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Date : 20101104

Dossier : T-862-10

Référence : 2010 CF 1085

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le novembre 2010

En présence de  monsieur le juge Zinn

 

 

ENTRE :

THROTTLE CONTROL TECH INC.

demanderesse

et

 

PRECISION DRILLING CORPORATION,

 PRECISION DRILLING LIMITED PARTNERSHIP,

 PRECISION DRILLING TRUST,

VICTORY RIGEQUIPMENT CORPORATION

ET TRINIDAD DRILLING LTD.

défenderesses

ET ENTRE :

PRECISION DRILLING CORPORATION,

VICTORY RIG EQUIPMENT CORPORATION

ET TRINIDAD DRILLING LTD.

demanderesses reconventionnelles

et

 

THROTTLE CONTROL TECH INC.

défenderesses reconventionnelles

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

  • [1] La demanderesse (Throttle Control) a intenté une action contre, entre autres, Precision Drilling Corporation, Precision Drilling Limited Partnership et Precision Drilling Trust, alléguant qu’elles avaient violé ses lettres patentes canadiennes nº 2 500 253 (le brevet 253).Ces trois entités ont été réorganisées en une nouvelle société, Precision Drilling Corporation.Pour y faire référence plus facilement, j’emploierai le nom « Precision Drilling » pour désigner l’ensemble de ces entités.

 

  • [2] Le 3 juin 2010, la société Throttle Control a signifié sa déclaration à Precision Drilling.Il est allégué que Precision Drilling [traduction] « a fabriqué et (ou) fabriqué pour elles au Canada ou ailleurs, importé au Canada, distribué, offert en vente, offert en location, loué, vendu au Canada et utilisé au Canada des systèmes, des appareils ou des dispositifs qui violent les droits de propriété intellectuelle de Throttle Control, comme ceux qui figurent dans le brevet [253] ».La demanderesse allègue au paragraphe 41 de sa déclaration que [traduction] « de tels systèmes, appareils ou dispositifs comprennent à tout le moins le système indicateur de position d’amortissement ».Il est entendu que l’expression « système indicateur de position d’amortissement » a été inventée par la demanderesse.

 

  • [3] Le 2 juillet 2010, Precision Drilling a signifié sa défense et sa demande reconventionnelle.Le 30 juillet 2010, Throttle Control a alors signifié à Precision Drilling une demande de précisions concernant la défense et la demande reconventionnelle.Ce document de 16 pages énumère les précisions exigées en 26 paragraphes, dont la plupart contiennent de multiples sous-paragraphes de renseignements demandés.

  • [4] Le 2 septembre 2010, Precision Drilling a répondu à la demande de précisions par une réponse de 20 pages et quelque 529 pages d’exemples d’antériorités.Le 28 septembre 2010, Throttle Control a demandé à obtenir des précisions supplémentaires et de meilleure qualité, demande qu’elle a exprimée sous la forme de tableaux de plus de 23 pages, en énumérant 19 références qui, selon elle, nécessitaient des précisions.Precision Drilling est d’avis que ces précisions supplémentaires ne sont pas nécessaires afin d'argumenter sur sa défense et sa demande reconventionnelle, et n’a donc pas répondu à la demande de précisions supplémentaires.

 

  • [5] Precision Drilling a déposé une requête en ordonnance (i) pour forcer Throttle Control à signifier et à déposer sa défense à la demande reconventionnelle au plus tard le 20 octobre 2010, et (ii) pour que l’action se poursuive à titre d’instance à gestion spéciale.À cette requête, Throttle Control a déposé une requête incidente en ordonnance afin de forcer Precision Drilling à répondre à la demande précisions supplémentaires du 28 septembre 2010.Throttle Control a consenti à ce que ce litige se poursuive à titre d’instance à gestion spéciale.

 

  • [6] Ces requêtes ont été entendues par téléconférence à Calgary et à Ottawa.L’avocat de la défenderesse réside à Calgary, tandis que l’avocat de la demanderesse est à Ottawa.La Cour et les parties ont convenu de cette façon d’entendre les requêtes, et bien que la demanderesse ait demandé une ordonnance pour que toutes les autres audiences aient lieu par vidéoconférence ou téléconférence, je ne rendrai pas cette ordonnance.J’ordonnerai que l’action se poursuive à titre d’instance à gestion spéciale; par conséquent, la question de la façon dont les requêtes seront traitées à l’avenir devrait relever du juge de la gestion de l’instance.

 

  • [7] Precision Drilling a fait valoir que la requête incidente devait être rejetée parce qu’aucun représentant de la demanderesse n'a déposé d’affidavit attestant que les précisions demandées étaient nécessaires pour plaider la défense et la demande reconventionnelle.Voici ce que le protonotaire Lafrenière a déclaré, dans l’affaire Tommy Hilfiger Licensing Inc. c. 2970-0085 Québec Inc., [2000] A.C.F. nº 88, au paragraphe 43 :

La Cour aurait pu être encline à accorder à la défenderesse certaines précisions qu'elle recherche. Toutefois, l'affidavit soumis à l'appui de cette requête adopte un style et un libellé beaucoup trop vagues et limités. Cet affidavit ne contient pas les explications factuelles précises qui démontrent un besoin réel de la part de la défenderesse, par opposition à ses avocats, de précisions afin de pouvoir répondre intelligemment à la déclaration. La défenderesse devait établir, comme l’a formulé le juge Muldoon dans Cooper Canada Ltd. c. Amer Sport International Inc. (1996) 9 C.P.R. (3d) 549, que :

(a) the information sought must be necessary, or material, particulars;

(b) the particulars are not within the defendant"s knowledge, or the pleader has no cause to assume that they are within the knowledge of the party demanding them; and

(c) they are necessary, not just for preparation for trial, but to enable the defendant or other party to plead in response to the impugned pleadings.

 

  • [8] Je conviens que les trois exigences mentionnées par le juge Muldoon doivent être satisfaites si la Cour doit ordonner des précisions.Dans certains cas, un affidavit sera non seulement utile, mais il sera nécessaire, par exemple, lorsqu’il semble que la partie qui demande de l’information devrait ou pourrait en avoir connaissance.Si l’information demandée échappe à la connaissance de la partie qui la demande, un affidavit à cet effet est alors nécessaire pour réfuter la conclusion qui en serait autrement tirée.Par contre, un affidavit d’une partie selon lequel l’information est nécessaire pour plaider sera probablement peu utile à la Cour dans de nombreuses circonstances.Comme l’a fait remarquer le juge Lutfy dans McConway & Torley Corp. c. Maritime Steel & Foundries Ltd., [1997] A.C.F. nº 157, la jurisprudence est mitigée quant à l’exigence de fournir un affidavit, mais [traduction] « lorsque des précisions ont été ordonnées, les tribunaux ont invariablement été préoccupés par la détermination des questions factuelles pertinentes dans les documents volumineux rencontrés si souvent dans les litiges relatifs aux brevets ».

 

  • [9] Dans la présente affaire, l’absence d’affidavit a été notée; toutefois, il ne serait pas dans l’intérêt de la justice de rejeter la requête incidente uniquement pour cette raison.

 

  • [10] La requête en précisions doit être examinée à la lumière des principes liés aux actes de procédure à la Cour.Les énoncés d’un acte de procédure sont tous des allégations; ils n’ont pas encore été prouvés en cour ni acceptés par la partie adverse.Les allégations d’un acte de procédure doivent être conformes à l’article 181(1) des Règles des Cours fédérales (les Règles), qui prévoit que « [l’]acte de procédure contient des précisions sur chaque allégation ».Que sont les précisions?Il s’agit des faits importants allégués par la partie qui, s’ils sont prouvés, appuient l’allégation.L’article 174 des Règles prévoit que « [t]out acte de procédure contient un exposé concis des faits substantiels sur lesquels la partie se fonde; il ne comprend pas les moyens de preuve à l’appui de ces faits ».Lorsque les détails d’une allégation ne sont pas fournis ou ne le sont pas suffisamment, une partie peut demander d’autres précisions : paragraphe 181(2) des Règles.Lorsqu’elle est saisie d’une requête en ordonnance de précisions supplémentaires et plus adéquates, la Cour doit donc se poser deux questions :

(1)  Les précisions demandées sont-elles des faits importants ou des éléments de preuve?  Dans le cas de faits importants, il peut être ordonné de les fournir; dans le cas d’élément de preuve, il ne devrait pas être ordonné de le faire.

(2)  Les précisions demandées sont-elles nécessaires pour répondre (en défense ou réponse) à l’acte de procédure?  Si elles sont nécessaires, il devrait être ordonné de les fournir; dans le cas contraire, il ne devrait pas être ordonné de le faire.

 

  • [11] Les parties ont cité de nombreuses décisions qui décrivent l’objet des précisions, telles queGulf Canada Ltd. c. « Mary Mackin » (The), [1984] 1 C.F. 884 (C.A.), Embee Electronics Agencies Ltd. c. Agence Sherwood Agencies Inc. (1979), 43 C.P.R. (2d) 285 (C.F. 1re inst.),Cercast Inc. et al. c. Shellcast Foundries Inc. et al. (No 3) (1973), 9 C.P.R. (2d) 18 (C.F. 1re inst.),Cremco Supply Ltd. et al. c. Canada Pipe Co. (1998), 79 C.P.R. (3d) 84 (C.F. 1re inst.),Desrochers et al. c. Bombardier Inc. (1999), 3 C.P.R. (4th) 80 (C.F. 1re inst.),Distrimedic Inc. c. Dispill Inc., 2006 CF 832 et Elkay Manufacturing Co. c. Produits Thermo-Concepts Inc., [1999] C.F. No 687 (1re inst.).Ces décisions, et d’autres, confirment que les précisions :

    1. informent la partie adverse des arguments auxquels elle devra répondre;

    2. préviennent des surprises à l’instruction;

    3. permettent à la partie adverse de savoir quels éléments de preuve elle devra recueillir et présenter l’instruction;

    4. concentrent les allégations et limitent la généralité des actes de procédure;

    5. limitent les questions à trancher lors de l’instruction et des interrogatoires préalables et

    6. lient la partie aux allégations de l’acte de procédure, ce qui garantit qu’aucun élément nouveau ne sera soulevé à l’interrogatoire préalable ou à l’instruction sans autorisation.

 

  • [12] Nonobstant ces principes généraux, il n’en demeure pas moins qu’au moment de déterminer si une partie a droit aux précisions demandées, le tribunal s’appuie beaucoup sur la nature du litige et des faits de l’affaire.Certains principes généraux ont été élaborés dans les litiges sur les brevets.

 

  • [13] Lorsqu’une partie plaide l’invalidité, comme Precision Drilling l’a fait dans sa défense et dans sa demande reconventionnelle, il est généralement accepté qu’elle doit, dans ses actes de procédures :

    1. présenter les faits importants relatifs à l’utilisation antérieure, en précisant ce qui a été utilisé, par qui, où et quand;

    2. déterminer les parties d’exemples d’antériorité, en particulier lorsque l’invention est complexe et

    3. relever toute combinaison alléguée d’exemples d’antériorité qui, lus ensemble, appuient une allégation d’évidence.

 

  • [14] La demanderesse a regroupé les précisions demandées en sous dix rubriques que j’ai adoptées afin d’y renvoyer facilement :

    1. les allégations incohérentes sur le plan logique;

    2. les allégations catégoriques d’invalidité;

    3. les allégations d’ambiguïté, de caractère inopérant et d’inutilité [traduction] « sans restriction »;

    4. le recours aux « autres documents » en plus de ceux énumérés;

    5. les allégations d’ambiguïté, d’évidence et de portée excessive faites sans référence à des aspects particuliers des revendications ou de l’invention dans le brevet;

    6. le défaut de fournir des directives suffisantes sur les parties pertinentes des exemples d’antériorité;

    7. le défaut de fournir suffisamment de faits importants concernant les divulgations alléguées;

    8. le défaut de fournir d’autres faits importants;

    9. l’incertitude quant à ce qui constitue le « système indicateur de position d’amortissement »;

    10. l’incertitude quant aux notions appliquées en matière de droit des brevets.

 

  • [15] La demanderesse a décrit les autres précisions demandées dans les 19 références (les Références) figurant à l’annexe A de sa lettre du du 28 septembre 2010 à Precision Drilling (annexe A).Pour faciliter le renvoi des parties, j’adopte cette description lorsque j’examine les précisions demandées par Throttle Control.

 

a.  Allégations incohérentes sur le plan logique

  • [16] On soutient que les références 11, 12 et 15 de l’annexe A font des allégations qui sont logiquement incompatibles avec d’autres allégations dans l’acte de procédure et contreviennent donc à l’article 180 des Règles des Cours fédérales.Precision Drilling soutient qu’elle n’a pas fait d’allégations contradictoires; ils ont plutôt fait des allégations subsidiaires, comme le permet l’article 178 de Règles.

 

  • [17] Après avoir examiné les observations particulières des parties sur ces trois références ainsi que les actes de procédure dans leur ensemble, je suis convaincu que les incohérences logiques alléguées sont, comme le soulève Precision Drilling, des actes de procédure subsidiaires, et qu’il n’y a donc pas eu contravention à l’article 180 des Règles des Cours fédérales.Quoi qu’il en soit, si l’acte de procédure contrevenait à l'article 180 des Règles, comme il est allégué, le remède approprié aurait été de demander une ordonnance de radiation ou de modification de la défense et de la demande reconventionnelle, et non une ordonnance en précisions; or, aucune ordonnance de ce genre n’a été demandée.

b.  Allégations catégoriques d’invalidité

  • [18] Throttle Control soutient que Precision Drilling a allégué que le brevet 253 est invalide sans toutefois préciser les motifs de cette allégation.Elle soutient qu’elle a le droit de connaître ces motifs afin de répondre adéquatement et intelligemment à la demande reconventionnelle.Elle soulève cette question en ce qui concerne les Références 1 et 19 de l’annexe A.

 

  • [19] Precision Drilling soutient qu’elle n’a fait aucune « allégation catégorique d’invalidité » et que, dans la mesure où il semble que ce soit le cas, les paragraphes visés sont des paragraphes d’introduction généraux suivis d’allégations précises établissant clairement les motifs allégués d’invalidité.

 

  • [20] La référence 1 concerne le paragraphe 3 de la défense et de la demande reconventionnelle, qui stipule dans la partie pertinente que le brevet 253 [traduction] « est et a toujours été invalide ».Il s’agit d’un énoncé général d’invalidité.S’il n’y avait pas eu d’autres ou de meilleurs éléments dans l’acte de procédures, l’observation de Throttle Control aurait été maintenue.Dans la dizaine de paragraphes qui suivent immédiatement cet énoncé, Precision Drilling précise néanmoins des motifs d’invalidité au moyen de rubriques visant à guider le lecteur, et qu’elle intitule [traduction] « Anticipation et évidence », « Ambiguité », « Réalisations inopérables », « Manque d’utilité » et « Revendications exagérées ».Par conséquent, même s’il est préférable d’éviter les énoncés généraux et d'argumenter seulement sur les énoncés détaillés, je ne peux pas conclure que Throttle Control requiert d’autres précisions pour répondre à l’allégation d’invalidité telle qu’elle est exposée en détail dans l'acte de procédure, et parce que Precision Drilling, comme elle l’a admis à l’audience, est liée par ces allégations précises.Par conséquent, le paragraphe 3 n’ouvre pas la porte à une autre allégation d’invalidité du brevet 253 sans modification à l’acte de procédure.

  • [21] La Référence 19 porte sur le paragraphe 36 de la défense et demande reconventionnelle dont la rubrique de demande reconventionnelle est ainsi rédigée :

[traduction]
36  La défenderesse Precision, demanderesse au titre de la demande reconventionnelle, affirme :

 

  a)  que les revendications du brevet 253 « sont et ont toujours été invalides »;

  […]

 

  • [22] La « Formule 171D – Demande reconventionnelle (contre les parties à l’action principale seulement), telle qu’elle est fournie dans les Règles des Cours fédérales, précise que la demande reconventionnelle doit suivre immédiatement le dernier paragraphe de la défense et énoncé le modèle à suivre après la rubrique « Demande reconventionnelle » :

« Le défendeur (indiquer son nom s’il y a plus d’un défendeur) demande : (indiquer la réparation précise demandée)

 

(Énoncer ensuite les allégations de fait pertinentes à l’appui de la demande reconventionnelle dans des paragraphes distincts numérotés consécutivement [...]) »

 

  • [23] Il est évident que Precision Drilling a respecté les Règles.Il est évident que le paragraphe dont se plaint Throttle Control n’est pas une allégation de fait important, mais une simple allégation qui est exactement l’inverse de celle de Throttle Control au paragraphe 1a) de sa déclaration, et qui est ainsi écrit : [traduction] « La demanderesse demande : a. Une déclaration selon laquelle les lettres patentes canadiennes nº 2 500 253 sont valides et continuent à subsister... »L’avocat de la demanderesse sait mieux que quiconque que sa tentative de contester le paragraphe 36 de la demande reconventionnelle ne peut être vue autrement que comme étant exagérée à l'extrême.

 

c  Allégations d’ambiguïté, de caractère inopérant et d’inutilité [traduction] « sans restriction »

  • [24] Les références 8, 9 et 10 de l’annexe A renvoient aux paragraphes 6, 7, 8, 9, 10 et 11 de la défense et de la demande reconventionnelle.Dans chacun des paragraphes 7, 9 et 11, l’allégation est rédigée en employant la formule [traduction] « [p]lus précisément, mais sans limiter le paragraphe précédent ».Throttle Control soutient que les actes de procédure de cette nature entraînent « des allégations ouvertes d’ambiguïté, de caractère inopérant et d’inutilité à l'égard du brevet 253 ».La demanderesse s’appuie sur la décision du protonotaire Hargrave dans la décision Cremco Supply, précitée.

 

  • [25] L’acte de procédure déposé par Precision Drilling est rédigé ainsi :

[traduction]
Precision est limitée par les faits énoncés dans la défense et la demande reconventionnelle.  Ces faits sont énoncés aux paragraphes 7, 9 et 11 en ce qui concerne les allégations d’ambiguïté, de caractère inopérant et de manque d’utilité.  L’expression [traduction] « sans limiter la généralité du paragraphe précédent » n’est pas un élément important de la défense et de la demande reconventionnelle; elle sert simplement à préserver le droit de Precision Drilling de se fier à d’autres précisions susceptibles de découler des interrogatoires préalables.  Precision Drilling a plaidé (sic) les précisions dont elle est au courant à cette date. [Souligné dans l’original.]

 

  • [26] L’affirmation selon laquelle Precision Drilling a plaidé de cette façon pour [traduction] « s’appuyer sur d’autres détails qui qu’on pourrait découvrir dans le cadre du processus d’interrogatoire préalable » illustre exactement pourquoi il s’agit d’un argument inapproprié.Tout d’abord, le processus d’interrogatoire préalable doit se limiter uniquement aux allégations et aux faits essentiels présentés.Deuxièmement, la partie adverse a le droit de connaître tous les faits de l’affaire et les arguments auxquels elle devra répondre, et non pas des faits et arguments éventuels susceptibles de survenir selon les développements de l'affaire, sauf si les actes de procédure sont modifiés après l’obtention d’une ordonnance demandée dans une requête à titre de réparation.

 

  • [27] À mon avis, les précisions ne peuvent pas régler ce problème; elles devraient être radiées.À l’audience, l’avocat a fait valoir que la radiation de ces déclarations inappropriées figurait dans le redressement demandé, parce qu’il s’agissait [traduction] « d’une mesure supplémentaire ou autre, selon ce que l’avocat de Throttle Control pourrait recommander ou selon ce que l’honorable Cour pourrait accorder ».Precision Drilling ne s’est pas sérieusement opposée à la compétence de la Cour de statuer sur cette requête visant à radier les phrases offensantes et il est ordonné de les radier.

 

d.  Recours aux « autres documents » en plus de ceux énumérés

  • [28] Les références 3, 6 et 16 de l’annexe A renvoient aux paragraphes 4, 5 et 22 de la défense et de la demande reconventionnelle.Ces paragraphes énoncent les détails de la divulgation préalable à l’annexe A, des exemples d’antériorité à l’annexe B et des exemples non divulgués à l’annexe C de la défense et de la demande reconventionnelle.L’objection de Throttle Control ne concerne pas tant le libellé des actes de procédure, mais plutôt les déclarations faites en réponse à la demande initiale de précisions relative aux références où Precision Drilling indique qu’elle [traduction] « se réserve le droit de se fier à l’équipement et aux systèmes décrits et mentionnés dans d’autres documents à mesure que ces renseignements deviennent accessibles ».

 

  • [29] Precision Drilling justifie l’utilisation de cette tournure de phrase dans sa réponse à la demande de précisions de manière similaire que celle de la catégorie précédente : elle ne connaît actuellement aucune information de ce genre, mais elle ne devrait pas être empêchée de s’y fier au fur et à mesure qu’elle sera accessible.À mon avis, cela est inapproprié.La demanderesse a le droit de savoir ce sur quoi se fonde la partie adverse.Si cela change à l’avenir, Precision Drilling est alors toujours tenue de divulguer d’autres précisions au fur et à mesure qu’elle en a connaissance.Il se peut que Throttle Control s’oppose et que la Cour doive déterminer si, dans les circonstances, Precision Drilling devrait être autorisée à se fonder sur les éléments de preuve nouvellement découverts.Precision Drilling ne peut protéger sa position à l’avenir en employant la phrase qu’elle a écrite.

 

  • [30] Par conséquent, Throttle Control a droit aux autres précisions demandées, et la réponse de Precision Drilling ne peut comprendre la phrase contestée ou toute autre phrase semblable.

 

  1. Allégations d’ambiguïté, de caractère évident et de portée excessive faites sans référence à des aspects particuliers des revendications ou de l’invention dans le brevet

 

  • [31] Sous cette rubrique figurent les références 5, 8 et 13 de l’annexe A, qui renvoient aux paragraphes 5, 6 et 14 de la défense et de la demande reconventionnelle.Throttle Control prétend qu’elle a le droit de savoir ce qu’on lui reproche et qu’elle ne devrait pas avoir à chercher dans un acte de procédure qui fait une vague affirmation accompagnée d’un renvoi : Northern Telecom Ltd. c. Reliable Electric Co. (1986), 8 C.P.R. (3d) 224 (C.A.F.).Les paragraphes contestés, selon elle, font des allégations d’ambiguïté, d’évidence et de portée excessive, sans faire référence à des aspects particuliers des revendications ou de l’invention divulguée dans le brevet.

 

  • [32] Je suis d’accord avec Precision Drilling qu’il est clair, d’après sa réponse initiale à la demande de précisions, qu’elle allègue que tous les éléments de la revendication dans le brevet 253 sont évidents.Il ne s’agit pas d’un brevet contenant une invention complexe.Aucune autre précision de la sorte au titre de la référence 5 ne sera ordonnée.

 

  • [33] Throttle Control prétend que le paragraphe 6 de la défense et de la demande reconventionnelle, qui allègue l’ambiguïté, n’en précise pas, comme il est nécessaire, les phrases ou les détails.Au paragraphe 7 de la défense et de la demande reconventionnelle, Precision Drilling affirme que [traduction] « sans limiter la généralité du paragraphe précédent », le syntagme [traduction] « engagement moteur d’une section de tuyau » dans la revendication 1 du brevet 253 est ambiguë.J’ai déjà parlé de l’irrégularité de l'expression « sans limiter ».Avec son élimination, aucune autre précision n’est requise.

 

  • [34] Enfin, Throttle Control se plaint du fait que le paragraphe 14 de la défense et de la demande reconventionnelle est déficient, en ce sens qu’elle allègue que les revendications 1 à 4 du brevet 253 sont plus vastes que l’invention, mais elle omet de mentionner quels aspects des revendications 1 à 4 seraient plus vastes et n’indique pas l’invention qui aurait été faite.Je suis d’accord avec Precision Drilling pour dire que l’ensemble des revendications qualifiées d’excessives ont été relevées, et qu’il n’est donc pas nécessaire d’ajouter des faits, puisque les revendications et les spécifications parlent d’elles-mêmes :Elkay Manufacturing, précité.

 

f.  Défaut de fournir des directives suffisantes sur les parties pertinentes des exemples d’antériorité

  • [35] Cette rubrique porte sur les références 3, 6 et 16 de l’annexe A, lesquelles renvoient aux paragraphes 4, 5 et 22 de la défense et de la demande reconventionnelle. Vient ensuite la question de la réponse de Precision Drilling à la demande initiale de précisions, à savoir quelles sont les parties des divers documents cités aux annexes A, B et C de la défense et de la demande reconventionnelle qui sont pertinentes au brevet 253; à ce propos, Throttle Control soutient que cette réponse est [traduction] « inadéquate, car elle continue de citer un certain nombre de références en long et en large, et plusieurs sont cités dans leur intégralité ».Précision Drilling répond en disant qu’elle a [traduction] « relevé avec précision, aux paragraphes 5, 6 et 17 de sa réponse à la demande de précisions, les parties exactes des documents [...] sur lesquelles elle entend se fonder pour appuyer ses allégations d’anticipation, d’évidence et de manquement au devoir de bonne foi et de franchise ».Elle ajoute que même si elle a cité une petite partie des documents dans leur intégralité, elle l’a fait parce qu’elle se fiait à l’ensemble de ce document.

 

  • [36] J’ai examiné les actes de procédure, y compris les réponses à la demande de précisions ainsi que les documents sur lesquels on se fonde dans leur intégralité.Rien n’empêche une partie de se fier à un document dans son entier.Lorsque tel est le cas et que, à cette étape du processus, une partie informe la Cour qu’elle le fait, il n’appartient pas à la Cour de contester l’exactitude de cette affirmation, à moins qu’elle ne semble discutable ou douteuse à la lumière d’un examen du document.S’il s’avère par la suite que la partie exagère à cet égard, je m’attends à ce que la partie adverse le fasse observer à la Cour au moment de la détermination des dépens.Ces précisions ne seront pas ordonnées, étant donné que mon examen des documents ne m’amène pas à remettre en question l’affirmation de Precision Drilling.

 

g.  Défaut de fournir suffisamment de faits importants concernant les divulgations alléguées

  • [37] Cette rubrique porte sur les références 4 et 7 de l’annexe A, qui renvoient aux paragraphes 4 et 5 de de la défense et de la demande reconventionnelle.L’objection de Throttle Control est ainsi formulée : [traduction] « [l]e paragraphe 4 de la défense de Precision Drilling énonce que le brevet 253 est prévu à la lumière des divulgations antérieures alléguées figurant à l’annexe “A”, mais ne précise pas à qui ces documents ont été adressés, dans quelles circonstances ils auraient été divulgués ou comment le destinataire est censé constituer le “public”, au titre de l’alinéa 28.2(1)b). »Je ne suis pas convaincu que les renseignements demandés soient nécessaires pour plaider que les documents constituent une divulgation préalable.Tous les renseignements demandés seront communiqués lors de l’interrogatoire préalable et de l’instruction, et ils serviront à établir si les documents constituent une divulgation au public, comme l’exige la Loi.

 

  • [38] L’allégation relative au paragraphe 5 est de la même nature, mais porte sur l’évidence.Encore une fois, je ne suis pas convaincu que les précisions demandées sont nécessaires pour argumenter par rapport à allégation; la divulgation ne sera pas ordonnée.

 

h.  Défaut de fournir d’autres faits importants

  • [39] Cette rubrique porte sur les références 2, 9, 10, 17 et 18 de l’annexe A, qui renvoient aux paragraphes 3, 8, 9, 10, 11, 22 et 25 de la défense et de la demande reconventionnelle.Throttle Control se plaint que Precision Drilling n’a pas précisé ce qui constitue ses [traduction] « systèmes, appareils ou dispositifs » qui, selon elle, ne contreviennent pas au brevet 253.Je suis d’accord avec Precision Drilling pour dire qu’il n’y a rien de mal à déclarer qu’aucun de ses « systèmes, appareils ou dispositifs » n’enfreint le brevet.C’est à la demanderesse, Throttle Control, de prouver la violation.Les seuls « systèmes, appareils ou dispositifs » pertinents de Precision Drilling sont ceux, selon Throttle Control, qui enfreignent son brevet et dont elle a connaissance.

 

  • [40] Throttle Control indique qu’elle a besoin de précisions au sujet du paragraphe 9, où il est écrit [traduction] « sans limiter la généralité du paragraphe précédent, la revendication 1 du brevet 253 et les revendications qui en dépendent comprennent l’expression [traduction] « engagement moteur d’une section de tuyau ».J’ai déjà parlé de l’irrégularité de cette formule.Throttle Control indique qu’elle exige des précisions sur l’expression [traduction] « l’engagement moteur d’une section de tuyau » et dit que même si Precision Drilling a offert [traduction] « une construction possible de l’expression, [elle] ne fournit pas de détail sur la façon dont une telle construction entraînerait l’inopérabilité alléguée ».Encore une fois, je ne crois pas que cela soit nécessaire pour argumenter sur cette allégation.L’information demandée semble plus pertinente pour l’interrogatoire préalable et l’instruction.

 

  • [41] Throttle Control soutient qu’elle exige des précisions sur la façon dont Throttle Control a pris connaissance des documents d’exemples d’antériorité énumérés à l’annexe C et qui n’auraient supposément pas été divulgués au cours de la redélivrance du brevet 253.La question de savoir si Throttle Control était au courant ou non de ces documents d’exemples d’antériorité relève entièrement de sa connaissance et, par conséquent, les précisions demandées ne sont pas nécessaires pour argumenter.

 

i  Incertitude quant à ce qui constitue le « système indicateur de position d’amortissement »

  • [42] Cette rubrique porte sur les références 11 et 14 de l’annexe A, qui renvoient aux paragraphes 12, 13 et 14 de la défense et de la demande reconventionnelle.

 

  • [43] Comme il a été mentionné précédemment, l’expression « système indicateur de position d’amortissement » a été inventée par Throttle Control dans sa déclaration.Precision Drilling a répondu en utilisant la terminologie de Throttle Control.Or, Throttle Control dit qu’elle a maintenant besoin de précisions sur un terme qu’elle qualifie de malhonnête et sans fondement.

 

j.  Incertitude quant aux notions appliquées en matière de droit des brevets

  • [44] Sous cette rubrique se trouvent les références 5, 8 et 11 de l’annexe A, qui renvoient aux paragraphes 5, 6, 7 et 12 de la défense et de la demande reconventionnelle.Throttle Control soutient que sans les précisions demandées, elle n’est pas certaine de savoir sur quelles notions du droit des brevets se fonde Precision Drilling dans son acte de procédure et ne peut donc pas répondre de façon intelligible.

 

  • [45] J’ai examiné les observations des parties à l’égard de ces actes de procédure et j’en suis venu à la conclusion que les déclarations faites par Precision Drilling sont suffisamment précises pour que Throttle Control y réponde.Ils ont établi les faits et énoncent les règles de droit sur lesquelles ils sont fondés.L’établissement d’un lien entre les faits allégués et le droit est une question qui doit être examinée lors de l’interrogatoire préalable et par les avocats à l’audience; il n’est pas nécessaire de répondre aux allégations faites.

 

Dépens

  • [46] Les avocats ont été questionnés au sujet des dépens s’ils obtenaient gain de cause.Throttle Control demande des dépens de 15 000 $, tandis que Precision Drilling indique que les coûts à l’extrémité supérieure de la colonne III, sans compter les décaissements, s’élèveraient à 2 600 $.

 

  • [47] Étant donné que les deux parties ont eu partiellement gain de cause, j'exerce mon pouvoir discrétionnaire et je ne leur accorde aucuns dépens.

 


ORDONNANCE

 

  LA COUR ORDONNE :

  1. La présente action se poursuivra à titre d’instance à gestion spéciale.

 

  1. L’affaire est renvoyée au juge en chef pour qu’il l’attribue à un juge responsable.

 

  1. La phrase [traduction] « mais sans limiter la généralité du paragraphe précédent », telle qu’elle apparaît aux paragraphes 7, 9 et 11 de la défense et de la demande reconventionnelle, est radiée.

 

  1. Throttle Control doit obtenir les précisions demandées dans sa demande de précisions supplémentaire, aux références 3, 6 et 16 de l’annexe A, qui renvoient aux paragraphes 4, 5 et 22 de la défense et de la demande reconventionnelle, dans les 10 jours de la date de la présente ordonnance, où Precision Drilling ne doit pas viser à [traduction] « se réserver le droit de se fier à l’équipement et aux systèmes décrits et mentionnés dans d’autres documents au fur et à mesure que ces renseignements deviennent disponibles ».

 

  1. Throttle Control doit signifier et déposer sa défense à la demande reconventionnelle au plus tard 20 jours après avoir reçu la défense et la demande reconventionnelle modifiées ainsi que les précisions énoncées dans la présente ordonnance.

 

  1. Aucuns dépens ne sont accordés à l’une ou l’autre des parties.

 

« Russel W. Zinn »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :  T-862-10

 

INTITULÉ :  THROTTLE CONTROL TECH INC. c.

  PRECISION DRILLING CORPORATION ET AL

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  Le 18 octobre 2010

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :  LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS
ET DE L’ORDONNANCE :
  Le 4 novembre 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Timothy C. Bourne

Dennis S. K. Leung

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Katherine Murphy

POUR LA DÉFENDERESSE

(PRECISION DRILLING CORPORATION ET AL)

 

Abe Averbach

POUR LA DÉFENDERESSE

(VICTORY RIG EQUIPMENT ET AL)

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

RIDOUT & MAYBEE LLP

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

BORDEN LADNER GERVAIS LLP

Calgary (Alberta)

POUR LA DÉFENDERESSE

(PRECISION DRILLING CORPORATION ET AL)

 

BLAKE CASSELS & GRAYDON LLP

Calgary (Alberta)

POUR LA DÉFENDERESSE

(VICTORY RIG EQUIPMENT ET AL)

 

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