Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20101110

Dossier : T-976-10

Référence : 2010 CF 1125

Ottawa (Ontario), le 10 novembre 2010

En présence de monsieur le juge de Montigny

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DANS L'AFFAIRE DE LA LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

 

et

 

DANS L'AFFAIRE DES AVIS DE COTISATION ÉTABLIS PAR LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL EN VERTU DE LA LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

 

CONTRE :

 

PELLIGRINO MULE

541 Crémazie

Berthierville, Québec

J0K 1A0

 

 

 

  MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

  • [1] Le 25 juin 2010, la Cour a émis une ordonnance accueillant la requête de Sa Majesté et l’autorisant à prendre immédiatement toutes et chacune des mesures visées aux alinéas a) à g) de l’article 225.1)1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (1985, ch. 1 (5e suppl.) (la Loi) ou l’une ou plusieurs d’entre elles, afin de percevoir et/ou garantir le paiement par le requérant d’une somme de 171 798,64 $, telle qu’établie par les avis de nouvelle cotisation envoyés au requérant le 12 mai 2008 et auxquelles s’ajoutent les intérêts.

  • [2] Le 29 juillet 2010, le requérant a déposé un avis de requête demandant à ce que l’ordonnance du 25 juin 2010 soit annulée et qu’une mainlevée sur toutes les charges provisoires et toutes les tierces saisies sur ses biens suite à l’ordonnance contestée lui soit accordée.La requête est accompagnée de nouveaux éléments de preuve ainsi que d’un affidavit du requérant.

 

  • [3] Pour les motifs qui suivent, la Cour en arrive à la conclusion que cette requête doit être rejetée.

 

I.  Les faits

  • [4] Le requérant et défendeur, M. Mulé, est un contribuable de Berthierville, Québec.

Le 12 mai 2008, l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) a émis des avis de nouvelle cotisation totalisant 151 814, 02 $, fondés sur une analyse des dépôts effectués dans ses comptes bancaires pour les années d’imposition 2002, 2003 et 2004. En calculant les intérêts sur cette dette, le contribuable devait, au 23 juin 2010, 171 798, 64 $ à l’ARC.

 

  • [5] Le contribuable s’est opposé aux cotisations, mais le demandeur a néanmoins décidé de les maintenir. Dans une telle situation, le paragraphe 225.1(2) de la Loi prévoit un délai de 90 jours (après l’envoi de la décision de l’ARC au sujet de la demande d’opposition) pendant lequel Sa Majesté ne peut intenter de recours pour recouvrer sa créance.

 

  • [6] Le 23 juin 2010, le ministre du Revenu national (« le Ministre ») a déposé un avis de requête ex parte pour une ordonnance de recouvrement de cette dette. La preuve au soutien de sa requête a été présentée par le biais d’un affidavit souscrit par Mme Jocelyne Déziel, assermentée le 21 juin 2010. Cet affidavit présente plusieurs éléments de preuve à l’effet que le recouvrement serait compromis par l’écoulement du délai prévu par la Loi, étant donné le comportement fiscal et la solvabilité précaire du contribuable :

    1. Le contribuable a démontré un comportement fiscal délinquant. Il a omis de déclarer une partie importante de ses revenus d’entreprise de 2002 à 2004 et il a déposé certains revenus de son entreprise, représentant des revenus d’entreprise non déclarés de quelques centaines de milliers de dollars, dans ses comptes personnels.

    2. Le contribuable possédait deux immeubles à revenus depuis le 28 mars 2008, mais n’a déclaré aucun revenu de loyer sur sa déclaration pour l’année 2007.

    3. La solvabilité précaire du contribuable compromettrait sa créance. Selon l’affidavit de Mme Déziel, le contribuable était fortement endetté ; non seulement doit-il 171 798,64 $ à l’ARC, mais il doit aussi 237 674 $ au Ministère du Revenu du Québec ainsi que 24 700$ à deux émetteurs de cartes de crédit.Étant donné que le contribuable n’avait pas assez d’actifs pour payer ses dettes (la valeur nette de ses actifs seraient de 50 720 $), le Ministre soutenait que sa créance était en danger compte tenu de la situation financière du contribuable.

    4. Le contribuable a émis au moins 33 chèques sans provisions au cours des deux dernières années.

    5. Le contribuable venait de vendre ses deux immeubles à revenus, et pourrait détenir une somme de 95 000 $ dans son compte de banque, soit la différence entre le prix de vente et la balance des hypothèques. Ainsi, il s’est départi de deux de ses principaux actifs et sources de revenu, pour les transformer en sommes fongibles et facilement transférables.

  • [7] Le juge Simon Noël a vraisemblablement trouvé que la preuve soumise par le Ministre était suffisante pour conclure qu’il existait des motifs raisonnables de croire que l’octroi d’un délai au contribuable pour payer les cotisations compromettrait le recouvrement. En effet, et tel que mentionné précédemment, il a émis l’ordonnance de recouvrement demandée par Sa Majesté le 25 juin 2010, dont le requérant demande maintenant l’annulation.

 

II.  Législation pertinente

  • [8] Les dispositions suivantes de la Loi sont pertinentes en l’espèce:

225.1 (1) Si un contribuable est redevable du montant d’une cotisation établie en vertu des dispositions de la présente loi, exception faite des paragraphes 152(4.2), 169(3) et 220(3.1), le Ministre, pour recouvrer le montant impayé, ne peut, avant le lendemain du jour du début du recouvrement du montant, prendre les mesures suivantes :

 

a) entamer une poursuite devant un tribunal;

 

b) attester le montant, conformément à l’article 223;

 

c) obliger une personne à faire un paiement, conformément au paragraphe 224(1);

 

d) obliger une institution ou une personne visée au paragraphe 224(1.1) à faire un paiement, conformément à ce paragraphe;

 

e) [Abrogé, 2006, ch. 4, art. 166]

 

f) obliger une personne à remettre des fonds, conformément au paragraphe 224.3(1);

 

g) donner un avis, délivrer un certificat ou donner un ordre, conformément au paragraphe 225(1).

 

[…]

225.1 (1) If a taxpayer is liable for the payment of an amount assessed under this Act, other than an amount assessed under subsection 152(4.2), 169(3) or 220(3.1), the Minister shall not, until after the collection-commencement day in respect of the amount, do any of the following for the purpose of collecting the amount:

 

(a) commence legal proceedings in a court,

 

(b) certify the amount under section 223,

 

(c) require a person to make a payment under subsection 224(1),

 

(d) require an institution or a person to make a payment under subsection 224(1.1),

 

 

(e) [Repealed, 2006, c. 4, s. 166]

 

(f) require a person to turn over moneys under subsection 224.3(1), or

 

 

(g) give a notice, issue a certificate or make a direction under subsection 225(1).

 

 

[…]

225.1 (1.1) Le jour du début du recouvrement d’un montant correspond :

 

a) dans le cas du montant d’une cotisation établie en vertu du paragraphe 188(1.1) relativement à un avis d’intention de révoquer l’enregistrement délivré en vertu du paragraphe 168(1) ou l’un des paragraphes 149.1(2) à (4.1), un an après la date de mise à la poste de l’avis d’intention;

 

b) dans le cas du montant d’une cotisation établie en vertu de l’article 188.1, un an après la date de mise à la poste de l’avis de cotisation;

 

c) dans les autres cas, 90 jours suivant la date de mise à la poste de l’avis de cotisation.

225.1 (1.1) The collection-commencement day in respect of an amount is

 

(a) in the case of an amount assessed under subsection 188(1.1) in respect of a notice of intention to revoke given under subsection 168(1) or any of subsections 149.1(2) to (4.1), one year after the day on which the notice was mailed;

 

 

 

 

(b) in the case of an amount assessed under section 188.1, one year after the day on which the notice of assessment was mailed; and

 

(c) in any other case, 90 days after the day on which the notice of assessment was mailed.

 

225.1 (2) Dans le cas où un contribuable signifie en vertu de la présente loi un avis d’opposition à une cotisation pour un montant payable en vertu de cette loi, le Ministre, pour recouvrer la somme en litige, ne peut prendre aucune des mesures visées aux alinéas (1)a) à g) avant le lendemain du 90e jour suivant la date de mise à la poste d’un avis au contribuable où il confirme ou modifie la cotisation.

225.1 (2) Where a taxpayer has served a notice of objection under this Act to an assessment of an amount payable under this Act, the Minister shall not, for the purpose of collecting the amount in controversy, take any of the actions described in paragraphs 225.1(1)(a) to 225.1(1)(g) until after the day that is 90 days after the day on which notice is mailed to the taxpayer that the Minister has confirmed or varied the assessment.

 

225.2 (1) Au présent article, « juge » s’entend d’un juge ou d’un juge local d’une cour supérieure d’une province ou d’un juge de la Cour fédérale.

 

(2) Malgré l’article 225.1, sur requête ex parte du Ministre, le juge saisi autorise le Ministre à prendre immédiatement des mesures visées aux alinéas 225.1(1)a) à g) à l’égard du montant d’une cotisation établie relativement à un contribuable, aux conditions qu’il estime raisonnables dans les circonstances, s’il est convaincu qu’il existe des motifs raisonnables de croire que l’octroi à ce contribuable d’un délai pour payer le montant compromettrait le recouvrement de tout ou partie de ce montant.

 

 

[…]

225.2 (1) In this section, “judge” means a judge or a local judge of a superior court of a province or a judge of the Federal Court.

 

(2) Notwithstanding section 225.1, where, on ex parte application by the Minister, a judge is satisfied that there are reasonable grounds to believe that the collection of all or any part of an amount assessed in respect of a taxpayer would be jeopardized by a delay in the collection of that amount, the judge shall, on such terms as the judge considers reasonable in the circumstances, authorize the Minister to take forthwith any of the actions described in paragraphs 225.1(1)(a) to 225.1(1)(g) with respect to the amount.

 

[…]

 

225.2 (8) Dans le cas où le juge saisi accorde l’autorisation visée au présent article à l’égard d’un contribuable, celui-ci peut, après avis de six jours francs au sous-procureur général du Canada, demander à un juge de la cour de réviser l’autorisation.

225.2 (8) Where a judge of a court has granted an authorization under this section in respect of a taxpayer, the taxpayer may, on 6 clear days notice to the Deputy Attorney General of Canada , apply to a judge of the court to review the authorization.

 

225.2 (9) La requête visée au paragraphe (8) doit être présentée :

 

a) dans les 30 jours suivant la date où l’autorisation a été signifiée au contribuable en application du présent article;

 

b) dans le délai supplémentaire que le juge peut accorder s’il est convaincu que le contribuable a présenté la requête dès que matériellement possible.

 

[…]

225.2 (9) An application under subsection 225.2(8) shall be made

 

(a) within 30 days from the day on which the authorization was served on the taxpayer in accordance with this section; or

 

(b) within such further time as a judge may allow, on being satisfied that the application was made as soon as practicable.

 

[…]

 

225.2 (11) Dans le cas d’une requête visée au paragraphe (8), le juge statue sur la question de façon sommaire et peut confirmer, annuler ou modifier l’autorisation et rendre toute autre ordonnance qu’il juge indiquée.

 

225.2 (11) On an application under subsection 225.2(8), the judge shall determine the question summarily and may confirm, set aside or vary the authorization and make such other order as the judge considers appropriate.

 

 

III.  Analyse

  • [9] La jurisprudence pertinente à la révision de l’autorisation accordée en vertu du paragraphe 225.2(2) de la Loi a été bien résumée par le juge Lemieux dans l’affaire Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.)) c. Services M.L. Marengère inc. (1999], 176 F.T.R. 1.Il en a dégagé cinq principes, qu’il formule ainsi au paragraphe 63 de ses motifs :

(1)  La disposition concernant le recouvrement de protection porte sur la question de savoir si le délai qui découle normalement du processus d'appel compromet le recouvrement. Il ressort du libellé de la disposition qu'il est nécessaire de montrer qu'en raison du délai que comporte l'appel, le contribuable sera moins capable de verser le montant de la cotisation. En d'autres termes, il ne s'agit pas de déterminer si le recouvrement lui-même est compromis, mais plutôt s'il est en fait compromis en raison du délai à la suite duquel il sera vraisemblablement effectué.

 

(2)  En ce qui concerne le fardeau de la preuve, la personne qui présente une requête en vertu du paragraphe 225.2(8) a le fardeau initial de prouver qu'il existe des motifs raisonnables de croire que le critère prévu au paragraphe 225.2(2) n'a pas été respecté, c'est-à-dire que l'octroi d'un délai pour payer le montant de la cotisation compromettrait le recouvrement de tout ou partie de ce montant. Toutefois, la Couronne a le fardeau ultime de justifier l'ordonnance de recouvrement de protection accordée sur une base ex parte.

 

(3)  La preuve doit démontrer que, selon toute probabilité, il est plus probable qu'autrement que l'octroi d'un délai compromette le recouvrement. Il ne s'agit pas de savoir si la preuve démontre au-delà de tout doute raisonnable que le délai accordé au contribuable compromettrait le recouvrement du montant en question.

 

(4)  Le ministre peut certainement agir non seulement dans les cas de fraude ou dans les situations qui s'y apparentent, mais aussi dans les cas où le contribuable risque de dilapider, liquider ou autrement transférer son patrimoine pour se soustraire au fisc : bref, pour parer à toute situation où les actifs d'un contribuable peuvent, à cause de l'écoulement du délai, fondre comme neige au soleil. Toutefois, le simple soupçon ou la simple crainte que l'octroi d'un délai puisse compromettre le recouvrement n'est pas suffisant en soi. Comme le juge Rouleau l'a dit dans la décision 1853-9049 Québec Inc., supra, il s'agit de savoir si le ministre a des motifs raisonnables de croire que le contribuable dilapiderait, liquiderait ou transférerait autrement son patrimoine, de façon à compromettre le recouvrement du montant qui est dû. Le ministre doit démontrer que les actifs du contribuable peuvent entre temps être liquidés ou faire l'objet d'une saisie de la part d'autres créanciers et ainsi lui échapper.

 

(5)  Une ordonnance de recouvrement ex parte est un recours exceptionnel. Revenu Canada doit faire preuve d'une extrême bonne foi et faire une divulgation franche et complète. Sur ce point, le juge Joyal a fait les remarques suivantes dans la décision Peter Laframboise c. La Reine, [1986] 3 C.F. 521, à la page 528 :

 

L'argument des avocats du contribuable pourrait être défendable si les éléments de preuve dont je dispose se limitaient à ce seul affidavit. Mais, comme les procureurs de la Couronne me l'ont rappelé, j'ai le droit de prendre connaissance de tous les éléments que renferment les autres affidavits. Ceux-ci pourraient aussi faire l'objet d'une savante analyse quant aux motivations profondes du déposant, mais je trouve que, dans l'ensemble, les éléments essentiels que renferment ces affidavits ainsi que la preuve qu'ils apportent satisfont aux critères établis et sont suffisamment étayés pour justifier les mesures prises par le Ministre.

 

Dans la décision Duncan, supra, après avoir cité les remarques que le juge Joyal avaient faites dans la décision Laframboise, supra, le juge en chef adjoint Jérome a dit que le ministre doit faire une divulgation suffisante (raisonnable).

 

  • [10] Tel que mentionné par le juge Lemieux, c’est au requérant (le contribuable) qu’incombe le fardeau de preuve initial d’établir qu’il existe des motifs raisonnables de douter que le critère exigé au paragraphe 225.2(2) a été respecté quant à l’ordonnance de recouvrement : voir aussi Canada c. Satellite Earth Station Technology Inc. (1989), 30 F.T.R. 94 et Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.) c. 144945, 2003 CFPI 730, [2003] A.C.F. no 937 au paragraphe 9. À mon avis, le requérant a réussi à soulever ce doute, grâce aux considérations suivantes qu’il a portées à l’attention de la Cour :

    1. Le Ministre reproche au contribuable de ne pas avoir déclaré le revenu de 2007 de ses deux immeubles, alors que le contribuable ne les a achetés qu’en 2008. Étant donné que l’argument du Ministre se base en partie sur le comportement fiscal « délinquant » du requérant, le fait que l’analyse de ce comportement comprenne une telle erreur soulève un doute quant à sa validité.

    2. Les 33 chèques sans provisions présentés par le Ministre comme preuve de la solvabilité précaire du contribuable constituent en fait des paiements pré-autorisés destinés à une seule personne, soit le prêteur hypothécaire sur les deux immeubles, fait qui n’a pas été mentionné dans l’affidavit de Mme Déziel ; au surplus, cette situation serait attribuable en partie à une erreur de Revenue Québec, qui aurait saisi par erreur le compte de banque de M. Mulé.

    3. Le contribuable n’a pas mis sa maison en vente et n’a donc pas liquidé tous ses actifs, contrairement à ce qu’a soutenu Mme Déziel dans son affidavit.

    4. Qui plus est, le produit net de la vente des deux immeubles du contribuable était de 36 000 $ et non de 75 000 $, et la moitié de ce montant aurait été déposé dans le compte de banque du contribuable ;

    5. Les retraits bancaires de 60 000 $ le 5 février 2008 et de 103 490 $ le 27 mars 2008 mentionnés à l’affidavit de Mme Déziel ont servi en bonne partie à payer les deux immeubles achetés le 28 mars 2008 et provenaient de financement hypothécaires.

 

  • [11] Ces éléments me permettent de conclure que le requérant s’est acquitté de son fardeau de preuve initial et qu’il a soulevé un doute raisonnable quant au respect du critère énoncé au paragraphe 225.2(2).

 

  • [12] Par conséquent, il faut donc passer à la deuxième étape de l’analyse suggérée par le juge Lemieux dans l’arrêt Marengère (précité).La Cour se doit donc d’examiner les éléments de preuve produits devant le juge qui a accordé l’ordonnance de recouvrement ainsi que toute autre preuve pertinente pour déterminer si, selon la prépondérance des probabilités, le recouvrement serait compromis par l’octroi d’un délai (Canada c. Satellite Earth Station Technology Inc., précité, et Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.) c. 144945, précité, au paragraphe 9).

 

  • [13] Après avoir examiné l’ensemble de la preuve soumise, la Cour est d’avis que le recouvrement de la créance serait effectivement compromis par l’écoulement du délai prévu par la Loi.Compte tenu de la preuve soumise par les deux parties, je suis d’avis que Mme Déziel a fait une divulgation franche et complète des informations qu’elle détenait à l’époque où elle a signé son affidavit, et que les erreurs qui ont pu s’y glisser ne sont pas attribuables à de la mauvaise foi de sa part.En fait, les chiffres avancés par Mme Déziel font état d’une solvabilité meilleure que celle découlant de la situation maintenant exposée par le requérant lui-même.

 

  • [14] Il appert de la preuve que la solvabilité du requérant est précaire, que sa capacité de payer les sommes dues à l’ARC est pour le moins douteuse, et que l’octroi de tout délai compromettrait, selon la prépondérance des probabilités, le recouvrement de sa dette par l’ARC.J’en arrive à cette conclusion pour les motifs suivants:

    1. Plusieurs indices permettent de croire que M. Mulé est insolvable et qu’il n’a pas la capacité de payer les sommes qu’il doit.Son passif total s’établit à 434 000 $, alors que ses actifs représentent au mieux 145 000 $.Il n’a pas d’emploi, et il a déclaré des gains minimes pour les années d’imposition 2006 à 2009.Enfin, le solde de son compte bancaire est négatif.

    2. Le fait que Revenu Québec n’a pas encore pris de mesures de recouvrement contre le requérant n’est pas pertinent en l’espèce.En effet, aucune preuve n’a été faite quant aux intentions de Revenu Québec et rien n’indique que des mesures de recouvrement ne sont pas sur le point d’être entreprises.D’autre part, Mme Déziel a bel et bien confirmé dans son affidavit qu’un appel téléphonique à Revenu Québec avait permis de déterminer que le requérant leur doit 237 674 $.

    3. Le contribuable a fait preuve d’un comportement fiscal peu orthodoxe dans le passé, particulièrement au cours des années d’imposition 2002 à 2004.En effet, M. Mulé a déclaré des sommes de loin inférieures à celles réellement gagnées au cours de ces trois années, et il déposé dans son compte de banque personnel certains revenus d’entreprise.D’autre part, il a été mentionné lors de l’audition que M. Mulé aurait hérité d’une somme importante qu’il aurait conservée chez lui pendant plusieurs années, ce que n’a pas démenti M. Mulé.

    4. Enfin, M. Mulé a liquidé la plupart de ses actifs, ce qui lui permettrait de s’en départir rapidement et compromettant davantage la créance de Sa Majesté.Au surplus, M. Mulé pourrait faire l’objet d’une saisie ou déclarer faillite à tout moment.Il est vrai que le requérant ne s’est pas départi de la maison qu’il occupe, et qu’aucune preuve de fraude n’a été faite.Mais comme le rappelait le juge Lemieux dans l’arrêt Marengère, précité, le ministre n’est pas tenu de prouver la fraude ou l’intention frauduleuse avant d’agir.Il lui suffit d’établir des motifs raisonnables de croire que l’octroi d’un délai compromettrait sa créance dans la mesure où le contribuable risque de dilapider, liquider ou autrement transférer ses biens pour se soustraire au fisc : voir aussi Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.) c. Ross, 2010 CF 594, [2010] A.C.F. no 671, au paragraphe 8.

 

IV.  Conclusion

  • [15] Pour tous ces motifs, la requête en révision de l’ordonnance autorisant Sa Majesté la Reine à prendre immédiatement une ou plusieurs mesures décrites aux alinéas 225.1(1)a) à g) de la Loi afin de percevoir ou garantir le paiement par le contribuable requérant des montants qui ont fait l’objet d’avis de cotisation est rejetée.

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la requête en révision de l’ordonnance rendue par le juge Noël, le 25 juin 2010, autorisant Sa Majesté la Reine, représentée par le Ministre, à prendre immédiatement une ou plusieurs mesures décrites aux alinéas 225.1(1)a) à g) de la Loi, afin de percevoir ou garantir le paiement par le contribuable requérant des montants qui ont fait l’objet d’avis de cotisation, soit rejetée.

 

« Yves de Montigny »

Juge

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :  T-976-10

 

INTITULÉ :  Dans l’affaire de la Loi de l’impôt sur le revenu c. Pelligrino Mulé

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  Québec (Québec

 

DATE DE L’AUDIENCE :  4 octobre 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE PAR :  LE JUGE de MONTIGNY

 

DATE DES MOTIFS :  10 novembre 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Alain Langlois

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Me André Levesque

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DEMANDEUR

 

 

André A. Lévesque, m.fisc

Bonaventure (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.