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Cour fédérale

Federal Court

Date : 20101117

Dossier : IMM-1030-10

Référence : 2010 CF 1114

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 17 novembre 2010

En présence de monsieur le juge Pinard

ENTRE :

LUCAS VELEZ

 

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               La présente est une demande de contrôle judiciaire, présentée par Lucas Velez (le demandeur), d’une décision rendue par un commissaire de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission), en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés L.C. 2001, ch. 27, (la Loi). La Commission a conclu que le demandeur était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi.

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[2]               Le demandeur est citoyen de la ville de Medellín en Colombie. Avant de quitter la Colombie, il travaillait à la section de la logistique d’une société de produits de papier et il s’occupait du soutien logistique au marché équatorien. Ses tâches consistaient à s’occuper des déplacements des camions de livraison à destination et en provenance de l’Équateur.

 

[3]               Le demandeur allègue que, en juillet 2007, un homme s’est présenté à son lieu de travail et a dit qu’il était membre des Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (les FARC). L’homme a réquisitionné les camions de livraison de la société afin de livrer des marchandises non désignées en l’Équateur. L’homme a avisé le demandeur qu’il serait de retour dans quelques mois afin de s’occuper du transport de la marchandise. Le demandeur a craint pour sa vie et a fait une demande de visa canadien.

 

[4]               Le demandeur soutient que cinq semaines après le premier incident, le même homme appartenant aux FARC s’est présenté à son appartement et l’a avisé qu’il aurait bientôt besoin des camions et des chauffeurs. Il a dit au demandeur qu’il devait organiser une rencontre entre les FARC et les chauffeurs dans les deux mois.

 

[5]               Le demandeur a dit à son employeur qu’il quittait son emploi sous prétexte qu’il partait pour le Canada pour étudier le français à Montréal. Il a quitté la Colombie le 2 octobre 2007. Il a fait une demande d’asile au début de janvier 2008.

 

[6]               La Commission a rendu sa décision le 20 janvier 2010 et le demandeur l’a reçue le 12 février 2010.

 

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[7]               La Commission a conclu que le demandeur n’était pas crédible quant au bien-fondé de sa crainte des FARC. La Commission a de plus conclu que même si la crédibilité n’était pas en cause, le demandeur disposait d’une possibilité de refuge intérieur viable à Bogota. La Commission a conclu, à la lumière de la preuve documentaire, que les FARC ne disposaient plus de beaucoup d’appui dans les grandes villes, et que, donc, elles ne seraient pas en mesure de retrouver le demandeur à Bogota. La Commission a cité à l’appui de ces conclusions les différences entre un rapport daté de 2005 émanant du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et un rapport daté de 2008 émanant du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, et a cité deux rapports émanant du International Crisis Group. La Commission a estimé qu’il serait raisonnable pour le demandeur de vivre et de travailler à Bogota.

 

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[8]               Les deux questions suivantes sont soulevées dans le cadre de la présente demande :

a.       La Commission a-t-elle commis une erreur dans sa conclusion relative à la crédibilité?

b.      À titre subsidiaire, la Commission a-t-elle commis une erreur dans sa conclusion relative à la possibilité de refuge intérieur à Bogota?

 

 

 

[9]               Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable aux conclusions relatives à la crédibilité tirées par la Commission est celle de la décision raisonnable, puisqu’il s’agit d’une question de fait, à l’égard de laquelle la Cour doit faire preuve de déférence, (Dunsmuir c. NouveauBrunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, aux paragraphes 47, 53, 55 et 62; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Khosa, [2009] 1 R.C.S. 339, aux paragraphes 52 à 62; Malveda c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 447, aux paragraphes 17 à 21).

 

[10]           Les parties conviennent également que la norme de contrôle applicable à la conclusion relative à la possibilité de refuge intérieur est celle de la décision raisonnable, puisqu’il s’agit d’une question mixte de fait et de droit, à l’égard de laquelle la Cour doit faire preuve de déférence, (Singh c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2009 CF 158, au paragraphe 17, citant Dunsmuir).

 

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[11]           En ce qui concerne la question relative à la possibilité de refuge intérieur, la Commission, en concluant que Bogota constituait une possibilité de refuge intérieur acceptable pour le demandeur, s’est notamment fondée sur la prétendue différence entre un rapport daté de 2005 émanant du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, dans lequel il est mentionné que les groupes comme les FARC « ont la capacité de retrouver des victimes partout en Colombie », et un rapport daté de 2008 émanant du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, dans lequel ce passage ne figure pas. La Commission a conclu que ce passage avait été retiré, car il n’était plus juste.

 

[12]           Dans la récente décision Diaz c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2010 CF 797, aux paragraphes 30 à 32, le juge Russell Zinn a annulé une décision de la Commission qui s’était appuyée sur cette différence entre les deux rapports. Le juge Zinn a souligné que les rapports avaient été produits par des organismes distincts dont les commissaires et les mandats sont différents, et a mentionné que la conclusion selon laquelle un paragraphe avait été retiré du rapport de 2008 était « abusive ». Par conséquent, le commissaire a commis une erreur en se fondant sur ce rapport à l’appui de sa conclusion.

 

[13]           Cependant, le défendeur souligne que, en l’espèce, contrairement à la décision Diaz, la Commission s’est fondée sur d’autres sources que les rapports des Nations unies pour tirer sa conclusion relative à la possibilité de refuge intérieur. De plus, elle a fait ample référence aux deux rapports de l’International Crisis Group (ICG). Le demandeur prétend que la Commission a choisi des extraits des rapports de l’ICG afin d’étayer ses conclusions concernant la diminution des activités des FARC dans les centres urbains et a omis certains passages des rapports qui amènent à conclure le contraire. Le demandeur invoque des décisions comme King c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2005 CF 774, au paragraphe 22, et Lewis c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2009 CF 282, au paragraphe 9, qui critiquent la Commission pour s’être fondée sur des passages choisis tout en ne tenant pas compte d’éléments de preuve contradictoires figurant dans les documents.

 

[14]           À mon avis, le commissaire n’a pas omis de tenir compte des passages que le demandeur qualifie de [traduction] « contradictoires ». Je suis d’accord avec le défendeur pour affirmer que les passages supplémentaires figurant dans les rapports de l’ICG cités dans le mémoire du demandeur, ainsi que les passages figurant dans le dossier d’information de 2009 sur la Colombie de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié cités par le demandeur permettent tous d’étayer la conclusion de la Commission selon laquelle les FARC « n’ont plus la capacité de suivre les déplacements d’une personne d’une région à une autre, en raison de la surveillance des forces de sécurité du gouvernement et de leur capacité à interrompre les communications ». La Commission n’a pas conclu, comme le prétend le demandeur, que les FARC ne sont plus actifs dans les centres urbains, mais plutôt qu’il est peu probable que les FARC puissent retrouver le demandeur à Bogota. Bien que la preuve documentaire citée par le demandeur fait état d’actes de violence commis par les FARC à Bogota, elle ne permet pas de conclure que les FARC seraient capables de retrouver le demandeur à Bogota. Compte tenu de la preuve documentaire citée par les deux parties, la conclusion tirée par la Commission semble appartenir « aux issues possibles acceptables », comme l’exige Dunsmuir, susmentionné.

 

[15]           Le demandeur soutient également que la Commission aurait dû tenir compte d’une décision de juillet 2009 rendue par la Commission selon laquelle il n’y a pas de possibilité de refuge intérieur à Bogota pour les personnes qui ont été ciblées par les FARC. Le demandeur souligne aussi que, dans cette affaire, la Commission s’est appuyée sur le même rapport 2005 du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés que celui auquel on a renvoyé l’espèce. Selon le demandeur, bien que les décisions de la Commission ne soient pas contraignantes, elles ont une force persuasive et, par souci de préserver la perception de justice, la Commission, en l’espèce, aurait dû expliquer pourquoi elle ne souscrivait pas à la conclusion tirée dans cette affaire.

 

[16]           À mon avis, il faut faire une distinction entre cette affaire et la présente affaire. En l’espèce, pour rendre sa décision, la Commission s’est appuyée sur d’autres documents relatifs au pays, y compris de nombreux rapports publiés en 2009. En outre, comme le mentionne le défendeur, la Cour avait déjà conclu que chaque décision de la Commission repose sur des faits qui lui sont propres, et la Commission n’est pas tenue de faire concorder une décision donnée avec ses décisions antérieures (le juge Paul Crampton, dans la décision Michel c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2010 CF 159, au paragraphe 43).

 

[17]           En conséquence, je conclus qu’il était raisonnable pour la Commission de conclure que le demandeur disposait d’une possibilité de refuge intérieur. Cette conclusion est déterminante en l’espèce et j’estime qu’il n’est pas nécessaire d’examiner la question relative à la crédibilité du demandeur.

 

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[18]           Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[19]           Aucune question n’est certifiée.

 

 

 

JUGEMENT

 

            La demande de contrôle judiciaire de la décision datée du 20 janvier 2010 rendue par un commissaire de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié est rejetée.

 

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.

 

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1030-10

 

INTITULÉ :                                       LUCAS VELEZ c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 13 octobre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE PINARD

 

DATE DES MOTIFS

 ET DU JUGEMENT :                      Le 17 novembre 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Aadil Mangalji                                      POUR LE DEMANDEUR

 

Margherita Braccio                               POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Long Mangalji LLP                               POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

 

Myles J. Kirvan                                    POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

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