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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 

Date : 20101112

Dossier : IMM-1175-10

Référence : 2010 CF 1131

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 12 novembre 2010

En présence de monsieur le juge Zinn

 

ENTRE :

 

 

PUVANESWARAN NALLATHAMBY

 

 

demandeur

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               M. Nallathamby demande que soit annulée la décision par laquelle un agent a rejeté sa demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR). Sa demande d’annulation sera rejetée pour les motifs que je vais maintenant exposer.

 

[2]               Le demandeur, âgé de 40 ans, est un Tamoul originaire du Sri Lanka. Le 26 juillet 1999, il est arrivé au Canada et a présenté une demande d’asile. Le 5 octobre 2000, l’ancienne Section du statut de réfugié a rejeté la demande d’asile, en partie pour des questions de crédibilité liées à l’identité du demandeur.

 

[3]               Le 1er septembre 2009, le demandeur a soumis une demande d’ERAR dans laquelle il a fait valoir des prétentions et a produit des documents relativement à son identité. Le demandeur prétendait craindre de retourner au Sri Lanka malgré la défaite des Tigres de libération de l’Eelam tamoul. Le demandeur avait également joint à sa demande d’ERAR une lettre où un psychologue, M. Devins, formulait son évaluation de l’état dépressif du demandeur et du risque psychologique que courrait ce dernier s’il devait retourner au Sri Lanka.

 

[4]               L’agent a déclaré que, comme il n’avait pas été statué sur une demande d’asile du demandeur en application de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, tous les documents produits seraient pris en compte pour l’évaluation du risque dans le cadre de l’ERAR.

 

[5]               L’agent a également fait remarquer qu’aucun des rapports sur le traitement réservé aux Tamouls au Sri Lanka ne mentionnait le demandeur et que, par conséquent, ces documents seraient considérés comme portant sur la situation générale régnant dans ce pays.

 

[6]               L’agent a fait référence à un Country of Origin Report (rapport sur le pays d’origine) du Home Office du Royaume-Uni où l’on déclarait que la situation au Sri Lanka depuis la fin de la guerre, encore bien loin d’être idéale, allait en s’améliorant. L’agent a reconnu que des Tamouls déplacés continuaient d’être détenus dans de grands camps et que les conditions de vie dans ces camps avaient été dénoncées comme étant illégales. L’agent a toutefois précisé que, selon des rapports de la BBC News, tant les Nations Unies que le gouvernement du Royaume-Uni avaient fait état d’une amélioration des conditions de sécurité ainsi que du rétablissement de la situation en général au Sri Lanka.

 

[7]               L’agent a également pris en considération un rapport sur le pays d’origine d’août 2009, émanant cette fois de l’Agence des services frontaliers du Royaume-Uni, où l’on examinait la situation des Tamouls vivant à Colombo depuis la fin de la guerre. L’agent a fait remarquer qu’on s’était penché dans le rapport sur les mesures tactiques appliquées par le gouvernement en matière de sécurité, et a cité tout particulièrement un passage où l’on faisait état du traitement imposé à l’aéroport de Colombo aux Tamouls revenant de l’étranger. L’agent a également renvoyé à des documents dans lesquels on examinait s’il était possible pour les Tamouls de résider à Colombo; on y notait que les Tamouls constituaient 20% de la population de Colombo.

 

[8]               L’agent a traité en particulier du rapport psychologique produit par le demandeur; il a examiné les conclusions qui y étaient formulées et pris note des conclusions d’ordre médical tirées par le psychologue. L’agent a toutefois fait remarquer qu’on ne recommandait pas dans le rapport que le demandeur suive un traitement ou une thérapie, et qu’on y proposait simplement que le demandeur obtienne des soins professionnels de santé mentale et soit soustrait à la menace d’expulsion. L’agent a aussi relevé que, hormis une entrevue, on n’avait recouru à aucun test ni aucun autre outil de diagnostic pour établir le diagnostic du demandeur. L’agent a conclu que les commentaires du psychologue sur le risque couru par le demandeur advenant son retour au Sri Lanka étaient de l’ordre d’hypothèses et que le diagnostic ne reposait sur aucun fondement objectif.

 

[9]               L’agent a fait remarquer que le demandeur ne vivait plus au Sri Lanka depuis dix ans et que, bien qu’il soit un Tamoul du nord de ce pays, comme la situation avait changé là-bas et que la preuve présentée par le demandeur n’était pas suffisante, ce dernier ne serait exposé qu’à un simple risque de persécution au sens de l’article 96, et son renvoi du Canada ne l’exposerait pas à une menace ou à un risque visés à l’article 97 de la Loi.

 

Lieu de résidence

[10]           Selon le demandeur, l’agent a commis une erreur en faisant abstraction d’éléments de preuve concernant son lieu de résidence au Sri Lanka. Toutefois, le fait que l’agent n’ait pas mentionné expressément que le lieu de résidence du demandeur faisait partie d’une zone de haute sécurité ne justifie pas en soi l’annulation de la décision en son entier. Je conviens avec le défendeur qu’il ne fait aucun doute que l’agent s’est penché sur la possibilité pour le demandeur de déménager à Colombo et qu’il a invoqué une preuve documentaire à cet égard.

 

Rapport psychologique

[11]           Le demandeur soutient que l’agent a mal évalué la preuve qui figurait dans le rapport psychologique.

 

[12]           L’agent semble avoir reconnu peu de valeur probante au rapport pour deux motifs. Premièrement, l’agent a fait remarquer que, [traduction] « hormis l’entrevue, on ne mentionne aucunement avoir eu recours à un test ni à un autre outil de diagnostic pour établir le diagnostic ». L’agent n’était saisi d’aucun élément donnant à penser que d’autres outils de diagnostic auraient pu être utilisés ou aider à en arriver à un diagnostic valable. En l’absence d’une telle preuve, il ne convenait pas que l’agent accorde moins de poids au rapport seulement parce que d’autres tests n’avaient pas été effectués. Je conviens toutefois avec le défendeur qu’il était loisible à l’agent de prendre en compte le fait que le rapport s’appuyait uniquement sur des renseignements fournis par le demandeur et de lui reconnaître par conséquent une faible valeur probante. Une interprétation raisonnable de la décision en son entier me convainc que l’appréciation du rapport par l’agent correspondait à ce second cas de figure plutôt qu’au premier, et que, manifestement, la conclusion de l’agent liée à l’absence d’autres outils de diagnostic ne constituait qu’un des facteurs ayant servi à cette appréciation.

 

[13]           Deuxièmement, l’agent semble avoir accordé peu de poids au rapport parce que le psychologue n’avait [traduction] « recommandé aucun traitement ni aucune thérapie pouvant aider le demandeur à surmonter sa maladie, si ce n’est d’avoir proposer que le demandeur obtienne des "soins professionnels de santé mentale" – dont on attendait de voir confirmée la couverture par le régime d’assurance maladie – et soit soustrait à la menace d’expulsion ». Il est difficile d’établir quel autre traitement aurait pu être recommandé et aucun élément de preuve présenté ne montrait d’une façon ou d’une autre que le traitement recommandé était inapproprié; il est vrai, toutefois, que la déclaration avait un caractère très général. L’agent n’était saisi d’aucun élément de preuve quant au fait que le demandeur ne pourrait obtenir au Sri Lanka des [traduction] « soins professionnels de santé mentale ». La prétention selon laquelle le risque de suicide du demandeur s’accroîtrait advenant son retour au Sri Lanka, en outre, se fondait uniquement une fois encore sur la déclaration que celui-ci en avait faite au psychologue. Quoique j’aurais pu moi-même accorder un poids différent au rapport, on ne peut dire que le poids attribué à cet élément de preuve par l’agent était déraisonnable.

 

Appréciation de la preuve

[14]           Le demandeur soutient aussi que, parce qu’il n’y était pas nommé, l’agent a rejeté des documents pertinents qu’il avait déposés. Le demandeur a fait valoir ces documents pour démontrer l’existence d’un fondement objectif, s’appuyant sur la situation dans le pays, quant au risque couru. Je n’admets donc pas la prétention du demandeur selon laquelle l’agent a commis une erreur en n’accordant pas davantage de poids à ces documents qu’à d’autres éléments de preuve relatifs à la situation régnant dans le pays.

 

[15]           Je ne suis pas non plus d’accord avec le demandeur pour affirmer que l’agent a fait abstraction d’éléments de preuve qui n’étayaient pas la décision défavorable rendue en définitive. Tout au long de la décision, l’agent a mentionné des éléments de preuve concernant les problèmes qui persistent au Sri Lanka. Comme l’a soutenu le défendeur, l’agent a procédé à l’appréciation de la preuve, et le poids accordé à divers éléments n’est pas une question à l’égard de laquelle la Cour devrait intervenir. Je reconnais aussi, comme l’a soutenu le défendeur, que la jurisprudence a récemment confirmé le caractère raisonnable de décisions semblables traitant de l’évolution récente de la situation au Sri Lanka. En plus des décisions Sivabalasuntharampillai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (27 janvier 2010), IMM-6701-09 (C.F.), du juge Mosley, et Arumugam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1er mars 2010), IMM‑565‑10 (C.F.), du juge Russell, invoquées par le demandeur, des décisions dans le même sens ont été rendues par la Cour dans Sittampalam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 562, et dans Sathivadivel c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 863.

 

Équité procédurale

[16]           Le demandeur soutient qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale du fait que l’agent a procédé à sa propre recherche sur la situation régnant au Sri Lanka, sans l’aviser des éléments trouvés qui dénotaient l’amélioration de cette situation.

 

[17]           Il ressort clairement de la jurisprudence qu’il n’est pas nécessaire de divulguer aux demandeurs les documents devenus accessibles au public après la présentation des observations au décideur, à moins qu’ils ne soient « inédits et importants » et n’attestent de changements survenus dans la situation du pays qui risquent d’avoir une incidence sur la décision (Mancia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 3 C.F. 461 (C.A.); Lima c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 222). Les documents postérieurs à la présentation de la demande que l’agent a examinés ne satisfaisaient tout simplement pas à ce critère. Le demandeur n’a rien fait ressortir d’inédit et d’important dans les documents, et, après les avoir examinés, je ne peux rien y trouver qui corresponde à une telle description.

 

[18]           Enfin, le demandeur soutient que l’agent a commis une erreur en ne formulant pas précisément ses conclusions au sujet de la preuve et en n’agissant pas de manière transparente. S’il eût été préférable que l’agent étoffe son raisonnement, il ne fait pas de doute qu’il a pris en compte la preuve sur les problèmes auxquels les Tamouls font encore face au Sri Lanka; l’agent a néanmoins conclu que la situation n’était pas telle qu’elle justifiait l’octroi de la protection prévue aux articles 96 et 97 de la Loi. J’estime, après examen exhaustif de la décision et du dossier, que cette conclusion n’était pas déraisonnable compte tenu de la preuve dont l’agent était saisi.

 

[19]           Pour ces motifs, la demande est rejetée. Les parties n’ont proposé aucune question en vue de sa certification.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.         la présente demande est rejetée;

2.         aucune question n’est certifiée.  

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Jean‑François Martin, LL.B., M.A.Trad.jur.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1175-10

 

INTITULÉ :                                       PUVANESWARAN NALLATHAMBY c.

                                                            MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 3 NOVEMBRE 2010

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 12 NOVEMBRE 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Maureen Silcoff

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Tamrat Gebeyehu

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

MAUREEN SILCOFF     

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

MYLES J. KIRVAN

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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