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Cour fédérale

 

Federal Court

 


 

Date : 20101025

Référence : 2010 CF 1047

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 25 octobre 2010

En présence de monsieur le juge Harrington

 

Dossier : IMM-36-10

ENTRE :

PAOLO MARIO ZAVALA REYES,

EVELYN TORRES REYES,

ELVIS ZAVALA REYES

 

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

Dossier : IMM-1397-10

 

ET ENTRE :

 

PAOLO MARIO ZAVALA REYES,

EVELYN TORRES REYES,

ELVIS ZAVALA REYES

demandeurs

 

et

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

défendeur

 

MOTIFS DES ORDONNANCES

 

 

LE JUGE HARRINGTON

 

[1]               La date qui est au cœur du litige est le 12 mars 1997. Elvis Zavala Reyes était âgé de quatre ans. C’est le jour où un mandat d’arrestation a été émis contre ses parents, car ils ne sont pas présentés à une entrevue avec un agent d’immigration canadien. Le père de M. Reyes, Paolo Mario Zavala Reyes, sa mère Evelyn Torres Reyes et le jeune Elvis ont fui le Chili pour venir au Canada en 1996 afin de demander l’asile. Leur demande a été considérée comme abandonnée plus tard cette année-là.

 

[2]               Le mandat n’a été exécuté qu’en avril 2007. Les demandeurs vivaient clandestinement et peu d’efforts ont été déployés pour les retrouver. Ils ont demandé un examen des risques avant renvoi (ERAR) et ils ont présenté une demande de résidence permanente depuis le Canada pour des motifs d’ordre humanitaires (demande CH). Les décisions leur ont été défavorables.

 

[3]               Les demandeurs ont présenté une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire des deux décisions. Pendant que ces demandes étaient en instance, un agent d’exécution a tenté de les renvoyer en conformité avec l’article 48 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la Loi) qui prévoit que si une personne visée par une mesure de renvoi exécutoire ne quitte pas volontairement le pays, elle doit être renvoyée dès que les « circonstances le permettent ». Ils ont demandé à l’agent d’exécution de reporter leur en attendant qu’une décision soit rendue quant à leurs demandes soumises à la Cour. Il a refusé. Ils ont ensuite présenté une demande de contrôle judiciaire de cette décision et ont demandé le sursis du renvoi en attendant l’issue de leurs trois demandes de contrôle judiciaire. J’ai accordé un sursis dans la demande de contrôle judiciaire de la décision de l’agent d’exécution de ne pas différer (IMM-1397-10) et j’ai rejeté la requête en ce qui concerne les deux autres demandes en raison de leur caractère théorique. Par la suite, la demande d’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire quant à l’ERAR été refusée, mais elle a été accordé en ce qui a trait à la demande CH et à la décision de l’agent ne pas différer. Ces motifs s’appliquent aux deux contrôles judiciaires. Bien que les motifs invoqués pour accorder le sursis n’ont pas été énoncés, il est reconnu que, comme les avocats en l’espèce sont les mêmes que dans Shpati c. Canada (Ministre de la Sécurité Publique et de la Protection Civile), 2010 CF 367, et que cette cause a été entendue au cours de la même semaine que la présente affaire, les motifs invoqués dans cette cause s’appliquent en l’espèce.

 

[4]               Le point principal de la demande CH portait sur l’établissement de la famille au Canada. Les demandeurs n’ont jamais eu recours à l’aide sociale, ils ont exercé des emplois rémunérés et ils sont actifs au sein de la collectivité. Leur demande a été préparée par un consultant en immigration et pas par un avocat, et elle n’a pas été très bien préparée. Il y était mentionné que le jeune Elvis avait terminé l’école, et ses bulletins scolaires ont été joints. On laisse entendre qu’il a des difficultés d’apprentissage. Même si cette difficulté n’a pas été portée à l’attention du décideur au moyen d’une main rouge, on a allégué qu’il était évident, à la lecture du dossier, que l’intérêt supérieur d’Elvis n’a pas été pris en compte comme l’exige l’article 25 de la Loi. Au contraire, j’estime que l’intérêt supérieur d’Elvis a été pris en compte, y compris le fait qu’il parle anglais et espagnol. L’agent était d’avis que ni l’enfant, ni sa famille ne seraient exposés à des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives s’ils devaient suivre les règles et demandaient le statut de résident permanent de l’extérieur du Canada. En outre, l’intérêt supérieur de l’enfant n’est que l’un des facteurs qui doit être pris en compte (Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 125, [2002] 4 CF 358).

 

[5]               L’agent a estimé que les facteurs négatifs l’emportaient sur les facteurs positifs. M. Zavala Reyes savait qu’il devait se présenter à des agents d’immigration en 1997 en vue d’un renvoi possible. Il ne s’est pas conformé à un avis de comparution et il n’a pas tenté de régulariser son statut pendant neuf ans. En faisant fi de l’avis de comparution, il a choisi de vivre clandestinement. Son épouse et lui ont travaillé pendant de nombreuses années sans permis de travail et sans produire aucune déclaration de revenus.

 

[6]               L’agent a cité la décision rendue par la Cour dans Serda c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 356, 146 A.C.W.S. (3d) 1057, selon laquelle il va à l’encontre de l’objet de la Loi de prétendre que plus un demandeur reste longtemps au Canada en situation illégale, meilleure sont ses chances d’être autorisé à s’établir ici. Je suis de cet avis.

 

[7]               Plus récemment, le juge Nadon, s’exprimant au nom de la Cour d’appel fédérale, a discuté d’un tel comportement dans l’arrêt Baron c. Canada (Ministre de la Sécurité Publique et de la Protection Civile), 2009 CAF 81, 309 D.L.R. (4th) 411, au paragraphe 64 :

Des faits de ce genre, c’est-à-dire des situations dans lesquelles des individus font défaut de se conformer aux conditions de la Loi ou agissent de manière à en empêcher l’application, devraient toujours figurer en tête de liste des facteurs pertinents dont peut tenir compte l’agent d’exécution. À cet égard, il vaut la peine de citer les propos que notre Cour a tenus au paragraphe 19 de l’arrêt Legault, précité. Même si, dans l’affaire Legault, le débat tournait autour de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire dans le contexte d’une demande CH, les propos du juge Décary s’appliquent parfaitement à l’exercice du pouvoir discrétionnaire conféré à l’agent d’exécution :

 

[19]     Bref, la Loi sur l’immigration et la politique canadienne en matière d’immigration sont fondées sur la prémisse que quiconque vient au Canada avec l’intention de s’y établir doit être de bonne foi et respecter à la lettre les exigences de fond et de forme qui sont prescrites. Quiconque entre illégalement au Canada contribue à fausser le plan et la politique d’immigration et se donne une priorité sur tous ceux qui, eux, respectent les exigences. Le ministre, qui est responsable de l’application de la politique et de la Loi, est très certainement autorisé à refuser la dispense que demande une personne qui a établi l’existence de raisons d’ordre humanitaire, s’il est d’avis, par exemple, que les circonstances de l’entrée ou du séjour au Canada de cette personne la discréditent ou créent un précédent susceptible d’encourager l’entrée illégale au Canada. En ce sens, il est loisible au ministre de prendre en considération le fait que les raisons d’ordre humanitaire dont une personne se réclame soient le fruit de ses propres agissements.

 

[Souligné dans la décision Baron.]

 

 

[8]               Si la famille s’était présentée à l’agent d’immigration comme elle était tenue de le faire en 1997, le jeune Elvis aurait été de retour chez lui et n’aurait pas servi de prétexte à la famille pour rester. En effet, ses difficultés d’apprentissage ne sont peut-être qu’une diversion puisqu’aucun rapport émanant de psychologues ou d’autres professionnels n’a été présenté à l’agent pour lui donner une idée de la façon dont l’enfant s’en tirerait au Chili.

 

[9]               Il est allégué que l’agent veut faire porter par l’enfant innocent les fautes de son père. Je crois qu’il s’agit d’un cas où le demandeur principal qui se présente à la Cour n’est pas sans reproche et n’a pas droit à un redressement en equity.

 

[10]           Quant à la décision de l’agent d’exécution, celui-ci est un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada et donc, le ministre défendeur, initialement désigné comme étant le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, devrait maintenant être désigné comme étant le ministre de la Sécurité Publique et de la Protection civile. L’ordonnance sera modifiée de manière à refléter ce changement.

 

[11]           Je suis d’avis que l’agent d’exécution a commis une erreur en droit en refusant d’accorder un sursis administratif au motif que si les demandeurs ont un gain de cause dans leur demande d’ERAR, ils auraient le droit de retourner au Canada. Les motifs énoncés dans la récente décision Shpati c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection Civile et autres), 2010 CF1046, s’appliquent en l’espèce.

 

[12]           Cependant, il existe une différence fondamentale entre la situation de M. Shpati et celle de la famille Zavala Reyes. Il existe un litige actuel entre les ministres et M. Shpati, car la demande de contrôle judiciaire présentée par ce denier à l’égard du refus de lui permettre de présenter une demande de résidence permanente depuis le Canada a été accueillie. Cependant, la demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaires présentée depuis le Canada par les Zavala Reyes et leur demande d’ERAR ont été rejetées. À mon avis, la décision de l’agent d’exécution de ne pas reporter le renvoi est maintenant devenue sans objet et devrait être rejetée pour ce motif.

 

[13]           Une copie des présents motifs devra être déposée dans les dossiers de la Cour

 no IMM-36-10 et IMM-1397-10.

 

 

 

« Sean Harrington »

Judge

 

Ottawa (Ontario)

Le 25 octobre 2010

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-36-10

 

INTITULÉ :                                       Paolo Mario Zavala Reyes et autres c.

                                                            Le Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration

 

DOSSIER :                                        IMM-1397-10

 

INTITULÉ :                                       Paolo Mario Zavala Reyes et autres c.

Le Ministre de la Sécurité Publique et

de la Protection Civile

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 14 septembre 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :  LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS

ET DE L’ORDONNANCE :             Le 25 septembre 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Joel Etienne

Dov Maieriovitz

 

POUR LES DEMANDEURS

John Provart

Nicole Rahaman

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gertler Etienne, LLP

Avocats

North York (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LES DÉFENDEURS

 

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