou sur demande du contribuable ou de la société de personnes faite au plus tard ce jour-là, renoncer à tout ou partie d’un montant de pénalité ou d’intérêts payable par ailleurs par le contribuable ou la société de personnes en application de la présente loi pour cette année d’imposition ou cet exercice, ou l’annuler en tout ou en partie. Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le ministre établit les cotisations voulues concernant les intérêts et pénalités payables par le contribuable ou la société de personnes pour tenir compte de pareille annulation.

 

[…]

Waiver of penalty or interest

 

 

(3.1) The Minister may, on or before the day that is ten calendar years after the end of a taxation year of a taxpayer (or in the case of a partnership, a fiscal period of the partnership) or on application by the taxpayer or partnership on or before that day, waive or cancel all or any portion of any penalty or interest otherwise payable under this Act by the taxpayer or partnership in respect of that taxation year or fiscal period, and notwithstanding subsections 152(4) to (5), any assessment of the interest and penalties payable by the taxpayer or partnership shall be made that is necessary to take into account the cancellation of the penalty or interest.

 

 

 

 

 

[18]           Les paragraphes 31 et 32 de la circulaire d’information en matière d’impôt sur le revenu,   No IC00-1R2 datée du 22 octobre 2007 se lisent comme suit:

Conditions d’une divulgation valide

 

31. Une divulgation doit remplir les quatre conditions

suivantes afin d’être considérée comme une divulgation valide :

 

i) Volontaire

 

32. Une divulgation ne sera pas considérée comme une divulgation valide, sous réserve des exceptions du paragraphe 34, en vertu de la condition « volontaire » si l’ARC détermine ce qui suit :

 

• le contribuable était au courant d’une vérification, d’une enquête ou d’autres mesures d’exécution que devait

entreprendre l’ARC ou toute autre autorité ou administration, en ce qui concerne les renseignements divulgués à l’ARC; ou

 

les mesures d'exécution relatives à la divulgation ont été

prises par l'ARC ou toute autre autorité ou administration, à l'égard du contribuable ou d'une personne associée ou apparentée avec le contribuable (y compris, sans toutefois s'y limiter, des sociétés, des actionnaires, des conjoints et

des associés) ou contre n’importe quel autre tiers où le but et l'impact de l'action applicable contre le tiers est

suffisamment lié à la divulgation actuelle; et

 

• les mesures d’exécution sont susceptibles d’avoir révélé les renseignements divulgués.

Conditions of a Valid Disclosure

 

31. A disclosure must meet the following four conditions in order to qualify as a valid disclosure:

 

i) Voluntary

 

32. A disclosure will not qualify as a valid disclosure, subject to the exceptions in paragraph 34, under the “voluntary” condition if the CRA determines:

 

 

 

• the taxpayer was aware of, or had knowledge of an audit, investigation or other enforcement action set to be conducted by the CRA or any other authority or administration, with respect to the information being disclosed to the CRA, or

 

• enforcement action relating to the disclosure was initiated by the CRA or any other authority or administration on the taxpayer, or on a person associated with, or related to the taxpayer (this includes, but is not restricted to, corporations, shareholders, spouses and partners), or on a third party, where the purpose and impact of the enforcement action against the third party is sufficiently related to the present disclosure, and

 

 

• the enforcement action is likely to have uncovered the information being disclosed.

 

Questions en litige

[19]           Les questions qui se posent dans cette demande de contrôle judiciaire sont les suivantes :

a.         Quelle est la norme de contrôle d’une décision prise en vertu du paragraphe 220(3.1) de la Loi?

 

b.         La décision du Directeur-adjoint refusant la demande de divulgation volontaire de M. Charky est-elle raisonnable?

 

Norme de contrôle

[20]           S’appuyant sur l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, les parties ont soumis, et la Cour est en accord, que la norme de contrôle qui s’applique dans le cas d’un pouvoir discrétionnaire est celle de la norme raisonnable. Dans l’arrêt Dunsmuir, la Cour suprême du Canada énonce aux paras 47 et 53 que la décision raisonnable :

[47]      […] tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

[53]      En présence d'une question touchant aux faits, au pouvoir discrétionnaire ou à la politique, la retenue s'impose habituellement d'emblée (Canada (Procureur général) c. Mossop, [1993] 1 R.C.S. 554, p. 599-600; Dr Q, par. 29; Suresh, par. 29-30). […]

 

[21]           De plus, le demandeur souligne que la norme de contrôle applicable au PDV a déjà été établie par la jurisprudence (Voir 334156 Alberta Ltd c Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), 2006 CF 1133, [2006] ACF no 1430, au para 7; McCracken c Canada, 2009 CF 1189, [2009] ACF no 1486, paras 17-19; Spence c Canada (Agence du Revenu), 2010 CF 52, [2010] ACF no 51, para 17). À titre d’exemple, le demandeur cite le paragraphe 24 de la décision Telfer c Canada (Agence du Revenu), 2009 CAF 23, [2009] ACF no 71, de la Cour d’appel fédérale : 

[24]      La norme de la décision déraisonnable est la norme de contrôle qui s'applique normalement à l'exercice du pouvoir discrétionnaire (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, 2008 CSC 9, au paragraphe 51 (Dunsmuir)). De fait, notre Cour avait déjà décidé dans Lanno c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2005 DTC 5245, 2005 CAF 153, que le caractère déraisonnable simpliciter (une des deux normes déférentes appliquées à l'époque par les tribunaux) était la norme de contrôle applicable à une décision prise en vertu du paragraphe 220(3.1).

 

[22]           La norme de contrôle qui s’applique dans la présente instance est donc celle de la décision raisonnable et la Cour doit faire preuve de retenue.

 

Le programme des divulgations volontaires

[23]           L’esprit du programme des divulgations volontaires (PDV) est de favoriser la conformité à la Loi de l’impôt sur le revenu. Il permet à un contribuable qui n’a pas rempli toutes les obligations que lui impose la Loi – par exemple, en ne déclarant pas tous ses revenus – de régulariser son dossier fiscal et d’éviter l’imposition de pénalités ou le dépôt de poursuites criminelles. Un contribuable a accès au programme dans la mesure où il prend l’initiative de la divulgation. Il ne doit pas agir directement ou indirectement en réaction à une mesure d’exécution de l’Agence.

 

[24]           Le 22 octobre 2007, l’Agence a publié la circulaire IC00-1R2, qui établit quatre conditions d’admissibilité au PDV :

                                                               i.            la divulgation doit être volontaire;

                                                             ii.            la divulgation doit être complète;

                                                            iii.            la divulgation doit comprendre l’imposition possible d’une pénalité ou cette possibilité;

 

                                                           iv.            la divulgation doit comprendre des renseignements dont la production est en retard d’au moins un an.

 

[25]           Au mois de juin 2008, l’Agence a également publié des lignes directrices internes intitulées « Voluntary Disclosures Program Guidelines » (Canada Revenu Agency, 2008-06). L’objectif de cette directive est de guider les employés de l’Agence impliqués dans le traitement d’une demande de divulgation. Cela étant dit, les lignes directrices n’écartent pas la circulaire. La section 3.2.4 des lignes directrices énonce ce qui suit :

3.2.4.   Répercussions des activités d’exécution

 

Ce ne sont pas toutes les mesures d’exécution qui peuvent entraîner le refus d’une divulgation. Si l’une des recherches suggère que l’ARC ou toute autre autorité ou administration a pris des mesures d’exécution à l’encontre d’un contribuable faisant une divulgation, d’un associé, d’une société connexe ou contre n’importe quel autre tiers, l’agent du PDV devra déterminer si la divulgation peut être considérée comme volontaire.

 

Par conséquent, si un agent du PDV découvre que l’on a entrepris des mesures d’exécution à l’encontre d’un contribuable ou toutes autres personnes mentionnées ci-dessus (sic), il doit se poser les questions suivantes :

 

·  Un employé de l’ARC ou toute autre autorité ou administration a-t-il contacté le contribuable pour toute raison liée à l’inobservation (p. ex. questions touchant les déclarations de revenus non produites, la vérification ou le recouvrement) ou est-il possible que le contribuable ait été au courant de la mesure d’exécution?

 

·  Les mesures d’exécution ont tel (sic) été prises à l’égard d’une personne associée ou apparentée avec le contribuable ou contre n’importe quel autre tiers où les mesures applicables sont suffisamment liées à la divulgation actuelle et est susceptible d’avoir révélé les renseignements divulgués?

 

Si la réponse à l’une ou l’autre de ces questions est « NON », on peut considérer la divulgation comme volontaire.

3.2.4.   Impact of Enforcement Activity

 

Not all enforcement action is automatic cause to invalidate a disclosure. If any of the above research suggests that the CRA or any other authority or administration taken enforcement action against a disclosing taxpayer, partner, related corporation, or a third party, the VDP officer will need to evaluate whether the disclosure can still be considered voluntary.

 

 

 

 

Therefore, when a VDP officer discovers that enforcement actions have begun against a taxpayer or the other persons mentioned above, the following questions need to be addressed:

 

 

 

·  Was any direct contact by a CRA employee, other authority or administration, for any reason relating to non-compliance (e.g. unfiled returns, audit, collection issues) made with the taxpayer or is the taxpayer likely to have been aware of the enforcement action?

 

 

 

·  Was any enforcement action initiated against a person associated with, or related to, the taxpayer or a third party where the enforcement action is sufficiently related to the present disclosure, and is likely to have uncovered the information being disclosed.

 

 

If the answer to either these questions is “NO”, the disclosure may be considered voluntary.

 

 

Analyse

[26]           La Cour rappelle que la décision faisant l’objet du contrôle judiciaire est celle du Directeur-adjoint de l’Exécution du BSF de Montréal en date du 20 janvier 2010.

 

[27]           En l’espèce, la divulgation volontaire effectuée par M. Charky a été refusée au motif qu’elle n’était pas volontaire en raison du contact établi par l’Agence avec M. Jagger, employé au sein d’Allianz.

 

[28]           De son côté, M. Charky soutient qu’il existe une différence entre le premier et le deuxième alinéa du paragraphe 32 de la circulaire.

 

[29]           Selon M. Charky, le premier alinéa de l’article 32 de la circulaire insiste sur les mesures d’exécution que devait entreprendre l’Agence alors que le deuxième alinéa insiste plutôt sur les mesures d’exécution qui ont été prises. Partant de ce principe, M. Charky soutient que selon les faits en l’espèce, ce serait plutôt le premier alinéa qui s’applique à lui puisqu’aucune vérification n’avait été entamée et que seul un contact initial avait été établi avec un des employés (M. Jagger). Ce contact n’aurait pas été porté à son attention.

 

[30]           Puisque le premier alinéa mentionne expressément que le contribuable devait être au courant de la vérification, de l’enquête ou de la mesure d’exécution que devait entreprendre l’Agence,       M. Charky allègue que l’Agence a mal exercé la discrétion qui lui est dévolue par la Loi. En effet, partant de la prémisse que M. Charky n’avait pas la connaissance, son procureur allègue que la Cour est justifiée d’intervenir.

[31]           En revanche, le défendeur soutient que les directives de nature administrative ne sont pas contraignantes et n’ont pas été adoptées en vertu d’une disposition législative. Le défendeur soumet donc que la décision a été effectuée à l’intérieur de la discrétion octroyée par la loi habilitante et qu’il n’y a pas lieu pour cette Cour d’intervenir. 

 

[32]           Lors de l’audience devant cette Cour, le procureur de M. Charky s’est employé à démontrer la contradiction apparente entre l’article 34 de la circulaire et l’article 3.2.4 des lignes directrices. La Cour ne peut toutefois adhérer aux arguments de M. Charky pour les raisons qui suivent.

 

[33]           Dans un premier temps, le point de départ de la Cour réside dans le fait que les directives ne sont pas des outils d’interprétation en soi et ne sont pas créateur de droit. La Loi, et plus particulièrement son paragraphe 220(3.1), octroie un pouvoir discrétionnaire au ministre et les directives ne peuvent restreindre ce pouvoir accordé par la Loi à son titulaire. Ainsi, il a été reconnu par la jurisprudence que les directives de nature administrative ne lient pas le titulaire du pouvoir discrétionnaire (voir Maple Lodge Farms Ltd. c Canada, [1982] 2 RCS 2). Outre ce principe de droit administratif, dans le cas qui nous occupe, le libellé même des articles pertinents des directives administratives ne tendent pas à limiter le pouvoir discrétionnaire contenu dans la loi habilitante. À titre d’exemple, l’article 3.2.4 (Impact of Enforcement Activity) indique ce qui suit : « If the answer to either of these questions is “NO”, the disclosure may be considered voluntary (Nous soulignons).

 

[34]           L’article 3.2.4.1 (Audit/Investigation Just Underway) des mêmes lignes directrices fait écho également au pouvoir discrétionnaire en mentionnant ce qui suit :

If an audit or investigation is in the preliminary stage and, according to the Audit Division or the Enforcement Division, the taxpayer is not yet aware of this activity, the disclosure can normally be considered voluntary. 

(Nous soulignons)

 

[35]           Deuxièmement, la Cour est satisfaite qu’une lecture attentive des libellés de la circulaire et des lignes directrices confirme que l’on y retrouve les mêmes éléments essentiels permettant de conclure si une divulgation est faite de façon volontaire ou non. Certes, il existe une différence dans la formulation entre la circulaire et les lignes directrices - et elle aurait sans doute avantage à être clarifiée – mais elle n’a pas pour conséquence d’entraver l’exercice du pouvoir discrétionnaire. À ce stade-ci, la question est de savoir si la décision est raisonnable. 

 

[36]           Il convient de rappeler la séquence des faits : (i) Pendant les années d’imposition 2005 à 2007, M. Charky est président de l’Allianz; (ii) en avril 2007, un contact de l’Agence communique avec M. Jagger du service de comptabilité d’Allianz pour l’informer d’une vérification générale à venir; (iii) en juin 2007, des membres de l’Agence procèdent à l’extraction de données; (iv) en juillet 2007 l’Agence reçoit la demande de divulgation volontaire.

 

[37]           En rendant sa décision, le Directeur-adjoint a conclu que la vérification générale entreprise à l’égard d’un tiers apparenté (Allianz) était susceptible de révéler les renseignements divulgués puisque les dépenses d’entreprise incluaient les dépenses personnelles de M. Charky et ces dépenses avaient été assumées par Allianz. Le Directeur-adjoint a tenu compte de la différence qui existe entre la circulaire et les lignes directrices, mais en appliquant les deux à toutes les circonstances particulières de la demande de divulgation de M. Charky (Dossier du demandeur à la p. 145), il a conclu qu’elle n’était pas volontaire (Dossier du demandeur, Affidavit de Pierre Gaboriault, aux   pp. 8-9).

 

[38]           Selon les faits de la présente affaire, la Cour est d’avis qu’il n’est pas déraisonnable de conclure qu’il existe un lien étroit entre la prise de contact de l’Agence avec M. Jagger, un employé d’Allianz, et la demande de divulgation volontaire de M. Charky, qui fut faite postérieurement.

 

[39]           Il n’est pas non plus déraisonnable de conclure qu’en prélevant les données informatiques du système comptable d’Allianz, l’Agence serait en mesure de découvrir des renseignements qui seraient visés dans la demande de divulgation de M. Charky, puisqu’il y a une concomitance entre l’extraction des données (juin 2007) et la divulgation anonyme de M. Charky (juillet 2007).

 

[40]           La Cour conçoit, comme l’a plaidé le procureur du défendeur, qu’il est impossible pour l’Agence de déterminer si le contribuable a réellement eu la connaissance de la mesure d’exécution puisque le premier contact a eu lieu avec M. Jagger. Qui plus est, les faits de cette cause démontrent que des mesures d’exécution relatives à la divulgation, bien qu’embryonnaire comme l’a souligné le procureur de M. Charky, avaient néanmoins débutées. Les faits tendent aussi à démontrer que compte tenu de la relation étroite entre Allianz et M. Charky, son président, ce dernier était ou pouvait être au courant des mesures d’exécution et que ces mesures étaient susceptibles de révéler les renseignements divulgués (Dossier du demandeur, art. 32 de la circulaire à la p. 54.)

 

[41]           La Cour n’a pas à décider si le ministre a eu raison ou tort, mais plutôt s’il a considéré toute la preuve devant lui de façon équitable de manière à déterminer si l’omission du demandeur de se conformer à la Loi a été causée par des facteurs indépendants de sa volonté. La question n’est pas de savoir si la Cour aurait rendu une décision différente, mais plutôt de savoir si la décision du ministre était raisonnable compte tenu de la preuve du demandeur pour appuyer sa prétention.

 

[42]           À la lumière des faits et après avoir dûment pris compte de la preuve soumise par les parties, la Cour conclut qu’il était raisonnable pour l’Agence de refuser la demande de divulgation volontaire de M. Charky. 

 

[43]           La décision du Directeur-adjoint refusant la demande de divulgation volontaire de             M. Charky est raisonnable et appartient aux issues possibles et acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir). La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

 


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.

 

 

 

« Richard Boivin »

Juge

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-193-10

 

INTITULÉ :                                       Gabriel Charky c Procureur général du Canada

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 13 décembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE BOIVIN

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 23 décembre 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Alain Ménard

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Ian Demers

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Cain Lamarre Casgrain Wells

Montréal (Québec)

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

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