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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20101220

Dossier : T-2151-09

Référence : 2010 CF 1309

Ottawa (Ontario), le 20 décembre 2010

En présence de monsieur le juge Pinard 

 

ENTRE :

 

FATEH KAMEL

 

 

 

Partie demanderesse

 

Et

 

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA PASSEPORT CANADA

 

 

 

 

Partie défenderesse

 

 

 

 

         MOTIFS DE L’ORDONNANCE

(déposés en vertu de l’article 51 de la Loi sur les Cours fédérales)

 

[1]               Lors de l’audition du 15 décembre 2010, la Cour était saisie de deux requêtes : l’une, présentée par Fateh Kamel (le demandeur) en vertu de la règle 51 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, est un appel d’une ordonnance émise par le protonotaire Richard Morneau le 30 juin 2010. La seconde, présentée par les défendeurs en vertu de la règle 350, demande le rejet de la demande de contrôle judiciaire sous-jacente au motif qu’elle est devenue académique.

[2]               À la fin de l’audition, j’ai maintenu la requête des défendeurs et, par voie de conséquence, rejeté celle du demandeur, le tout sans frais, étant d’avis que la demande de contrôle judiciaire sous-jacente du demandeur était devenue inutile et inappropriée. J’ai alors indiqué que les présents motifs, plus élaborés, seraient déposés conformément à l’article 51 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7. J’ai en outre précisé que les délais d’appel, en l’espèce, ne commenceraient pas à courir avant le dépôt des présents motifs.

 

* * * * * * * *

 

[3]               Le 10 février 2009, le demandeur a déposé une demande de passeport. Le 27 juillet 2009, les autorités de Passeport Canada l’ont informé qu’elles révisaient les règles d’éligibilité aux services de passeport en vertu de l’article 10.1 du Décret sur les passeports canadiens, TR/81-86, relatif à la sécurité nationale. Le demandeur n’a ensuite rien entendu pendant plusieurs mois.

 

[4]               Le 22 décembre 2009, le demandeur a déposé la demande de contrôle judiciaire sous-jacente visant l’omission de Passeport Canada de lui délivrer le passeport demandé. Dans cette procédure, le demandeur recherche une déclaration à l’effet que l’office fédéral a porté atteinte à ses droits protégés par les articles 6, 7 et 8 de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte), ainsi qu’une ordonnance à l’effet que Passeport Canada soit tenu de lui délivrer un passeport à titre de réparation en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte.

 

[5]               Les défendeurs, en réponse, ont déposé l’affidavit de M. Sébastien Roy, directeur adjoint à l’emploi de la Division des enquêtes, Direction générale de la sécurité à Passeport Canada. Un interrogatoire oral de monsieur Roy a eu lieu le 4 mai 2010. Lors de l’interrogatoire, les défendeurs ont soulevé neuf objections aux questions posées par le demandeur.

 

[6]               Monsieur Roy a répondu à plusieurs questions « sous réserve », tel que prévu dans la règle 95. Le 30 juin 2010, suite à la requête du demandeur pour faire trancher les objections soulevées, le protonotaire Morneau a émis une ordonnance rejetant les questions et la poursuite du contre-interrogatoire. Une des requêtes en l’espèce vise l’appel de cette ordonnance par le demandeur.

 

[7]               Subséquemment, dans une lettre envoyée au demandeur le 15 juillet 2010, le ministre des Affaires étrangères l’a informé qu’une décision avait été prise de lui refuser la délivrance d’un passeport en vertu de l’article 10.1 du Décret sur les passeports canadiens relatif à la sécurité nationale, l’effet de ce refus devant durer pour une période de cinq ans. Considérant alors la demande de contrôle judiciaire sous-jacente devenue « académique », les défendeurs ont déposé leur requête pour la faire rejeter.

 

[8]               Enfin, le 25 août 2010, le demandeur a déposé, dans le dossier T-1366-10 de cette Cour, une nouvelle demande de contrôle judiciaire visant, cette fois, le refus du 15 juillet précédent de lui délivrer un passeport.

 

* * * * * * * *

 

[9]               Dans l’ordonnance contestée du protonotaire Morneau, celui-ci a trouvé que la demande de contrôle judiciaire sous-jacente était de la nature d’un mandamus afin de forcer les défendeurs à émettre un passeport au demandeur. Le protonotaire a par ailleurs rejeté les objections du demandeur en regard des questions visées par la requête devant lui.

 

[10]           Il importe d’abord de considérer la requête des défendeurs visant le rejet de la demande de contrôle judiciaire sous-jacente du demandeur parce que devenue « académique ».

 

[11]           La compétence de la Cour fédérale en matière de recours extraordinaires contre les offices fédéraux, et les pouvoirs de la Cour fédérale, sur présentation d’une demande de contrôle judiciaire, sont définis respectivement au paragraphe 18(1) et au paragraphe 18.1(3) de la Loi sur les Cours fédérales :

  18. (1) Sous réserve de l’article 28, la Cour fédérale a compétence exclusive, en première instance, pour :

 

a) décerner une injonction, un bref de certiorari, de mandamus, de prohibition ou de quo warranto, ou pour rendre un jugement déclaratoire contre tout office fédéral;

 

b) connaître de toute demande de réparation de la nature visée par l’alinéa a), et notamment de toute procédure engagée contre le procureur général du Canada afin d’obtenir réparation de la part d’un office fédéral.

 

 

 

  18.1 (3) Sur présentation d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour fédérale peut :

a) ordonner à l’office fédéral en cause d’accomplir tout acte qu’il a illégalement omis ou refusé d’accomplir ou dont il a retardé l’exécution de manière déraisonnable;

 

b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu’elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l’office fédéral.

 

  18. (1) Subject to section 28, the Federal Court has exclusive original jurisdiction

 

(a) to issue an injunction, writ of certiorari, writ of prohibition, writ of mandamus or writ of quo warranto, or grant declaratory relief, against any federal board, commission or other tribunal; and

 

(b) to hear and determine any application or other proceeding for relief in the nature of relief contemplated by paragraph (a), including any proceeding brought against the Attorney General of Canada, to obtain relief against a federal board, commission or other tribunal.

 

 

 

  18.1 (3) On an application for judicial review, the Federal Court may

 

(a) order a federal board, commission or other tribunal to do any act or thing it has unlawfully failed or refused to do or has unreasonably delayed in doing; or

 

(b) declare invalid or unlawful, or quash, set aside or set aside and refer back for determination in accordance with such directions as it considers to be appropriate, prohibit or restrain, a decision, order, act or proceeding of a federal board, commission or other tribunal.

 

 

[12]           En l’espèce, la demande de contrôle judiciaire sous-jacente du demandeur cherche, à toute fin pratique, à obtenir une ordonnance enjoignant à Passeport Canada de lui délivrer un passeport. Or, une décision a depuis finalement été prise par Passeport Canada refusant l’émission du passeport demandé. Cette dernière décision fait actuellement l’objet d’une nouvelle demande de contrôle judiciaire dans le dossier T-1366-10.

 

[13]           Le demandeur plaide que sa première demande de contrôle judiciaire ne constitue pas un recours en mandamus, mais plutôt une demande de réparation en vertu de la Charte. Pour leur part, les défendeurs soutiennent que le fait que cette première demande de contrôle judiciaire soit fondée sur des motifs reliés à la Charte n’a aucune incidence sur les règles ordinaires de contrôle judiciaire et sur la compétence de la Cour fédérale en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales. Je suis d’accord.

 

[14]           En effet, indépendamment de la sémantique ou de la formulation, il est clair que par sa demande de contrôle judiciaire sous-jacente, le demandeur veut, par ordonnance de la Cour, forcer Passeport Canada à lui délivrer un passeport, et ce, en raison d’atteinte à ses droits garantis par la Charte. Or, les circonstances ont depuis changé et il y a maintenant une décision à contrôler, soit celle de Passeport Canada de refuser de délivrer un passeport au demandeur. Celui-ci ayant depuis déposé une demande de contrôle judiciaire visant cette dernière décision, il peut toujours y faire valoir les mêmes moyens que ceux essentiellement invoqués dans sa première demande de contrôle judiciaire, y inclus ceux basés sur la Charte, dans le but de faire annuler la décision et, ultimement, d’obtenir de Passeport Canada la délivrance d’un passeport.

 

[15]           Ainsi, la demande de contrôle judiciaire sous-jacente du demandeur, soit sa première, m’apparaît clairement être devenue inappropriée et inutile aux fins d’une saine administration de la justice. Elle est maintenant dénuée de toute chance de succès et doit donc être rejetée.

 

[16]           Il s’ensuit que l’appel de la décision du protonotaire inclus dans l’autre requête devant moi, requête incidente à la première demande de contrôle judiciaire du demandeur, doive subir le même sort que cette dernière.

 

[17]           C’est pour toutes ces raisons qu’à l’audition du 15 décembre 2010, j’ai maintenu la requête des défendeurs en rejet de la demande de contrôle judiciaire sous-jacente du demandeur, et que j’ai rejeté la requête du demandeur en appel de la décision rendue le 30 juin 2010 par le protonotaire Richard Morneau.

 

[18]           Vu les circonstances particulières du présent cas, j’ai décidé de ne pas faire d’adjudication de dépens. J’ai aussi indiqué que le délai d’appel de mon ordonnance ne commencerait pas à courir avant le dépôt des présents motifs.

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

Ottawa (Ontario)

Le 20 décembre 2010

 

 

 


 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-2151-09

 

INTITULÉ :                                       FATEH KAMEL c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, PASSEPORT CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 15 décembre 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :  Le juge Pinard

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 20 décembre 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Mai Nguyen                                  POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

 

Me Alexander Pless

Me Linda Mercier                                POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Doyon & Associés Inc.                                                 POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

 

Myles J. Kirvan                                                            POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

 

 

 

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