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Cour fédérale

 

Federal Court


 


Date : 20101124

Dossier : T-398-10

Référence : 2010 CF 1178

[traduction française certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 24 novembre 2010

En présence de monsieur le juge Phelan

 

 

ENTRE :

 

AMOS CHWAIEWSKY

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

      MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               Le contribuable demandeur demande que soit infirmée la décision du ministre du Revenu national (le ministre) de ne pas renoncer à un montant de pénalité ou d’intérêts sur des impôts impayés. La décision du ministre a été rendue en vertu du paragraphe 220(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

220. (3.1) Le ministre peut, au plus tard le jour qui suit de dix années civiles la fin de l’année d’imposition d’un contribuable ou de l’exercice d’une société de personnes ou sur demande du contribuable ou de la société de personnes faite au plus tard ce jour-là, renoncer à tout ou partie d’un montant de pénalité ou d’intérêts payable par ailleurs par le contribuable ou la société de personnes en application de la présente loi pour cette année d’imposition ou cet exercice, ou l’annuler en tout ou en partie. Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le ministre établit les cotisations voulues concernant les intérêts et pénalités payables par le contribuable ou la société de personnes pour tenir compte de pareille annulation

220. (3.1) The Minister may, on or before the day that is ten calendar years after the end of a taxation year of a taxpayer (or in the case of a partnership, a fiscal period of the partnership) or on application by the taxpayer or partnership on or before that day, waive or cancel all or any portion of any penalty or interest otherwise payable under this Act by the taxpayer or partnership in respect of that taxation year or fiscal period, and notwithstanding subsections 152(4) to (5), any assessment of the interest and penalties payable by the taxpayer or partnership shall be made that is necessary to take into account the cancellation of the penalty or interest.

 

[2]               Le ministre applique, à l’égard de cette décision discrétionnaire d’exonérer des montants à payer, une politique qui est fondée sur : i) des circonstances extraordinaires, ii) les mesures prises par l’Agence du revenu du Canada et iii) l’incapacité de payer ou des difficultés financières.

 

II.         LE CONTEXTE FACTUEL

[3]               Le demandeur et son épouse sont propriétaires conjoints d’un condominium situé à Winnipeg ainsi que d’un chalet.

 

[4]               Le demandeur a travaillé dans le secteur de la construction pendant plus de 40 ans et il possédait sa propre entreprise, Soma Holdings Ltd. (Soma), qui détenait d’importants éléments d’actif financiers.

 

[5]               Le demandeur a soutenu que son ancien comptable avait omis de faire les déclarations de revenus nécessaires pour les années d’imposition 2000 à 2004. Lorsque ces déclarations ont été faites et que des feuillets T4 ont été délivrés au demandeur et à son épouse, ce dernier est devenu redevable d’une somme d’environ 150 000 $ en impôts, en pénalités et en intérêts. Les pénalités étaient fondées sur la faute lourde qu’il avait commise en omettant de produire ses déclarations personnelles de revenus.

 

[6]               Une première demande d’allègement à l’égard des intérêts et des pénalités a été déposée en juin 2007. Cette demande était fondée sur l’existence de difficultés financières (incapacité de payer) et de circonstances atténuantes (confiance mal placée en son comptable). La demande a été rejetée et aucun contrôle judiciaire n’a été demandé.

 

[7]               Le 20 février 2009, le demandeur a présenté une autre demande (la seconde demande) en invoquant des difficultés financières et des circonstances atténuantes. Cette seconde demande a été rejetée et c’est elle qui fait l’objet du présent contrôle judiciaire.

 

[8]               En exposant les motifs de refus de la seconde demande, le ministre a fait état (notamment) des éléments suivants :

·                    les antécédents d’inobservation, tant de la part du demandeur que de la part de son entreprise;

·                    des pénalités pour faute lourde ont été imposées;

·                    aucune entente de paiement sérieuse n’a été conclue, y compris une compensation possible liée au Régime de pension du Canada et à la Sécurité de la vieillesse;

·                    l’analyse des difficultés financières tient compte de la situation financière de chacun des membres du ménage;

·                    la valeur nette de l’époux et de l’épouse était de 273 000 $ (ce qui est contesté);

·                    il n’a pas été tenu compte des arriérés à l’égard d’un emprunt contracté auprès de la Banque Toronto Dominion (TD) en juin 2009.

[traduction]

 

Même si M. Chwaiewsky fait face à des difficultés financières, il est en mesure de régler le solde de ses arriérés en structurant différemment ses affaires financières. Cela consisterait notamment à faire un emprunt sur la valeur nette disponible ou à vendre des biens.

 

[9]               Au cours du présent contrôle judiciaire, le demandeur a inclus dans son dossier un affidavit de Mme Chwaiewsky dans lequel elle a affirmé qu’elle ne consentirait pas à la vente des biens conjoints. Cet affidavit n’a pas été soumis au délégué du ministre.

 

[10]           Le demandeur soutient qu’il y a trois questions en litige :

1.         la norme de contrôle;

2.         le caractère déraisonnable de la décision et l’erreur de droit commise en concluant qu’il pourrait vendre ses biens conjoints;

3.         le fait de ne pas avoir tenu compte de l’emprunt contracté auprès de la Banque TD dans la décision du ministre.

 

III.       ANALYSE

A.        La norme de contrôle applicable et les questions préliminaires

[11]           L’analyse relative à la norme de contrôle applicable est simple. Les parties conviennent que la norme est la décision raisonnable (Telfer c. Canada (Agence du revenu), 2009 CAF 23), et la Cour y souscrit.

 

[12]           Il est important aussi de garder à l’esprit qu’il s’agit en l’espèce d’une question de nature hautement discrétionnaire. Le contribuable demande un allègement à l’égard de montants que le législateur a imposés et que les autres contribuables sont tenus de payer (ou dont ils pourraient être redevables). L’affaire est de la nature d’un privilège, mais il ne s’agit pas d’un droit.

 

[13]           L’affidavit de l’épouse du demandeur n’est pas admissible. Aucune raison valable n’est invoquée en faveur de son admission, pas plus qu’un fondement probant quelconque n’a été exposé. Il s’agit au mieux d’un document intéressé et qui, potentiellement, n’est pas particulièrement important.

 

B.         Les biens conjoints

[14]           Le demandeur soutient que la décision du ministre repose sur une erreur de droit parce que ce dernier a conclu qu’il pouvait vendre les biens conjoints et avoir suffisamment de fonds pour régler la créance de l’Agence du revenu du Canada (ARC). Cette position est fondée sur le principe juridique selon lequel un propriétaire conjoint ne peut se prévaloir de la valeur totale d’un bien conjoint, mais uniquement de l’intérêt net qui s’y rapporte.

 

[15]           Aussi ingénieux – et bien fondé en droit – que soit cet argument, il omet de situer dans leur juste contexte les commentaires qui ont été faits dans la décision. Pour décider s’il convient d’accorder ou non un allègement, le ministre ne procède pas à une vérification de la valeur nette, mais il examine la valeur générale du ménage. L’emploi de la valeur du ménage est raisonnable – elle est logiquement liée aux fins de l’exercice du pouvoir discrétionnaire.

 

[16]           Les commentaires du ministre qui sont cités ne sont pas un énoncé de droit, mais une conclusion selon laquelle le contribuable dispose de certaines ressources pour régler les arriérés d’impôt. Ces ressources comprennent, notamment, la vente des biens conjoints.

 

[17]           La conclusion du ministre est raisonnable dans le contexte où elle a été tirée. Il ne s’agit pas d’un énoncé de droit ou d’une conclusion sur ce que serait le produit net de la vente de ces éléments d’actif.

 


C.        L’emprunt contracté auprès de la Banque Toronto Dominion

[18]           Le demandeur a fait valoir que le ministre a agi de manière déraisonnable en ne tenant pas compte de cet emprunt dans son évaluation de la capacité de paiement. La difficulté que présente cette position est que le demandeur n’a jamais soulevé la question de l’emprunt en tant qu’élément de la demande d’allègement.

 

[19]           Il est difficile de reprocher au ministre d’avoir conclu que le demandeur n’a pas pris en considération cet emprunt alors que ce dernier ne l’a jamais fait valoir.

 

[20]           Enfin, il convient aussi d’analyser le caractère raisonnable de la décision du ministre dans son ensemble. Il ressort d’un examen du dossier que le délégué du ministre a examiné tous les facteurs pertinents, depuis le travail combiné du ménage jusqu’à l’historique des problèmes que présentaient les comptes du contribuable, en passant par les circonstances particulières liées au soutien d’une fille d’âge adulte. Il s’agit d’une décision soignée, exhaustive, réfléchie et équilibrée.

 

[21]           En conséquence de tout ce qui précède, la Cour ne peut trouver aucun motif qui permette de réviser la décision.

 

IV.       CONCLUSION

[22]           La demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Les parties ayant convenu de la répartition des dépens, aucuns dépens ne seront accordés, même si le défendeur a eu gain de cause.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucuns dépens ne sont accordés, car les parties ont convenu d’un régime de dépens.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Jean-François Martin, LL.B., M.A.Trad.jur.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-398-10

 

INTITULÉ :                                       AMOS CHWAIEWSKY

 

                                                            et

 

                                                            PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 23 novembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT                                Le juge Phelan

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 24 novembre 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Mark E. Wallace

 

POUR LE DEMANDEUR

Cameron G. Regehr

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

PITBLADO LLP

Avocats

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LE DEMANDEUR

MYLES J. KIRVAN

Sous-procureur général du Canada

Winnipeg (Manitoba)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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