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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20101027

Dossier : T-557-10

Référence : 2010 CF 1060

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 27 octobre 2010

En présence de monsieur le juge Hughes

 

 

ENTRE :

 

KENE DON IFEPE

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’un appel interjeté en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C-29, par la voie d’une demande, ainsi que le prescrit l’alinéa 300c) des Règles des Cours fédérales, relativement à une décision datée du 9 février 2010 par laquelle un juge de la citoyenneté a rejeté la demande de citoyenneté canadienne du demandeur, Kene Don Ifepe. Pour les motifs qui suivent, je rejetterai l’appel avec dépens en faveur du défendeur, d’un montant de 1 500 $.

[2]               Le demandeur est citoyen du Nigeria. Il a émigré au Canada, où il vit aujourd’hui. Son épouse et ses enfants sont citoyens canadiens. Au début des années 2000, il a suivi un certain nombre de cours en techniques de consultation et est devenu ministre ordonné d’une église appelée « Old and New Bible Holiness Church ». Il a fondé une église appelée « Believers Full Gospel Vineyard », il a publié une revue appelée Miles et il a pris part à des émissions religieuses télévisées. La majeure partie de ces activités ont eu lieu avant que le demandeur plaide coupable à une accusation de fraude. Il a été déclaré coupable le 3 novembre 2005 et a été condamné à une peine d’emprisonnement de 18 mois, à purger au sein de la collectivité. Une telle peine porte habituellement le nom d’« assignation à résidence ».

 

[3]               Le 12 septembre 2007, le demandeur a demandé la citoyenneté canadienne. Cette demande a été rejetée. La décision, datée du 9 février 2010, qui est visée par le présent appel établit, notamment, ce qui suit :

[traduction]

Le 26 janvier 2010, vous avez comparu devant moi en vue de l’audition de votre demande de citoyenneté canadienne. À ce moment, j’ai décidé de surseoir à ma décision. J’ai le regret de vous informer par la présente lettre que votre demande de citoyenneté canadienne est rejetée.

 

Selon la preuve versée au dossier et de votre propre aveu, vous avez été déclaré coupable le 3-11-2005 de l’acte criminel que constitue une tentative de fraude (conformément aux documents judiciaires et à la GRC). Comme cette déclaration de culpabilité est survenue au cours de la période de trois ans précédant la date de votre demande, il vous est interdit, comme le prévoit le paragraphe 22(2) de la Loi sur la citoyenneté, de recevoir la citoyenneté canadienne.

 

Il n’est pas opportun en l’espèce d’exercer le pouvoir discrétionnaire que prévoient les paragraphes 5(3) et (4) de la Loi sur la citoyenneté, car le paragraphe 22(2) prescrit expressément que, chaque fois, il s’applique : « Malgré les autres dispositions de la présente loi, mais sous réserve de la Loi sur le casier judiciaire, nul ne peut recevoir la citoyenneté au titre des paragraphes 5(1), (2) ou (4) ou 11(1) ni prêter le serment de citoyenneté s’il a été déclaré coupable d’une infraction prévue aux paragraphes 29(2) ou (3) ou d’un acte criminel prévu par une loi fédérale, autre qu’une infraction qualifiée de contravention en vertu de la Loi sur les contraventions :

 

a)      au cours des trois ans précédant la date de sa demande;

 

b)      entre la date de sa demande et celle prévue pour l’attribution de la citoyenneté ou la prestation du serment. » 

 

Conformément aux dispositions du paragraphe 14(3) de la Loi sur la citoyenneté, nous vous informons donc que, pour les motifs qui précèdent, votre demande de citoyenneté est rejetée. 

 

 

[4]               L’avocat du demandeur soulève essentiellement trois questions dans le cadre du présent appel :

1.      selon le dossier soumis au juge de la citoyenneté, le demandeur a-t-il été déclaré coupable d’un acte criminel de fraude de plus de 5 000 $?

2.      le temps d’« assignation à résidence » est-il soustrait du temps passé par ailleurs au Canada par le demandeur, de façon à ce qu'il ne puisse pas respecter la condition d’avoir été présent au moins trois (3) ans au Canada avant de présenter sa demande de citoyenneté?

3.      le juge de la citoyenneté a-t-il entravé le pouvoir discrétionnaire qui peut être exercé en vertu des paragraphes 5(3) et 5(4) de la Loi sur la citoyenneté, en se fondant sur le paragraphe 22(2) de cette Loi?

 

La question no 1 :       Selon le dossier soumis au juge de la citoyenneté, le demandeur a-t-il été déclaré coupable d’un acte criminel de fraude de plus de 5 000 $?

 

[5]               Aux termes du paragraphe 22(2) de la Loi sur la citoyenneté, nul ne peut recevoir la citoyenneté canadienne s’il a été déclaré coupable d’un acte criminel au cours des trois ans précédant la date de sa demande de citoyenneté :

 

Interdiction

(2) Malgré les autres dispositions de la présente loi, mais sous réserve de la Loi sur le casier judiciaire, nul ne peut recevoir la citoyenneté au titre des paragraphes 5(1), (2) ou (4) ou 11(1) ni prêter le serment de citoyenneté s’il a été déclaré coupable d’une infraction prévue aux paragraphes 29(2) ou (3) ou d’un acte criminel prévu par une loi fédérale, autre qu’une infraction qualifiée de contravention en vertu de la Loi sur les contraventions :

 

a) au cours des trois ans précédant la date de sa demande;

 

b) entre la date de sa demande et celle prévue pour l’attribution de la citoyenneté ou la prestation du serment.

 

Prohibition

(2) Despite anything in this Act, but subject to the Criminal Records Act, a person shall not be granted citizenship under subsection 5(1), (2) or (4) or 11(1) or take the oath of citizenship if,

 

(a) during the three year period immediately preceding the date of the person’s application, or

 

(b) during the period between the date of the person’s application and the date that the person would otherwise be granted citizenship or take the oath of citizenship,

 

the person has been convicted of an offence under subsection 29(2) or (3) or of an indictable offence under any Act of Parliament, other than an offence that is designated as a contravention under the Contraventions Act.

 

 

[6]               Par conséquent, indépendamment des autres questions soumises à la Cour, si le demandeur avait été déclaré coupable d’un acte criminel à un moment quelconque au cours des trois ans précédant le 12 septembre 2007, c’est-à-dire la date de sa demande de citoyenneté, il ne pouvait pas recevoir la citoyenneté canadienne. Il pourrait présenter une nouvelle demande à une date ultérieure, à la condition d’avoir un casier judiciaire vierge pendant les trois années précédentes.

 

[7]               Il est établi que le 3 novembre 2005, c’est-à-dire au cours de la période de trois ans précédant le 12 septembre 2007, le demandeur a plaidé coupable à une accusation de fraude et en a été déclaré coupable. La question consiste à savoir si la déclaration de culpabilité s’appliquait à un cas de fraude de plus ou de moins de 5 000 $? Si c’était plus, il s’agissait d’un acte criminel; si c’était moins, il s’agissait d’une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité. Selon la copie de l’ordonnance de sursis à l’emprisonnement qui a été versée dans le dossier, la déclaration de culpabilité s’appliquait à : [traduction] « Tentative de fraude de moins de ». Cela, soutient l’avocate du défendeur, était un lapsus ou une erreur. Il ressort d’un examen du dossier que le demandeur a plaidé coupable à une accusation (troisième chef), dont le texte est le suivant :

[traduction]

(3)                   et de plus que Kene IFEPE, entre le 19e jour d’octobre de l’année 2004 inclusivement et le 1er jour de novembre de l’année 2004, en la ville de Toronto, dans la région de Toronto, a tenté, par supercherie, mensonge ou autre moyen dolosif, de frustrer la Banque Scotia de 307 868,82 $, soit plus que 5 000 $, une infraction visée au Code criminel.

 

[8]               Le dossier de l'instance contient la mention suivante :

[traduction]

 

CHOIX LU

 

3e CHEF

2 JOURS DE DÉTENTION PRÉSENTENCIELLE

PEINE AVEC SURSIS

18 MOIS

AMENDE SUPPLÉMENTAIRE ANNULÉE

 

1er et 2e CHEFS

RETIRÉS À LA DEMANDE DU MINISTÈRE PUBLIC

 

[9]               Les dossiers d’information que la GRC a fournis au Bureau de la citoyenneté contiennent les renseignements suivants :

 

[traduction]

DATE AND PLACE OF DISPOSITION

DATE ET LIEU DE LA DISPOSITION

CHARGE - ACCUSATION

DISPOSITION

DATE, PLACE, CHARGE AND DISPOSITION

DATE, LIEU, ACCUSATION ET DISPOSITION

DISTRIBUTION

2005-11-03

TORONTO (ONT)

TENTATIVE DE FRAUDE PLUS DE 5 000 $

 

(SP TORONTO

012606-04)

ORDONNANCE DE SURSIS À L’EMPRISONNEMENT DE 18 MOIS ET (DÉTENTION PRÉSENTENCIELE DE DEUX JOURS)

 

2005-11-03

EMPLOI D’UN DOCUMENT CONTREFAIT

ART. 368 CC

(2 CHEFS)

-RETIRÉS

(SP TORONTO

012606-04)

 

2005-11-15

VOIES DE FAIT ART. 266 CC

- RETIRÉ ET ENGAGEMENT DE NE PAS TROUBLER L’ORDRE PUBLIC DE 500 $ POUR UN AN

(SP TORONTO 012606-04)

 

COUR DE LA CITOYENNETÉ CANADIENNE ETOBICOKE, (ONT)

(CIVIL 2008-06-06)

 

 

[10]           Le dossier contient également une série de courriels reflétant des discussions entre divers agents d’Immigration Canada au sujet de la question de savoir si la déclaration de culpabilité s’appliquait à un cas de fraude de plus ou de moins de 5 000 $.

 

[11]           L’avocat du demandeur soutient que le seul document pertinent est la copie de l’ordonnance de sursis à l’emprisonnement, qui établit que la déclaration de culpabilité s’applique à une fraude de moins de 5 000 $. L’avocate du défendeur allègue qu’il s’agit là d’une erreur et, quand on lit le dossier, y compris le chef auquel le demandeur a plaidé coupable, il est évident que la déclaration de culpabilité s’appliquait à un montant de plus de 5 000 $.

 

[12]           Dans sa décision, le juge de la citoyenneté a écrit que le demandeur avait comparu devant lui à l’audience et que, non seulement d’après la preuve figurant au dossier mais aussi [traduction] « de [son] propre aveu », le demandeur a été déclaré coupable d’une fraude de plus de 5 000 $. Le dossier ne fait pas état d’un tel aveu, mais dans les notes qu’il a prises à l’audience, le juge de la citoyenneté écrit, notamment, ce qui suit :

[traduction]

problème – le demandeur s’est conformé à l’exigence relative à la résidence MAIS déclaration de culpabilité au criminel – acte criminel – peine à purger à domicile – pas d’emprisonnement… 

 

 

[13]           Le demandeur a joint dans le dossier qui m’a été soumis un bref affidavit, qui atteste simplement l’authenticité des copies de documents provenant du dossier du tribunal. Le demandeur ne traite d’aucune manière de l’énoncé figurant dans la décision en litige selon lequel il a admis avoir été déclaré coupable d’un acte criminel.

 

[14]           Vu l’état du dossier, il est des plus probables que la copie de l’ordonnance de sursis à l’emprisonnement affirme par erreur que la déclaration de culpabilité s’appliquait à un cas de fraude de moins 5 000 $, et qu’elle aurait dû dire qu’il s’agissait d’un cas de fraude de plus de 5 000 $, donc d’un acte criminel. Étant donné que le juge de la citoyenneté a mentionné dans sa décision que le demandeur a admis que l’infraction était un acte criminel et que, dans l’appel dont j’ai été saisi, le demandeur n’a pas contesté cette déclaration, je conclus que la décision par laquelle le juge de la citoyenneté a rejeté la demande de citoyenneté par suite de la perpétration d’un acte criminel dans les trois ans précédant la date de la demande, est correcte.

 

[15]           Comme il convient de rejeter l’appel pour ce seul motif, il n’est nul besoin d’examiner les autres motifs invoqués en l’espèce.

 

[16]           Quant aux dépens, l’avocate du défendeur a suggéré la somme de 1 500 $; je trouve cette somme appropriée et je rendrai une ordonnance à cet effet.


 

JUGEMENT

Pour les motifs exposés :

 

LA COUR ORDONNE :

1.         l’appel est rejeté;

2.         le défendeur a droit à des dépens de 1 500 $, que le demandeur lui paiera.

 

« Roger T. Hughes »

Juge

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-557-10

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :            KENE DON IFEPE c.

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 26 OCTOBRE 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE HUGHES

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 27 OCTOBRE 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Yehuda Levinson

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Prathima Prashad

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Yehuda Levinson

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

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