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Cour fédérale

Federal Court

 

Date : 20101102

Dossier : T-627-10

Référence : 2010 CF 1073

Ottawa (Ontario), le 2 novembre 2010

En présence de monsieur le juge Boivin

 

ENTRE :

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

Demandeur

 

et

WADAD ABOU-ZAHRA

Défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur interjette appel de la décision acceptant la demande de citoyenneté de madame Wadad Abou-Zahra (Dossier de citoyenneté 3456333), rendue le 24 février 2010 par le juge de la citoyenneté, monsieur Gilles Duguay.

 

[2]               Le 22 avril 2010, le Ministre a déposé un avis de demande à l’encontre de cette décision en vertu de l’article 21 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C-29 (la Loi) et de l’alinéa 300c) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106.

[3]               Dans la présente demande, madame Abou-Zahra n’a pas comparu, ni en personne ni par avocat, malgré la signification en personne effectuée le 23 avril 2010. Conséquemment, l’exposé des faits est tiré du Mémoire des faits et du droit du Ministre.

 

Exposé des faits

[4]               Madame Wadad Abou-Zahra est citoyenne du Liban. Elle est devenue résidente permanente le 14 décembre 1990 et a présenté sa demande de citoyenneté le 14 décembre 2007.

 

[5]               Depuis 1990, elle résiderait avec son mari et son fils adolescent dans le sous-sol de la résidence de sa nièce dans la province de Québec. Elle posséderait toutefois une maison au Liban. Son fils est né au Liban en 1995. Le mari de madame Abou-Zahra n’a pas présenté de demande de citoyenneté en raison de nombreux voyages : il travaillerait comme travailleur autonome dans le domaine de l’import-export.

 

[6]               Le 15 juillet 2009, une demande de fournir des copies complètes de tous les passeports délivrés et de remplir le questionnaire de citoyenneté a été acheminé à madame Abou-Zahra. N’ayant pas répondu à cette demande dans les vingt jours, son dossier a été référé à un juge de la citoyenneté.

 

[7]               Le 3 février 2010, madame Abou-Zahra a expliqué cette omission à une agente de la citoyenneté par le fait qu’elle était au Liban lors de l’envoi de la lettre. Puis, elle a également précisé qu’elle ne vivait plus au Canada depuis juillet 2009. Elle ne serait revenue au Canada que le 31 janvier 2010, soit trois jours avant l’audience prévue pour le 3 février 2010. Lors de l’audience, le juge de la citoyenneté a accordé à madame Abou-Zahra un délai supplémentaire de vingt jours pour produire les documents requis.

 

[8]               Madame Abou-Zahra a produit une preuve documentaire relativement abondante à l’appui de sa demande.

 

[9]               La demande de citoyenneté de madame Abou-Zahra a été accueillie par le juge de la citoyenneté le 24 février 2010, avec pour seuls motifs un bref paragraphe inclus au formulaire Avis au Ministre de la décision du juge de la citoyenneté.

 

[10]           Le Ministre conteste donc la légitimité de cette décision à l’effet que la preuve révélerait une présence insuffisante au Canada et des incongruités dans la preuve administrée. De plus, le Ministre allègue que la décision n’a pas été suffisamment motivée eu égard aux motifs prévus à l’alinéa 5(1)c) de la Loi, et qu’elle ne rend pas compte de la considération de la preuve. Selon les prétentions du Ministre, le juge de la citoyenneté aurait appliqué une exigence moindre que celle prévue par la Loi.

 

La décision contestée

[11]           Les motifs manuscrits de la décision contestée peuvent se lire comme suit :

« J’ai donné un questionnaire de résidence et 20 jours de délai à la demanderesse pour me permettre de décider sur 5(1)c). [Illisible] ayant examiné aujourd’hui 24/02/2010 toutes les preuves additionnelles de résidence obtenue, sur la prépondérance des probabilités, il semble que la demanderesse a établi et maintenu sa résidence au Canada pendant la période critique (2003-2007). J’approuve sa demande de citoyenneté. » [Avis au Ministre de la décision du juge de la citoyenneté]

 

[12]           Le Ministre soumet que le juge de la citoyenneté a rendu une décision déraisonnable puisqu’il a commis au moins trois erreurs susceptibles de révision :

a.       Il a omis de préciser sur quel critère juridique il s’est fondé pour déterminer si la défenderesse avait rempli les conditions de résidence et s’il a appliqué un quelconque critère à une série précise de faits;

 

b.      Il n’a pas donné de motifs à l’appui de sa décision qui démontrent qu’il a correctement inclus, analysé, considéré ou pondéré toute la preuve documentaire qui lui était soumise;

 

c.       Il a erré en droit en appliquant une exigence moindre que celle requise par la loi.

 

Dispositions législatives pertinentes

[13]           Les dispositions suivantes de la Loi sur la citoyenneté s’appliquent à la présente demande :

Attribution de la citoyenneté

 

5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

 

a) en fait la demande;

 

 

b) est âgée d’au moins dix-huit ans;

 

c) est un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :

 

 

(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence

au Canada avant son admission à titre de résident permanent,

 

 

 

 

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;

 

 

 

 

 

d) a une connaissance suffisante de l’une des langues officielles du Canada;

 

e) a une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté;

 

f) n’est pas sous le coup d’une mesure de renvoi et n’est pas visée par une déclaration du gouverneur en conseil faite en application de l’article 20.

 

Période de résidence

 

(1.1) Est assimilé à un jour de résidence au Canada pour l’application de l’alinéa (1)c) et du paragraphe 11(1) tout jour pendant lequel l’auteur d’une demande de citoyenneté a résidé avec son époux ou conjoint de fait alors que celui-ci était citoyen et était, sans avoir été engagé sur place, au service, à l’étranger, des forces armées canadiennes ou de l’administration publique fédérale ou de celle d’une province.

 

 

Examen par un juge de la citoyenneté

 

 

Appel

 

14. (5) Le ministre et le demandeur peuvent interjeter appel de la décision du juge de la citoyenneté en déposant un avis d’appel au greffe de la Cour dans les soixante jours suivant la date, selon le cas :

 

 

a) de l’approbation de la demande;

 

 

b) de la communication, par courrier ou tout autre moyen, de la décision de rejet.

 

 

Grant of citizenship

 

5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

 

 

(a) makes application for citizenship;

 

(b) is eighteen years of age or over;

 

(c) is a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his or her application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

 

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

 

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;

 

(d) has an adequate knowledge of one of the official languages of Canada;

 

(e) has an adequate knowledge of Canada and of the responsibilities and privileges of citizenship; and

 

(f) is not under a removal order and is not the subject of a declaration by the Governor in Council made pursuant to section 20.

 

Residence

 

(1.1) Any day during which an applicant for citizenship resided with the applicant’s spouse who at the time was a Canadian citizen and was employed outside of Canada in or with the Canadian armed forces or the federal public administration or the public service of a province, otherwise than as a locally engaged person, shall be treated as equivalent to one day of residence in Canada for the purposes of paragraph (1)(c) and subsection 11(1).

 

[…]

 

Consideration by citizenship judge

 

[…]

 

Appeal

 

14. (5) The Minister or the applicant may appeal to the Court from the decision of the citizenship judge under subsection (2) by filing a notice of appeal in the Registry of the Court within sixty days after the day on which

 

(a) the citizenship judge approved the application

under subsection (2); or

 

(b) notice was mailed or otherwise given under

subsection (3) with respect to the application.

 

[…]

 

 

Questions en litige

[14]           Les questions qui se posent dans la présente demande de contrôle judiciaire sont les suivantes :

a.       Est-ce que le juge de la citoyenneté a commis une erreur en concluant que la défenderesse remplissait les conditions prévues à l’alinéa 5(1)c) de la Loi ?

 

b.      Est-ce que les motifs de la décision du juge de la citoyenneté sont suffisants ?

 

Norme de contrôle

[15]           Le Ministre soutient que même si le paragraphe 14(5) de la Loi réfère encore à une possibilité « d’appel », il est bien établi qu’il s’agit en réalité d’un contrôle judiciaire qui nécessite l’application de la norme de la décision raisonnable. Dans l’arrêt Pourzand c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 395, [2008] A.C.F. no 485, au para 19, le juge Russell de cette Cour s’est prononcé sur la norme de contrôle applicable à la conclusion tirée par un juge de la citoyenneté sur la question de savoir si une personne présentant une demande de citoyenneté satisfait ou non l’obligation en matière de résidence :

 

[19] Il est de jurisprudence constante, à la Cour fédérale, que la norme de contrôle applicable en ce qui concerne les décisions des juges de la citoyenneté sur la question de savoir si les demandeurs respectent ou non l'obligation de résidence, laquelle est une question mixte de fait et de droit, est la norme de la décision raisonnable simpliciter (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Chang, 2003 CF 1472; Rizvi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 1641; Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 85; Zhao c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 1536). Vu l'arrêt récent Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir], dans lequel la Cour suprême du Canada a fondu la norme de la décision raisonnable simpliciter et la norme de la décision manifestement déraisonnable en une seule norme, celle de la décision raisonnable, j'estime que la norme de contrôle applicable à la conclusion tirée en l'espèce par la juge de la citoyenneté sur la question de savoir si la demanderesse satisfaisait ou non l'obligation en matière de résidence est celle de la décision raisonnable.

 

[16]           Toutefois, en ce qui concerne l’absence de motifs adéquats au soutien de la décision, il s’agit d’une question d’équité procédurale. Comme cette Cour l’a souligné à maintes reprises, lorsque la Cour est en présence d’une question d’équité procédurale ou de justice naturelle, la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte (voir Chowdhury c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 709, [2009] A.C.F. no 875, au para 29).

 

Analyse

[17]           Dans le cas présent, la période désignée est comprise entre le 14 décembre 2003 et le 14 décembre 2007. Durant ces quatre (4) années précédant immédiatement sa demande de citoyenneté, madame Abou-Zahra allègue avoir passé un total de 109 jours à l’extérieur du Canada et de 1 351 jours au Canada.

 

[18]           Le critère juridique qui s’applique en matière de citoyenneté est prévu au paragraphe 5(1) de la Loi. Toutefois, le terme « résidence » n’est pas défini. Comme l’a bien expliqué la juge Tremblay-Lamer dans Mizani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 698, [2007] A.C.F. no 947, aux paras 10-13, la jurisprudence de cette Cour a interprété le terme          « résidence » de trois façons différentes :

[10] […] Premièrement, il peut s'agir de la présence réelle et physique au Canada pendant un total de trois ans, selon un comptage strict des jours (Pourghasemi (Re), [1993] A.C.F. no 232 (QL) (1re inst.)). Selon une interprétation moins rigoureuse, une personne peut résider au Canada même si elle en est temporairement absente, pour autant qu'elle conserve de solides attaches avec le Canada (Antonios E. Papadogiorgakis (Re), [1978] 2 C.F. 208 (1re inst.)). Une troisième interprétation, très semblable à la deuxième, définit la résidence comme l'endroit où l'on "vit régulièrement, normalement ou habituellement" ou l'endroit où l'on a "centralisé son mode d'existence" (Koo (Re), [1993] 1 C.F. 286 (1re inst.), au paragraphe 10).

 

[11] Je suis d'accord pour l'essentiel avec le juge James O'Reilly lorsqu'il écrit, au paragraphe 11 de la décision Nandre, précitée, que le premier critère exige la présence physique, alors que les deux autres nécessitent un examen plus qualitatif :

 

Manifestement, la Loi peut être interprétée de deux manières, l'une exigeant une présence physique au Canada pendant trois ans sur un total de quatre, et l'autre exigeant moins que cela, pour autant que le demandeur de citoyenneté puisse justifier d'attaches étroites avec le Canada. Le premier critère est un critère physique et le deuxième un critère qualitatif.

 

[12] Il a aussi été reconnu que le juge de la citoyenneté est libre d'appliquer l'un ou l'autre de ces trois critères (Lam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 410 (1re inst.) (QL)). Par exemple, dans la décision Hsu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 579, [2001] A.C.F. no 862 (QL), la juge Elizabeth Heneghan conclut, au paragraphe 4, que l'un ou l'autre de ces critères peut être appliqué pour rendre une décision sur la question de la résidence :

La jurisprudence sur les appels en matière de citoyenneté a clairement établi qu'il existe trois critères juridiques permettant de déterminer si un demandeur a démontré qu'il était un résident selon les exigences de la Loi sur la citoyenneté [...] le juge de la citoyenneté peut soit calculer de façon stricte le nombre de jours de présence physique, soit examiner la qualité de la résidence, soit analyser la centralisation au Canada du mode de vie du demandeur.

[Renvois omis.]

 

[13] Si le juge de la citoyenneté peut choisir d'appliquer l'un ou l'autre des trois critères, il ne lui est pas permis de les "fusionner" (Tulupnikov, précitée, au paragraphe 17).

[19]           Il convient toutefois de noter que récemment la jurisprudence de cette Cour sur cette question s’est précisée à la suite de la décision du juge Mainville dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Takla, 2009 CF 1120, 2009 A.C.F. no 1371 et la décision du juge Zinn dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Elzubair, 2010 CF 298, 2010 A.C.F. no 330. Décisions auxquelles je souscris.  

 

[20]           Ainsi, comme l’explique le juge Zinn dans Elzubair, lorsqu’un juge de la citoyenneté arrive à la conclusion qu’un demandeur a été physiquement présent au Canada pendant une période d’au moins 1 095 jours - c’est-à-dire la période minimale requise - la résidence est dans ce cas prouvée et il est inutile de recourir au critère plus contextuel dont il est question dans Koo (Re) (1re inst.) [1992] A.C.F. no 1107, [1993] 1 C.F. 286. Il n’y a pas lieu de se fonder sur ce deuxième critère que dans les cas où le demandeur a bel et bien résidé au Canada, mais y a été physiquement présent pendant moins de 1 095 jours. Dans ce cas, les juges de la citoyenneté doivent appliquer le critère énoncé dans Koo pour déterminer si le demandeur était résident au Canada, même s’il n’y était pas physiquement présent (voir également Canada (The Minister of Citizenship and Immigration) v. Salim, 2010 FC 975, [2010] F.C.J. No. 1219 (Juge Harrington).

 

[21]           Dans le cas qui nous occupe, la décision du juge de la citoyenneté comporte une lacune importante en ce qu’il n’a pas clairement énoncé le test qu’il a choisi d’appliquer. En effet, rien dans le bref paragraphe de motifs ne permet de discerner quel fut ce test.

 

[22]           Le Ministre soumet au surplus que rien dans la preuve n’établit que madame Abou-Zahra a démontré une présence réelle et physique au Canada pendant une période totale de trois (3) ans, durant la période désignée.

 

[23]           Pour démontrer une présence réelle et physique au Canada, madame Abou-Zahra devait prouver qu’elle a été présente au Canada pendant au moins 1 095 jours au cours de la période pertinente, à défaut de quoi sa demande serait rejetée. Sur ce point, la preuve révèle une contradiction. En effet, madame Abou-Zahra a mentionné dans sa Demande de citoyenneté canadienne avoir été absente du Canada du 20 juin 2007 au 24 juillet 2007; du 15 septembre 2006 au 14 octobre 2006; du 1e août 2004 au 16 septembre 2004; et du 22 mai 2003 au 15 juillet 2003. Or, dans son Questionnaire sur la résidence qu’elle a rempli et soumis après son audience, elle déclare avoir été absente du 15 juillet 2006 au 14 octobre 2006, soit une différence de deux mois supplémentaires passés à l’extérieur du Canada.

 

[24]           Le Ministre soutient également que madame Abou-Zahra n’a pas, malgré la demande spécifique faite par lettre datée du 15 juillet 2009, fourni une copie complète de tous ses passeports, incluant toutes les pages, y compris les pages en blanc. Ne s’étant pas conformé à cette demande à la date de l’audience avec le juge de la citoyenneté, ce dernier a donné à madame Abou-Zahra un délai de 20 jours. Il lui incombait donc de produire une preuve suffisante démontrant qu’elle a satisfait aux critères de résidence de la Loi (Voir Rizvi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1641, [2005] A.C.F. no 2029, au para 21).

 

[25]           Le 16 février 2010, madame Abou-Zahra a finalement soumis certains documents, dont des copies partielles eu égard à deux (2) de ses trois (3) passeports connus. Comme le souligne correctement la procureure du Ministre, l’importance de déposer toutes les pages du passeport, y compris les pages en blanc, est de permettre au décideur de s’assurer que toutes les entrées et sorties sont bien indiquées dans les divers questionnaires. Or, la preuve au dossier révèle que madame Abou-Zahra a omis de soumettre tous les passeports. Elle n’a de plus fourni que des copies partielles des passeports soumis. À titre d’exemple, la Cour note qu’en ce qui concerne le passeport qui lui a été émis à Beyrouth au Liban le 2 novembre 1998 – dont la validité a été prolongée jusqu’au 20 octobre 2008 – des portions importantes de pages sont manquantes, c’est-à-dire les pages 6 et 7 ainsi que 12 à 43. Également, aucune absence du Canada précédant 2003 n’a été mentionnée par madame Abou-Zahra alors que la preuve indique qu’elle était absente à tout le moins en 1995 puisqu’elle a donné naissance à son fils au Liban (Dossier du Tribunal à la p. 71).

 

[26]           La preuve au dossier démontre aussi que les documents relatifs au compte bancaire de madame Abou-Zahra font état d’activités que pour trois (3) des quatre (4) mois de relevés fournis et seulement sur un nombre minimal de jours.

 

[27]           De plus, les documents fiscaux soumis par madame Abou-Zahra ne permettent pas de démontrer la résidence réelle de cette dernière au Canada. Les copies de trois factures de téléphone cellulaire ainsi que les relevés de compte de la carte Visa sont également incomplets et parcellaires.

 

[28]           Dans sa décision, le juge de la citoyenneté n’a pas mentionné ou tenté d’expliquer les contradictions, les incongruités ou les omissions que révèle la preuve documentaire soumise.

 

[29]           La Cour rappelle que dans un jugement récent, Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Mahmoud, 2009 CF 57, [2009] A.C.F. no 91, au paragraphe 6, le juge Roger Hughes écrivait que, parce que le Ministre – ou, d’ailleurs, un demandeur de citoyenneté – n’a de recours que d’interjeter appel à la Cour, et parce que la citoyenneté doit être accordée en cas de recommandation favorable d’un juge de la citoyenneté, « […] l’exposition de motifs par le juge de la citoyenneté revêt une importance particulière. Les motifs doivent être suffisamment clairs et détaillés pour démontrer au ministre que tous les faits pertinents ont été pris en considération et soupesés comme il se doit et que les critères juridiques opportuns ont été appliqués. »

 

[30]           Après avoir examiné la preuve et les motifs de la décision du juge de la citoyenneté, la Cour conclut que le juge de la citoyenneté n’a pas examiné, soupesé et analysé les éléments de preuve qui comportent des lacunes importantes. Dans ces circonstances, sa décision est déraisonnable et l’intervention de la Cour est justifiée. Par conséquent, la Cour accueille l’appel.

 


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE ET ADJUGE QUE :

 

1.                  L’appel est accueilli.

 

2.                  L’affaire est renvoyée à un autre juge de la citoyenneté pour un nouvel examen.

 

 

 

 

« Richard Boivin »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-627-10

 

INTITULÉ :                                       MCI c. WADAD ABOU-ZAHRA

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 26 octobre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE BOIVIN

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 2 novembre 2010

 

 

 

COMPARUTION :

 

Patricia Nobl

 

POUR LE DEMANDEUR

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DEMANDEUR

 

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