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Date : 20101209

Dossier : T-1597-09

Référence : 2010 CF 1261

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 9 décembre 2010

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SHORE

 

 

ENTRE :

 

TRE MAIALI FASHION GROUP INC.

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU Canada

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

 

 

défendeurs

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.  Introduction

[1]               En ce qui a trait à la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985, ch. 1 (2e suppl.), ce n’est pas la lettre de crédit qui est exclue d’emblée, le cas échéant, c’est la nature des dispositions dans la lettre de crédit.

 

[2]               Chaque cas doit se rapporter directement à la législation pertinente et doit être interprété à la lumière de la jurisprudence pertinente (Highland Produce Ltd. c. Producteurs d’œufs du Canada, 2010 CF 401, [2010] A.C.F. n° 475 (QL)), s’il existe de la jurisprudence pertinente. Dans un affidavit, les lacunes d’une lettre de crédit à titre de garantie sont précisées :

a) libellé inadéquat pour protéger le montant total à payer, y compris les intérêts;

b) renvoi à une « entente » entre l’ASFC et le client (la demanderesse), alors qu’aucune entente n’a été conclue ou proposée par la demanderesse;

c) arrangement temporaire dont la date d’échéance est le 31 mars 2010;

d) aucun droit de révoquer le crédit si TD Canada Trust refuse d’émettre une nouvelle lettre à la date d’expiration.

 

II.  La procédure judiciaire

[3]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), division des recours régionale, datée du 1er septembre 2009, en vertu du paragraphe 60(1) (article 59) de la Loi sur les douanes, où les défendeurs ont conclu que la demanderesse n’avait fourni aucune garantie satisfaisante au ministre en ce qui concerne le montant et les intérêts qu’il leur devait, et la délivrance d’un bref de mandamus en vertu du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C., 1985, ch. F‑7, et des articles 300 et suivants des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106.

 

III.  Contexte

[4]               La demanderesse, Tre Maiali Fashion Group Inc., a importé certains articles vestimentaires de divers fournisseurs qui proviendraient des États-Unis d’Amérique.  

[5]               Les défendeurs ont effectué une vérification d’origine de l’importation des produits vendus sous les marques de commerce Affliction, LLC, Sinful, Xtreme, Couture et Archaic pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2007.

 

[6]               La vérification visait à déterminer si les vêtements importés au Canada étaient conformes aux exigences de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) et aux règles d’origine de l’ALENA et s’ils pouvaient bénéficier du tarif des États-Unis (TÉU) ou du tarif du Mexique (TM) (traitement tarifaire préférentiel prévu par l’ALENA) quand ils ont été importés au Canada.

 

[7]               Le 27 février 2009, l’ASFC, Division de l’observation des échanges commerciaux (région du Grand Toronto), d’après des renseignements communiqués par les exportateurs et les fournisseurs de la demanderesse, conformément au paragraphe 59(1) de la Loi sur les douanes, a donné avis des 16 décisions de révision concernant l’origine des produits selon lesquelles ils ne pouvaient pas bénéficier du traitement tarifaire préférence prévu par l’ALENA.

 

[8]               Par conséquent, les certificats d’origine en vertu de l’ALENA n’étaient plus valides.

 

[9]               L’ASFC a aussi obligé la demanderesse à payer ou à garantir le paiement des droits de douane exigibles. D’après les relevés détaillés de rajustement (RDR), en date du 27 février 2009, cela représentait un montant 322 880 $.

 

[10]           Pour contester les 16 décisions et demander la révision de l’origine des produits, le 26 mai 2009, la demanderesse a dit à son courtier en douane, Milgram et compagnie, de déposer auprès de la Division des recours de l’ASFC (RGT), 16 « demandes de rajustement B2 » pour un réexamen.

 

[11]           Le courtier en douane de la demanderesse a envoyé une lettre de crédit, en date du 31 mars 2009, au nom de la banque de la demanderesse, la Banque Toronto-Dominion (TD), pour la somme de 322 880 $.

 

[12]           Le 4 juin 2009, M. Peter Wolanski, gestionnaire des programmes régionaux, Division des recours régionale de l’ASFC, a parlé au téléphone avec le courtier en douane de la demanderesse et avec le président de la demanderesse, M. Chris Magnone, pour les aviser que la lettre de crédit datée du 31 mars 2009 n’était pas considérée comme une garantie acceptable. Monsieur Wolanski a consenti à ce que la demanderesse ait jusqu’au 18 juin 2009 pour fournir une garantie satisfaisante.

 

[13]           Le 23 juin 2009, M. Wolanski a parlé à M. Magnone au téléphone.

 

[14]           Le 25 juin 2009, Mme Valerie Fudge, agente des recours (RGT — Toronto) de l’ASFC, a envoyé une lettre au courtier en douane de la demanderesse lui expliquant ce qui serait considéré comme une garantie satisfaisante. Madame Fudge a aussi prorogé le délai de la demanderesse jusqu’au 25 juillet 2005, date à laquelle la demanderesse devait donner le montant garanti.

 

[15]           Le 3 juillet 2009, l’avocat de la demanderesse, M. Michael Kaylor, a envoyé une lettre à Mme Fudge où il disait que la lettre de crédit est une garantie acceptable.

 

[16]           Le 13 juillet 2009, M. Wolanski a parlé au téléphone avec l’avocat de la demanderesse pour l’informer qu’une lettre de crédit n’est pas une garantie acceptable.

 

[17]           Le 14 juillet 2009, M. Wolanski a parlé au téléphone avec l’avocat de la demanderesse pour lui laisser savoir que les cautions nécessaires ne pouvaient pas porter une date d’expiration.

 

[18]           Le 12 août 2009, Mme Fudge a envoyé une lettre à l’avocat de la demanderesse pour l’informer que la lettre de crédit n’était pas une garantie acceptable; la date limite pour payer ou fournir une garantie a été reportée au 31 août 2009.

 

[19]           Le 17 août 2009, la demanderesse a téléphoné à M. Wolanski pour discuter du modèle de cautionnement exigé.

 

[20]           Le 18 août 2009, M. Christopher Parke, avocat du ministère de la Justice Canada, a envoyé un courriel à l’avocat de la demanderesse pour lui expliquer qu’une garantie de durée limitée ne suffirait pas.

 

[21]           Le 19 août 2009, Mme Fudge a reçu une lettre de l’avocat de la demanderesse dans laquelle il lui demandait un réexamen des décisions et lui faisait savoir que la demanderesse demanderait à la Cour de délivrer un bref de mandamus.

 

[22]           Le 21 août 2009, Mme Marlene Koehler, gestionnaire de la Section des politiques des recours, Direction des recours de l’ASFC, et l’avocat de la demanderesse se sont parlé au téléphone à propos des lacunes de la lettre de crédit.

 

[23]           Le 24 août 2009, M. Wolanski a envoyé une lettre à l’avocat de la demanderesse.

 

[24]           Le 31 août 2009, M. Wolanski a reçu une lettre de la demanderesse, dans laquelle on pouvait lire que la demanderesse ne serait pas en mesure de fournir la caution exigée.

 

[25]           Le 1er septembre 2009, M. Wolanski a envoyé une lettre à la demanderesse confirmant que, comme il n’avait ni reçu le paiement des droits exigibles ni une garantie satisfaisante, il n’avait d’autre choix que de rejeter ses demandes de réexamen de l’origine des produits importés.

 

[26]           L’avis de demande auprès de la Cour fédérale a été déposé le 24 septembre 2009.

 

IV.  Positions des parties

[27]           La demanderesse prétend que le refus des défendeurs d’accepter la lettre de crédit est illégal et que les défendeurs ont entravé l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire et agi d’une manière arbitraire, capricieuse et illégale. La demanderesse précise être privée de son droit d’appel dans les 16 décisions de révision concernant l’origine des produits.

 

[28]           Les défendeurs soutiennent que la lettre de crédit n’est pas une garantie satisfaisante et que le ministre était justifié de demander une garantie qui respecte les exigences du Règlement sur la garantie à l’égard des dettes dues à Sa Majesté, DORS/87-505 (Règlement sur la garantie). Par conséquent, le montant dû par la demanderesse, en date du 16 novembre 2009, s’élevait à 332 880 $, plus 15 975 $ en intérêts, et la demanderesse ne peut pas demander le réexamen de la décision de l’ASFC à moins de satisfaire aux exigences de la loi.

 

V.  Questions en litige

[29]           (1) Le gestionnaire de l’ASFC a-t-il le pouvoir de rejeter la lettre de crédit au motif qu’il ne s’agit pas d’une garantie satisfaisante?

(2) La lettre de crédit proposée par la demanderesse est-elle jugée suffisante par le ministre comme le requiert le paragraphe 60(1) de la Loi sur les douanes?

 

VI.  La décision faisant l’objet du contrôle

[30]           Les défendeurs ont rejeté la demande de réexamen de l’origine présentée par la demanderesse en vertu du paragraphe 60(1) de la Loi sur les douanes au motif que la demanderesse n’avait pas payé les droits et intérêts et qu’elle n’avait pas fourni une garantie jugée satisfaisante par le ministre. La lettre de crédit n’a pas été considérée comme une garantie satisfaisante par le ministre.

 

VII.  Les dispositions législatives applicables

[31]           Voici les articles 59 et 60 de la Loi sur les douanes :

Révision et réexamen

 

 

59.      (1) L’agent chargé par le président, individuellement ou au titre de son appartenance à une catégorie d’agents, de l’application du présent article peut :

 

a) dans le cas d’une décision prévue à l’article 57.01 ou d’une détermination prévue à l’article 58, réviser l’origine, le classement tarifaire ou la valeur en douane des marchandises importées, ou procéder à la révision de la décision sur la conformité des marques de ces marchandises, dans les délais suivants :

 

(i) dans les quatre années suivant la date de la détermination, d’après les résultats de la vérification ou de l’examen visé à l’article 42, de la vérification prévue à l’article 42.01 ou de la vérification de l’origine prévue à l’article 42.1,

 

(ii) dans les quatre années suivant la date de la détermination, si le ministre l’estime indiqué;

 

 

b) réexaminer l’origine, le classement tarifaire ou la valeur en douane dans les quatre années suivant la date de la détermination ou, si le ministre l’estime indiqué, dans le délai réglementaire d’après les résultats de la vérification ou de l’examen visé à l’article 42, de la vérification prévue à l’article 42.01 ou de la vérification de l’origine prévue à l’article 42.1 effectuée à la suite soit d’un remboursement accordé en application des alinéas 74(1) c.1), c.11), e), f) ou g) qui est assimilé, conformément au paragraphe 74(1.1), à une révision au titre de l’alinéa a), soit d’une correction effectuée en application de l’article 32.2 qui est assimilée, conformément au paragraphe 32.2(3), à une révision au titre de l’alinéa a).

 

Avis de la détermination

 

(2) L’agent qui procède à la décision ou à la détermination en vertu des paragraphes 57.01(1) ou 58(1) respectivement ou à la révision ou au réexamen en vertu du paragraphe (1) donne sans délai avis de ses conclusions, motifs à l’appui, aux personnes visées par règlement.

 

 

 

Paiement ou remboursement

 

(3) Les personnes visées par règlement qui ont été avisées de la décision, de la détermination, de la révision ou du réexamen en application du paragraphe (2) doivent, en conformité avec la décision, la détermination, la révision ou le réexamen, selon le cas :

 

a) soit verser tous droits ou tout complément de droits échus sur les marchandises ou, dans le cas où une demande est présentée en application de l’article 60, soit verser ces droits ou compléments de droits, soit donner la garantie, jugée satisfaisante par le ministre, du versement de ceux-ci et des intérêts échus ou à échoir sur ceux-ci;

 

b) soit recevoir le remboursement de tout excédent de droits ou de tout excédent de droits et d’intérêts — sauf les intérêts payés en raison du non-paiement de droits dans le délai prévu au paragraphe 32(5) ou à l’article 33 — versé sur les marchandises.

 

 

Délai de paiement ou de remboursement

 

(4) Les sommes qu’une personne doit ou qui lui sont dues en application des paragraphes (3) ou 66(3) sur les marchandises, à l’exception des sommes pour lesquelles une garantie a été donnée, sont à payer sans délai, même si une demande a été présentée en vertu de l’article 60.

 

Limites

 

(5) Pour l’application de l’alinéa (3)a), le montant de droits dû sur les marchandises en application du paragraphe (3) à la suite de la détermination faite en vertu du paragraphe 58(1) ne comprend pas un montant dû sur celles-ci en application des articles 32 ou 33.

 

 

Intervention à l’égard d’une révision ou d’un réexamen

 

(6) La révision ou le réexamen fait en vertu du présent article ne sont susceptibles de restriction, d’interdiction, d’annulation, de rejet ou de toute autre forme d’intervention que dans la mesure et selon les modalités prévues au paragraphe 59(1) ou aux articles 60 ou 61.

 

Révision ou réexamen par le président

 

 

Demande de révision ou de réexamen

 

 

60.      (1) Toute personne avisée en application du paragraphe 59(2) peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la notification de l’avis et après avoir versé tous droits et intérêts dus sur des marchandises ou avoir donné la garantie, jugée satisfaisante par le ministre, du versement du montant de ces droits et intérêts, demander la révision ou le réexamen de l’origine, du classement tarifaire ou de la valeur en douane, ou d’une décision sur la conformité des marques.

 

Demande de révision

 

(2) Toute personne qui a reçu une décision anticipée prise en application de l’article 43.1 peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la notification de la décision anticipée, en demander la révision.

 

Présentation de la demande

 

(3) La demande prévue au présent article est présentée au président en la forme et selon les modalités réglementaires et avec les renseignements réglementaires.

 

Intervention du président

 

 

(4) Sur réception de la demande prévue au présent article, le président procède sans délai à l’une des interventions suivantes :

 

a) la révision ou le réexamen de l’origine, du classement tarifaire ou de la valeur en douane;

 

b) la confirmation, la modification ou l’annulation de la décision anticipée;

 

c) la révision ou le réexamen de la décision sur la conformité des marques.

 

Avis de la décision

 

(5) Le président donne avis au demandeur, sans délai, de la décision qu’il a prise en application du paragraphe (4), motifs à l’appui. (Je souligne.)

 

Re-determination or further re-determination

 

59.      (1) An officer, or any officer within a class of officers, designated by the President for the purposes of this section may

 

 

(a) in the case of a determination under section 57.01 or 58, re-determine the origin, tariff classification, value for duty or marking determination of any imported goods at any time within

 

 

 

 

 

(i) four years after the date of the determination, on the basis of an audit or examination under section 42, a verification under section 42.01 or a verification of origin under section 42.1, or

 

 

 

(ii) four years after the date of the determination, if the Minister considers it advisable to make the re-determination; and

 

(b) further re-determine the origin, tariff classification or value for duty of imported goods, within four years after the date of the determination or, if the Minister deems it advisable, within such further time as may be prescribed, on the basis of an audit or examination under section 42, a verification under section 42.01 or a verification of origin under section 42.1 that is conducted after the granting of a refund under paragraphs 74(1)(c.1), (c.11), (e), (f) or (g) that is treated by subsection 74(1.1) as a re-determination under paragraph (a) or the making of a correction under section 32.2 that is treated by subsection 32.2(3) as a re-determination under paragraph (a).

 

 

Notice requirement

 

(2) An officer who makes a determination under subsection 57.01(1) or 58(1) or a re-determination or further re-determination under subsection (1) shall without delay give notice of the determination, re-determination or further re-determination, including the rationale on which it is made, to the prescribed persons.

 

 

Payment or refund

 

 

(3) Every prescribed person who is given notice of a determination, re-determination or further re-determination under subsection (2) shall, in accordance with that decision,

 

¸

 

 

(a) pay any amount owing, or additional amount owing, as the case may be, as duties in respect of the goods or, if a request is made under section 60, pay that amount or give security satisfactory to the Minister in respect of that amount and any interest owing or that may become owing on that amount; or

 

 

 

 

(b) be given a refund of any duties, or a refund of any duties and interest paid (other than interest that was paid because duties were not paid when required by subsection 32(5) or section 33), in excess of the duties owing in respect of the goods.

 

 

 

Amounts payable immediately

 

(4) Any amount owing by or to a person under subsection (3) or 66(3) in respect of goods, other than an amount in respect of which security is given, is payable immediately, whether or not a request is made under section 60.

 

 

 

Exception for par. (3)(a)

 

(5) For the purposes of paragraph (3)(a), the amount owing as duties in respect of goods under subsection (3) as a result of a determination made under subsection 58(1) does not include any amount owing as duties in respect of the goods under section 32 or 33.

 

 

Review of re-determination or further re-determination

 

(6) A re-determination or further re-determination made under this section is not subject to be restrained, prohibited, removed, set aside or otherwise dealt with except to the extent and in the manner provided by subsection 59(1) and sections 60 and 61.

 

 

Re-determination and Further Re-determination by President

 

Request for re-determination or further re-determination

 

60.      (1) A person to whom notice is given under subsection 59(2) in respect of goods may, within ninety days after the notice is given, request a re-determination or further re-determination of origin, tariff classification, value for duty or marking. The request may be made only after all amounts owing as duties and interest in respect of the goods are paid or security satisfactory to the Minister is given in respect of the total amount owing.

 

 

Request for review

 

(2) A person may request a review of an advance ruling made under section 43.1 within ninety days after it is given to the person.

 

 

 

How request to be made

 

(3) A request under this section must be made to the President in the prescribed form and manner, with the prescribed information.

 

 

 

President’s duty on receipt of request

 

(4) On receipt of a request under this section, the President shall, without delay,

 

 

 

(a) re-determine or further re-determine the origin, tariff classification or value for duty;

 

(b) affirm, revise or reverse the advance ruling; or

 

 

(c) re-determine or further re-determine the marking determination.

 

 

Notice requirement

 

(5) The President shall without delay give notice of a decision made under subsection (4), including the rationale on which the decision is made, to the person who made the request. (Emphasis added)

 

[32]           L’article 2 de la Loi sur les douanes précise les limites du pouvoir de délégation du ministre :

Attributions du président

 

 

(3) Les attributions conférées au président par la présente loi peuvent être exercées par toute personne qu’il autorise à agir ainsi ou par tout agent appartenant à une catégorie d’agents qu’il autorise à agir ainsi. Les attributions ainsi exercées sont réputées l’avoir été par le président.

 

Délégation

 

(4) Le ministre peut autoriser un agent ou une catégorie d’agents à exercer les pouvoirs et fonctions, y compris les pouvoirs et fonctions judiciaires ou quasi judiciaires, qui lui sont conférés en vertu de la présente loi.

 

Délégation par le ministre

 

(5) Le ministre peut autoriser toute personne employée par l’Agence du revenu du Canada, nommément ou au titre de son appartenance à une catégorie donnée, à exercer les pouvoirs et fonctions, y compris les pouvoirs et fonctions judiciaires ou quasi-judiciaires, qui lui sont conférés en vertu de la présente loi.

 

Délégation par le ministre du Revenu national

 

(6) Le ministre du Revenu national peut autoriser toute personne employée par l’Agence du revenu du Canada ou par l’Agence, nommément ou au titre de son appartenance à une catégorie donnée, à exercer les pouvoirs et fonctions, y compris les pouvoirs et fonctions judiciaires ou quasi-judiciaires, qui lui sont conférés en vertu de la présente loi.

Powers, duties and functions of President

 

(3) Any power, duty or function of the President under this Act may be exercised or performed by any person, or by any officer within a class of officers, authorized by the President to do so and, if so exercised or performed, is deemed to have been exercised or performed by the President.

 

Delegation

(4) The Minister may authorize an officer or a class of officers to exercise powers or perform duties of the Minister, including any judicial or quasi-judicial powers or duties of the Minister, under this Act.

 

 

 

Delegation by Minister

 

(5) The Minister may authorize a person employed by the Canada Revenue Agency, or a class of those persons, to exercise powers or perform duties of the Minister, including any judicial or quasi-judicial powers or duties of the Minister, under this Act.

 

 

 

Delegation by Minister of National Revenue

 

(6) The Minister of National Revenue may authorize a person employed by the Canada Revenue Agency or the Agency, or a class of those persons, to exercise powers or perform duties of that Minister, including any judicial or quasi-judicial powers or duties of that Minister, under this Act.

 

 

 

[33]           Les articles 3 et 4 du Règlement sur la garantie sont ainsi libellés :

AUTORISATION

 

3. Le ministre compétent responsable du recouvrement ou de la perception d’une dette ou d’une obligation due ou payable à Sa Majesté ou d’une réclamation de Sa Majesté est autorisé à recevoir une garantie réputée constituer une garantie en vertu de l’article 4, à l’égard de la dette, de l’obligation ou de la réclamation, et à signer :

 

a) contre le règlement d’une telle dette, obligation ou réclamation, tout document nécessaire pour donner quittance et mainlevée de toute garantie reçue à l’égard de la dette, de l’obligation ou de la réclamation;

 

b) contre le règlement d’une partie d’une telle dette, obligation ou réclamation, tout document nécessaire pour donner quittance et mainlevée de toute garantie reçue à l’égard de cette partie de la dette, de l’obligation ou de la réclamation.

 

GARANTIE

 

4. Pour l’application du présent règlement, est réputé constituer une garantie un droit en faveur de Sa Majesté sur les biens immobiliers ou personnels actuels ou futurs d’un débiteur ou sur les biens personnels actuels ou immobiliers d’une personne qui est garant ou caution du débiteur. (Je souligne.)

AUTHORIZATION

 

3. Any appropriate Minister responsible for the recovery or collection of any debt or obligation due or payable to Her Majesty or claim by Her Majesty may accept any security that is deemed to be a security pursuant to section 4 in respect of any such debt, obligation or claim and may execute and deliver

 

(a) on payment of any such debt, obligation or claim, any instrument that will effectively release or discharge any security accepted in respect of the debt, obligation or claim; or

 

 

 

(b) on payment of a portion of any such debt, obligation or claim, any instrument that will effectively release or discharge any security accepted in respect of the portion of the debt, obligation or claim that has been paid.

 

 

SECURITY

 

4. For the purposes of these Regulations, only a charge in favour of Her Majesty on the existing or future personal or real property of a debtor or on the existing personal or real property of a person who is the surety or guarantor of the debtor, shall be deemed to be a security. (Emphasis added)

 

[34]           Le Règlement sur la déclaration en détail des marchandises importées et le paiement des droits, DORS/86-1062, prévoit ce qui suit :

Garantie relative au dédouanement des marchandises

 

11.      (1) La garantie visée aux alinéas 7.2b), 7.3b), 9a) et 10.5(2)f) est :

 

 

 

a) soit un paiement en espèces;

 

b) soit un chèque visé;

 

c) soit une obligation transférable émise par le gouvernement du Canada;

 

d) soit une caution émise, selon le cas :

 

(i) par une compagnie enregistrée détenant un certificat d’enregistrement lui permettant de faire des opérations dans les catégories de l’assurance contre les abus de confiance ou de l’assurance caution et qui est approuvée par le président du Conseil du Trésor à titre de compagnie dont les cautions peuvent être acceptées par le gouvernement du Canada,

 

(ii) par un membre de l’Association canadienne des paiements aux termes de l’article 4 de la Loi sur l’Association canadienne des paiements,

 

(iii) par une société qui accepte des dépôts garantis par la Société d’assurance-dépôts du Canada ou par la Régie de l’assurance-dépôts du Québec, jusqu’à concurrence du maximum permis par leur législation respective,

 

 

(iv) par une caisse de crédit au sens du paragraphe 137(6) de la Loi de l’impôt sur le revenu,

 

(v) par une société qui accepte du public des dépôts dont le remboursement est garanti par Sa Majesté du chef d’une province;

 

 

e) sous réserve du paragraphe (3), soit un versement effectué au moyen d’une carte de crédit dont le détenteur ou l’usager autorisé est l’importateur ou le propriétaire des marchandises et dont l’émetteur a conclu avec le gouvernement du Canada une entente prévoyant les conditions d’acceptation et d’utilisation de la carte, lorsqu’il s’agit de marchandises commerciales pour lesquelles les droits exigibles s’élèvent à un montant inférieur à celui que fixe le ministre.

 

(2) Sous réserve du paragraphe (3), la garantie visée aux alinéas 7.2b) et 9a) doit être :

 

a) de tel montant que fixe le ministre;

 

 

b) remise à un agent du bureau de douane où les marchandises doivent être dédouanées.

 

(3) Lorsqu’une personne entend demander le dédouanement de marchandises de façon continue, une garantie générale de tel montant que fixe le ministre doit être remise :

 

a) à l’agent en chef des douanes, si la personne entend demander le dédouanement de marchandises à un seul bureau de douane;

 

b) à chacun des agents en chef des douanes, si la personne entend demander le dédouanement de marchandises à plus d’un bureau de douane;

 

c) au commissaire, si la personne entend demander le dédouanement de marchandises à plus d’un bureau de douane et ne remet pas une garantie générale à chaque agent en chef des douanes en cause.

 

 

(4) La garantie visée aux alinéas 7.3b) et 10.5(2)f) doit être :

 

a) de tel montant que détermine le ministre;

 

 

b) remise au commissaire.

 

Security for Release of Goods

 

 

11.      (1) The security required under paragraphs 7.2(b), 7.3(b), 9(a) and 10.5(2)(f) shall be in the form of

 

(a) cash;

 

 

(b) a certified cheque;

 

(c) a transferable bond issued by the Government of Canada;

 

(d) a bond issued by

 

 

(i) a company that is registered and holds a certificate of registry to carry on the fidelity or surety class of insurance business and that is approved by the President of the Treasury Board as a company whose bonds may be accepted by the Government of Canada,

 

 

 

 

 

 

(ii) a member of the Canadian Payments Association referred to in section 4 of the Canadian Payments Association Act,

 

 

 

(iii) a corporation that accepts deposits insured by the Canada Deposit Insurance Corporation or the Régie de l’assurance-dépôts du Québec to the maximum amounts permitted by the statutes under which those institutions were established,

 

(iv) a credit union as defined in subsection 137(6) of the Income Tax Act, or

 

 

(v) a corporation that accepts deposits from the public, if repayment of the deposits is guaranteed by Her Majesty in right of a province; or

 

(e) subject to subsection (3), where the goods are commercial goods on which the duties payable are less than the amount that the Minister determines, a remittance by credit card in respect of which the importer or owner of the goods is the cardholder or authorized user, where the issuer of the credit card has entered into an agreement with the Government of Canada establishing the conditions of the acceptance and use of that credit card.

 

 

 

(2) Subject to subsection (3), the security required under paragraphs 7.2(b) and 9(a) shall be

 

(a) in an amount determined by the Minister; and

 

(b) deposited with an officer at the customs office where the goods are to be released.

 

(3) Where a person intends to request the release of goods on a continuing basis, a general security of an amount that is determined by the Minister shall be deposited with

 

(a) the chief officer of customs, where the person intends to request the release of goods from one customs office only;

 

 

(b) each chief officer of customs, where the person intends to request the release of goods from more than one customs office; or

 

(c) the Commissioner, where the person intends to request the release of goods from more than one customs office and does not deposit a general security with each applicable chief officer of customs.

 

(4) The security required under paragraphs 7.3(b) and 10.5(2)(f) shall be

 

(a) in an amount determined by the Minister; and

 

(b) deposited with the Commissioner.

 

[35]           Le mémorandum D1-7-1 (Dépôt de garantie pour effectuer des transactions en douane, ASFC, Ottawa, le 7 octobre 2008) énonce et explique les politiques et les procédures générales relatives au dépôt d’une garantie pour participer aux transactions en douane de l’ASFC. Les dispositions pertinentes sont ainsi libellées :

Acceptation des dépôts de garantie

 

4. Une garantie peut être déposée par l’une des formes suivantes ou par une combinaison de ces formes :

 

a) le paiement en espèces,

 

b) un chèque certifié ou un mandat,

c) une obligation transférable émise par le gouvernement du Canada,

 

d) un cautionnement émis, selon le cas :

 

(i) par une compagnie approuvée par le Conseil du Trésor à titre d’entité dont les cautionnements peuvent être acceptés par le gouvernement du Canada. Veuillez consulter le site internet du Conseil du Trésor à l’annexe L.

 

(ii) par un membre de l’Association canadienne des paiements (ACP) aux termes de l’article 4 de la Loi sur l’Association canadienne des paiements. Veuillez consulter le site internet de l’Association canadienne des paiements.

 

(iii) par une société qui accepte des dépôts garantis par la Société d’assurance-dépôts du Canada ou par la Régie de l’assurance-dépôts du Québec, jusqu’au maximum permis par leur législation respective,

 

 

(iv) par une caisse de crédits au sens de l’alinéa 137(6)b) de la Loi de l’impôt sur le revenu, (l’adhésion à l’ACP doit être par une coopérative centrale),

 

(v) par une société qui accepte du public des dépôts dont le remboursement est garanti par Sa Majesté du chef d’une province.

 

 

5. Les lettres de crédit ne seront pas acceptées à titre de dépôts de garantie pour les transactions en douane.

(Je souligne.)

Acceptance of Security Deposits

 

4. Security can be posted in one of, or a combination of, the following forms:

 

 

(a) cash

 

(b) a certified cheque or money order

(c) a transferable bond issued by the Government of Canada, or

 

(d) a bond issued by either of the following:

 

(i) a company that is approved by the Treasury Board as an entity whose bonds may be accepted by the Government of Canada. Please refer to Treasury Board website, Appendix L.

 

 

 

(ii) a member of the Canadian Payments Association (CPA) as referred to in section 4 of the Canadian Payments Association Act. Please refer to the Canadian Payments Association website.

 

 

 

 

(iii) a corporation that accepts deposits insured by the Canada Deposits Insurance Corporation or the Régie de l’assurance-dépôts du Québec to the maximum permitted by the statutes under which those institutions were established.

 

(iv) a credit union as defined in subsection 137(6)(b) of the Income Tax Act (CPA membership must be through a central co-operative).

 

(v) a corporation that accepts deposits from the public, if repayment of the deposits is guaranteed by Her Majesty in right of a province.

 

5. Letters of credit will not be accepted as security deposits for bonded revenue transactions. (Emphasis added)

 

VIII. Norme de contrôle

[36]           La demanderesse demande à la Cour d’obliger les défendeurs à réviser l’origine de ses produits par voie de mandamus :

i)          ordonner que la lettre de crédit de la demanderesse datée du 31 mars 2009 soit déclarée conforme aux par. 59(3) et 60(1) de la Loi sur les douanes;

 

ii)         ordonner que le refus des défendeurs de réviser l’origine des produits en cause dans un avis daté du 1er septembre 2009 soit annulé;

 

iii)         ordonner que les défendeurs révisent l’origine des produits en cause en vertu de l’article 60 de la Loi sur les douanes.

 

(Avis de demande pour l’émission d’un bref de mandamus,  p. 3-4).

 

[37]           Dans Mines Alerte Canada c. Canada (Pêches et Océans), 2010 CSC 2, [2010] 1 R.C.S. 6, la Cour suprême a déclaré ce qui suit :

[43]      Le juge de première instance a accordé la réparation en vertu du pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par le par. 18.1(3) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, dont voici le texte :

(3)        Sur présentation d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour fédérale peut :

 

a)         ordonner à l’office fédéral en cause d’accomplir tout acte qu’il a illégalement omis ou refusé d’accomplir ou dont il a retardé d’exécution de manière déraisonnable;

 

b)         déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu’elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l’office fédéral.

 

Il s’agit en l’espèce de décider si la Cour peut et devrait intervenir à l’égard de cette réparation. Le critère en matière de contrôle par une cour d’appel de l’exercice du pouvoir judiciaire discrétionnaire consiste à décider si le juge de première instance a accordé suffisamment d’importance à tous les éléments pertinents. Voir Reza c. Canada, [1994] 2 R.C.S. 394, p. 404, Friends of the Oldman River Society, p. 76-77, et Harelkin c. Université de Regina, [1979] 2 R.C.S. 561, p. 587-588. (Je souligne.)

 

[38]           L’exercice d’un pouvoir quasi judiciaire, comme le pouvoir du gestionnaire de l’ASFC de décider ce qui constitue une garantie jugée satisfaisante par le ministre en vertu de la Loi sur les douanes, est une question de droit susceptible de contrôle suivant la norme de la décision correcte. Bien qu’il s’agisse d’un pouvoir quasi judiciaire, il faut tout de même établir que le juge a tenu compte, et par conséquent soupesé, tous les facteurs pertinents.

 

[39]           Initialement, les deux parties s’étaient entendues sur l’application de la norme de la décision correcte à l’égard de la loi et donc sur l’application d’une norme plus rigoureuse à l’égard de la demanderesse et des défendeurs soumis à la loi. La norme de la décision correcte peut toutefois être conjuguée à un élément de caractère raisonnable à l’égard de la décision quant à l’examen de la lettre de crédit en question.

 

IX. Analyse

[40]           Afin de comprendre les questions qui se posent dans la présente affaire, il est nécessaire de présenter le processus pertinent que l’on retrouve dans la Loi sur les douanes. La demanderesse a demandé le contrôle judiciaire d’une décision rendue suite à la procédure de révision prévue à l’article 59 de la Loi sur les douanes. Les étapes de ce régime législatif ont été dûment prises en compte par la Cour d’appel fédérale dans Canada c. Fritz Marketing Inc., 2009 CAF 62, [2009] 4 R.C.F. 314, qui explique le cadre législatif particulier de la Loi sur les douanes :

[6]        En vertu du paragraphe 32.2(2) de la Loi sur les douanes, l’importateur qui a des raisons de croire que sa déclaration de la valeur en douane est inexacte doit effectuer une déclaration corrigée dans le délai prescrit et payer tout complément de droits payables, le cas échéant. Le paragraphe 32(3) dispose que, pour l’application de la Loi sur les douanes, une telle correction est assimilée à la révision par l’Agence prévue à l’alinéa 59(1)a) de la Loi sur les douanes. L’obligation d’effectuer des corrections prend fin après quatre ans (paragraphe 32.2(4) de la Loi sur les douanes).

 

[7]        En vertu de l’alinéa 59(1)a) de la Loi sur les douanes, l’Agence peut procéder à une révision de la valeur en douane des marchandises importées, mais elle doit le faire dans les quatre années suivant la date de la détermination initiale. Des réexamens sont aussi permis par l’alinéa 59(1)b), à l’intérieur d’autres délais prescrits dans certains cas.

 

[…]

[9]        L’importateur qui reçoit un relevé détaillé de rajustement peut demander au président de l’Agence de procéder à un réexamen en vertu de l’article 60. La demande doit être présentée dans le délai prescrit, lequel peut être prorogé par le président ou, dans certaines circonstances, par le Tribunal canadien du commerce extérieur (le TCCE) (articles 60.1 et 60.2). L’article 61 de la Loi sur les douanes confère au président de l’Agence le pouvoir de procéder à un réexamen, sous réserve de certaines conditions qui ne sont pas pertinentes pour le présent appel.

 

[10]      En vertu de l’article 67 de la Loi sur les douanes, la décision du président à la suite d’une demande présentée en application de l’article 60 et la révision effectuée par le président au titre de l’article 60 ou de l’article 61 peuvent être portées en appel devant le TCCE. La décision du TCCE peut à son tour être portée en appel devant la Cour d’appel férédale en vertu de l’article 68 de la Loi sur les douanes.

 

[41]           Par conséquent, le paragraphe 60(1) de la Loi sur les douanes exige qu’une personne qui demande une révision verse d’abord le montant des droits et intérêts exigibles ou donne une garantie suffisante pour couvrir le montant dû. En l’espèce, la demanderesse voulait demander le réexamen de la décision de l’ASFC et, par conséquent, elle devait donner la garantie nécessaire.  

 

(1)  Le gestionnaire de l’ASFC a-t-il le pouvoir de rejeter la lettre de crédit au motif qu’il ne s’agit pas d’une garantie satisfaisante?

 

[42]           Conformément à l’alinéa 59(3)a) et au paragraphe 60(1) de la Loi sur les douanes, la demanderesse devait verser  « tous droits » ou « donner la garantie jugée satisfaisante par le ministre ». Le paragraphe 60(1) de la Loi sur les douanes autorise le ministre à déterminer ce qui constitue une « garantie satisfaisante ».

 

[43]           Le 15 décembre 2008, le président de l’ASFC, M. Stephen Rigby, a délivré une Autorisation d’exercer les pouvoirs et fonctions du ministre de la sécurité publique et de la protection civile en vertu de la Loi sur les douanes (autorisation), en vertu du paragraphe 2(4) de la Loi sur les douanes et des paragraphes 12(1) et (2) de la Loi sur l’Agence des services frontaliers du Canada, 2005, ch. 38. L’autorisation a délégué à M. Wolanski le pouvoir de déterminer ce qui constitue une « sécurité jugée satisfaisante par le ministre ».

 

[44]           Selon la demanderesse, les défendeurs ont entravé l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire en refusant d’accepter sa lettre de crédit. La Cour n’est pas d’accord avec leur argument; dans son examen de la lettre de crédit, le gestionnaire délégué a respecté l’intention générale de la Loi sur les douanes, ainsi que celle du Règlement sur la garantie, adopté par le gouverneur en conseil, et il a examiné les dispositions relatives à la garantie satisfaisante.

 

[45]           Dans l’exemple suivant, c’est la personne désignée qui détermine si une lettre de crédit est acceptable, comme le démontrent clairement des lois comme la Loi sur l’aéronautique, L.R.C. 1985, ch. A-2, dans laquelle il est précisé ce qui constitue une garantie satisfaisante au paragraphe 4.4(6) :

(6) Le gouverneur en conseil peut, par règlement, exiger des propriétaires enregistrés et utilisateurs d’aéronefs défaillants le dépôt chaque année auprès du ministre des sûretés, sous forme de cautionnement ou de lettre de crédit ainsi que pour le montant, que celui-ci juge satisfaisants, en vue d’assurer l’intégralité du paiement des redevances qui frapperont leurs aéronefs l’année suivante. (Je souligne.)

(6) The Governor in Council may make regulations requiring registered owners and operators of aircraft who have failed to pay on time any charges imposed under this section to deposit each year with the Minister security in the form of a bond or letter of credit and in an amount satisfactory to the Minister to ensure full payment of the charges to be imposed in the next following year in respect of the aircraft. (Emphasis added)

 

[46]           En outre, la disposition de la Loi sur l’aéronautique citée ci-dessus prévoit que la garantie doit être « sous forme de […] lettre de crédit ». La Loi sur les pêches, L.R.C. 1985, ch. F-14, contient une disposition semblable, le paragraphe 71(1), en ce qui a trait à la forme que le ministre juge acceptable.

 

[47]           Conformément à l’autorisation, M. Wolanski s’est vu déléguer le pouvoir déterminer ce qui constitue une « garantie jugée satisfaisante par le ministre » au sens du paragraphe 60(1) de la Loi sur les douanes. Le 1er septembre 2009, il a envoyé une lettre dans laquelle il rejetait la demande de la demanderesse :

[traduction] Vous avez été avisé qu’aux termes du paragraphe 60(1) de la Loi sur les douanes, il faut verser tous droits ou donner une garantie satisfaisante avant de demander une révision ou un réexamen de l’origine. Vous avez aussi été informé que nous n’aurions d’autre choix que de rejeter vos demandes de contrôle judiciaire si les droits et intérêts exigibles n’étaient pas payés ou garantis avant le 31 août 2009. Malheureusement, vous n’avez ni versé les droits ni donné une garantie jugée satisfaisante par le ministre.

 

[48]           Rien dans la décision du gestionnaire de l’ASFC n’indique, comme le prétend la demandersesse, que les défendeurs ont appliqué le mémorandum ou les lignes directives comme s’ils constituaient le droit. Pour appuyer sa position, la demanderesse a produit l’extrait suivant tiré de Thamotharem c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 198, [2008] 1 R.C.F. 385 :

[62]      Néanmoins, si les organismes sont libres de donner des directives ou de formuler des énoncés de politique visant à coordonner l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire conféré par la loi afin de favoriser la cohérence, les décideurs administratifs ne peuvent pas appliquer ces directives et politiques comme si elles constituaient le droit. Aussi une décision fondée uniquement sur les consignes impératives d’une directive malgré une demande pour qu’il y soit fait exception en raison d’une situation particulière, pourra-t-elle être annulée au motif que le décideur a illicitement entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire : voir, par exemple, l’arrêt Maple Lodge Farms, à la page 7. Un tel degré d’observation ne peut être imposé que par l’exercice d’un pouvoir légal de prendre des dispositions contraignantes, par exemple un règlement ou des règles établies au titre de la loi et conformément à la procédure qu’elle prescrit.

 

[49]           La décision de l’ASFC reflète l’intention de la Loi sur les douanes et du Règlement sur la garantie, c’est-à-dire de garantir les revenus de Sa Majesté. Il convient de souligner que les dispositions introductives de la Loi sur les douanes sont différentes de celles de la Loi sur l’immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2 (l’ancienne loi), et elles visent des objectifs différents. Le Manuel de Contrôle de l’ASC est conforme au Règlement sur la garantie. Selon les défendeurs, les garanties énumérées dans le Manuel de Contrôle de l’ASFC — Volume des finances, chapitre 14, Dépôts de garantie, section 1, Dépôts de garantie pour les transactions de recettes, paragraphe 3.2, Acceptation des dépôts de garantie (semblables à ceux énumérés dans le mémorandum D11-7-1) sont encore plus détaillées pour une meilleure compréhension des exigences du Règlement sur la garantie.

 

[50]           Les défendeurs n’ont pas entravé l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire à l’égard d’une politique, d’une directive ou d’un mémorandum, mais ont seulement insisté pour la demanderesse donne une garantie appropriée pour couvrir la dette due à l’ASFC, comme l’exige le Règlement sur la garantie. La preuve démontre clairement que l’ASFC n’a pas simplement annulé la lettre de crédit sans examen, bien que la portée du texte législatif en soi semble étroite. Le gestionnaire de l’ASFC n’a pas refusé la lettre de crédit d’emblée pour le seul motif qu’il s’agissait d’une lettre de crédit; il a examiné la lettre et il a décidé que, de la façon présentée par la demanderesse, elle n’était pas « jugée satisfaisante par le ministre ». La Cour reconnaît que la lettre de crédit était conditionnelle puisqu’elle était de durée limitée.

 

(2)  La lettre de crédit proposée par la demanderesse est-elle jugée suffisante par le ministre comme le requiert le paragraphe 60(1) de la Loi sur les douanes?

 

[51]           La lettre de crédit datée du 31 mars 2009 a été émise au nom de la Banque TD. Elle a établi une « lettre de crédit irrévocable » en faveur des défendeurs pour le montant total de 322 880 $. Le dernier paragraphe de la lettre est ainsi rédigé :

[traduction] Une demande écrite de paiement et un certificat, décrit précédemment, doivent être présentés à cette succursale au plus tard à la fermeture de la banque le 31 mars 2010, date à laquelle la présente lettre de crédit expirera.

 

[52]           Chaque cas doit se rapporter directement à la législation pertinente et doit être interprété à la lumière de la jurisprudence pertinente (Highland, précité), s’il existe de la jurisprudence pertinente. Dans son affidavit, Mme Koehler énumère les lacunes de la lettre de crédit à titre de garantie :

a) libellé inadéquat pour protéger le montant total à payer, y compris les intérêts;

b) renvoi à une « entente » entre l’ASFC et le client (la demanderesse), alors qu’aucune entente n’a été conclue ou proposée par la demanderesse;

c) arrangement temporaire dont la date d’échéance est le 31 mars 2010;

d) aucun droit de révoquer le crédit si TD Canada Trust refuse d’émettre une nouvelle lettre à la date d’expiration.

 

(Affidavit de Marlene Koehler, p. 13).

 

[53]           Ce n’est pas la lettre de crédit qui est exclue d’emblée, le cas échéant, c’est la nature des dispositions en soi qui rendent la lettre de crédit inacceptable (les lignes directives ne sont que des lignes directives, non seulement pour la forme, mais aussi pour la portée de la garantie).

 

[54]           La Cour est d’accord avec les défendeurs en ce qui concerne les lacunes de la lettre de crédit de la demanderesse. La lettre a seulement garanti un montant de 322 880 $, ce qui ne comprend pas les intérêts dus aux défendeurs sur ce montant, et, par conséquent, n’est pas conforme au paragraphe 60(1) de la Loi sur les douanes; cependant, la lacune la plus grave dans la lettre de crédit est le fait qu’elle n’équivaut pas à une caution permanente. La lettre de crédit est de durée limitée, dont la date d’expiration est le 31 mars 2010, et rien n’indique que la banque la renouvellera.

 

[55]           Une fois que l’importateur a présenté une demande de réexamen en vertu du paragraphe 60(1) de la Loi sur les douanes, il aura le droit de porter en appel la décision rendue lors du réexamen devant le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE), conformément à l’article 67 de la Loi sur les douanes. L’article 68 confère le droit de porter en appel de telles décisions devant la Cour d’appel fédérale et ensuite, probablement, devant la Cour suprême du Canada. Comme le processus risque d’être long, il faut que le montant dû au ministre soit constamment protégé afin que le ministre ne coure pas, pendant la procédure d’appel, de risques financiers à long terme. (Précisons que la lettre de crédit n’était valide que pour une courte période par opposition à la longue période de temps nécessaire au règlement définitif.)

 

[56]           Les défendeurs devaient recevoir le paiement intégral ou une garantie satisfaisante le 26 mai 2009, date de dépôt de la demanderesse. Comme le démontre la preuve, le gestionnaire de l’ASFC a autorisé trois prorogations de délai, jusqu’au 31 août 2009. Pour réaliser les objectifs de l’article 60 de la Loi sur les douanes, le gestionnaire n’avait d’autre choix que de refuser la lettre de crédit à titre de garantie jugée satisfaisante par le ministre.  

 

[57]           De plus, pendant son interrogatoire, M. Magnone s’est engagé à fournir une copie d’une [traduction] « acceptation écrite de la lettre de crédit de la demanderesse provenant du bureau de Montréal de l’Agence des services frontaliers du Canada, à supposer qu’une telle preuve existe » (interrogatoire de la demanderesse du 6 novembre 2009, liste des engagements, p. 3 et p. 7-8). À ce jour, aucune preuve de livraison du document n’a été fournie à l’ASFC (tel que confirmé dans l’affidavit de Marlene Koehler, p. 6).

 

X.  Conclusion

[58]           Par conséquent, la lettre de crédit n’est pas une garantie acceptable pour toutes les raisons exposées précédemment.

 

[59]           En conséquence, le ministre était justifié de demander une garantie qui respecte les exigences du régime législatif. Pour conclure, la demande de contrôle judiciaire est rejetée; aucun bref de mandamus ne doit être délivré et les défendeurs ont droit aux dépens.

 


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.                  que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée;

2.                  qu’aucun bref de mandamus ne soit délivré;

3.                  que les défendeurs aient droit aux dépens.

 

 

 

Remarques incidentes

 

À l’égard d’un texte législatif restrictif (en raison du partage des pouvoirs), il n’appartient pas à la Cour en soi (sauf lorsqu’il est question d’arbitraire décisionnel, d’illégalité ou d’iniquité procédurale), mais plutôt à la personne mandatée, qui a l’autorité et le pouvoir discrétionnaire en vertu de la loi d’aider, si possible, d’arriver à une décision justiciable; c’est-à-dire, seulement si, à la lumière de la preuve disponible, à la discrétion de la personne mandatée, il semble possible de le faire sans compromettre la teneur du régime législatif.

 

À vrai dire, dans de tels cas, il peut être dans l’intérêt de la personne en question d’instaurer un climat commercial favorable pour que les deux parties arrivent à une entente; toutefois, il faudrait que ce soit fait sans nier qu’il est nécessaire d’avoir une garantie qui permet de satisfaire aux exigences législatives et discrétionnaires, où le risque, en soi, est évalué pour minimiser la perte financière qui pourrait s’ensuivre. La norme de la décision correcte en ce qui concerne l’interprétation d’un régime législatif restrictif peut aussi être conjuguée à celle de la

décision raisonnable à l’égard de la façon dont des éléments de preuve particuliers sont considérés, à la lumière de l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, rendu par le tribunal mandaté spécialisé.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Mylène Borduas


 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1597-09

 

INTITULÉ :                                       THE MAIALI FASHION GROUP INC. c.

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA ET

                                                            LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 30 novembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 9 décembre 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Michael Kaylor

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Me Jacques Savary

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lapointe Rosenstein

Marchand Mélançon, S.E.N.C.R.L.

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LES DÉFENDEURS

 

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