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Cour fédérale

 

Federal Court


 

 


Date : 20101203

Dossier : IMM-1723-10

Référence : 2010 CF 1225

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 3 décembre 2010

En présence de monsieur le juge Phelan

 

 

ENTRE :

 

MIN ZHANG

YI ZHONG

 

 

 

demanderesses

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               Les demanderesses, une mère et une fille, sont originaires de la Chine et elles demandent à être reconnues comme réfugiées ou personnes à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi) parce que la mère (la demanderesse) a fait l’objet de menaces de la part de la famille de son défunt mari parce que celle‑ci veut sa part de l’héritage laissé par ce dernier. La Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR) a rejeté sa demande. Il s’agit du contrôle judiciaire de la décision de la CISR.

 

II.         LE CONTEXTE FACTUEL

[2]               L’époux de la demanderesse était au Canada à titre de travailleur qualifié et il était résident permanent. Le 16 janvier 2006, il est mort en se rendant au travail.

 

[3]               La demanderesse a prétendu que la famille de son époux, surtout son beau‑père et ses beaux‑frères, lui ont nui en tentant de l’empêcher de venir au Canada avec sa fille. Mais surtout, ils ont menacé de s’en prendre à elle si elle ne leur donnait pas 250 000 $, une somme qui représentait, selon eux, sa part de la succession de son époux.

 

[4]               Vu ces menaces, les demanderesses sont parties pour le Canada à l’insu de la famille de son époux. Deux ans plus tard, les demanderesses ont présenté une demande à la CISR.

 

[5]               La CISR a conclu que, en ce qui concerne la demande présentée au titre de l’article 96, il n’y avait aucun lien avec l’un des motifs mentionnés dans la Convention. La demande de la demanderesse portait essentiellement sur la tentative d’extorsion et non pas sur la persécution fondée sur le sexe ou la violence familiale.

 

[6]               En ce qui concerne l’article 97, la CISR a conclu que les demanderesses, après avoir omis de demander l’asile pendant deux ans, ont présenté une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire (demande CH) parce qu’elles rêvaient de demeurer au Canada, parce qu’elles avaient présenté une demande d’indemnisation qui n’avait pas encore étaient tranchée par les tribunaux et parce qu’elles voulaient faire leurs études au Canada. Les demanderesses ont prétendu qu’elles auraient de la difficulté à se réinstaller en Chine. Elles n’ont jamais dit qu’elles avaient peur de retourner en Chine. 

 

[7]               Compte tenu des conclusions susmentionnées, la CISR a conclu que les demanderesses n’avaient aucune crainte subjective de persécution. Il ressort des motifs que la CISR a conclu que le récit des demanderesses était loin d’être convaincant.

 

[8]               La CISR a ensuite examiné la question de la protection de l’État et a conclu que cette question était déterminante. L’analyse relative à la protection de l’État a été effectuée en deux parties. La première était une analyse générale sur la protection de l’État dans le contexte de l’article  97 et sur la crainte occasionnée par les tentatives d’extorsion. Dans cette analyse, la CISR a conclu que les demanderesses n’avaient pas prouvé de façon claire et convaincante que la protection de l’État n’existait pas. La deuxième partie était une analyse, à titre subsidiaire, sur la protection de l’État, fondée sur la prémisse que la conclusion relative à l’article  96 était erronée. Une fois de plus, la CISR a tiré une conclusion défavorable aux demanderesses en partie parce qu’elles n’avaient pas demandé la protection de l’État.

 

[9]               Dans leurs plaidoiries devant la Cour, les demanderesses ont insisté beaucoup sur la nature erronée de cette analyse subsidiaire de la protection de l’État.

 

III.       ANALYSE

[10]           Les deux parties conviennent que la norme de contrôle applicable aux questions en litige en l’espèce est celle de la raisonnabilité parce qu’il s’agit en grande partie d’une décision fondée sur les faits. La Cour est du même avis que les parties en ce qui concerne la norme de contrôle applicable (voir Chaves c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 193, interprétée conjointement avec Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9).

 

[11]           Malgré l’excellente plaidoirie de l’avocat des demanderesses qui a surtout porté sur la deuxième partie de l’analyse sur la protection de l’État, le problème que pose ce point de vue, c’est qu’il s’agit d’une analyse subsidiaire.

 

[12]           L’analyse subsidiaire sur la protection de l’État au titre de l’article 96 fondée sur des motifs de violence familiale, pose problème. Le point crucial des préoccupations de la Cour est la prétention que les demanderesses auraient pu en faire davantage, en Chine et au Canada, pour se prévaloir de la protection de l’État.

 

[13]           À cet égard, la conclusion de la CISR ne tient pas compte du fait que les demanderesses ont disposé de moins de 48 heures entre le moment de l’incident au cours duquel la demanderesse a été physiquement menacée par la famille de son époux et le moment de la fuite vers le Canada. La prétention de la CISR que les demanderesses auraient dû s’adresser au consulat chinois semble plus théorique que pratique en ce qui a trait à l’obtention de la protection de l’État.

 

[14]           Toutefois, peu importe les lacunes que peut comporter cette analyse, elle était fondée sur une conclusion subsidiaire au titre de l’article 96. La principale conclusion au titre de l’article 96, c’est‑à‑dire qu’il s’agissait d’un cas d’extorsion et non pas de violence familiale, était raisonnable. Bien que ce soit la belle‑famille des demanderesses qui s’est livrée à de l’extorsion, ce n’était pas le genre de violence familiale dont traite la preuve documentaire ni le genre de violence qui est couramment envisagée.

 

[15]           Après avoir conclu que l’extorsion constituait le risque, la conclusion de la CISR au titre de l’article 97 était raisonnable. La principale conclusion relative à la protection de l’État était que la Chine disposait de structures, en principe et en pratique, visant à fournir de la protection contre ce genre de comportement et que les demanderesses n’avaient pas réfuté la présomption de droit. Compte tenu de la preuve, il était raisonnablement loisible à la CISR de tirer cette conclusion.

 

[16]           Dans la mesure où l’analyse subsidiaire relative à la protection de l’État est insoutenable, elle n’est pas pertinente. Les principales conclusions étaient raisonnables dans ces circonstances.

 

IV.       CONCLUSION

[17]           Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.

 

 

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1723-10

 

INTITULÉ :                                       MIN ZHANG

                                                            YI ZHONG

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 18 novembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 3 décembre 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Lorne Waldman

 

POUR LES DEMANDERESSES

Kevin Doyle

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Waldman & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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