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Cour fédérale

Federal Court

Date : 20101117

Dossier : IMM-611-10

Référence : 2010 CF 1112

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 17 novembre 2010

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PINARD

ENTRE :

PARAMESWARY SIVAYOGARAJA

 

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               La présente demande de contrôle judiciaire présentée par Parameswary Sivayogaraja et par son fils, Mohanathas Sivayogaraja (les demandeurs), en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), vise la décision d’un agent des visas de la Section de l’immigration du Haut-commissariat du Canada à Colombo au Sri Lanka, lequel a déterminé qu’il existait des motifs raisonnables de croire que les demandeurs étaient interdits de territoire pour fausses déclarations en application de l’alinéa 40(1)a) de la Loi et ne remplissaient donc pas les conditions requises pour obtenir le statut de résident permanent.

 

[2]               Les demandeurs sont des citoyens du Sri Lanka qui vivaient dans la région de Jaffna, au nord de ce pays. Le mari de la demanderesse principale a abandonné la famille en 1989. La demanderesse principale a deux autres enfants adultes qui vivent à Jaffna, un fils au Royaume‑Uni et une fille, Mathivathani Vairavanathan, qui est citoyenne canadienne et qui parraine la demande de résidence permanente.

 

[3]               La demanderesse principale était femme au foyer à Jaffna; son fils y fréquentait l’école secondaire et a obtenu des certificats d’études de divers collèges techniques.

 

[4]               Les demandeurs ont tous deux été interrogés par des agents des visas de la Section de l’immigration du Haut-commissariat du Canada à Colombo le 14 juillet 2008, puis le 5 novembre 2009. Le 19 décembre 2009, ils ont été informés par lettre que leur demande de résidence permanente était rejetée.

 

* * * * * * * *

 

[5]               L’agent des visas a conclu qu’il lui était impossible d’établir les antécédents des demandeurs en raison de l’incohérence des renseignements fournis lors de l’entrevue du 5 novembre 2009. Il a estimé qu’il ne disposait pas du tableau complet de la situation de la demanderesse et de son fils et considéré qu’il ne pouvait avoir la conviction qu’ils n’étaient pas interdits de territoire au Canada, du fait que les renseignements fournis manquaient de crédibilité en raison des contradictions internes des témoignages.

 

[6]               Les présentations erronées relevées par l’agent des visas ont trait aux endroits où ont vécu les demandeurs, aux écoles fréquentées par le fils de la demanderesse et aux dates où il y était inscrit. L’agent des visas a estimé que la présentation erronée ou les réticences à propos de ces faits pourraient mener à une décision incorrecte en matière d’admissibilité des demandeurs.

 

* * * * * * * *

 

[7]               La demande soulève deux questions :

a.       La conclusion de l’agent des visas selon laquelle les demandeurs avaient fait une présentation erronée ou avaient fait preuve de réticence était‑elle déraisonnable compte tenu de la preuve présentée?

b.      L’agent a-t-il manqué à l’équité procédurale en n’accordant pas aux demandeurs la possibilité de dissiper les doutes relatifs à leur crédibilité?

 

 

[8]               Les deux parties conviennent que la norme de contrôle applicable à l’évaluation d’une demande de résidence permanente par un agent des visas est celle de la décision raisonnable, comme l’a indiqué le juge Michel Beaudry dans Wang et al. c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 798, au paragraphe 11.

 

[9]               Les parties n’ont pas abordé la question de la norme applicable en matière d’équité procédurale. Suivant la décision Wang, précitée, il est établi en droit que cette norme est celle de la décision correcte (paragraphe 13).

* * * * * * * *

 

A. La conclusion relative à la présentation erronée était‑elle raisonnable?

[10]           La demanderesse reconnaît que son fils a éprouvé des difficultés au cours des entrevues avec l’agent des visas, et que leurs deux témoignages comportaient des contradictions. Il appert des notes versées au Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (STIDI) que le fils a manqué de cohérence dans ses réponses ou n’a pas répondu aux questions relatives à la durée de ses études secondaires, au moment où il a quitté l’école secondaire, à la durée de ses études au ComTec, à la durée de ses études au Athetheran Technical Centre of Electricity et au nombre d’écoles primaires et secondaires qu’il a fréquentées. Le témoignage de la demanderesse principale concernant la durée de leur séjour à Meesalai comme personnes déplacées ne correspondait pas à la preuve documentaire.

 

[11]           La demanderesse soutient que des renseignements contradictoires ne signifient pas automatiquement qu’il y a présentation erronée et que l’agent des visas aurait dû tenir compte des différences culturelles, du niveau de culture, de l’instruction, de l’intelligence et du fait qu’il y avait traduction lorsqu’il a examiné les contradictions. Elle affirme, sans donner de précisions, que la conclusion de l’agent selon laquelle il n’était pas plausible que les demandeurs soient incapables de fournir les renseignements pertinents ne prenait pas en compte le contexte culturel de la situation des demandeurs. Elle fait remarquer qu’elle avait indiqué à l’agent que son fils n’avait pas une bonne mémoire et qu’il était trop effrayé pour bien répondre aux questions, et invoque la décision Divsalar c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2002 CFPI 653, dans laquelle le juge Edmond Blanchard a déclaré au paragraphe 24 qu’« il est reconnu que le tribunal qui rend une décision fondée sur l’absence de vraisemblance doit agir avec prudence ». Ce passage, dans le contexte particulier de cette dernière affaire, se rapportait à la conclusion de l’agent selon laquelle des éléments du récit du demandeur étaient invraisemblables, non à l’invraisemblance que certains renseignements ne reviennent pas à la mémoire d’un demandeur.

 

[12]           Les notes du STIDI indiquent que les agents des visas de Colombo ont confirmé l’acte de naissance du fils de la demanderesse ainsi que certaines attestations scolaires, mais ont été incapables d’en repérer d’autres. Les demandeurs font valoir que ces éléments de preuve extrinsèques auraient dû être portés à leur connaissance, car ils faisaient partie de la décision. Selon moi, les agents tentaient simplement en l’espèce de confirmer la version des faits des demandeurs et n’étaient pas à la recherche de véritables éléments extrinsèques. Je conviens avec le défendeur que la seule preuve ayant fondé la décision de l’agent était les propres témoignages contradictoires des demandeurs.

 

[13]           Les demandeurs prétendent également que l’agent des visas n’a pas démontré en quoi l’information relative à leurs lieux de résidence et écoles était pertinente pour de potentielles questions de sécurité ou pour leur admissibilité en général. Il est vrai que l’agent des visas n’a pas indiqué précisément quels faits il croyait que les demandeurs omettaient de déclarer, j’estime que sa conclusion selon laquelle les nombreuses contradictions dont le témoignage des demandeurs était entaché ont fait en sorte qu’il ne disposait pas d’un portrait complet de leur situation est raisonnable. L’agent des visas dit que ce qu’il tentait d’obtenir était un tableau complet des antécédents des demandeur et de leurs activités, et c’est sur ces deux points qu’ils ont fait défaut de fournir des renseignements cohérents et fiables.

 

B. L’agent a‑t‑il omis de donner aux demandeur la possibilité d’éclaircir les contradictions?

 

[14]           Les demandeurs font valoir que l’agent des visas a manqué à l’équité procéurale en ne les informant pas de ses préoccupations et en ne leur donnant pas la possibilité de les dissiper, invoquant à cet égard Rukmangathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 284, paragraphes 22 et 23, juge Richard Mosley. La présente situation diffère toutefois de cette affaire car l’agente des visas, dans ce dernier cas, s’était fondée sur des éléments de preuve extrinsèques sans permettre aux demandeurs de présenter des observations à leur égard. Comme le fait remarquer le défendeur, en outre, la Cour a expressément statué, dans Rukmangathan, que l’équité procédurale n’exige pas de l’agent des visas qu’il « fournisse au demandeur un “résultat intermédiaire” des lacunes que comporte sa demande » (paragraphe 23).

 

[15]           Dans Liao c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 1926, au paragraphe 17, le juge Pierre Blais a indiqué que l’agent des visas s’acquitte de son obligation d’informer un demandeur de ses préoccupations s’il oriente correctement ses questions et s’il en pose suffisamment pour donner au demandeur la possibilité de répondre à ses préoccupations.

 

[16]           Le défendeur affirme que l’orientation des questions posées par l’agent des visas en l’espèce témoigne clairement de ses préoccupations devant les contradictions dans les témoignages des demandeurs, et je lui donne raison. Chaque fois que les demandeurs ont fourni des renseignements contradictoires, l’agent a fait état de ses préoccupations concernant leur crédibilité et la véracité de leurs déclarations et il leur a ménagé la possibilité d’expliquer leur témoignage. Selon moi, les demandeurs ont eu de nombreuses occasions de répondre à ces préoccupations. Il n’y a donc pas eu de manquement à l’équité procédurale.

 

C. Autres considérations

[17]           Les demandeurs font valoir que leur répondante aurait dû avoir l’occasion d’expliquer les contradictions de leurs témoignages. Le défendeur affirme à bon droit que la présente affaire ne met en cause aucun droit de la répondante et qu’il n’y avait donc pas lieu de lui offrir la possibilité de témoigner.

 

[18]           Les demandeurs disent également douter de la contemporanéité des notes du STIDI relatives à l’entrevue du 14 juillet 2008, car ces notes s’interrompent pour reprendre sous la date « 16-OCT-2009 ». L’agent des visas, Brian Hudson, explique toutefois dans un affidavit que le timbre faisant foi de la date des notes du STIDI se trouve au bas de celles‑ci (en l’espèce, « 14‑JUL-2008 »), et qu’un problème survenu dans le processus d’étiquetage a causé l’interruption des notes. Cela me semble une explication satisfaisante de la présentation des notes.

 

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[19]           Pour les motifs exposés ci‑dessus, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[20]           Aucune question n’est certifiée.

 

 

 


 

JUGEMENT

 

            La demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 26 novembre 2009 par l’agent des visas Brian Hudson de la Section de l’immigration du Haut‑commissariat du Canada à Colombo, au Sri Lanka, est rejetée.

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-611-10

 

INTITULÉ :                                                   PARAMESWARY SIVAYOGARAJA c.

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 12 octobre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE PINARD

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 17 novembre 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Robert Blanshay                                                           POUR LES DEMANDEURS

 

Leila Jawando                                                              POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Robert I. Blanshay                                                        POUR LES DEMANDEURS

Toronto (Ontario)

 

Myles J. Kirvan                                                            POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

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