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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 


Date : 20101130

Dossier : T-104-10

Référence : 2010 CF 1207

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 30 novembre 2010

En présence de monsieur le juge Zinn

 

ENTRE :

 

 

VANCOUVER ASSOCIATION FOR

INJURED MOTORCYCLISTS

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

ALLIANCE FOR INJURED MOTORCYCLISTS CANADA

 

 

 

défenderesse

 

 

     MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande présentée par la Vancouver Association for Injured Motorcyclists (AIM) en vue d’obtenir une ordonnance radiant du registre des marques de commerce l’enregistrement no LMC631011 (l’enregistrement contesté), propriété de l’Alliance for Injured Motorcyclists Canada (AIMCan).

 

[2]               AIM est un organisme dont le mandat consiste à venir en aide aux motocyclistes victimes d’accidents et à promouvoir la sécurité routière auprès des motocyclistes; cette société sans but lucratif, constituée sous le régime de la loi sur les sociétés de la Colombie-Britannique, le Society Act, R.S.B.C. 1996, c. 433, est également un organisme de bienfaisance enregistré au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada, L.R.C. 1985, ch. 1. AIM existe sans interruption depuis 1983 et apporte de l’aide aux motocyclistes victimes d’accidents sous forme de services de soutien professionnel, de réadaptation, de soutien psychologique et de recommandation d’aide juridique, en plus de mener des campagnes de sensibilisation du public. Depuis 1983, AIM emploie, en lien avec ses services, la marque de commerce suivante :

[3]               AIM emploie la marque de commerce en question dans ses publications et dans divers articles de promotion : autocollants pour pare-chocs, épinglettes, vêtements et stylos. AIM a, aux quatre coins de la Colombie-Britannique, diverses sections qu’elle a autorisées à employer la marque de commerce.

 

[4]               Vers 1996, les membres d’AIM et de ses sections ont commencé à discuter de la possibilité de créer une organisation nationale qui se chargerait de coordonner la prestation des services dans l’ensemble du Canada. Le 20 septembre 2002, AIMCan a été constituée dans ce dessein et, vers la même époque, le nouvel organisme a adopté, à titre de marque de commerce, le logo suivant :

 

 

 

[5]               AIMCan a demandé l’enregistrement de la marque de commerce AIMCan (l’enregistrement contesté), enregistrement qui lui a été consenti le 25 janvier 2005.

 

[6]               Le 22 janvier 2010, AIM a présenté la demande dont il est question en l’espèce, alléguant l’invalidité de l’enregistrement contesté pour les motifs suivants :

[traduction]

 

1.                  l’enregistrement contesté est invalide suivant le paragraphe 18(1) de la Loi sur les marques de commerce parce que dès le premier jour où elle a été employée, la marque de commerce contestée a créé de la confusion avec celle d’AIM, qui avait antérieurement employé sa marque de commerce au Canada et, par conséquent, AIMCan n’avait pas le droit d’employer la marque de commerce contestée vu l’alinéa 16(1)a) de la Loi sur les marques de commerce;

2.                  l’enregistrement contesté est invalide suivant l’alinéa 18(1)b) de la Loi sur les marques de commerce parce que, à l’époque du dépôt de la demande, la marque de commerce contestée ne distinguait pas les marchandises et services en lien avec lesquels elle était employée par AIMCan des marchandises et services d’AIM, et parce que la marque de commerce contestée n’était pas adaptée à les distinguer ainsi.

 

[7]               Le 17 mars 2010, le protonotaire Lafrenière a rejeté la requête présentée par AIMCan en vue d’obtenir de la Cour l’autorisation de se faire représenter par ses dirigeants plutôt que par avocat. AIMCan a interjeté appel de l’ordonnance du protonotaire Lafrenière, appel qui a été rejeté par la juge Gauthier le 30 avril 2010. Personne n’a représenté AIMCan dans le cadre de la présente demande et, à l’exception d’un avis de comparution, AIMCan n’a déposé aucun document en réponse à la demande.

 

[8]               Dans son mémoire des faits et du droit, la demanderesse formule trois questions :

1.       AIM est-elle une « personne intéressée » au sens du paragraphe 57(1) de la Loi sur les marques de commerce et a-t-elle ainsi qualité pour présenter la demande?

2.       À quel moment AIMCan ou son prédécesseur ont-ils en premier lieu employé la marque de commerce « AIMCan »?

3.       L’enregistrement contesté devrait-il être radié du registre des marques de commerce en application de l’article 57 de la Loi sur les marques de commerce du fait qu’il n’exprime ou ne définit pas exactement les droits existants d’AIMCan?

 

[9]               Selon AIM, l’auteur d’une demande de radiation qui prétend que la marque de commerce déposée par autrui crée de la confusion avec une marque de commerce qu’il a lui-même déjà employée est une « personne intéressée » au sens de l’article 2 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13. AIM soutient avoir employé sa marque de commerce avant qu’AIMCan n’emploie la sienne, que la marque d’AIMCan crée de la confusion avec sa propre marque de commerce, que le maintien de l’enregistrement de la marque de commerce d’AIMCan l’empêchera vraisemblablement d’enregistrer sa propre marque de commerce et que l’emploi et l’enregistrement de la marque de commerce d’AIMCan risque de miner le caractère distinctif de sa propre marque de commerce et de diminuer la valeur de l’achalandage et la réputation qui sont attachés à sa marque.

 

[10]           Il est clair que la demanderesse est une « personne intéressée ». J’estime qu’elle a fourni des motifs solides pour expliquer pourquoi l’enregistrement de la marque de commerce d’AIMCan lui porte atteinte. Je souscris à l’opinion de la demanderesse lorsqu’elle affirme que la décision John Labatt Ltd. c. Carling Breweries Ltd. (1974), 18 C.P.R. (2d) 15 (C.F. 1re inst.) confère un sens large au terme « personne intéressée ». De plus, selon une interprétation récente du juge Phelan, la décision John Labatt Ltd. établit un critère de minimis applicable à la qualité pour agir, ce qui vient étayer la thèse voulant que la qualité de « personne intéressée » soit une condition préliminaire aisée à respecter : CIBC World Markets Inc. c. Stenner Financial Services Ltd., 2010 CF 397.

 

[11]           Selon l’enregistrement contesté, AIMCan emploie la marque de commerce depuis le 24 mai 1996 et, en ce qui concerne les marchandises et services fournis, depuis le 1er juin 1999. Selon AIM, il est impossible que l’emploi de la marque de commerce remonte aux époques alléguées puisque AIMCan n’a été constituée qu’en 2002. De plus, la Cour n’a été saisie d’aucune preuve démontrant que la marque a été employée en premier lieu par un prédécesseur en titre d’AIMCan. Je suis d’accord avec la demanderesse pour dire qu’il n’existe pas de preuve de l’emploi de la marque de commerce contestée avant la constitution d’AIMCan en 2002 et que la date d’emploi qu’il convient donc de retenir est celle qui correspond à la constitution de l’organisme.

 

[12]           La demanderesse a produit des éléments de preuve pour montrer qu’elle emploie la marque de commerce d’AIM au Canada depuis 1983 au moins. La preuve est notamment formée des éléments suivants :

·           preuve de l’utilisation de la marque sur le site Web d’AIM depuis juin 2003, et statistiques de fréquentation du site;

·           marchandises portant la marque de commerce d’AIM et notamment, depuis 1985, des épinglettes et des autocollants pour pare-chocs;

·           des publications imprimées, telles que les bulletins d’information distribués au public depuis 1984;

·           des brochures, des calendriers et des cartes de membre distribuées depuis 1984, des carnets de voyage depuis 2008 ou 2009 et des carnets de rétablissement depuis 2009;

·           le détail de dépenses engagées pour l’impression de divers documents;

·           des activités de financement et de sensibilisation organisées par AIM, et lors desquelles la marque de commerce d’AIM était affichée bien en vue, et ce, depuis 1983;

·           des visites faites en personne à l’hôpital aux motocyclistes victimes d’accident, visites au cours desquelles des documents portant la marque de commerce d’AIM étaient fournis, et ce, depuis le début des années 1980.

La preuve suffit à convaincre la Cour qu’AIM a employé sa marque de commerce au Canada bien avant qu’AIMCan n’emploie la sienne.

 

[13]           La demanderesse a aussi produit une preuve abondante de l’emploi de sa marque de commerce par les sections qui ont été créées par elle ou avec son consentement. Puisque AIM a convaincu la Cour qu’elle a employé sa marque de commerce avant qu’AIMCan n’emploie sa marque de commerce, il n’est pas nécessaire d’examiner ces éléments de preuve supplémentaires.

 

[14]           La Cour constate qu’AIM s’est bâti une réputation et un achalandage, surtout en Colombie‑Britannique. Pour financer ses activités, AIM recrute des membres qui lui versent des frais d’adhésion et des dons et qui reçoivent des bulletins d’information et des cartes de membre portant la marque de commerce d’AIM. AIM jouit de la reconnaissance du public et a fait l’objet de reportages dans les médias.

 

[15]           J’estime qu’AIMCan emploie sa marque de commerce dans la même région que celle d’AIM, ce qui est susceptible de faire conclure que les services qui y sont liés sont fournis par une même personne. Il s’ensuit que la marque de commerce d’AIMCan crée de la confusion au sens de l’article 2 et du paragraphe 6(2) de la Loi sur les marques de commerce.

 

[16]           Compte tenu des facteurs énoncés au paragraphe 6(5) de la Loi sur les marques de commerce, je suis d’avis que les marques créent de la confusion pour les raisons qui suivent :

(i)                  les deux marques de commerce ont un caractère distinctif inhérent d’un degré semblable, mais la marque de commerce d’AIM est devenue beaucoup plus connue;

(ii)                AIM emploie sa marque de commerce depuis bien plus longtemps qu’AIMCan (soit près de 20 années de plus);

(iii)               les marchandises et les services d’AIM sont de fait identiques aux marchandises et services décrits dans l’enregistrement contesté et empruntent les mêmes circuits commerciaux;

(iv)              les deux marques de commerce ont un degré de similitude élevé dans la présentation et le son et dans les idées qu’elles suggèrent puisque, d’une part, l’une et l’autre sont de forme ronde et comportent les mots « injured motorcyclists » autour de l’acronyme AIM et que, d’autre part, les mots « alliance » et « association » suggèrent la même idée.

 

[17]           La demanderesse a le droit d’obtenir que la marque de commerce contestée soit radiée du registre. La défenderesse n’avait pas le droit d’enregistrer la marque de commerce « AIMCan » suivant l’alinéa 16(1)a) de la Loi sur les marques de commerce parce qu’elle créait de la confusion avec une marque de commerce déjà employée au Canada. De plus, et essentiellement pour les mêmes raisons, la marque de commerce contestée n’est pas distinctive et est donc invalide selon l’alinéa 18(1)b) de la Loi. Compte tenu des similitudes entre les marques de commerce, les produits et le public ciblé, il a été établi que la marque de commerce d’AIMCan crée de la confusion avec celle d’AIM.

 

[18]           Pour ces motifs, la Cour déclare invalide l’enregistrement contesté et ordonne, suivant l’article 57 de la Loi sur les marques de commerce, que l’enregistrement contesté soit radié du registre des marques de commerce.

 

[19]           La demanderesse a droit aux dépens, fixés à 3 000 $, incluant les frais, honoraires, débours et taxes.


 

JUGEMENT

                        LA COUR STATUE que :

1.                  La demande est accueillie;

2.                  Il est enjoint au registraire des marques de commerce de radier le numéro d’enregistrement LMC631011;

3.                  La demanderesse a droit à des dépens de 3 000 $, incluant les frais, honoraires, débours et taxes.

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Jean-François Martin, LL.B., M.A.Trad.jur.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-104-10

 

INTITULÉ :                                       VANCOUVER ASSOCIATION FOR INJURED MOTORCYCLISTS c. ALLIANCE FOR INJURED MOTORCYCLISTS CANADA

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 18 novembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge ZINN

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 30 novembre 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Karen F. MacDonald

Jonas H. Gifford

 

POUR LA DEMANDERESSE

Aucune comparution

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

SMART & BIGGAR

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

AUCUN AVOCAT INSCRIT

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

 

 

 

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