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Federal Court

 


Dossier : 20101129

Dossier : IMM-905-10

Référence : 2010 CF 1199

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 29 novembre 2010

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE NEAR

 

 

ENTRE :

 

MORENO GALLO

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

ET LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeurs

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision du délégué du ministre (le délégué), John Acheson, de déférer l’affaire à la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié pour enquête, rendue le 23 décembre 2009.

 

[2]               Le rapport sur lequel était fondée cette décision concluait que le demandeur, un résident permanent du Canada, était interdit de territoire pour grande criminalité en vertu de l’alinéa 36(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR) parce qu’il avait été déclaré coupable de meurtre non qualifié au mois de mars 1974.

 

[3]               Le demandeur cherche à obtenir :

•           un bref de certiorari annulant la décision du délégué de déférer l’affaire pour enquête;

•           une ordonnance renvoyant l’affaire pour réexamen conformément aux directives de la Cour;

•           les dépens de l’instance.

 

[4]               Pour les motifs exposés ci-dessous, la présente demande sera rejetée.

 

I.          Contexte

 

A.        Le contexte factuel

 

[5]               Le demandeur, Moreno Gallo, est résident permanent depuis longtemps. Il est entré au Canada en 1954 avec sa mère et une sœur, à l’âge de huit ans. Il est marié depuis 1969, et son épouse et lui ont eu trois enfants; ils ont aussi quatre petits‑enfants; tous résident au Canada, ainsi que la mère et les deux sœurs du demandeur.

 

[6]               Au mois de mars 1974, le demandeur a été déclaré coupable de meurtre à Montréal (Québec). Il a été condamné à une peine d’emprisonnement à perpétuité, dont il a purgé huit ans avant d’obtenir une libération conditionnelle de jour en 1982, une libération conditionnelle totale en 1983 et une « libération conditionnelle mitigée » (presque sans aucune condition) au mois de décembre 1988.

 

[7]               En 2007, la Commission nationale des libérations conditionnelles (CNLC) a suspendu la libération conditionnelle après réception par le Service correctionnel du Canada (SCC) d’un rapport établi à la suite de l’enquête Projet Colisée de la GRC, selon lequel le demandeur trempait encore activement dans le crime organisé. La CNLC a statué que le demandeur posait un risque inacceptable pour la société.

 

[8]               Il est apparu au moment de sa mise sous garde que le demandeur était un résident permanent et que pour des raisons inconnues il n’était jamais devenu citoyen canadien, contrairement au reste de sa famille.

 

[9]               Le 23 septembre 2008, le délégué a déféré l’affaire pour enquête. Le 2 novembre 2008, cette décision a fait l’objet d’une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire. En cours d’instance devant notre Cour, le 12 février 2009, la Section de l’Immigration a pris une mesure d’expulsion contre le demandeur à l’issue de l’enquête. Le demandeur a sollicité le contrôle judiciaire de la mesure d’expulsion.

 

[10]           Dans une ordonnance rendue le 17 juin 2009, la juge Judith Snider a annulé la décision de renvoi pour enquête prise par le délégué et lui a renvoyé l’affaire pour réexamen, estimant que le dossier ne renfermait pas une preuve suffisante pour établir que ce dernier avait compris les raisons de l’analyste et les avait faites siennes. Le défendeur a donc consenti à une ordonnance annulant la mesure d’expulsion émanant de la Section de l’immigration.

 

[11]           Le 7 août 2009, un autre rapport d’interdiction de territoire a été établi contre le demandeur en vertu du paragraphe 44(1) de la LIPR, fondé sur le motif de grande criminalité prévu à l’alinéa 36(1)a). L’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a informé le demandeur de l’existence du rapport et l’a invité à présenter des observations, dans une lettre en date du 18 août 2009. Le demandeur a soumis des observations écrites, des affidavits et des éléments de preuve documentaire concernant son établissement au Canada et le faible risque que son maintien ici représenterait pour la société.

 

[12]           Le 23 décembre 2009, le délégué a décidé de déférer le demandeur pour enquête en application du paragraphe 44(2) de la LIPR. Cette décision a été communiquée à l’intéressé par courriel envoyé à un agent de l’ASFC, à la suite de la demande formulée à la fin de janvier 2010 par la CISR au sujet de l’obtention des coordonnées de l’avocat du demandeur.

 

[13]           La présente demande de contrôle judiciaire vise cette décision du 23 décembre 2009. Le demandeur n’a obtenu copie du renvoi lui‑même et des motifs le fondant qu’en application de la règle 9 des Règles des cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés.  Depuis ce dernier renvoi pour enquête, le demandeur a obtenu une libération conditionnelle de jour.

 

B.         Décision contestée

 

[14]           Un rapport de 13 pages intitulé Assessment for referral to an Admissibility Hearing for a long-term permanent resident (le rapport) accompagnait la décision du délégué. L’analyste auteure du rapport y concluait que la gravité du crime commis et les liens que le demandeur avait la capacité d’entretenir avec des personnes se livrant à des activités criminelles faisaient en sorte qu’elle souscrivait à la recommandation de l’ASFC de déférer le demandeur pour enquête malgré le fait qu’il était résident permanent depuis plus de 50 ans. Voici le texte complet de la décision du délégué :

[traduction]

Après examen de tous les documents qui m’ont été soumis, je souscris à cette recommandation. La présente évaluation pour renvoi à enquête d’un résident permanent de longue date constitue les motifs de ma décision de déférer « Prénom » « Nom de famille » pour enquête.

 

[Souligné dans l’original.]

 

C.        Régime légal

 

[15]           Aux termes de l’alinéa 36(1)a) de la LIPR, sont interdits de résidence pour grande criminalité les résidents permanents qui ont été déclarés coupables d’une infraction punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans ou pour laquelle un emprisonnement de plus de six mois est infligé.

 

[16]           Suivant le paragraphe 44(1) de la LIPR, un rapport peut être remis au ministre au sujet de résidents permanents dont on estime qu’ils sont interdits de territoire. S’il estime le rapport bien fondé, le ministre peut alors déférer l’affaire à la Section de l’immigration pour enquête, en application du paragraphe 44(2) de la LIPR.

 

[17]           L’article 45 énumère les décisions que la Section de l’immigration peut rendre au terme de son enquête, mais lorsqu’elle est convaincue qu’une personne dans la situation du demandeur est interdite de territoire, la seule option possible est la mesure de renvoi.

 

[18]           Aux termes de l’article 64 de la LIPR, une telle décision n’est pas susceptible d’appel. Cette disposition prévoit en effet que les résidents permanents interdits de territoire pour grande criminalité ne peuvent interjeter appel devant la Section d’appel de l’immigration (SAI) si une peine d’emprisonnement d’au moins deux ans a été infligée.

 

[19]           Le défendeur fait toutefois remarquer qu’une personne dans la situation du demandeur a la possibilité de se prévaloir de l’article 25 de la LIPR et demander une mesure spéciale pour des considérations d’ordre humanitaire. Il peut également se prévaloir de l’examen des risques avant renvoi en application de l’article 112 de la LIPR.

 

II.         Questions litigieuses

 

[20]           Le demandeur soulève les questions suivantes :

a)         Le délégué du ministre a‑t‑il manqué à l’équité procédurale en n’effectuant pas d’évaluation indépendante de la situation du demandeur?

b)         Le délégué a‑t‑il commis une erreur en adoptant l’évaluation de l’analyste, laquelle était entachée de plusieurs erreurs factuelles et comportait des conclusions de nature conjecturale?

c)         Le délégué a‑t‑il commis une erreur en adoptant l’évaluation de l’analyste, laquelle ne prenait pas en compte la totalité de la preuve?

 

[21]           On peut ainsi résumer ces questions :

a)         Y a‑t‑il eu manquement à l’équité procédurale en l’espèce?

b)         La décision du délégué de déférer le demandeur pour enquête était‑elle raisonnable?

 

III.       Norme de contrôle

 

[22]           Aucune des parties n’a formulé d’observations concernant la norme de contrôle applicable.

 

[23]           Les questions d’équité procédurale sont généralement examinées en fonction de la norme de la décision correcte, de sorte qu’il n’y a pas lieu de faire preuve de déférence envers le décideur (Villanueva c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2010 CF 543; Hussain c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 334).

 

[24]           S’agissant de la prétention du demandeur que le délégué a fondé sa décision sur une analyse factuelle erronée et n’a pas tenu compte de toute la preuve, elle concerne le fonds de la décision. Dans Iamkhong c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CF 1349, 337 F.T.R. 141, le juge Russel Zinn a statué que les décisions rendues sous le régime de l’article 44 de la LIPR étant des décisions « qui sont peu susceptibles, selon les faits, de se prêter à une seule conclusion possible » (par. 37), il faut les examiner suivant la norme de la raisonnabilité.

 

[25]           Comme la Cour suprême l’a indiqué dans les arrêts Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, et Khosa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CSC 12; [2009] 1 R.C.S. 339, la norme de la raisonnabilité exige que l’on s’interroge sur la justification, la transparence et l’intelligibilité du processus décisionnel. Elle nécessite en outre de se demander si la décision en cause figure parmi les issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

IV.       Argumentation et analyse

 

A.        Le délégué n’a pas manqué à l’équité procédurale

 

[26]           Le demandeur affirme que son droit à l’équité procédurale n’a pas été respecté parce que le délégué n’a pas procédé à une évaluation indépendante de sa situation et s’est simplement reporté au rapport préparé par l’analyste.

 

[27]           Le défendeur soutient que cet argument n’est pas fondé.

 

[28]           Notre Cour a traité à plusieurs reprises de l’obligation d’équité procédurale dont un demandeur peut se réclamer en vertu de l’article 44 de la LIPR. Dans Hernandez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 429, [2006] 1 R.C.F. 3, la juge Snider a évalué l’étendue de l’obligation d’équité procédurale imposée aux autorités par l’article 44, en passant en revue les facteurs énumérés dans Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, 174 D.L.R. (4th) 193, aux paragraphes 21 à 28.

 

[29]           Après avoir pris en compte la nature de la décision et du régime légal, l’importance de la décision pour le demandeur et les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision, la juge Snider a conclu que les décisions rendues sous le régime de l’article 44 sont des décisions de nature administrative pour lesquelles l’obligation d’équité procédurale est « moins stricte ». Appliquant cette norme aux décisions visées aux paragraphes 44(1) et (2), elle a indiqué au paragraphe 70 :

À mon avis, l’obligation d’équité implicitement assumée par CIC en ce qui concerne le rapport prévu au paragraphe 44(1) est adéquate. Bien qu’elles soient de nature administrative (et non quasi-judiciaire) et que les intéressés disposent de recours pour demeurer au Canada, il s’agit de décisions graves ayant des incidences sur leurs droits. CIC, dont le choix en matière de procédure doit être respecté, a décidé de donner aux intéressés le droit de présenter des observations, oralement ou par écrit, et d’obtenir copie du rapport. L’obtention du rapport permet à l’intéressé de décider s’il allait demander le contrôle judiciaire du rapport de l’agent d’immigration. Je conclus que, relativement au rapport de l’agent d’immigration, il s’agit là de l’obligation d’équité que CIC assume envers le demandeur et les autres personnes se trouvant dans sa situation.

 

[30]           La jurisprudence de notre Cour et celle de la Cour d’appel indiquent effectivement qu’une obligation d’équité procédurale plus exigeante peut, dans certaines circonstances (par exemple lorsque la décision prise à l’examen n’est pas susceptible d’appel), s’appliquer à l’égard de résidents permanents de longue date qui sont bien établis au Canada et pour lesquels l’expulsion aurait des conséquences sérieuses. Ce principe, toutefois, est étroitement lié au pouvoir discrétionnaire du ministre d’examiner avec soin toute observation se rapportant à des circonstances individuelles de nature humanitaire pouvant justifier de ne pas déférer le rapport (voir Cha c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 126, [2007] 1 R.C.F. 409, par. 41, et Hernandez, précité, par. 19).

 

[31]           Étant donné le contenu établi de l’obligation d’équité procédurale dont nous avons fait état plus haut, je conviens avec le défendeur qu’on ne voit pas comment le délégué aurait manqué à l’obligation d’équité procédurale due au demandeur en se fondant sur les motifs exposés dans le rapport de l’analyste. 

 

[32]           Premièrement, comme le signale le défendeur, notre Cour a conclu dans Iamkhong, précité, qu’il est acceptable pour le ministre de fonder sa décision sur les motifs d’un agent dans la mesure où ceux‑ci respectent la norme dite de l’arrêt Lake (voir Lake c. Canada (Ministre de la Justice), [2008] 1 R.C.S. 761, 292 D.L.R. (4th) 193). Cette norme exige que les motifs permettent à l’intéressé de comprendre les raisons de la décision et à la cour de révision d’apprécier le bien‑fondé de celle‑ci. Elle ne nécessite pas que les motifs soient exhaustifs (Iamkhong, précité, par. 32 et 35). A également été citée l’affaire Chand c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CF 548, 170 A.C.W.S. (3d) 144, où la déléguée du ministre avait ajouté une note manuscrite à la fin du rapport indiquant qu’elle avait lu les observations et qu’elle déférait l’affaire pour examen. La Cour a estimé que cela était suffisant.

 

[33]           Deuxièmement, rien n’indique que le délégué n’a pas fait ce qu’il dit avoir fait avant de prendre sa décision, c’est‑à‑dire examiner tous les documents qui lui ont été soumis. On ne saurait donc prétendre qu’il a restreint son pouvoir discrétionnaire. Le formulaire imprimé constituant les motifs du délégué donne également à celui‑ci la possibilité de ne pas souscrire au rapport. Une telle possibilité indique que le délégué doit tirer sa propre conclusion.

 

[34]           Le demandeur voit dans Ogunfowora c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1997), 129 F.T.R. 14, 147 Admin. L.R. (2d) 182, l’affirmation du principe selon lequel un agent d’immigration qui fonde sa décision sur l’appréciation faite par un non‑décideur restreint son pouvoir discrétionnaire, et il soutient que ce principe s’applique par analogie en l’espèce et exige que le délégué procède à sa propre appréciation. Une décision rendue il y a 13 ans à l’égard d’une question tout à fait différente ne peut primer sur la jurisprudence récente portant exactement sur la question pertinente. Cet argument du demandeur ne me convainc pas.

 

[35]           Selon le demandeur, en outre, les motifs du délégué ne permettent pas de comprendre pourquoi il a fait siennes les raisons de l’analyste. En toute déférence, il s’agit là d’un argument abscons. Le droit du demandeur n’est pas de savoir pourquoi le délégué a adopté les raisons exposées dans le rapport, mais uniquement de savoir pourquoi le délégué a décidé de le déférer pour examen. L’adoption explicite du rapport pour motiver cette décision indique clairement au demandeur que le renvoi pour examen est fondé sur la gravité du crime et sur les liens que le demandeur continue d’avoir avec des personnes exerçant des activités criminelles, en dépit des facteurs favorables au demandeur examinés dans le rapport.

 

[36]           Le demandeur soutient de plus que l’adoption du rapport de l’analyste constitue une restriction du pouvoir discrétionnaire du délégué parce que ce rapport comporte des passages de la décision révoquant la libération conditionnelle du demandeur, rendue le 6 septembre 2007 par la CNLC. Il avance qu’il est dangereux de se reporter à la décision d’un autre organisme décisionnel, car la position de cet autre décideur peut changer. Le rapport fait état de nombreuses sources, et j’estime qu’il ne reposait pas de façon exagérée sur la décision de la Commission. Qui plus est, la recommandation finale du rapport ne repose sur aucun des facteurs qui ont pu changer depuis que la Commission a rendu sa décision en 2007.

 

[37]           Je conclus que le délégué n’a pas manqué à l’équité procédurale en déférant le demandeur pour enquête en application du paragraphe 44(2) de la LIPR.

 

B.         La décision de déférer le demandeur pour enquête était raisonnable

 

[38]           Selon le demandeur, le rapport constituant l’évaluation du délégué comporte de nombreuses erreurs factuelles, formule des conclusions conjecturales et ne tient pas compte des aspects positifs de la situation du demandeur.

 

[39]           Aucune des erreurs signalées par le demandeur n’a pour effet de rendre déraisonnable la décision du délégué. Une décision reposant clairement sur la condamnation du demandeur à l’emprisonnement à perpétuité pour meurtre non qualifié – un acte criminel dont le demandeur ne nie pas la gravité – ne perd pas son caractère raisonnable du fait de :

•           la description erronée, par l’analyste, de l’ordonnance du 17 juillet 2009 de la Cour fédérale annulant la décision du délégué de déférer le demandeur pour enquête comme une ordonnance annulant la mesure d’expulsion prise par le délégué,

•           la mention à deux reprises d’articles de journaux, dont l’un était cité dans un passage de la décision de la CNLC de 2007, alors qu’en fait les médias s’intéressaient énormément au demandeur, comme l’indique le rapport,

•           l’inclusion de commentaires de membres du service de police de Montréal figurant dans un document remontant à 1980 et donnant à penser que le demandeur était impliqué dans d’autres meurtres, alors qu’il n’existe aucun élément de preuve de tels actes,

•           l’affirmation de l’analyste, sans mention de source, selon laquelle la boulangerie familiale du demandeur était fréquentée par des personnes liées à la mafia italienne,

•           la recommandation de l’analyste à l’effet de déférer le demandeur pour examen en raison de la gravité de son crime et de sa capacité de maintenir des liens avec des gens se livrant à des activités criminelles alors que tout le monde a la capacité d’entretenir des liens avec des personnes ayant des antécédents criminels.

 

[40]           Dans son argumentation écrite, le demandeur s’étend longuement sur ces erreurs et sur d’autres éléments du rapport qu’il considère erronés. Toutefois, aucune de ces erreurs n’est fatale pour la décision. Comme le demandeur lui‑même l’a écrit, [traduction] « les renseignements dont disposait l’analyste pour fonder sa recommandation étaient plus que suffisants, elle n’avait nul besoin de faire appel à des reportages médiatiques sensationnalistes ». Je conviens avec le demandeur qu’il est regrettable que la décision du délégué n’ait pas fait l’objet d’une correction d’épreuves et que celui‑ci ne se soit pas assuré d’inscrire le nom du demandeur sur le formulaire imprimé. De façon générale, toutefois, je ne puis faire mienne la position du demandeur voulant que le rapport soit [traduction] « erroné ». Il est fondé sur des éléments de preuve, il n’est pas le fruit de l’imagination de l’analyste.

 

[41]           La prétention du demandeur selon laquelle le rapport ne tient pas suffisamment compte de la preuve favorable au demandeur n’amènera pas non plus la Cour à modifier la décision de renvoi pour examen prise par le délégué. On ne saurait se surprendre de ce que le demandeur aurait mis l’accent sur des données différentes du rapport et aurait tiré une conclusion finale différente. L’analyste a pris en compte plusieurs aspects favorables du dossier du demandeur – notamment sa bonne conduite en prison, le fait qu’aucune accusation n’a été portée contre lui par suite du Projet Colisée de la GRC, sa situation familiale et son établissement au Canada.

 

[42]           Le délégué aurait certes pu ne pas déférer le demandeur pour enquête. Toutefois, après avoir considéré tous les facteurs pertinents du dossier du demandeur, positifs et négatifs, il a rendu une décision qui fait partie des issues possibles. Il n’appartient donc pas à notre Cour de procéder à une nouvelle appréciation de la preuve ou de réimaginer la multitude d’autres formes qu’aurait pu prendre la décision du délégué.

 

V.        Conclusion

 

[43]           Aucune question à certifier n’a été proposée, et aucune ne se pose.

 

[44]           Compte tenu des conclusions formulées plus haut, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

 

«  D. G. Near »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL.L., Trad. a.


ANNEXE A

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (2001, ch. 27)

 

Grande criminalité

 

36. (1) Emportent interdiction de territoire pour grande criminalité les faits suivants :

 

 

a) être déclaré coupable au Canada d’une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans ou d’une infraction à une loi fédérale pour laquelle un emprisonnement de plus de six mois est infligé;

 

 

 

[…]

Immigration and Refugee Protection Act (2001, c. 27)

 

 

Serious criminality

 

36. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of serious criminality for

 

(a) having been convicted in Canada of an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years, or of an offence under an Act of Parliament for which a term of imprisonment of more than six months has been imposed;

 

[…]

 

Rapport d’interdiction de territoire

 

44. (1) S’il estime que le résident permanent ou l’étranger qui se trouve au Canada est interdit de territoire, l’agent peut établir un rapport circonstancié, qu’il transmet au ministre.

 

 

Suivi

 

(2) S’il estime le rapport bien fondé, le ministre peut déférer l’affaire à la Section de l’immigration pour enquête, sauf s’il s’agit d’un résident permanent interdit de territoire pour le seul motif qu’il n’a pas respecté l’obligation de résidence ou, dans les circonstances visées par les règlements, d’un étranger; il peut alors prendre une mesure de renvoi.

 

 

 

 

[…]

Preparation of report

 

 

44. (1) An officer who is of the opinion that a permanent resident or a foreign national who is in Canada is inadmissible may prepare a report setting out the relevant facts, which report shall be transmitted to the Minister.

 

Referral or removal order

 

(2) If the Minister is of the opinion that the report is well-founded, the Minister may refer the report to the Immigration Division for an admissibility hearing, except in the case of a permanent resident who is inadmissible solely on the grounds that they have failed to comply with the residency obligation under section 28 and except, in the circumstances prescribed by the regulations, in the case of a foreign national. In those cases, the Minister may make a removal order.

 

[…]

 

Enquête par la Section de l’immigration

 

Décision

 

45. Après avoir procédé à une enquête, la Section de l’immigration rend telle des décisions suivantes :

 

 

a) reconnaître le droit d’entrer au Canada au citoyen canadien au sens de la Loi sur la citoyenneté, à la personne inscrite comme Indien au sens de la Loi sur les Indiens et au résident permanent;

 

b) octroyer à l’étranger le statut de résident permanent ou temporaire sur preuve qu’il se conforme à la présente loi;

 

 

c) autoriser le résident permanent ou l’étranger à entrer, avec ou sans conditions, au Canada pour contrôle complémentaire;

 

d) prendre la mesure de renvoi applicable contre l’étranger non autorisé à entrer au Canada et dont il n’est pas prouvé qu’il n’est pas interdit de territoire, ou contre l’étranger autorisé à y entrer ou le résident permanent sur preuve qu’il est interdit de territoire.

 

 

 

 

 

[…]

Admissibility Hearing by the Immigration Division

 

Decision

 

45. The Immigration Division, at the conclusion of an admissibility hearing, shall make one of the following decisions:

 

(a) recognize the right to enter Canada of a Canadian citizen within the meaning of the Citizenship Act, a person registered as an Indian under the Indian Act or a permanent resident;

 

 

(b) grant permanent resident status or temporary resident status to a foreign national if it is satisfied that the foreign national meets the requirements of this Act;

 

(c) authorize a permanent resident or a foreign national, with or without conditions, to enter Canada for further examination; or

 

(d) make the applicable removal order against a foreign national who has not been authorized to enter Canada, if it is not satisfied that the foreign national is not inadmissible, or against a foreign national who has been authorized to enter Canada or a permanent resident, if it is satisfied that the foreign national or the permanent resident is inadmissible.

 

[…]

 

Restriction du droit d’appel

 

64. (1) L’appel ne peut être interjeté par le résident permanent ou l’étranger qui est interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux, grande criminalité ou criminalité organisée, ni par dans le cas de l’étranger, son répondant.

 

 

 

Grande criminalité

 

(2) L’interdiction de territoire pour grande criminalité vise l’infraction punie au Canada par un emprisonnement d’au moins deux ans.

No appeal for inadmissibility

 

64. (1) No appeal may be made to the Immigration Appeal Division by a foreign national or their sponsor or by a permanent resident if the foreign national or permanent resident has been found to be inadmissible on grounds of security, violating human or international rights, serious criminality or organized criminality.

 

Serious criminality

 

(2) For the purpose of subsection (1), serious criminality must be with respect to a crime that was punished in Canada by a term of imprisonment of at least two years.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-905-10

 

INTITULÉ :                                                   GALLO c. MPPC ET AL.

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 9 novembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS:                                   Le 29 novembre 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Shoshana Green

 

 

POUR LE DEMANDEUR

Ian Hicks

 

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Shoshana T. Green

Green and Spiegel LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

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