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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20101222

Dossier : IMM-1498-10

Référence : 2010 CF 1321

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 22 décembre 2010

En présence de monsieur le juge Kelen

 

 

ENTRE :

 

KWAKU AMAKYE BANFUL

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE ET L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision d’une agente d’immigration de Windsor (Ontario), datée du 12 janvier 2010, par laquelle l’agente a rejeté la demande de rétablissement d’un permis d’études que le demandeur avait présentée en application de l’article 182 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement), parce que le demandeur n’était pas un [traduction] « véritable étudiant ».

 

 

LES FAITS

Le contexte

[2]               Le demandeur est un citoyen du Ghana âgé de 26 ans. Il est entré au Canada le 13 août 2004 et a obtenu un permis d'études valide jusqu’au 20 mai 2005. Son permis d’études a été prolongé deux fois et a finalement expiré le 30 septembre 2009. Le 2 novembre 2009, le demandeur a demandé le rétablissement de son permis d’études. Le refus de l’agente du 12 janvier 2010 de rétablir le permis d’études fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[3]               Après son arrivée au Canada, le demandeur a d’abord fréquenté le Columbia International College. Il s’est ensuite inscrit à l’Université de Windsor (l’Université) au baccalauréat ès arts spécialisé en relations internationales et études sur le développement. Après sa deuxième année, le demandeur a été mis en probation scolaire et a fréquenté le St. Clair College pendant trois semestres de rattrapage, de l’automne 2007 à l’automne 2008, avant de retourner à l’université.

 

[4]               Depuis son arrivée au Canada, le demandeur a eu plusieurs démêlés avec la justice :

1.      Le 24 novembre 2008, le demandeur était passager dans le véhicule motorisé d’un ami dans lequel la police, pendant une interception et fouille de véhicule routinières, a trouvé sous le siège du conducteur environ une once de cocaïne. La Couronne a suspendu les accusations contre le demandeur.

2.      En avril 2009, le demandeur a de nouveau été arrêté par la police alors qu’il conduisait. Le demandeur n’a pas accepté que le véhicule soit fouillé, mais il a accepté que les policiers le raccompagnent à la maison après qu’ils aient remorqué le véhicule du demandeur parce qu’ils avaient des soupçons au sujet de la validité de son permis de conduire. Avant d’entrer dans le véhicule des policiers, le demandeur s’est soumis à une fouille sur sa personne et dans son sac à dos, au cours de laquelle les policiers ont trouvé environ 4 onces de marijuana. Le demandeur a été mis en état d'arrestation pour possession de drogues et a été remis en liberté sur engagement, sous certaines conditions. L’une des conditions était qu’il devait aviser la police provinciale de l’Ontario 24 heures avant tout changement d’adresse. La Couronne a par la suite retiré les accusations de possession de marijuana contre le demandeur le 30 juillet 2009.

3.   En juin 2009, le demandeur a été attaqué par un individu armé d’une machette. Lors de son entrevue, il a déclaré à l’agente d’immigration qu’il n’avait pas rapporté cet incident aux policiers parce qu’il savait qu’il existait un mandat d’arrestation non exécuté contre lui.

4.   Le 20 septembre 2009, l’ancien colocataire du demandeur a été atteint par balle à l’extérieur d’une résidence. Le tireur a demandé au colocataire s’il connaissait le demandeur avant de faire feu. Le tireur était la même personne qui avait précédemment attaqué le demandeur avec une machette en juin 2009. Lorsque les policiers se sont présentés sur la scène, ils ont découvert que la résidence était celle du demandeur et qu’il s’agissait d’une adresse différente de celle inscrite sur son engagement. Le demandeur a donc été arrêté et accusé de défaut de se conformer à son engagement.

5.   Lors de son entrevue avec l’agente d’immigration, le demandeur a reconnu qu’il avait raté une date d’audience le 20 octobre 2009, audience qui portait sur son manquement à son engagement. Il a avisé l’agente d’immigration qu’il se livrerait aux policiers le lendemain de son entrevue. Aucune preuve ne montre si le demandeur s’est bien livré aux policiers après l’entrevue.

 

La décision contestée

[5]               Le 12 janvier 2009, l’agente d’immigration a rejeté la demande de rétablissement du permis d’études du demandeur parce qu’elle ne croyait pas que le demandeur était un [traduction] « véritable étudiant ». Dans ses motifs, l’agente a examiné les réponses du demandeur aux questions de l’entrevue, qui a eu lieu le 19 novembre 2009.

 

[6]               L’agente a affirmé que :

1.   le demandeur a le soutien financier de sa famille au Ghana, qui paie pour ses études et ses besoins quotidiens au Canada;

2.    bien que le demandeur ne soit pas lui‑même associé à un gang de criminels, l’agente a noté que le demandeur fréquentait le cousin de son ancien colocataire, Tian, qui, comme le demandeur le savait, était membre d’un gang;

3.   le demandeur a reconnu à l’entrevue qu’il fumait de la marijuana et que son ami « Stones » cultivait de la marijuana.

 

[7]               Le demandeur a d’abord répondu malhonnêtement par la négative à la question écrite sur le formulaire de demande de visa « si [le demandeur a] été trouvé coupable ou [a] été accusé d’un crime dans un autre pays ». L’agente a noté que les questions suivantes avaient révélé les accusations décrites plus tôt – notamment, l’accusation de 2008 pour possession de cocaïne, l’accusation d’avril 2009 pour possession de marijuana, l’accusation de septembre 2009 pour défaut de se conformer à son engagement, ainsi que le mandat d’arrestation décerné à l’audience après son défaut de se présenter à l’audience prévue en octobre 2009.

 

[8]               L’agente a aussi posé des questions au demandeur au sujet de déclarations qu’il avait faites lors d’une entrevue le 21 septembre 2009 avec un autre agent d’immigration au sujet de l’attaque à la machette qu’il avait subie en juin 2009. L’agente a déclaré que le demandeur avait expliqué la nature de l’attaque et avait [traduction] « soutenu qu’il n’avait pas rapporté l’attaque aux policiers parce qu’il savait qu’il y avait un mandat d’arrestation contre lui et parce que ses blessures ne constituaient pas un danger de mort. »

 

[9]               L’agente a examiné les antécédents académiques du demandeur. Elle a noté que les notes du demandeur à l’université étaient uniformément faibles.

 

[10]           Après avoir examiné les explications du demandeur pour ses démêlés avec la justice et pour son faible rendement académique, l’agente a conclu que le permis d’études du demandeur ne devrait pas être rétabli. L’agente a fourni trois motifs pour cette conclusion – 1) les antécédents académiques du demandeur ne démontrent pas que ses études sont sa priorité, 2) les aveux du demandeur à l’entrevue laissent entendre qu’il ne se conformera pas aux lois pertinentes et 3) le demandeur n’était pas crédible quant aux explications qu’il a données pour les méfaits qu’il a reconnus. L’agente a conclu à la page 5 de sa décision :

[traduction]

Je ne suis pas convaincue que le demandeur est un véritable étudiant. Ses notes et le fait qu’il a déjà échoué son programme et qu’il a été mis en probation académique, à mon avis, indiquent soit que ses études ne sont pas sa priorité, soit que son programme d’études est trop difficile pour lui. Le demandeur soutient qu’il a suivi des cours d’été pour faire remonter ses notes, cependant, je ne suis pas convaincue que cet effort montre qu’il est un véritable étudiant.

 

Je ne suis pas convaincue que le demandeur se conformera aux lois d’immigration et aux lois canadiennes. Il a avoué lors de l’entrevue qu’il avait participé à des activités illégales (le fait qu’il fume de la marijuana) et a aussi avoué connaître et fréquenter des criminels (Tian, un membre présumé des Crips, et Stones, son ami qui cultive de la marijuana).

 

Je ne suis pas non plus convaincue que le demandeur est crédible. Beaucoup de ses réponses lors de l’entrevue ne me semblaient pas crédibles. Par exemple, sa déclaration selon laquelle il n’avait pas avisé la police provinciale de l’Ontario de son changement d’adresse, comme l’exigeait son ordonnance de mise en liberté, parce qu’il était incapable de rejoindre son avocat. Je doute aussi de la crédibilité d’autres déclarations, par exemple, lorsqu’il a soutenu qu’il n’avait jamais été menacé avant l’incident à sa résidence où son ancien colocataire a été atteint par balle, mais qu’il a ensuite avoué qu’il avait été attaqué à son ancien appartement par un homme armé d’une machette. Le demandeur a aussi caché dans sa demande de rétablissement le fait que des accusations au criminel existaient à son endroit.

 

Le demandeur fait aussi l’objet d’un mandat d’arrestation décerné à l’audience parce qu’il ne s’est pas présenté à son audience et qu’il a manqué à l’ordonnance d’engagement.

 

Je ne suis pas convaincue que le demandeur est un véritable étudiant et qu’il se conformera aux lois et aux règlements d’immigration. Par conséquent, le permis d’études du demandeur ne peut pas être rétabli en application de l’article 182 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés. La demande est donc refusée.

 

 

Les dispositions lÉgales applicables

[11]           L’article 182 du Règlement prévoit que l’agent des visas peut rétablir le statut de résident temporaire d’un visiteur, d’un travailleur ou d’un étudiant sous certaines conditions :

182.     Sur demande faite par le visiteur, le travailleur ou l’étudiant dans les quatre-vingt-dix jours suivant la perte de son statut de résident temporaire parce qu’il ne s’est pas conformé à l’une des conditions prévues à l’alinéa 185a), aux sous-alinéas 185b)(i) à (iii) ou à l’alinéa 185c), l’agent rétablit ce statut si, à l’issue d’un contrôle, il est établi que l’intéressé satisfait aux exigences initiales de sa période de séjour et qu’il s’est conformé à toute autre condition imposée à cette occasion.

182.     On application made by a visitor, worker or student within 90 days after losing temporary resident status as a result of failing to comply with a condition imposed under paragraph 185(a), any of subparagraphs 185(b)(i) to (iii) or paragraph 185(c), an officer shall restore that status if, following an examination, it is established that the visitor, worker or student meets the initial requirements for their stay and has not failed to comply with any other conditions imposed.

 

 

LA QUESTION EN LITIGE

[12]           Le demandeur soutient que la décision de l’agente d’immigration soulève la question suivante :

1.      L’agente des visas a‑t‑elle commis une erreur de droit en fondant sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée qu’elle a tirée de façon abusive et arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait, lorsqu’elle a conclu que le demandeur ne satisfaisait pas à l’exigence de l’authenticité des adultes, ce qui a entraîné le rejet de sa demande de rétablissement de statut à titre d’étudiant international?

 

LA NORME DE CONTRÔLE

[13]           Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, 2008] 1 R.C.S. 190, la Cour Suprême du Canada a expliqué au paragraphe 62 la première étape d’une analyse dans le cadre d’un contrôle judiciaire : « la cour de révision vérifie si la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de (déférence) correspondant à une catégorie de questions en particulier » : voir aussi Canada (Citoyenneté et and Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339, le juge Binnie, au paragraphe 53.

 

[14]           La jurisprudence qui a suivi l’arrêt Dunsmuir a établi que la norme de contrôle applicable aux conclusions de fait est la norme de la décision raisonnable : voir aussi, par exemple, Saleem c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 389, au paragraphe 13; Malveda c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 447, aux paragraphes 17 à 20; Khokhar c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 449, aux paragraphes 17 à 20, et ma décision in Dong c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 55, au paragraphe 17.

 

[15]           Lors du contrôle d’une décision d’un agent en fonction de la norme de la raisonnabilité, la Cour doit examiner « la justification de la décision, […] la transparence et […] l’intelligibilité du processus décisionnel » et « l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : Dunsmuir, précité, au paragraphe 47; Khosa, précité, au paragraphe 59.

 

 

ANALYSE

Question no 1 :    L’agente des visas a‑t‑elle commis une erreur de droit en fondant sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée qu’elle a tirée de façon abusive et arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait, lorsqu’elle a conclu que le demandeur ne satisfaisait pas à l’exigence de l’authenticité des adultes, ce qui a entraîné le rejet de sa demande de rétablissement de statut à titre d’étudiant international?

 

[16]           Le demandeur soutient que l’agente des visas a fondé sa décision sur deux conclusions de fait erronées :

1.   le demandeur soutient que l’agente avait tort lorsqu’elle a déclaré que le demandeur avait [traduction] « a déjà échoué son programme et qu’il a été mis en probation académique […] ». Au contraire, le demandeur soutient qu’il a rétabli son statut en suivant trois semestres de rattrapage et qu’il pourra continuer ses études lorsque son statut d’immigration sera rétabli;

2.   l’agente a aussi commis une erreur lorsqu’elle a déclaré que le demandeur avait plaidé coupable à l’accusation de possession de cocaïne, alors que la Couronne a plutôt laissé tomber l’accusation.

 

[17]           Bien que l’agente d’immigration ait pu ne pas utiliser la bonne terminologie lorsqu’elle a mentionné les antécédents académiques du demandeur, il est évident que son évaluation de l’authenticité du demandeur à titre d’étudiant était fondée sur un examen de son mauvais rendement académique depuis son arrivée au Canada. Le demandeur n’a présenté aucune preuve donnant à penser que les faits que l’agente a cités au sujet de ses notes ou du temps qu’il a passé en rattrapage étaient faux. En fonction de ces faits, l’agente pouvait raisonnablement conclure que les antécédents d’études du demandeur n’appuient pas une conclusion selon laquelle il est un véritable étudiant.

 

[18]           En ce qui a trait à la déclaration erronée de l’agente selon laquelle le demandeur a plaidé coupable aux accusations de possession de cocaïne, la Cour conclut que cette erreur n’a pas influé significativement sur la décision. L’agente a fait cette déclaration dans son examen des faits, mais elle ne faisait pas partie du fondement de sa décision. Plutôt, la conclusion de l’agente au sujet de la probabilité que le demandeur se conforme aux lois canadiennes était fondée sur les conclusions au sujet du fait que le demandeur avait avoué qu’il fumait de la marijuana et qu’il fréquentait des criminels connus :

[traduction] Il a avoué lors de l’entrevue qu’il avait participé à des activités illégales (le fait qu’il fume de la marijuana) et a aussi avoué connaître et fréquenter des criminels (Tian, un membre présumé des Crips, et Stones, son ami qui cultive de la marijuana).

 

 

 

[19]           Pour que cela constitue une erreur susceptible de révision, la conclusion de fait erronée de l’agente doit avoir affecté significativement la décision ou avoir été tirée de façon abusive et arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait : Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7, alinéa 18.1(4)d). En l’espèce, il est évident que l’agente a examiné toute la preuve du demandeur et lui a donné l’occasion de répondre à toutes ses préoccupations. Sa décision de rejeter la demande du demandeur était fondée sur les trois motifs valables cités plus tôt au paragraphe 10 du présent jugement, qui sont justifiables, transparents et intelligibles et qui appartiennent aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

CONCLUSION

[20]           La Cour conclut que la décision de l’agente au sujet de l’authenticité du demandeur à titre d’étudiant au Canada ainsi que sa volonté de se conformer aux lois canadiennes était raisonnable compte tenu de la preuve. L’agente a examiné les explications du demandeur, mais n’a finalement pas été persuadée selon la prépondérance de la preuve. Comme les conclusions étaient raisonnables, la Cour ne peut pas intervenir dans la décision de l’agente.

 

QUESTION CERTIFIÉE

[21]           Les deux parties ont avisé la Cour que la présente affaire ne soulève pas de question grave de portée générale qu’il conviendrait de certifier en vue d’un appel. La Cour est du même avis.


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que :

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

 

« Michael A. Kelen »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1498-10

 

INTITULÉ :                                       Kwaku Amakye Banful c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 14 décembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE KELEN

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 22 décembre 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Casimir Eziefule

 

 

POUR LE DEMANDEUR

 

David Cranton

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Casimir Eziefule

Avocat

Windsor (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles Kirvan,

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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