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FCHdrF

 

 

 

Date : 20101129

Dossier : T-470-08

Référence : 2010 CF 1204

[TRADUCTION FRANÇAISE]

ENTRE :

 

TEVA NEUROSCIENCE G.P.-S.E.N.C

 

 

demanderesse

(partie requérante)

 

et

 

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

défendeur

 

 

  MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE HUGHES

 

[1]  Cette requête, présentée par Teva Neuroscience G.P. – S.E.N.C., découle d’un jugement que j’ai rendu dans le cadre de cette instance le 12 novembre 2008, dans lequel j’ai accueilli la demande de contrôle judiciaire de Teva et renvoyé la question au Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés afin qu’il rende une nouvelle décision. Teva demande maintenant une ordonnance afin que la nouvelle décision sur la question soit prise dans le dossier existant. Pour les motifs exposés ci-après, je vais rejeter cette requête. Les parties sont d’accord pour qu’il n’y ait aucuns dépens.

 

[2]  En bref, en ce qui concerne l’historique de cette affaire, Teva vend depuis plusieurs années au Canada un médicament appelé Copaxone. Le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés, en vertu des pouvoirs que lui confère de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P-4, a mené une enquête et une audience pour déterminer si le prix auquel le médicament a été vendu était « excessif ». Le Conseil a déterminé que le prix était « excessif », puis a imposé certaines réparations qui ont obligé Teva à verser plus de deux millions de dollars à la Couronne. Teva a demandé un contrôle judiciaire de cette décision et j’ai entendu l’affaire. Dans ma décision du 12 novembre 2009 (2009 CF 1155), j’ai autorisé le contrôle judiciaire. Voici ma conclusion, au paragraphe 76 des motifs :

[76] La décision du 25 février 2008 et celle du 12 mai 2008 seront toutes deux annulées. L’affaire sera renvoyée à une formation différemment constituée du Conseil, dans la mesure où d’autres membres sont disponibles, pour nouvelle décision. Lors de son réexamen, le Conseil doit tenir compte de tous les facteurs énumérés au paragraphe 85(1) et fournir des motifs clairs et intelligibles au sujet de l’analyse de chacun des facteurs et de la valeur accordée à chacun d’entre eux. Si le Conseil n’est pas en mesure de tirer une conclusion après avoir tenu compte de tous les facteurs prévus au paragraphe 85(1), il doit le préciser et passer ensuite à un examen fondé sur le paragraphe 85(2) en exposant de façon claire et intelligible son analyse dans ses motifs. Le Conseil ne doit pas aborder ces questions que pour la forme et il ne doit pas en arriver au même résultat. Il doit réexaminer à fond la question sans s’estimer de quelque façon tenu d’arriver au même résultat.

 

[3]  Le jugement lui-même est ainsi libellé :

LA COUR ORDONNE :

1.  Les deux demandes sont accueillies.

2.  Les décisions rendues par le Conseil le 28 février 2008 et le 12 mai 2009 sont annulées et sont renvoyées à une formation différemment constituée du Conseil, dans la mesure où d’autres membres sont disponibles, pour qu’une nouvelle décision soit rendue conformément aux présents motifs.

3.  Teva a droit à ses dépens. Les avocats devront, dans les deux semaines de la date de la présente décision, fournir de brèves observations au sujet du montant forfaitaire de dépens qu’elles proposent. 

 

[4]  J’ai rendu un autre jugement, assorti de motifs, au sujet des dépens (2009 CF 1206), qui n’est pas pertinent en l’espèce.

 

[5]  Aucun appel n’a été interjeté à l’égard de mon jugement; il s’agit d’un jugement final.

[6]  La Conseil a repris l’examen, en chargeant différentes personnes de s’occuper de l’affaire. L’audience en vue de la nouvelle décision n’a pas encore eu lieu. Elle est prévue pour le mois de mars 2011.

 

[7]  L’affaire dont découle la requête de Teva porte sur une ordonnance du Conseil permettant au personnel du Conseil (qui se trouve à être la partie adverse de Teva dans le cadre de l’instance devant le Conseil) de présenter d’autres éléments de preuve au dossier à déposer devant le Conseil à l’audience sur le réexamen.

 

[8]  Le 15 septembre 2010, le personnel du Conseil a signifié à Teva un avis de requête et un affidavit à l’appui, dans lesquels il est demandé au Conseil de permettre au personnel du Conseil de déposer [traduction] « des éléments de preuve supplémentaires pour compléter le dossier de preuves existant ». Voici comment la preuve a été décrite dans l’affidavit à l’appui :

[traduction]

a.  Un nouveau calcul par le personnel du Conseil des recettes excédentaires liées au Copaxone de mai 2002 à juin 2010;

b.  Des extraits du bulletin « La Nouvelle » du CEPMB de janvier 2007 à avril 2010 concernant les facteurs de rajustement de l’indice des prix à la consommation (IPC);

c.  Un tableau du personnel du Conseil décrivant la comparaison du prix selon la  catégorie thérapeutique internationale pour le Copaxone;

d.  Un résumé des prix internationaux du Copaxone par le personnel du Conseil (selon les documents déposés par le défendeur au titre de la section 5 et les sources publiques du personnel du Conseil) et

e.  Les documents liés au Formulaire 2 déposés par le défendeur (renseignements sur le prix et les ventes) au sujet du Copaxone, de janvier 2007 à juin 2010.

 

[9]  Voici ce sur quoi le personnel du Conseil fonde sa demande d’autorisation en vue de déposer ces éléments de preuve supplémentaires énoncés dans son avis de requête :

[traduction]

4.  À l’audience sur le réexamen, le personnel du Conseil a l’intention de faire valoir que les décideurs devraient conclure que le Copaxone est vendu à un prix excessif au Canada depuis 2004.

5.  Le personnel du Conseil demande une ordonnance lui permettant de déposer des éléments de preuve supplémentaires à l’audience sur le réexamen. Ces éléments de preuve sont principalement les plus récents documents réglementaires du défendeur dont les décideurs auront besoin pour rendre une décision appropriée.

6.  Le personnel du Conseil soutient que ces éléments de preuve supplémentaires doivent être présentés au tribunal désigné pour le réexamen afin qu’ils puissent :

a.  se conformer à l’ordonnance de la Cour fédérale en tenant compte de tous les facteurs énoncés au paragraphe 85(1) de la Loi sur les brevets;

b.  calculer le montant actuel des recettes excédentaires à l’aide des plus récents renseignements sur le prix et les ventes que le défendeur a présentés depuis l’audience initiale. 

7.  Le personnel du Conseil fait valoir que ces éléments de preuve supplémentaires sont fondés sur des renseignements accessibles au public et sur les documents réglementaires que le défendeur a déposés auprès du Conseil depuis l’audience initiale et les décisions initiales. Il est peu probable que les renseignements soient litigieux.

8.  Le personnel du Conseil fait valoir que les éléments de preuve supplémentaires sont une mise à jour de la preuve dont le Conseil était déjà saisi à l’audience initiale. Tous les éléments de preuve supplémentaires doivent être présentés afin que le Conseil puisse trancher de façon appropriée si le Copaxone est ou a été vendu à un prix excessif sur un marché au Canada.

 

[10]  Le Conseil a rendu une ordonnance, consignée dans la transcription de l’audition de la requête le 4 octobre 2010, permettant le dépôt de la preuve, les modalités pour y répondre et la date de l’audience (maintenant reportée à mars 2011). Voici ce que le Conseil a déclaré :

[traduction]

Ce que nous avons décidé de faire, en fait, c’est d’accueillir la requête du Conseil selon les modalités ci-dessous.

La première modalité comporte d’abord quatre volets; ensuite, si les parties ont des questions ou des précisions à faire, c’est très bien.

Le premier point est que le personnel du Conseil sera autorisé à déposer la preuve figurant dans son dossier de requête qui porte sur la période allant de janvier 2008 à la date de dépôt de 2010 qui est la plus récente par rapport à la date de l’audience à déterminer ultérieurement.

Deuxièmement, les décideurs acceptent les observations de Teva selon lesquelles en l’absence d’un ajournement, il y aurait effectivement préjudice en l’espèce, parce que nous présentons des éléments de preuve concernant l’évaluation du prix excessif en tant que telle. Par conséquent, l’audience sera ajournée pour permettre à Teva de déposer des éléments de preuve supplémentaires conformément à cette décision.

Troisièmement, les décideurs n’admettront aucun élément de preuve ayant trait à la période précédant janvier 2008, à moins qu’on puisse démontrer que la preuve ne pouvait être obtenue en faisant montre d’une diligence raisonnable en prévision de l’audience initiale et pendant celle-ci. Nous laisserons aux parties le soin de soulever des objections à ce sujet en rapport avec les éléments de preuve au moment opportun, plutôt que d’essayer de les régler aujourd’hui en rapport avec des éléments de preuve particuliers.

Quatrièmement, les décideurs ont l’intention de fixer la date de la présente audience aux 15, 16 et 17 décembre 2010. Le ou la secrétaire du Conseil communiquera avec les parties au sujet de l’échéancier de présentation des éléments de preuve.

 

[11]  Peu de temps après, Teva a déposé la présente requête devant la Cour, dans le but d’obtenir une ordonnance obligeant à fonder le réexamen sur le dossier existant, ce qui signifie que le Conseil ne devrait pas examiner les éléments de preuve supplémentaires. Lors de l’audience sur la requête dont je suis saisi, l’avocat du procureur général a soulevé la question de savoir si la requête avait été déposée en temps opportun, mais cet argument n’a pas fait l’objet d’un examen vigoureux. Je suis convaincu que le dépôt s'est fait en temps opportun.

 

[12]  J’ai demandé à l'avocat de Teva d’expliquer pourquoi j’aurais compétence pour rendre l’ordonnance demandée. La réponse était que Teva s’appuie sur les articles 397 et 399 des Règles des Cours fédérales qui, a‑t‑on fait valoir, me permettent de revoir et de réviser mon jugement du 12 novembre 2009 pour insérer une mention  indiquant que le réexamen doit  se fonder [traduction] « sur le dossier existant ».

 

[13]  Il ne s’agit pas d’une nouvelle demande de contrôle judiciaire de la décision du Conseil d’accepter les éléments de preuve supplémentaires au dossier. Les avocats de chaque partie conviennent que dans une instance de contrôle judiciaire, sauf circonstances exceptionnelles, la Cour ne devrait pas examiner les décisions interlocutoires rendues par un tribunal avant la décision finale (se reporter, p. ex., aux décisions Szczecka c. Canada (MEI) (1993), 116 DLR (4th) 3333 (CAF), au par. 4, et Sanofi-Aventis Canada Inc. c. Canada (PG), 2009 CF 965, aux par. 25 et 26). Teva soutient plutôt que les articles 397 et 399 me donnent le pouvoir de réviser mon jugement du 12 novembre 2009 afin d’y énoncer qu’aucune preuve supplémentaire ne devrait être admise en réexamen.

 

[14]  L’article 397 permet à la Cour de réexaminer une ordonnance qu’elle a rendue au motif qu’elle n’est pas d’accord avec les motifs, qu’une question a été négligée ou omise ou qu’il y a eu une erreur d’écriture :

Motion to reconsider

397. (1) Within 10 days after the making of an order, or within such other time as the Court may allow, a party may serve and file a notice of motion to request that the Court, as constituted at the time the order was made, reconsider its terms on the ground that

(a) the order does not accord with any reasons given for it; or

(b) a matter that should have been dealt with has been overlooked or accidentally omitted.

 

Mistakes

(2) Clerical mistakes, errors or omissions in an order may at any time be corrected by the Court.

 

Réexamen

397. (1) Dans les 10 jours après qu’une ordonnance a été rendue ou dans tout autre

délai accordé par la Cour, une partie peut signifier et déposer un avis de requête demandant

à la Cour qui a rendu l’ordonnance, telle qu’elle était constituée à ce moment, d’en examiner de nouveau les termes, mais seulement pour l’une ou l’autre des raisons suivantes :

a) l’ordonnance ne concorde pas avec les motifs qui, le cas échéant, ont été donnés pour la justifier;

b) une question qui aurait dû être traitée a été oubliée ou omise involontairement.

 

Erreurs

 

(2) Les fautes de transcription, les erreurs et les omissions contenues dans les ordonnances peuvent être corrigées à tout moment par la Cour.

 

 

[15]  En l’espèce, Teva soutient qu’il apparaît de façon « manifeste » dans les motifs donnés (2009 CF 1155) que j’avais l’intention, lorsque j’ai ordonné un réexamen, de n'admettre aucun nouvel élément de preuve. Il est fait référence à l’arrêt de la Cour d’appel fédérale dans Polylok Corporation c. Montreal Fast Print (1975) Ltd., [1984] 1 CF 713, à la page 720, où le juge en chef Thurlow, au nom du tribunal, écrit au sujet du paragraphe 337(6) des Règles de la Cour fédérale, qui équivaut essentiellement à l’article 397 des Règles des Cours fédérales :

Il ne reste donc qu'à examiner les termes « autres erreurs d'écriture ou omissions accidentelles » à la Règle 337(6). Étant donné que par le passé, les tribunaux ont utilisé leur vaste pouvoir de corriger les jugements ou les ordonnances afin de les faire correspondre aux jugements prononcés ou aux jugements qu'ils avaient l'intention de rendre, il me semble qu'il faudrait accorder à cette partie de la Règle une portée assez large pour habiliter la Cour à modifier un jugement de façon à le rendre conforme à ce qu'elle voulait dire lorsqu'elle l'a prononcé; toutefois, elle ne doit pas être utilisée pour permettre à un juge de réviser ou d'annuler son jugement ou encore de le modifier pour traduire son changement d'opinion sur ce que le jugement aurait dû être.

 

[16]  J’estime que ces mots incitent la Cour à être très prudente avant de réviser un jugement en vertu des dispositions de cette règle. J’ai ordonné que l’affaire soit « réexaminée ». Je ne trouve aucun motif de modifier le jugement en vertu de l’article 397.

 

[17]  L’article 399 prévoit qu’une ordonnance peut être annulée ou modifiée pour un certain nombre de raisons. Celle sur laquelle Teva se fonde pour dire que la tentative par le personnel du Conseil et l’ordonnance subséquente du Conseil concernant l'ajout des éléments de preuve est une question « après que l’ordonnance


a été rendue


 », ce qui exige un de modifier l’ordonnance. L’article 399 des Règles des Cours fédérales est ainsi libellé :

Setting aside or variance

399. (1) On motion, the Court may set aside or vary an order that was made

(a) ex parte; or

(b) in the absence of a party who failed to appear by accident or mistake or by reason of insufficient notice of the proceeding,

if the party against whom the order is made discloses a prima facie case why the order should not have been made.

 

Setting aside or variance

(2) On motion, the Court may set aside or vary an order

(a) by reason of a matter that arose or was discovered subsequent to the making of the order; or

(b) where the order was obtained by fraud.

 

Effect of order

(3) Unless the Court orders otherwise, the setting aside or variance of an order under subsection (1) or (2) does not affect the validity or character of anything done or not done before the order was set aside or varied.

Annulation sur preuve prima

facie

399. (1) La Cour peut, sur requête, annuler ou modifier l’une des ordonnances suivantes, si la partie contre laquelle elle a été rendue présente une preuve prima facie démontrant pourquoi elle n’aurait pas dû être rendue :

a) toute ordonnance rendue sur requête ex parte;

b) toute ordonnance rendue en l’absence d’une partie qui n’a pas comparu par suite d’un événement fortuit ou d’une erreur ou à cause d’un avis insuffisant de l’instance.

 

Annulation

 

(2) La Cour peut, sur requête, annuler ou modifier une ordonnance dans l’un ou

l’autre des cas suivants :

a) des faits nouveaux sont survenus ou ont été découverts après que l’ordonnance

a été rendue;

b) l’ordonnance a été obtenue par fraude.

 

Effet de l’ordonnance

 

(3) Sauf ordonnance contraire de la Cour, l’annulation ou la modification d’une ordonnance en vertu des paragraphes (1) ou (2) ne porte pas atteinte à la validité ou à la nature des actes ou omissions antérieurs à cette annulation ou modification.

 

 

[18]  L’avocat de Teva se fonde sur deux affaires pour appuyer ses observations. La première est une décision du juge Gibson de la Cour dans Smith c. Canada (MCI) 2007 CF 712, dans laquelle un autre juge avait refusé de surseoir à une mesure de renvoi d’une personne souffrant de troubles mentaux au motif que, à son retour dans son pays d’origine, cette personne serait escortée vers un hôpital à proximité. Cette condition découlait d’un engagement pris par la Couronne à cet effet. En fait, cela ne s’est jamais produit. Les parents de la personne renvoyée ont demandé l’annulation de l’ordonnance de refus du sursis, ce qui signifierait dans les faits le retour de la personne au Canada. Le juge Gibson a accueilli cette demande. Dans ses motifs, il a tenu compte de la jurisprudence pertinente, y compris les jugements Ayangma et Proctor & Gamble, aux paragraphes 20 à 23 :

20  Dans l’arrêt Ayangma c. Canada, le juge Pelletier, au nom de la Cour, a écrit ce qui suit aux paragraphes 2 et 3 :

 

Suivant l’alinéa 399(2)a), la Cour peut annuler ou modifier une ordonnance lorsque : des faits nouveaux sont survenus ou ont été découverts après que l’ordonnance a été rendue.

Selon la jurisprudence, trois conditions doivent être réunies pour que la Cour puisse faire droit à une telle requête :


1 - les éléments découverts depuis peu doivent constituer des « faits nouveaux » au sens de l’alinéa 399(2)a);

2 - les « faits nouveaux » ne doivent pas être des faits nouveaux que l’intéressé aurait pu découvrir avant que l’ordonnance ne soit rendue en faisant preuve de diligence raisonnable;

3 - les « faits nouveaux » doivent être de nature à exercer une influence déterminante sur la décision en question.

 

Dans l’extrait ci‑dessus, et en particulier dans la troisième condition, le juge Pelletier dit que les « faits nouveaux » en question doivent être de nature à « exercer une influence déterminante » sur la décision en question. Étant donné que l’ordonnance pour laquelle on tente d’obtenir l’annulation ou la modification peut, comme en l’espèce à l’égard d’une des ordonnances, avoir été rendue par un autre juge que celui qui examine la requête, je n’interprète pas les mots « exercer une influence déterminante » comme des mots de nature concluante, mais plutôt comme des mots de nature conditionnelle comme dans l’expression « peut exercer une influence déterminante ».

 

21  Dans la décision Cie pharmaceutique Procter & Gamble Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), ma collègue la juge Snider a écrit ce qui suit [au paragraphe 16] :

 

Pour satisfaire au premier volet du critère, P&G doivent me convaincre qu’il y a de nouveaux faits. L’expression « nouveaux faits » a un sens large et peut englober autre chose que des éléments de preuve nouveaux [. . .] . « Nouveaux faits » s’entend d’un élément du redressement demandé plutôt que d’un argument présenté au tribunal [. . .] . Les nouveaux faits doivent être pertinents aux faits qui sont à l’origine de l’ordonnance initiale [. . .] .

[Références omises.]

 

3) Faits nouveaux qui sont survenus ou qui ont été découverts après que l’ordonnance en cause a été rendue

a) Mon ordonnance rejetant la demande principale d’autorisation et de contrôle judiciaire

 

22  Les « faits nouveaux » qui seraient survenus ou auraient été découverts après qu’a été rendue mon ordonnance rejetant la demande principale d’autorisation et de contrôle judiciaire, comme dans le cas de l’ordonnance du juge suppléant Lagacé refusant un sursis au renvoi, étaient l’omission des agents qui escortaient le demandeur, à leur arrivée à Kingston à la Jamaïque, de s’être assurés qu’il était [TRADUCTION] « transporté de l’aéroport au service des urgences de l’hôpital public de Kingston sur North Street, où il serait reçu en consultation par le Dr Reed ». Le fait qu’il n’a pas été ainsi « transporté » et qu’il ne s’est pas rendu, à l’insistance des agents qui l’escortaient depuis le Canada, à l’hôpital public de Kingston pour rencontrer le Dr Reed, n’était pas en cause devant la Cour. Je suis convaincu que cela constitue des « faits nouveaux » au sens de l’alinéa 399(2)a) des Règles. La question qui se pose ensuite est celle de savoir s’il était vraisemblable, ou même concevable, que le juge suppléant Lagacé, à l’égard de la question dont il était saisi, se soit appuyé sur un engagement contenu dans un affidavit. Relativement à mon ordonnance, la question doit être celle de savoir si, dans l’éventualité où j’avais eu connaissance de la question se rapportant à la preuve dont disposait le juge suppléant Lagacé, j’aurais néanmoins rendu la décision que j’ai rendue.

 

23  Je conclus que la réponse à l’égard de mon ordonnance doit être que je n’aurais pas, du moins au moment où j’ai rendu mon ordonnance, rendu l’ordonnance que j’ai rendue. Plutôt, étant donné que je n’étais pas contraint par la loi de trancher la question d’autorisation dans la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire lorsque je l’ai fait, j’aurais été mieux de mettre en attente la question dont j’étais saisi, jusqu’à ce que la question se rapportant à l’ordonnance du juge suppléant Lagacé soit réglée. J’aurais ainsi préservé la compétence de la Cour de traiter de cette controverse, si nécessaire, et je n’aurais porté atteinte d’aucune façon au demandeur ou au défendeur.

 

[19]  Je conclus de cette analyse que les faits nouveaux qui découlent de l’ordonnance doivent être tels que s’ils n’avaient pas été découverts ou soulevés avant la prise de l’ordonnance, ils auraient été pertinents au fondement factuel ayant donné lieu à l’ordonnance originale.

 

[20]  L’autre affaire invoquée par Teva est Canwell Enviro-Industries Ltd. c. Baker Petrolite Corporation, 2002 CAF 481, dans laquelle la Cour a modifié une ordonnance antérieure accordant des dommages-intérêts afin d’y inclure également l’octroi d’intérêts. Le juge Strayer, s’exprimant pour la Cour, a déclaré ce qui suit aux paragraphes 6 et 7 :

6  J’estime que nous devons traiter cette demande comme une requête présentée sous le régime de l’alinéa 399(2)a) et du paragraphe 399(3) qui prévoient :

399(2) La Cour peut, sur requête, annuler ou modifier une ordonnance dans l’un ou l’autre des cas suivants :

a) des faits nouveaux sont survenus ou ont été découverts après que l’ordonnance a été rendue;....

(3) Sauf ordonnance contraire de la Cour, l’annulation ou la modification d’une ordonnance en vertu des paragraphes (1) ou (2) ne porte pas atteinte à la validité ou à la nature des actes ou omissions antérieurs à cette annulation ou modification.

* * *

399(2) On motion, the Court may set aside or vary an order that was made

(a) by reason of a matter that arose or was discovered subsequent to the making of the order;....

(3) Unless the Court orders otherwise, the setting aside or variance of an order under subsection (1) or (2) does not affect the validity or character of anything done or not done before the order was set aside or varied.

 

Il ressortait naturellement de notre jugement infirmant le jugement du juge de première instance que cela enlevait au demanderesses toute revendication fondée sur l’equity aux sommes qui leur avaient été versées. Il n’était pas déraisonnable de la part des défendeurs de présumer que les demanderesses rembourseraient ces sommes à la ville, majorées de leur valeur (c’est-à-dire des intérêts) dont elles avaient eu l’avantage au cours de la période pendant laquelle elles n’avaient aucun droit fondé sur l’equity. Le fait qu’elles s’opposeraient au paiement des intérêts n’est apparu que bien longtemps après la disposition de l’appel.

 

7  Étant donné qu’il est tout à fait conforme à notre décision du 29 avril 2002 infirmant le jugement de première instance que les parties devraient autant que possible être ramenées à la situation dans laquelle elles se trouveraient si le jugement de première instance n’avait pas été prononcé, et étant donné que le refus des demanderesses de reconnaître ce principe constitue une nouvelle affaire, notre Cour devrait ordonner le paiement des intérêts avant jugement (c’est-à-dire avant notre jugement du 29 avril 2002 et remontant jusqu’au 18 octobre 2001) et des intérêts après jugement (après le prononcé du jugement) jusqu’à la date du paiement intégral de ces intérêts, au taux applicable à l’époque considérée, calculés tel qu’il est prévu aux paragraphes 36(1) et 37(1) de la Loi sur la Cour fédérale, selon les règles de droit de l’Alberta, la province où la cause d’action a pris naissance à l’égard de la ville de Medicine Hat. Les parties n’ont pas fourni à la Cour l’énoncé précis de ces règles de droit.

 

[21]  J’estime que cette affaire vise essentiellement une question négligée, même si l’ajout d’intérêts a été déclenché par le refus de la défenderesse de payer des intérêts après le jugement initial.

 

[22]  En l’espèce, j’ai rendu un jugement selon lequel l’affaire devait être [traduction] « réexaminée ». La jurisprudence est étonnamment peu abondante quant à la signification de ce mot. Dans Torres c. Canada (MEI), [1983] 2 C.F. 81, le juge Heald, dans un jugement majoritaire, a déclaré ce qui suit aux paragraphes 95 et 96 :

In my view, the redetermination is, in essence, a review of the Minister’s decision. Neither the statute nor the regulations provide a definition of “redetermination” as used in this statutory scheme. However, The Living Webster Encylopedic Dictionary of the English Language gives the following definition of “redetermine”: “…To come again to a decision; to ascertain after reinvestigation.” I think the Board is required to review the Minister’s decision and to come to its own opinion as to the correctness of that decision.

À mon avis, ce réexamen constitue essentiellement une révision de la décision du Ministre. Ni la loi ni le règlement ne donnent une définition du mot « réexamen » employé dans cette disposition législative. Voici toutefois la dédinition que donne The Living Webster Encyclopedic Dictionary of the English Language du mot « redetermine » (réexaminer) : [TRADUCTION] « … Arriver de nouveau à une décision; reconnaître pour vrai après une nouvelle enquête ». Je crois que la Commission est tenue de réexaminer la décision du Ministre et d’arriver à sa propre conclusion sur le bien-fondé de cette décision.

 

 

[23]  Cette décision portait sur le « réexamen » dans le contexte de la loi en vigueur en matière d’immigration de l’époque et souligne qu’elle dépend en grande partie du cadre législatif de la loi pertinente.

 

[24]  La Cour suprême du Canada, dans son arrêt Chandler c. Alberta Association of Architects, [1989] 2 R.C.S. 848 (décision partagée), a examiné ce qu’un tribunal administratif devait faire si une affaire lui était renvoyée en vue de la poursuite de l’instance initiale. Au nom de la majorité, le juge Sopinka a écrit que dans de telles circonstances, des éléments de preuve supplémentaires pourraient être reçus. Voici ce qu’il a déclaré à la page 86 :

On the continuation of the Board’s original proceedings, however, either party should be allowed to supplement the evidence and make further representations which are pertinent to disposition of the matter in accordance with the Act and Regulation. This will enable the appellants to address, frontally, the issue as to what recommendations, if any, the Board ought to make.

Cependant, à la continuation des procédures initiales par la Commission, chaque partie devrait pouvoir compléter la preuve et présenter d’autres arguments pertinents aux fins de régler l’affaire conformément à la Loi et au Règlements. Cela permettra aux appelants d’aborder directement la question des recommandations que la Commission devrait faire, le cas échéant.

 

 

[25]  Les circonstances de la présente affaire me rappellent un jugement que j’ai rendu, en novembre 2009, ordonnant qu’une question soit « réexaminée ». Je n’ai pas donné d’autres directives sur la façon de procéder à ce réexamen et je n’ai pas énuméré ce qui pouvait ou ne pouvait pas être fait. Je considère la présente requête comme une requête qui, dans les faits, oblige la Cour à exercer une compétence de surveillance continue sur les mesures que le Conseil peut prendre ou refuse de prendre dans le cadre de son réexamen. Ce n’est pas la fonction de la Cour. Lorsque le Conseil rendra une décision finale, le cas échéant, l’une des parties pourra, si on le lui conseille, demander un contrôle judiciaire. L’un des motifs allégués peut être que l’admission d’autres éléments de preuve (ou toute autre mesure procédurale en cause) ne constitue pas un réexamen en bonne et due forme. Cette question sera tranchée un autre jour, une fois que le Conseil aura rendu sa décision finale. Teva soutient qu’il serait inutile d’attendre une audience complète et une décision finale. C’est peut-être le cas, mais cette raison, à elle seule, ne justifie pas d’intervenir maintenant si aucun fondement approprié n’a été établi. Au bout du compte, il se peut que les procédures invoquées par le Conseil n’aient eu aucun effet sur l’issue finale. Le Conseil lui-même est probablement tout aussi conscient qu’il ne devrait pas rendre de décisions de telle nature que sa décision finale devrait être annulée.

 

[26]  Par conséquent, je rejette la requête.

 

« Roger T. Hughes »

Juge

 

Toronto (Ontario)

Le 29novembre 2010


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :  T-470-08

 

INTITULÉ :  NEUROSCIENCE DE TEVA G.P.-S.E.N.C. c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  LE 25 NOVEMBRE 2010

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :  LE JUGE HUGHES

 

DATE :  LE 29 novembre 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Brad Elberg

Trevor Guy

 

POUR LA DEMANDERESSE (PARTIE REQUÉRANTE)

 

David Cowie

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

HEENAN BLAIKIE LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE (PARTIE REQUÉRANTE)

MYLES J. KIRVAN

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

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