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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date :  20101005

Dossier :  IMM-921-10

Référence :  2010 CF 990

Ottawa (Ontario), le 5 octobre 2010

En présence de madame la juge Bédard 

 

ENTRE :

HIGHLANDER GUZMAN LOPEZ

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]            Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu de l’article 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch.27 (la « Loi ») d’une décision rendue le 20 janvier 2010 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la Commission), qui a refusé de reconnaître à M. Guzman Lopez le statut de réfugié ou de personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi.

 

[2]               La Commission a refusé la demande d’asile du demandeur au motif que son récit n’était pas crédible, qu’il n’avait pas repoussé la présomption de protection de l’État et qu’il existait une possibilité de refuge intérieur (PRI).

Contexte de la demande

[3]               Le demandeur est citoyen du Mexique. Alors qu’il résidait toujours au Mexique, il a travaillé pour le Secrétariat de l’Agriculture, de l’Élevage et du Développement rural du gouvernement du Mexique. En 2002, il a été posté au Chiapas pour contribuer à l’éradication de la mouche de la Méditerranée. Des conflits existeraient dans cette zone du Mexique en raison de la présence des zapatistes qui, selon le demandeur, auraient manipulé et menacé la population locale pour qu’elle n’accorde pas de soutien aux personnes travaillant pour le gouvernement mexicain. Le demandeur soutient que les zapatistes auraient notamment interdit aux citoyens de traiter avec lui.

 

[4]               Le demandeur allègue avoir incité les citoyens à ne pas se laisser intimider par les zapatistes et qu’à compter de juin 2006, il aurait été menacé et attaqué par ces derniers. Il soutient également avoir reçu des menaces de mort. Une dernière attaque survenue le 30 août 2006 aurait incité le demandeur à fuir le Mexique pour le Canada et à y demander l’asile.

 

[5]               Le demandeur soutient ne pas avoir alerté les autorités ni déposé de plainte parce que M. Juan, le représentant des zapatistes, avait une relation privilégiée avec les forces policières locales.

 

La décision de la Commission

[6]               La Commission a rejeté la demande d’asile du demandeur pour trois motifs. Dans un premier temps, elle a jugé que le récit du demandeur n’était pas crédible en raison, notamment, de nombreuses divergences entre les informations transmises dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP) et dans son témoignage. La Commission a, en outre, retenu que lors de l’audience, le demandeur a fait des déclarations portant sur des éléments importants de sa demande d’asile dont il n’avait pas fait mention dans son FRP, incluant les menaces de mort dont il soutient avoir été l’objet et les prétendus liens entre M. Juan et les policiers locaux. Relativement aux liens entre M. Juan et les policiers, la Commission a jugé que « le lien de Juan avec le commandant de la police et le fait que Juan paierait de l’argent aux policiers et que la police est corrompue sont des éléments qui ont été ajoutés par le demandeur à la fin du témoignage pour embellir son histoire». Bref, la Commission n’a pas cru le récit du demandeur.

 

[7]               Dans un second temps, la Commission a jugé que « même si le demandeur était crédible » il n’avait pas repoussé la présomption de protection de l’État en ne donnant pas d’explications convaincantes pour expliquer pourquoi il n’avait pas sollicité la protection des autorités mexicaines. La Commission a jugé que les éléments de preuve soumis à cet égard par le demandeur n’étaient ni clairs, ni convaincants.

 

[8]               Enfin, après avoir soulevé cette question à l’audience, la Commission a estimé que le demandeur disposait d’une PRI. La Commission n’a pas retenu la prétention du demandeur suivant laquelle M. Juan le chercherait ailleurs au pays parce « qu’il est très fâché contre lui, parce que c’est à cause [de lui] que les autochtones n’étaient plus ignorants de leurs droits ».

 

[9]               La Commission a estimé que la situation alléguée par le demandeur constituait un « problème local » et conclut qu’elle ne croyait pas que les zapatistes, en particulier M. Juan, s’intéresseraient au demandeur au point de le rechercher dans tout le pays.

 

[10]           La Commission a identifié trois villes à titre de PRI et jugé que le demandeur n’y serait pas exposé à une crainte de persécution de la part des zapatistes et qu’il n’était pas déraisonnable d’envisager que le demandeur déménage dans une de ces villes. La Commission a estimé que le déménagement du demandeur dans l’une des villes identifiées constituait une option réaliste et abordable. La Commission a donc conclu que le demandeur ne s’était pas déchargé du fardeau qui lui incombait de démontrer qu’il n’existait pas de PRI pour lui.

 

Les questions en litige

[11]           Le demandeur soutient que la Commission a tiré des conclusions déraisonnables relativement à sa crédibilité et à l’existence de la protection de l’État. Il n’a toutefois pas attaqué la conclusion de la Commission relativement à l’existence d’une PRI.

 

[12]           Dans son mémoire initial, le défendeur n’a traité que de la question relative à la PRI et soutenu que le défaut du demandeur de s’attaquer à cette conclusion déterminante de la Commission suffisait à rejeter la demande de contrôle judiciaire. Dans un mémoire supplémentaire déposé le 9 septembre 2010, le défendeur a tout de même transmis sa position eu égard aux prétentions du demandeur relativement aux conclusions de la Commission quant à la crédibilité du demandeur et à la protection de l’État.

 

Analyse

[13]           Avec égard, j’estime qu’en l’espèce, l’existence d’une PRI était une conclusion déterminante dans la décision de la Commission et que le défaut de contester cette conclusion suffit pour rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[14]           Dans Olivares Vargas c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1347, [2008] A.C.F. no 1706, comme en l’espèce, le demandeur n’avait pas contesté la conclusion de la Commission au sujet de la PRI, notre Cour a reconnu que la conclusion de la Commission au sujet d’une PRI était à elle seule suffisante pour rejeter la demande d’asile puisque la possibilité de refuge interne est inhérente à la notion même de réfugié et de personne à protéger.

 

[15]           Dans Julien c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 313, [2005] A.C.F. no 428, la Cour avait aussi rappelé le concept de PRI et cité la décision de la Cour d’appel fédérale dans Rasaratnam c Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 C.F. 706, [1991] A.C.F. no 1256 :

[9]        Afin qu’une demande d’asile soit acceptée sous l’article 96 ou 97 de la Loi, il ne doit pas y avoir de possibilité de refuge à l’intérieur du pays de nationalité de la demanderesse :

 

En ce qui concerne la troisième, puisque, par définition, le réfugié au sens de la Convention doit être un réfugié d’un pays, et non d’une certaine partie ou région du pays, le demandeur ne peut être un réfugié au sens de la Convention s’il existe une possibilité de refuge dans une autre partie du même pays. Il s’ensuit que la décision portant sur l’existence ou non d’une telle possibilité fait partie intégrante de la décision portant sur le statut de réfugié au sens de la Convention du demandeur […] (Rasaratnam c. Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration) [1992] 1 C.F. 706 (C.A.) au paragraphe 8) (je souligne).

 

[16]           En outre, rien ne me permet de conclure que la Commission a commis une erreur qui aurait justifié une intervention de la Cour dans son appréciation de l’existence d’une PRI. J’arrive à la même conclusion eu égard aux conclusions de la Commission relativement à la crédibilité du demandeur et à l’existence de la protection de l’État.

 

[17]           Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question d’importance n’a été proposée aux fins de certification, et aucune ne mérite d’être certifiée.

 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 

 

« Marie-Josée Bédard »

Juge

 

 

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-921-10

 

INTITULÉ :                                       HIGHLANDER GUZMAN LOPEZ c. MCI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 29 septembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LA JUGE BÉDARD

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 5 octobre 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Gisela Barraza

 

POUR LE DEMANDEUR

Gretchen Timmins

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gisela Barraza

Montréal, Québec

 

POUR LE DEMANDEUR

Miles J. Kirvan

Sous-Procureur Général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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