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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20101130

Dossier : T‑351‑09

Référence : 2010 CF 1203

TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE

 

Ottawa (Ontario), le 30 novembre 2010

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX

 

 

ENTRE :

VITA‑HERB NUTRICEUTICALS, INC.

demanderesse

et

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

et PROBIOHEALTH, LLC

défendeurs

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I. Introduction et contexte

[1]               La seule question en litige dans la présente demande de contrôle judiciaire est celle de savoir si la commissaire aux brevets (la commissaire) a commis une erreur lorsqu’elle a refusé de considérer la demande de brevet canadien no 2,549,115 (la demande 115) présentée par Vita Herb‑Nutriceuticals Inc. (Vita‑Herb) comme une demande complémentaire du brevet canadien no 2,503,510 (la demande 510) déposée par Probiohealth LLC (Probiohealth), à qui a été signifiée la présente demande de contrôle judiciaire, mais qui n’a pas participé à l’instance.

 

[2]               Les motifs justifiant le refus de la commissaire de considérer la demande 115 comme une demande complémentaire sont formulés de la façon suivante dans une décision datée du 6 février 2009 :

[traduction]
Le Bureau des brevets a soigneusement examiné votre demande. Le Bureau des brevets estime que seul le demandeur qui a présenté la demande originale remplit les conditions que fixe la loi pour le dépôt d’une demande complémentaire. Le Bureau des brevets ne peut reconnaître à Vita Herb Nutriceuticals, Inc. le statut de demandeur original et, par conséquent, la demande de brevet canadien 2,549,115 ne peut être considérée comme une demande complémentaire.

[Non souligné dans l’original.]

 

Comme nous le verrons plus loin, cette décision est en fait la révision d’une décision puisqu’en juillet 2006 déjà, Vita‑Herb avait été informée qu’elle n’obtiendrait pas le statut de demandeur complémentaire, étant donné que Probiohealth était l’auteur de la demande originale, à savoir la demande de brevet 510.

 

[3]               La condition légale mentionnée dans la décision de la commissaire est celle prévue au paragraphe 36(2) de la Loi sur les brevets (L.R., 1985, ch. P‑4) (la Loi). L’article 36 se lit ainsi, dans son intégralité :

 

 

Demandes complémentaires

 

Brevet pour une seule invention

 

36. (1) Un brevet ne peut être accordé que pour une seule invention, mais dans une instance ou autre procédure, un brevet ne peut être tenu pour invalide du seul fait qu’il a été accordé pour plus d’une invention.

 

Demandes complémentaires

 

 

(2) Si une demande décrit plus d’une invention, le demandeur peut restreindre ses revendications à une seule invention, toute autre invention divulguée pouvant faire l’objet d’une demande complémentaire, si celle‑ci est déposée avant la délivrance d’un brevet sur la demande originale.

 

 

Idem

 

 

(2.1) Si une demande décrit et revendique plus d’une invention, le demandeur doit, selon les instructions du commissaire, restreindre ses revendications à une seule invention, toute autre invention divulguée pouvant faire l’objet d’une demande complémentaire, si celle‑ci est déposée avant la délivrance d’un brevet sur la demande originale.

 

 

 

Abandon de la demande originale

 

(3) Si la demande originale a été abandonnée, le délai pour le dépôt d’une demande complémentaire se termine à l’expiration du délai fixé pour le rétablissement de la demande originale aux termes de la présente loi.

 

Demandes distinctes

 

(4) Une demande complémentaire est considérée comme une demande distincte à laquelle la présente loi s’applique aussi complètement que possible. Des taxes distinctes sont acquittées pour la demande complémentaire, et sa date de dépôt est celle de la demande originale.

 

[Non souligné dans l’original.]

Divisional Applications

 

Patent for one invention only

 

 

36. (1) A patent shall be granted for one invention only but in an action or other proceeding a patent shall not be deemed to be invalid by reason only that it has been granted for more than one invention.

 

Limitation of claims by applicant

 

(2) Where an application (the “original application”) describes more than one invention, the applicant may limit the claims to one invention only, and any other invention disclosed may be made the subject of a divisional application, if the divisional application is filed before the issue of a patent on the original application.

 

Limitation of claims on direction of Commissioner

 

(2.1) Where an application (the “original application”) describes and claims more than one invention, the applicant shall, on the direction of the Commissioner, limit the claims to one invention only, and any other invention disclosed may be made the subject of a divisional application, if the divisional application is filed before the issue of a patent on the original application.

 

 

Original application abandoned

 

(3) If an original application mentioned in subsection (2) or (2.1) becomes abandoned, the time for filing a divisional application terminates with the expiration of the time for reinstating the original application under this Act.

 

Separate applications

 

(4) A divisional application shall be deemed to be a separate and distinct application under this Act, to which its provisions apply as fully as may be, and separate fees shall be paid on the divisional application and it shall have the same filing date as the original application.

 

 

 

[4]               Les parties admettent que la question soulevée dans la présente instance touche l’interprétation législative de ces dispositions, et de ce fait, des questions de droit auxquelles s’applique la norme de la décision correcte (voir Dutch Industries Ltd. c. Canada (Commissaire aux brevets), 2003 CAF 121, [2003] A.C.J. no 396, par. 23). Je devrais ajouter que, dans la mesure où la décision concerne l’application de la norme juridique appropriée aux faits de la présente espèce, cet exercice soulève une question mixte de fait et de droit à laquelle s’applique la norme de la raisonnabilité.

 

[5]               Les avocats conviennent également qu’aucune jurisprudence ne traite directement de ce point et que le principe d’interprétation législative applicable est celui qui a été exposé par le juge Iaccobucci, au nom de la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, par. 21, où il cite le passage suivant du traité d'Elmer Driedger, The Construction of Statutes (3e éd., 1994) qui, d’après lui, « […] résume le mieux la méthode que je privilégie ». [Il ajoute :] « Il reconnaît que l’interprétation législative ne peut pas être fondée sur le seul libellé du texte de loi » et il cite ensuite le passage suivant de cet auteur :

[traduction]
Aujourd’hui il n’y a qu’un seul principe ou solution : il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur. [Non souligné dans l’original]

 

 

II. Les faits

[6]               Les faits qui suivent sont tirés des dossiers certifiés du tribunal (DCT) relatifs aux demandes 510 et 115.

 

[7]               Le 26 septembre 2003, Probiohealth a déposé auprès de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) une demande de brevet international intitulée : « Capsules probiotiques à émulsion inverse utilisées comme agents probiotiques et conservateurs ». La société a revendiqué une date de priorité, à savoir le 26 septembre 2002, qui correspond à la demande de brevet américain 60/414,083. Les inventeurs désignés étaient Satyanarayan Naidu (Naidu) et Bing Baksh (Baksh). Le Canada était mentionné comme étant  l’un des pays où la protection par brevet serait demandée.

 

[8]               Le domaine de l’invention décrit dans la demande de l’OMPI se lisait comme suit :

[traduction]
L’invention concerne des compositions probiotiques et les méthodes utilisées pour les fabriquer. Plus précisément, l’invention vise les compositions probiotiques dérivées d’une bactérie de l’acide lactique qui ont été émulsifiées dans des huiles comestibles probiotiques et conditionnées selon un processus d’encapsulation anaérobie.

 

[9]               Dans la foulée du dépôt de sa demande à l’OMPI, le 22 avril 2005, Probiohealth a déposé auprès de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) la demande 510 qui porte le même titre que la demande présentée à l’OMPI. MM. Naidu et Baksh y sont nommés au titre d’inventeurs. La date de priorité revendiquée est la même que dans la demande déposée à l’OMPI qui correspond à celle de la demande présentée aux États‑Unis, en septembre 2002. Probiohealth a demandé à l’OPIC d’entamer le processus de l’examen en phase nationale.

 

[10]           D’après ce que j’ai compris, la composition probiotique est vendue sous forme de capsule et sert à maintenir une bonne santé, en particulier parce qu’elle facilite la digestion.

 

[11]           Les parties admettent que la demande 510 visait deux inventions – la première pour la composition probiotique elle‑même et la seconde pour le processus d’encapsulation utilisant un nouveau système à liaison instantanée et purge à l’azote (le système LIPA).

 

[12]           Le 11 mai 2006, l’agent de brevets de Probiohealth a déposé auprès de l’OPIC une modification à la demande 510 en vue d’annuler les revendications 5, 7, 14 à 22. Ces revendications concernaient la deuxième invention consistant en une [traduction] « capsule dure en deux morceaux et où la capsule de gélatine / substance végétale faisait l’objet d’une liaison instantanée avec purge à l’azote (LIPA) ».

 

[13]           Le 19 juin 2006, Vita‑Herb a déposé la demande 115 qui portait le même titre que la demande 510. Le domaine de l’invention est décrit comme [traduction] « concernant un système à liaison instantanée et purge à l’azote ainsi que son utilisation pour l’encapsulation d’une composition ». M. Baksh est désigné comme l’unique inventeur et la date de priorité revendiquée est la même que dans la demande 510. Vita‑Herb a déclaré que la « demande » était complémentaire à la demande 510 déposée au Canada le 26 septembre 2003 (qui est la date du dépôt à l’OMPI).

 

[14]           La demande 115 revendique le système LIPA et comprend (1) une composition à encapsuler, (2) une capsule en deux morceaux comprenant un bouchon et un corps, (3) un gaz destiné à purger l’air de la composition se trouvant au sein de ladite capsule, et (4) une solution de scellage ayant pour but de fixer le bouchon au corps de la capsule.

 

[15]           Le 11 juillet 2006, l’OPIC a écrit aux agents de brevets canadiens de Vita‑Herb (qui à l’époque étaient également les agents responsables de la demande 510) pour les informer qu’il ne pouvait considérer la demande 115 comme une demande complémentaire en raison du paragraphe 36(2) de la Loi, et qu’il estimait que [traduction] « seul l’auteur (ou le propriétaire subséquent) d’une demande a le droit de déposer une demande complémentaire ». J’aimerais mentionner qu’il est question dans cette lettre d’« une demande » et non d’une « demande originale » qui sont les termes figurant au paragraphe 36(2). L’auteur de la lettre a ajouté :

[traduction]
Il est utile de préciser que dans cette affaire, rien n’empêche Probiohealth LLC de déposer une demande complémentaire selon les règles et de céder ensuite ses droits à Vita‑Herb conformément à l’article 49 de la Loi sur les brevets.

 

 

[16]           Le document suivant, qui figure au DCT concernant la demande 115, est une lettre datée du 1er février 2007 dans laquelle l’OPIC signale aux agents de brevets l’existence d’erreurs dans le listage de la séquence. Le 6 mars 2007, les agents de brevets ont répondu que le listage de la séquence était approprié étant donné que la demande était une demande complémentaire, faisant remarquer que l’OPIC [traduction] « conteste actuellement que cette demande puisse être considérée comme une demande complémentaire – ce avec quoi le demandeur n’est pas d’accord », et ont réaffirmé que la demande 115 peut être considérée comme une demande complémentaire. L’auteur propose que [traduction] « les questions formelles concernant le mode de présentation de la séquence soient reportées jusqu’à ce que la question de l’état complémentaire de la demande soit résolue ».

 

[17]           En octobre 2007, de nouveaux agents de brevets canadiens ont été nommés pour la demande 115 de Vita‑Herb. Le 19 décembre 2007, ceux‑ci ont transmis à l’OPIC une copie de cession par M. Baksh de son invention à Vita‑Herb. Ce document est daté du 16 novembre 2007.

 

[18]           Le 21 avril 2008, les nouveaux agents de brevets ont écrit à l’OPIC pour répondre à sa lettre du 11 juillet 2006 [traduction] « dans laquelle celui‑ci a refusé de considérer la demande ci‑dessus comme une demande complémentaire » étant donné que [traduction] « seul le demandeur (ou le propriétaire subséquent) d’une demande peut déposer une demande complémentaire ». Les agents ont demandé la révision de la décision, invoquant la définition de « demandeur » qui est formulée de la façon suivante dans la Loi: « Sont assimilés à un demandeur l’inventeur et les représentants légaux d’un demandeur ou d’un inventeur […] ». Les agents soutiennent que M. Baksh est l’un des inventeurs nommés dans la demande 510 et qu’il est le seul inventeur nommé dans la demande 115. Vita‑Herb est le représentant légal de M. Baksh par suite de la cession. Était joint un affidavit souscrit par M. Baksh dans lequel celui‑ci déclarait ne pas avoir cédé la demande de brevet 510 ni conclu d’entente en vue de transférer son droit dans cette demande à Probiohealth LLC, qui est désignée à l’heure actuelle comme étant le demandeur.

 

[19]           Le 25 septembre 2008, les agents de brevets ont écrit à l’OPIC afin de savoir s’il reconnaissait que la demande 115 était complémentaire à la demande 510. Le 6 février 2009, l’OPIC a répondu comme nous l’avons indiqué plus haut.

 

[20]           Pour compléter ce dossier des faits, en utilisant cette fois le DCT dans le dossier T‑1948‑09, je constate que le 27 juillet 2009, les nouveaux agents de brevets canadiens de Probiohealth ont demandé que le nom de M. Baksh soit retiré comme inventeur dans la demande 510. Les agents font expressément référence au fait que, le 11 mai 2006, Probiohealth a déposé une modification volontaire à la demande 510 en vue d’annuler les revendications 5, 7 et 14 à 22 qui étaient à l’étude et dans laquelle les revendications restantes étaient numérotées en conséquence. Les agents de brevets ont également écrit ce qui suit :

[traduction]
À la suite de cette modification, le soussigné soutient que Bing Baksh n’est pas l’inventeur de l’objet revendiqué actuellement dans la présente demande. Il conviendrait donc de supprimer le nom de Bing Baksh qui est mentionné à titre d’inventeur ».

 

 

[21]           L’OPIC a informé les agents de Probiohealth le 15 octobre 2009 qu’il acceptait leur demande visant à supprimer le nom de M. Baksh à titre d’inventeur dans la demande 510. L’OPIC déclarait : [traduction] « Conformément à la lettre du demandeur du 11 mai 2006, le Bureau des brevets reconnaît que les revendications concernant la contribution de Bing Baksh à l’invention ont été supprimées » (non souligné dans l’original.).

 

[22]           M. Baksh a contesté devant la Cour la décision de l’OPIC en du 15 octobre 2009 en présentant une demande de contrôle judiciaire sous le dossier numéro T‑1948‑09. En outre, l’objet de cette contestation a débordé sur la présente instance lorsque le protonotaire Lafrenière a, dans une ordonnance datée du 7 décembre 2009, accordé à la commissaire l’autorisation de déposer l’affidavit de Krista Rooney, et à Vita‑Herb le droit de présenter une réponse supplémentaire. Le 10 juin 2010, M. Baksh s’est désisté de sa contestation contre Probiohealth et la commissaire concernant la suppression de son nom à titre de coinventeur dans le brevet 510.

 

[23]           À l’appui de sa demande de contrôle judiciaire dans la présente instance, Vita‑Herb a déposé l’affidavit de son président, Bing Baksh. Celui‑ci a déclaré qu’il avait mis au point le LIPA et que Probiohealth lui avait demandé à la fin de 2002 ou au début de 2003 s’il pouvait ajouter le LIPA dans la demande de brevet qui a par la suite débouché sur la demande 510. Il affirme que l’objet de la demande 510 [traduction] « concerne une composition probiotique ainsi que mon système de liaison instantanée avec purge à l’hydrogène pour l’encapsulation et la présentation de cette composition probiotique ». Il affirme n’avoir jamais conclu d’accord en vue de céder ses droits ou participé à la demande 510 déposée par Probiohealth.

 

[24]           M. Baksh a fait l’objet d’un interrogatoire par écrit.

 

[25]           Dans une de ses réponses, M. Baskh fait référence à l’historique du dossier de la demande de brevet 10/672,668 (la demande US) déposée au Bureau des brevets des États‑Unis qui est l’équivalent étranger de la demande de brevet 510.

 

[26]           Cet historique montre que le 5 décembre 2005, les avocats de brevets américains de Probiohealth ont présenté une modification aux revendications existantes visant à annuler les revendications 5 et 7, ainsi que 14 à 22, et à corriger la liste des inventeurs par la suppression du nom de M. Baksh, l’autre étant M. Naidu. Les agents de brevets américains de Probiohealth soutiennent qu’en annulant les revendications mentionnées précédemment, M. Naidu devient le seul inventeur des revendications restantes parce que [traduction] « l’invention de M. Baksh n’est plus revendiquée dans la présente demande ». Les revendications de M. Baksh qui faisaient partie de la demande américaine concernaient le système LIPA.

 

[27]           Le 15 mars 2006, les avocats de brevets américains de Probiohealth ont écrit aux avocats de brevets canadiens de Probiohealth au sujet de la demande 510 récemment déposée, pour leur faire savoir qu’ils avaient récemment reçu des instructions de Probiohealth concernant [traduction] « une nouvelle liste de revendications à déposer dans une nouvelle demande complémentaire à la demande 510 et des revendications modifiées pour la demande 510 en cours ». Ils affirmaient que la demande complémentaire aurait dû faire état d’un seul inventeur, à savoir M. Baksh, et que l’auteur  de la demande complémentaire était Vita‑Herb. Les nouvelles revendications concernant la demande complémentaire sont les revendications 5, 7, 14 à 16 et 20 à 22 déposées au départ, c’est‑à‑dire dans la demande initiale 510. L’autre série de revendications devait être traitée dans le cadre de la demande 510, où A.S. Naidu était désigné comme unique inventeur. Il y a lieu de supprimer le nom de M. Bing Baksh de la demande 510 en raison de l’annulation des revendications dont il était l’inventeur.

 

[28]           Conformément à ces instructions, comme je l’ai mentionné précédemment, les avocats de brevets canadiens de Probiohealth ont, le 11 mai 2006, déposé auprès de l’OPIC une modification à la demande 510 visant à annuler les revendications mentionnées ci‑dessus concernant le système LIPA, et ont déposé, le 19 juin 2006, pour le compte de Vita‑Herb, la demande complémentaire 115. La correspondance échangée entre les avocats canadiens et les avocats américains figure aux pages 30 à 35 du dossier de la demanderesse.

 

III. Les arguments

A. Les arguments de l’avocat de Vita‑Herb

[29]           L’avocat de Vita‑Herb soutient que la commissaire commet une erreur de droit lorsqu’elle affirme que seul l’auteur de la demande originale répond à la condition légale à remplir pour déposer une demande complémentaire. Subsidiairement, il prétend que, même si le paragraphe 36(2) était interprété de cette façon, c’est‑à‑dire que seul l’auteur de la demande originale a le droit de déposer une demande complémentaire, il conviendrait néanmoins de considérer la demande 115 comme une demande complémentaire à la demande 510.

 

[30]           Pour étayer ces deux arguments, l’avocat soutient que la demande 510 est la demande dont découle la demande 115. Deux inventeurs étaient nommés dans la demande et celle‑ci visait deux inventions, (1) la composition probiotique, et (2) le système LIPA qui permet d’encapsuler la composition probiotique en en conservant la stabilité. M. Baksh est l’inventeur du système LIPA qui est l’unique objet visé par la demande 115.

 

[31]           S’agissant de la thèse qu’il défend, l’avocat de Vita‑Herb fait reposer ses arguments sur les affirmations suivantes :

a)                  Le paragraphe 36(2) de la Loi est muet au sujet de la personne qui peut déposer une demande complémentaire.

b)                  Cela étant, la question suivante se pose : « Qui donc a le droit de déposer une demande complémentaire? » D’après l’avocat, il est possible de répondre à cette question en examinant les autres paragraphes de l’article 36 de la Loi de même que les autres dispositions de la Loi afin d’en dégager l’économie générale.

c)                  L’avocat renvoie aux dispositions suivantes de la Loi :

i.          Le paragraphe 36(4) énonce qu’une demande complémentaire « est considérée comme une demande distincte à laquelle la présente loi s’applique aussi complètement que possible (as fully as may be) » et que « sa date de dépôt est celle de la demande originale ».

ii.          Le paragraphe 27(1), sous l’intitulé « Demande de brevets », énonce que« [l]e commissaire accorde un brevet d’invention à l’inventeur ou à son représentant légal si la demande de brevet est déposée conformément à la présente loi et si les autres conditions de celle‑ci sont remplies. »

iii.                  L’avocat examine ensuite la définition de « représentants légaux » qui se lit ainsi :

 

« représentants légaux » Sont assimilés aux représentants légaux les héritiers, exécuteurs testamentaires, administrateurs, gardiens, curateurs, tuteurs, ayants droit, ainsi que toutes autres personnes réclamant par l’intermédiaire ou à la faveur de demandeurs et de titulaires de brevets.

 

[Non souligné dans l’original]

“legal representatives” includes heirs, executors, administrators, guardians, curators, tutors, assigns and all other persons claiming through or under applicants for patents and patentees of inventions;

 

 

 

[32]           L’avocat se fonde sur cette interprétation législative pour conclure dans son mémoire :

[traduction]
Le témoignage de M. Baksh établit qu’il est l’inventeur du système LIPA et qu’il est donc l’inventeur à l’égard des revendications contenues dans la demande 510 visant le système LIPA. Selon les paragraphes 34(2), 27(1) et 27(2), M. Baksh a donc le droit de déposer une demande complémentaire à l’égard de ces revendications. Vita‑Herb est un ayant droit de M. Baksh, comme l’établit et le confirme la cession de l’invention signée et déposée à l’égard de la demande 115.

 

Par conséquent, selon la définition de « représentants légaux » à l’article 2, Vita‑Herb est le représentant légal de M. Baksh. La demande 115 déposée par Vita‑Herb remplit les conditions légales pour le dépôt d’une demande complémentaire à la demande 115 et elle devrait donc être considérée comme telle.

 

[Non souligné dans l’original]

 

 

[33]           À l’appui de son affirmation subsidiaire selon laquelle on devrait néanmoins considérer la demande 115 comme une demande complémentaire même si la décision de la commissaire est bien fondée, l’avocat invoque la définition de « demandeur » à l’article 2 de la Loi qui se lit :

« demandeur » Sont assimilés à un demandeur un inventeur et les représentants légaux d’un demandeur ou d’un inventeur.

“applicant” includes an inventor and the legal representatives of an applicant or inventor;

 

[34]           Se fondant sur cette disposition, il soutient ensuite que, selon cette définition, M. Baksh ou son représentant légal, Vita‑Herb, devrait avoir le droit de déposer une demande complémentaire, étant donné que (1) M. Baksh est l’inventeur du LIPA, (2) il est un des deux inventeurs mentionnés en cette qualité dans la demande 510 originale, et (3) Vita‑Herb est son représentant légal par l’effet de la cession. Il conclut :

[traduction]
En sa qualité de représentant légal d’un inventeur nommé dans la demande originale, Vita‑Herb est donc visée par la définition de « demandeur » et a le droit de déposer une demande complémentaire, si l’on suit le même raisonnement que celui suivi par la commissaire des brevets dans sa décision.

 

 

[35]           Il invoque un troisième moyen. Dans sa décision, la commissaire a déclaré qu’elle ne pouvait considérer Vita‑Herb comme un « demandeur original » de manière à considérer la demande 115 comme une demande complémentaire.

 

[36]           Or, l’avocat soutient qu’est un « demandeur original » le demandeur qui avait cette qualité au moment du dépôt de la demande 510. Il répète que M. Baksh était l’un des inventeurs nommés dans cette demande et qu’il serait, par définition, visé par la notion de « demandeur original ». Il affirme :

[traduction]
Si l’intention de la commissaire aux brevets est que seule l’entité qui a réellement déposé la demande originale a le droit de déposer
une demande complémentaire, alors elle utilise le mot « demandeur » dans sa décision de façon incorrecte et trompeuse. Aucune disposition de la Loi n’autorise une telle interprétation.

 

 

[37]           Il soutient que le demandeur visé au paragraphe 36(2) ne peut être le demandeur Probiohealth qui a réellement déposé la demande originale, c’est‑à‑dire la demande 510. Il soutient qu’une telle interprétation irait à l’encontre de la définition de « demandeur » et imposerait en outre au paragraphe 36(2) une restriction qui n’y figure pas.

 

B. Les arguments de l’avocate du procureur général pour le compte de la commissaire

[38]           Le défendeur soutient que le paragraphe 36(2) de la Loi n’est pas muet quant à la personne qui a le droit de déposer une demande complémentaire. Une interprétation législative correcte fournit la réponse : la seule personne qui a le droit de déposer une demande complémentaire est l’entité qui a déposé la demande de brevet originale ou parent dont découle la demande complémentaire. Vita‑Herb, en qualité de représentant légal de M. Baksh, n’avait pas le droit de déposer la demande 115 parce que Probiohealth est l’entité qui a déposé la demande originale ou parent, à savoir la demande 510. Elle soutient donc que la décision de la commissaire est correcte.

 

[39]           À l’appui de sa conclusion, l’avocate du défendeur cite (1) les principes ordinaires d’interprétation législative du paragraphe 36(2) lesquels reposent sur une décision de la Cour, (2) l’objet des demandes complémentaires, et (3) l’économie générale et l’objet du paragraphe 36(2) et de la Loi sur les brevets, prise dans son ensemble.

 

[40]           Elle conteste l’argument de l’avocat de Vita‑Herb, selon lequel, en qualité de représentant légal de M. Baksh, un inventeur nommé dans la demande parent 510 est donc visé par la définition de « demandeur » à l’article 2 de la Loi. Cet argument ne peut, d’après elle, être retenu parce qu’[traduction] « il se fonde sur une interprétation de la Loi qui créerait une incertitude commerciale dans le système public des brevets, ce qui est contraire à l’objet de la Loi qui exige la certitude ». Elle écrit ce qui suit au paragraphe 37 de son mémoire :

[traduction]
Un grand nombre de personnes pourraient être visées par cette définition générale de « demandeur » dans une demande de brevet donnée. Par exemple, des inventeurs conjoints multiples, les représentants légaux des inventeurs, ainsi que des agents ou coagents de brevets pourraient tous répondre à la définition de « demandeur » à l’article 2 à l’égard d’une seule demande de brevet. L’adoption de l’interprétation proposée par la demanderesse, qui autoriserait toutes ces personnes à déposer une demande complémentaire, aurait pour effet d’apporter de la confusion et de l’incertitude dans le régime de brevets. Le commissaire risquerait d’être saisi de demandes complémentaires présentées par un « demandeur » qui tente de revendiquer des inventions et des priorités auxquelles il n’a pas droit, ou même de demandes complémentaires concurrentes émanant de « demandeurs » différents qui revendiquent tous la même invention. Un tel résultat ne serait pas compatible avec l’économie générale de la Loi sur les brevets et des Règles sur les brevets.

 

 

[41]           Pour ce qui est de l’interprétation législative, l’avocate commence par soutenir que le paragraphe 36(1), selon lequel :« [u]n brevet ne peut être accordé que pour une seule invention », et (2) le principe sur lequel repose le paragraphe 36(2), à savoir que « si une demande décrit plus d’une invention, le demandeur peut restreindre ces revendications à une seule invention », combinés aux dispositions du paragraphe 36(2.1), qui obligent le demandeur, selon les instructions du commissaire, à restreindre ces revendications à une seule invention, sont les éléments clés qui déterminent qui a le droit de déposer une demande complémentaire à l’égard de « toute autre invention divulguée [dans la demande originale] ».

 

[42]           Elle soutient qu’en l’espèce, Vita‑Herb a déposé la demande 115 à titre de demande complémentaire en vue de diviser les inventions qui figuraient dans la demande 510 alors qu’elle n’était pas l’auteure de cette dernière demande. Elle affirme qu’en l’espèce, M. Baksh n’a pas déposé une demande de brevet normale à l’égard de son invention, mais a plutôt choisi de conclure une entente verbale avec Probiohealth aux termes de laquelle cette société inclurait son invention dans la demande de brevet 510 et retirerait par la suite cette invention au moyen d’une demande complémentaire dont Probiohealth se serait apparemment désistée.

 

(1)  L’argument fondé sur l’interprétation législative

[43]           Pour ce qui est de l’argument fondé sur l’interprétation législative, l’avocate du défendeur soutient que le paragraphe 36(2) doit être lu dans son ensemble, ce que Vita‑Herb n’a pas fait puisqu’elle a interprété, de façon isolée, la dernière partie de la disposition, à savoir « toute autre invention divulguée pouvant faire l’objet d’une demande complémentaire », pour étayer son argument selon lequel la disposition est muette pour ce qui est de l’auteur du dépôt d’une demande complémentaire. L’avocate soutient qu’il faut lire le paragraphe 36(2) dans son ensemble, y compris la première partie qui, je le répète, se lit : « Si une demande décrit plus d’une invention, le demandeur peut restreindre ses revendications à une seule invention ». À son avis, le reste de la disposition (la seconde partie du paragraphe 36(2)) [traduction] « porte logiquement sur les mesures que doit prendre un demandeur pour restreindre ces revendications » (non souligné dans l’orignal).

 

[44]           Elle cite la décision du juge Roger Hughes dans Merck & Co. c. Apotex, 2000 CF 524, par. 193 (Merck), pour affirmer que mon collègue [traduction] « a déjà interprété le paragraphe 36(2) et précisé que l’auteur de la demande de brevet originale est la partie qui a le droit de déposer une demande complémentaire ». Voici l’extrait cité :

Le paragraphe 36(2) prévoit que le commissaire divise les demandes dans le cas où plus d’une invention est identifiée. Il autorise le demandeur, sans l’exiger, à procéder de la même manière.

 

[Non souligné dans l’original]

 

 

[45]           Elle mentionne également l’intitulé du paragraphe 36(2) qui se lit : « Demande complémentaire ». Elle invoque en outre le paragraphe 27(2) de la Loi sur les brevets qui exige que la demande de brevet soit accompagnée de la pétition réglementaire décrite dans le formulaire 3 des Règles sur les brevets, ce qui, à son avis [traduction] « ne permet aucunement à un demandeur distinct de présenter une demande complémentaire ».

 

(2) L’argument fondé sur l’objet des demandes complémentaires

[46]           L’argument soulevé par l’avocate repose principalement sur les sections 14.05, 14.06 et 14.07 du Recueil du Bureau de l’OPIC. Elle écrit :

[traduction]
Les demandes complémentaires prévues à l’article 36 de la Loi sur les brevets ont pour objet d’empêcher que les demandes de brevet qui décrivent ou revendiquent plus d’une invention soient invalidées pour le motif qu’elles ne respectent pas la condition d’unité de l’invention. Cet objet vient étayer l’interprétation de la commissaire, selon laquelle seul le demandeur (ou le propriétaire ultérieur) d’une demande originale peut déposer une demande complémentaire.

 

Se reportant encore une fois au paragraphe 36(1), elle soutient qu’une demande de brevet ne revendique pas plus d’une invention si les matières définies par les revendications sont à ce point liées entre elles qu’elles forment un concept inventif général, c’est‑à‑dire une « unité d’invention » au sein des revendications du brevet et que, si ce n’est pas le cas, les paragraphes 36(2) et 36(2.1) s’appliquent pour que le demandeur concerné, en l’occurrence l’auteur de la demande 510, restreigne volontairement ou obligatoirement aux termes du paragraphe 36(2.1) ces revendications à une seule invention et que [ce demandeur] puisse revendiquer d’autres inventions décrites dans la demande initiale à titre de demande complémentaire. L’avocate du défendeur soutient également que, selon le recueil, une demande originale ne sera pas considérée comme une antériorité étant donné que la demande complémentaire conserve la date de dépôt de la demande initiale et que les priorités revendiquées dans la demande initiale sont incluses dans la demande complémentaire.

 

[47]           Elle soutient qu’il doit exister un caractère commun entre la demande initiale et la demande complémentaire, c’est‑à‑dire un lien commun. Elle fait valoir que la décision de la commissaire selon laquelle l’auteur de la demande originale doit être le même que celui qui dépose une demande complémentaire établit ce lien commun, et soutient qu’en l’absence d’un tel lien, les demandes sont indépendantes l’une de l’autre et ne peuvent être considérées comme des demandes complémentaires; quoi qu’il en soit, le lien a été rompu parce que le nom de M. Baksh a été supprimé comme inventeur dans la demande 510.

 

(3) L’argument fondé sur l’économie générale du paragraphe 36(2) et de la Loi

[48]           J’ai exposé l’essentiel de l’argument de l’avocate sur ce point, à savoir que l’argument de Vita‑Herb n’est pas compatible avec le paragraphe 36(2) et la Loi dans son ensemble, à cause de l’incertitude qu’entraînerait l’acceptation de cet argument et elle cite, à l’appui de son affirmation, la décision du juge Yves de Montigny dans Rendina c. Procureur général du Canada, 2007 CF 914, par. 15, une affaire où de nombreuses personnes avaient écrit à l’OPIC pour signaler des problèmes de taxe périodique.

 

IV. Conclusions

[49]           Pour les motifs qui suivent, il y a lieu de faire droit à la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[50]           Je commencerai par mentionner que l’argument du défendeur comporte deux erreurs factuelles :

a)                  L’avocate du défendeur soutient que Vita‑Herb a déposé la demande 115 dans le but de diviser les inventions de la demande 510 alors qu’elle n’était pas l’auteur de la demande 510;

b)                  M. Baksh, dont la demande de brevet n’a pas été déposée régulièrement, a plutôt choisi de conclure avec Probiohealth une entente verbale suivant laquelle celle‑ci inclurait ses inventions dans la demande de brevet 510 et diviserait par la suite les inventions en présentant une demande complémentaire dont elle se serait désistée.

 

[51]           Ces énoncés de fait sont inexacts et j’estime qu’ils ont eu une incidence fondamentale sur l’interprétation que l’avocate a donnée des dispositions légales pertinentes.

 

[52]           Le dossier est clair. Probiohealth a déposé au Canada, comme elle l’avait fait dans les demandes présentées à l’OMPI et aux États‑Unis, une demande de brevet visant deux inventions distinctes. Aux États‑Unis, elle a divisé sa demande initiale en supprimant les revendications liées à l’invention de M. Baksh. Elle a ensuite demandé à ses agents de brevets canadiens de faire de même avec la demande 510. Les revendications liées à l’invention du LIPA ont été retirées par Probiotech (l’auteur de la demande originale – la demande 510) et non pas par Vita‑Herb, à la suite de quoi M. Naidu demeurait le seul inventeur. Ce genre de restriction est conforme au paragraphe 36(1) et constitue le moyen prévu à cet effet par le paragraphe 36(2), c’est‑à‑dire, en l’espèce, une restriction volontaire par le demandeur initial des revendications concernant la deuxième invention. Comme je l’ai indiqué, le paragraphe 36(2.1) traite de la restriction involontaire, faite selon les instructions du commissaire.

 

[53]           Ce que Probiotech a fait en réalité –une restriction volontaire – a permis le déclenchement du mécanisme relatif à l’état complémentaire prévu à l’article 36 – le dépôt d’une demande complémentaire à titre de demande séparée et distincte par des personnes ayant le droit de déposer une demande complémentaire – l’inventeur (M. Baksh) ou son représentant légal par cession (Vita‑Herb).

 

[54]           Dans ce contexte factuel, je ne peux souscrire à l’argument subsidiaire de l’avocat de Vita‑Herb. Le demandeur visé par le paragraphe 36(2) n’est pas un « demandeur » au sens de l’article 2 de la Loi, mais plutôt le demandeur qui a effectivement déposé la demande 510 – Probiohealth.

 

[55]           C’est Probiohealth qui a déposé la demande initiale et c’est Probiohealth qui a volontairement retiré de la demande les revendications concernant le LIPA. C’est uniquement Probiohealth – le demandeur original – que la commissaire aurait pu obliger à retirer les revendications relatives au LIPA afin que soit respectée la règle de l’inventeur unique que le législateur a adoptée au paragraphe 36(1). La commissaire ne pouvait obliger Vita‑Herb à retirer les revendications liées au LIPA inventé par M. Baksh de la demande 510 pour la simple raison que la commissaire n’avait aucun pouvoir à l’égard de Vita‑Herb, étant donné que Vita‑Herb n’avait présenté aucune demande à l’OPIC. L’argument subsidiaire de Vita‑Herb est incompatible avec la bonne application de l’article 36 de la Loi.

 

[56]           Par contre, je ne peux retenir l’argument principal du défendeur, à savoir que les paragraphes 36(2) et 36(2.1) ne sont pas muets au sujet de la personne autorisée à déposer une demande complémentaire. L’article 36 de la Loi ne précise pas qui peut déposer une demande complémentaire, mais énonce qu’une telle demande est une demande distincte à laquelle la présente loi s’applique aussi complètement que possible. J’accepte l’argument de l’avocat du demandeur selon lequel le législateur voulait manifestement que l’on réponde à cette question en procédant à un examen de la loi dans son ensemble. Cette personne est la personne à qui le commissaire peut accorder un brevet. Cette personne est un « demandeur », au sens de l’article 2 de la Loi. Cette interprétation s’harmonise avec le paragraphe 36(4) de la Loi.

 

[57]           Soit dit en passant, l’avocate du défendeur a eu tort d’invoquer la décision du juge Hughes dans Merck pour étayer l’affirmation selon laquelle seul l’auteur de la demande initiale peut déposer une demande complémentaire. Le juge Hughes n’examinait pas la question de savoir qui pouvait présenter une demande complémentaire. Il examinait la question de savoir qui pouvait retirer des revendications d’un brevet qui révélait une deuxième invention. Pour les motifs précédemment exposés, je souscris à son opinion selon laquelle seul l’auteur de la demande initiale peut le faire. La réponse à la question de savoir qui peut déposer une demande complémentaire se trouve, comme cela est énoncé, dans la Loi.

 

[58]           Il n’est pas nécessaire d’examiner en détail les arguments du défendeur au sujet de l’esprit et de l’objet du paragraphe 36 ou de l’économie générale de la Loi, ni ses arguments sur l’objet des demandes complémentaires. Il semble à la Cour que ces arguments reposent sur des prémisses factuelles erronées qui, soit dit avec égards, ont induit la commissaire en erreur quant au fonctionnement du mécanisme des demandes complémentaires dans le contexte de la loi.

 

[59]           Probiohealth et Vita‑Herb ont, en l’espèce, agi conformément aux dispositions de l’article 36 et de la Loi dans son ensemble. En outre, Vita‑Herb doit, dans sa demande complémentaire, convaincre la commissaire qu’elle avait droit d’obtenir un brevet pour l’invention LIPA. La commissaire est maître de ce processus et il n’était pas nécessaire qu’elle donne de l’article 36 de la Loi une interprétation trop restrictive, selon laquelle seul l’auteur original de la demande initiale peut déposer une demande complémentaire. L’argument fondé sur l’incertitude et les autres arguments présentés par l’avocate du défendeur sont mal fondés pour la seule raison que l’inventeur du LIPA, ou son cessionnaire, peut obtenir un brevet s’il se conforme à toutes les dispositions pertinentes de la Loi.

 

[60]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie avec dépens.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie avec dépens. La décision de la commissaire, en date du 6 février 2009, par laquelle celle‑ci a refusé de considérer la demande 115 comme une demande complémentaire est annulée et l’affaire est renvoyée à la commissaire pour qu’elle rende une nouvelle décision conformément aux présents motifs. Les dépens seront évalués selon la fourchette supérieure des unités de la colonne IV du tarif de la Cour.

 

 

« François Lemieux »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                            T‑351‑09

 

INTITULÉ :                                                           VITA‑HERB NUTRICEUTICALS, INC. c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET AL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                    Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                   Le 17 février 2010

 

SUSPENSION DE L’INSTANCE EN ATTENDANT LA FIN DES DISCUSSIONS RELATIVES À UN RÈGLEMENT :                                                    De juin 2010 au 30 octobre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                 Le juge Lemieux

 

DATE DES MOTIFS :                                         Le 30 novembre 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

Lawrence Chan

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

Geraldine Chen

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSSIER :

 

 

Smiths IP

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.,

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

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