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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20101125

Dossier : IMM-156-10

Référence : 2010 CF 1166

Ottawa (Ontario), ce 25e jour de novembre 2010

En présence de l’honorable juge Pinard

ENTRE :

Luis Alberto ORTEGA ORTEGA,

Nayeli ORTIZ MARTINEZ

 

Demandeurs

 

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

Défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]          Il s’agit ici d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue le 17 décembre 2009 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (le tribunal) selon laquelle les demandeurs n’étaient ni des « réfugiés au sens de la Convention » ni des « personnes à protéger » suivant les définitions données aux articles 96 et 97 respectivement de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27, et rejetant leur demande d’asile.

[2]          Les demandeurs sont des citoyens mexicains. Le demandeur principal, M. Ortega Ortega, allègue avoir été harcelé et menacé de mort par Sergio Tovar, de qui il avait emprunté 40 000 $ mexicains en août 2006 avec une promesse de les lui remettre en décembre 2006. Le demandeur a remis 10 000 $, mais Tovar a augmenté les intérêts et, en janvier 2007, le demandeur a dû signer une reconnaissance de dette qui disait qu’il devait 60 000 $ à Tovar. Lors de l’échéance du demandeur à payer, Tovar est devenu agressif. Les demandeurs, sentant leurs vies menacées, ont déménagé plusieurs fois à l’intérieur du Mexique, mais chaque fois Tovar les a retrouvés.

 

[3]          Le demandeur a porté plainte une seule fois au Ministère public et allègue que la police n’aurait pas retenu la plainte puisqu’il n’avait pas de preuve. Suite à ceci, le demandeur principal a été agressé, et son agresseur, armé d’un fusil, a tiré en l’air. Toutefois, le demandeur n’a pas porté plainte parce que, selon lui, la police a besoin de preuves accablantes et qu’elle ne se serait pas occupé de lui. La demanderesse a été elle aussi agressée, mais n’a pas porté plainte pour la même raison.

 

[4]          Le demandeur principal a quitté le Mexique le 7 mars 2008 et est venu à Montréal. Il a demandé l’asile le 7 avril 2008. La demanderesse a quitté le Mexique le 16 décembre 2008; elle a demandé l’asile au Canada le jour même.

 

[5]          Après avoir précisé que la crédibilité du demandeur, de façon générale, n’était pas en cause, le tribunal a rejeté la demande d’asile pour le motif que la protection étatique au Mexique aurait été suffisante si les demandeurs l’avaient revendiquée. Le tribunal a rejeté les explications des demandeurs que l’État ne se serait pas occupé d’eux et a trouvé qu’il existe des organismes de l’État à part le bureau du Ministère public, tels le Procureur général de la République et la Commission des droits de l’homme. Le tribunal a fait référence à la preuve documentaire pour déterminer que n’importe qui peut porter plainte au Mexique où ce genre de plainte est recevable.

 

[6]          La norme de contrôle est celle de la décision raisonnable (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, paragraphe 51 et Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, [2009] 1 R.C.S. 339, paragraphe 59). En effet, les demandeurs s’attaquent aux motifs du tribunal concernant des questions reliées à l’évaluation de la preuve, élément clairement dans la juridiction du tribunal et au sujet duquel la Cour ne devrait pas substituer sa propre opinion à moins que la décision ne soit trouvée arbitraire ou non-transparente.

 

[7]          Les demandeurs prétendent que la preuve documentaire établit que la police mexicaine est corrompue et travaille avec le crime organisé et que le parlement mexicain ne fait rien pour changer la situation chaotique de la sécurité. Ils prétendent que l’État est sans contrôle sur son territoire, puisque le narcotrafic a corrompu la police, les tribunaux et l’armée. Ainsi, les demandeurs soumettent que la protection étatique est inaccessible et qu’il n’y a aucune entité qui puisse les protéger contre Tovar. Les demandeurs citent divers documents à l’appui de leur prétention. Cependant, un seul parmi eux faisait partie de la documentation qui était devant le tribunal lors de la décision. Ainsi, toute référence faite par les demandeurs au document MEX42974.EF, Mexique : protection offerte par l’État (décembre 2003 – mars 2005), et au rapport d’Amnesty International de 2005, lesquels n’étaient pas devant le tribunal, ne peut être prise en compte.

 

[8]          Les demandeurs citent le document qui faisait partie de la preuve documentaire devant le tribunal (document 10.1, mai 2004) pour tenter de démontrer que le système de justice mexicain fonctionne lentement et que la police n’est pas efficace lorsqu’elle enquête sur une plainte. Les demandeurs prétendent que le tribunal aurait dû mentionner ce document dans sa décision. Or, il est bien établi que le tribunal n’a pas besoin de mentionner ou faire l’analyse de chaque élément de preuve dont il est saisi, lorsque par ailleurs sa conclusion est raisonnable en regard de l’ensemble de la preuve (voir Hassan c. Canada (M.E.I.) (1992), 147 N.R. 317 (C.A.F.)).

 

[9]          À mon avis, le tribunal n’a pas erré dans sa conclusion sur la protection étatique. Je trouve que l’extrait du document 10.1 cité par les demandeurs, bien qu’il note que le système de justice au Mexique n’est pas toujours le plus efficace, ne contredit pas la conclusion du tribunal qui, citant divers documents du cartable national, a jugé que les plaintes comme celle des demandeurs sont recevables par la police. Le tribunal a trouvé que les demandeurs n’ont pas démontré qu’ils avaient fait un effort suffisant pour revendiquer la protection étatique, ce qui ne me semble pas une conclusion déraisonnable étant donné qu’ils n’ont porté plainte qu’une seule fois.

 

[10]      Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[11]      Aucune question n’est certifiée.

 

 

 

 

 

JUGEMENT

 

            La demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié le 17 décembre 2009 est rejetée.

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-156-10

 

INTITULÉ :                                       Luis Alberto ORTEGA ORTEGA, Nayeli ORTIZ MARTINEZ c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 20 octobre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Pinard

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 25 novembre 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Manuel Centurion                          POUR LES DEMANDEURS

 

Me Zoé Richard

Me Sara Gauthier                                POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Manuel Antonio Centurion                                            POUR LES DEMANDEURS

Montréal (Québec)

 

Myles J. Kirvan                                                            POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

 

 

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