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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20101027

Dossier : IMM-975-10

Référence : 2010 CF 1055

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 27 octobre 2010

En présence de monsieur le juge O'Reilly

 

 

ENTRE :

PARMINDER KAUR SIDHU

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.        Contexte

 

[1]               Mme Parminder Kaur Sidhu souhaite parrainer sa mère, Mme Harjit Kaur Dhillon, une citoyenne de l’Inde, afin qu’elle puisse devenir résidente permanente au Canada. En 1998, Mme Dhillon a été expulsée du Canada après avoir fait une fausse demande d’asile. En raison de ses antécédents en matière d’immigration, Mme Dhillon est interdite de territoire au Canada sauf si elle obtient une autorisation de revenir au Canada (ARC).

 

[2]               Un agent des visas a rejeté la demande d’ARC présentée par Mme Dhillon. Mme Sidhu a interjeté appel de cette décision auprès de la Section d’appel de l’immigration (la SAI). La SAI a rejeté l’appel au motif que l’agent des visas n’a commis aucune erreur de droit et que Mme Sidhu n’a pas établi que, pour des motifs d’ordre humanitaire, la délivrance d’une ARC était justifiée.

 

[3]               Mme Sidhu allègue que la SAI a commis des erreurs de faits et de droit et que celle-ci a tiré une conclusion déraisonnable. Elle me demande d’annuler la décision rendue par la SAI et d’ordonner la tenue d’une nouvelle audience. Je ne vois aucune raison pour infirmer la décision de la SAI et je dois donc rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[4]               Les questions en litige sont les suivantes :

 

  1. La SAI a-t-elle commis une erreur de fait?
  2. La SAI a-t-elle commis une erreur de droit?
  3. La conclusion de la SAI était-elle déraisonnable?

 

II.     Le contexte factuel

 

[5]               En 1997, Mme Dhillon est venue au Canada à titre de visiteur. Elle a présenté une demande d’asile peu après son arrivée. Elle a demandé et reçu des prestations d’aide sociale, à l’encontre d’une entente préalable.

 

[6]               La demande d’asile de Mme Dhillon était fondée sur une allégation selon laquelle elle craignait les autorités de l’État en Inde qui sont à la recherche de son fils. Elle prétend qu’elle a été arrêtée et ensuite libérée en échange d’un pot-de-vin. Un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté sa demande; la Cour a refusé l’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire. Mme Dhillon reconnaît maintenant que sa demande d’asile était fondée sur de fausses allégations.

 

[7]               À la suite du rejet de sa demande d’asile, Mme Dhillon a fait l’objet d’une mesure d’interdiction de séjour. Puisqu’elle n’a pas quitté le Canada en temps opportun, la mesure d’interdiction de séjour est devenue une mesure d’expulsion. Selon la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), une personne dans la même situation que Mme Dhillon doit obtenir une ARC avant de revenir au Canada (L.C. 2001, ch. 27, paragraphe 52(1)).

 

[8]               Mme Dhillon a demandé à un agent des visas la délivrance d’une ARC. L’agent a interrogé Mme Dhillon, et a conclu que la preuve avancée par Mme Dhillon était insuffisante pour étayer son allégation selon laquelle elle subirait des difficultés et que la description faite par Mme Dhillon quant à sa situation personnelle n’était pas crédible. L’agent a également exprimé des préoccupations quant au fait que Mme Dhillon pourrait encore avoir recours aux prestations d’aide sociale au Canada.

 

 

 

III.   La décision de la SAI

 

[9]               La SAI a tout d’abord fait état des nombreux principes sur lesquels le système d’immigration canadien repose, comme la réunification des familles, des procédures équitables et efficaces, l’intégration des résidents permanents et les obligations mutuelles assumées par les nouveaux immigrants et les Canadiens.

 

[10]           La SAI a ensuite examiné si la décision de l’agent était valide en droit. Dans de brefs motifs, la SAI a conclu que la décision de l’agent était raisonnable compte tenu de la preuve dont il disposait.

 

[11]           La SAI a ensuite examiné si l’appel devait être accueilli pour des motifs d’ordre humanitaire qui justifieraient la prise d’une mesure spéciale. La SAI a entendu les témoignages de Mme Dhillon et de Mme Sidhu et a conclu que ni l’une ni l’autre n’a présenté un témoignage fiable ou crédible.

 

[12]           La SAI a relaté les détails concernant la fausse demande d’asile de Mme Dhillon et son recours aux prestations d’aide sociale pendant son dernier séjour au Canada. À partir de cette preuve, elle a conclu que Mme Dhillon avait au départ l’intention de rester de façon permanente au Canada et que son comportement minait l’intégrité du système d’immigration canadien. Elle a estimé que son comportement était grave et incompatible avec une demande de prise d’une mesure spéciale.

 

[13]           La SAI a ensuite abordé la question de la situation personnelle de Mme Dhillon, soulignant qu’elle a de la famille en Inde et au Canada. Elle a trois petits-enfants au Canada et quatre en Inde. Par conséquent, les intérêts des divers enfants touchés par la décision de la SAI étaient « partagés ». La SAI a souligné que Mme Sidhu et sa famille ont visité l’Inde en 2003 et qu’ils ont passé peu de temps avec Mme Dhillon. Dans l’ensemble, la SAI a conclu que la réunification de la famille ne semblait pas « une raison impérieuse justifiant la prise d’une mesure spéciale ».

 

[14]           En conclusion, la SAI a conclu que Mme Sidhu n’a pas établi l’existence de motifs d’ordre humanitaires justifiant une prise de mesure spéciale pour Mme Dhillon.

 

IV.  La question no 1 – La SAI a-t-elle commis une erreur de fait?

 

[15]           Mme Sidhu allègue que la SAI a commis une grave erreur de fait lorsqu’elle a déclaré, au début de son analyse, que « la seule question véritable à trancher concernait la prise de mesures spéciales ». Mme Sidhu soutient que la SAI n’a pas semblé avoir tenu compte de ses arguments au sujet de la validité en droit de la décision de l’agent.

 

[16]           Cet argument n’est pas étayé par la décision de la SAI ni par les observations que Mme Sidhu a présentées à la SAI. La déclaration contestée de la SAI figure sous l’entête « validité en droit ». Elle fait suite au résumé de la SAI concernant les observations de Mme Sidhu à propos de la validité en droit de la décision de l’agent et elle précède son analyse des motifs de l’agent. De toute évidence, la SAI n’a pas fait fi de la question de la validité en droit.

 

[17]           En outre, la déclaration de la SAI était une juste description des observations de Mme Sidhu. L’avocate a déclaré que Mme Sidhu « contest[ait] l’interprétation de l’article 52 même si l’audience port[ait] principalement sur l’exercice du pouvoir discrétionnaire ». De plus, elle a assuré la Commission que l’appel « [avait] été fait en vertu du paragraphe 63(1) et que l’appelante demand[ait] à la Commission d’invoquer sa compétence en équité conformément à l’alinéa c) – 67c) de la Loi ». L’alinéa 67(1)c) de la Loi concerne les motifs d’ordre humanitaire.

 

[18]           Je ne peux pas conclure que la SAI a commis une erreur de fait lorsqu’elle a affirmé que « la seule question véritable à trancher concernait la prise de mesures spéciales ».

 

[19]           Mme Sidhu allègue également que la SAI a commis une erreur lorsqu’elle affirmé qu’il y avait des « obstacles » à l’admission de Mme Dhillon au Canada. Selon elle, le mot « obstacles » équivaut aux motifs d’interdiction de territoire dont parle la Loi. À la lecture, dans leur contexte, des termes employés par la SAI, il est clair que celle-ci faisait allusion à des motifs de refus de l’ARC et non pas à des motifs d’interdiction de territoire.

 

[20]           Mme Sidhu prétend également que la SAI a commis une erreur lorsqu’elle a affirmé que Mme Dhillon avait été frappée d’une mesure de renvoi du Canada « à la suite de sa demande d’asile frauduleuse ». Le choix des mots employés par la SAI n’était peut-être pas tout à fait judicieux. Il aurait été plus approprié de dire que Mme Dhillon avait été expulsée [traduction] « après avoir présenté une fausse demande d’asile ». Quoi qu’il en soit, le choix des mots de la SAI n’est pas vraiment important.

 

V.     La question no 2 – La SAI a-t-elle commis une erreur de droit?

 

[21]           Mme Sidhu allègue que la SAI a commis une erreur de droit en concluant que la décision de l’agent des visas était valide sur le plan juridique. Elle prétend que l’agent, et la SAI, pour sa part, doivent tenir compte de toutes les circonstances de l’affaire lorsqu’ils décident si une ARC doit être délivrée.

 

[22]           Selon moi, rien dans les motifs de l’agent et dans ceux de la Commission n’indique que la situation de Mme Dhillon n’a pas été prise en compte. L’agent a répondu aux observations qui lui ont été présentées et il a fait part des préoccupations qui ont justifié sa décision. Dans le même ordre d’idée, la SAI a examiné la preuve et a conclu que l’agent avait des motifs raisonnables et valides pour justifier son refus.

 

[23]           Il convient également de souligner, comme il a déjà été mentionné, que l’essentiel des observations de Mme Sidhu présentées à la SAI portait sur les possibles motifs d’ordre humanitaire justifiant la délivrance d’une ARC. Dans ce contexte, l’analyse faite par la SAI de la question soulevée avec moins de vigueur sur la validité en droit de la décision de l’agent était adéquate et suffisante.

 

VI.           La question no 3 – La conclusion de la SAI était-elle déraisonnable?

 

[24]           Mme Sidhu soutient que la SAI a commis une erreur en fondant sa décision sur la possibilité que Mme Dhillon dépende de l’aide sociale si elle revient au Canada. Elle avance que cela est impossible, car dans le cadre de son entente de parrainage, elle doit subvenir aux besoins de sa mère pendant dix ans. Si elle ne respecte pas cette entente, le ministre peut prendre les mesures prévues par la Loi pour la faire respecter. Selon elle, la SAI a tiré une conclusion déraisonnable en se fondant sur un facteur non pertinent.

 

[25]           L’agent des visas a soulevé la question du recours possible à l’aide sociale. La SAI ne l’a n’a pas soulevé cette question. La seule mention de l’aide sociale qui figure dans les motifs de la SAI a trait au séjour passé de Mme Dhillon au Canada, et elle est exacte quant aux faits. Selon mon interprétation, il s’agissait de l’un des nombreux facteurs qui ont incité la SAI a rejeté l’appel. Je ne vois aucune raison pour alléguer que, compte tenu de la preuve, la conclusion était déraisonnable.

 

VII.            Conclusion et dispositif

 

[26]           Je ne peux pas conclure que la SAI a commis une erreur de fait ou de droit. Je ne vois aucun fondement justifiant une conclusion selon laquelle la décision de la SAI était déraisonnable. À mon avis, sa décision appartenait aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Ainsi, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune des parties n’a proposé une question de portée générale à certifier et aucune n’est énoncée.

 


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.                  la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  aucune question de portée générale n’est énoncée.

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.

 

 

 

 


Annexe

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27

 

Interdiction de retour

 

52. (1) L’exécution de la mesure de renvoi emporte interdiction de revenir au Canada, sauf autorisation de l’agent ou dans les autres cas prévus par règlement.

 

Droit d’appel : visa

 

63. (1) Quiconque a déposé, conformément au règlement, une demande de parrainage au titre du regroupement familial peut interjeter appel du refus de délivrer le visa de résident permanent.


Fondement de l’appel

67. (1) Il est fait droit à l’appel sur preuve qu’au moment où il en est disposé :

a) la décision attaquée est erronée en droit, en fait ou en droit et en fait;

b) il y a eu manquement à un principe de justice naturelle;

c) sauf dans le cas de l’appel du ministre, il y a — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales.

Immigration and Refugee Protection Act, R.S.C. 2001, c. 27

 

No return without prescribed authorization

 

52. (1) If a removal order has been enforced, the foreign national shall not return to Canada, unless authorized by an officer or in other prescribed circumstances.

 

Right to appeal — visa refusal of family class

 

63. (1) A person who has filed in the prescribed manner an application to sponsor a foreign national as a member of the family class may appeal to the Immigration Appeal Division against a decision not to issue the foreign national a permanent resident visa.

 

Appeal allowed

 

67. (1) To allow an appeal, the Immigration Appeal Division must be satisfied that, at the time that the appeal is disposed of,

(a) the decision appealed is wrong in law or fact or mixed law and fact;

(b) a principle of natural justice has not been observed; or

(c) other than in the case of an appeal by the Minister, taking into account the best interests of a child directly affected by the decision, sufficient humanitarian and compassionate considerations warrant special relief in light of all the circumstances of the case.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-975-10

 

INTITULÉ :                                       SIDHU c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 19 octobre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 27 octobre 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Wennie Lee

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

Bridget A. O’Leary

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lee & Company

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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