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Date : 20101022

Dossier : T-32-10

Référence : 2010 CF 1040

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE , NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 22 octobre 2010

En présence de monsieur le juge Phelan

 

 

ENTRE :

MICHAEL AARON SPIDEL

demandeur

et

 

CANADA (PROCUREUR GÉNÉRAL)

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               Le demandeur, qui n'est pas représenté par un avocat, purge une peine d’emprisonnement à perpétuité au sein de l’établissement Ferndale (l’Établissement), à Mission (Colombie-Britannique). Il sollicite le contrôle judiciaire d’une décision datée du 16 décembre 2009, qui a été rendue au troisième palier de la procédure de règlement des griefs.

 

II.         LE CONTEXTE

[2]               Avant le grief dont il est question en l’espèce, le demandeur en a déposé 17 autres portant sur un certain nombre de sujets différents. Des prorogations du délai dans lequel répondre ont été appliquées dans le cadre de la procédure de règlement des griefs au motif que le nombre des plaintes et la complexité des questions soulevées nécessitaient un temps supplémentaire pour fournir une réponse appropriée.

 

[3]               Le demandeur a ensuite déposé un grief au troisième palier, décrit comme suit :

[traduction] Le présent grief concerne plusieurs retards de longue durée que j’ai subis en rapport avec les réponses relatives au deuxième palier.

 

 

Le corps du grief expose plus en détail le retard subi dans le processus de règlement des griefs et précise que certains des griefs au deuxième palier n’ont pas été désignés comme une [traduction] « priorité élevée ».

 

[4]               La décision rendue au troisième palier (la décision) a rejeté le grief dans une large mesure, mais a tout de même conclu qu’il y avait eu un retard - de deux jours - dans la réponse à un grief en particulier.

 

[5]               L’avis de demande de contrôle judiciaire n’expose pas de manière précise l’objet du contrôle et ne fait que énumérer les motifs mentionnés aux alinéas a), b), d) et e) de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales. Il est clair toutefois que la contestation visait la décision.

 

[6]               Lors du dépôt de documents dans le cadre du présent contrôle judiciaire, le demandeur a ajouté une abondante quantité de preuves qui n’avaient pas été soumises à la personne chargée de se prononcer sur le grief au troisième palier, dont des affidavits de différentes personnes se plaignant de retards dans le traitement de leurs propres griefs, ainsi que des articles et d’autres informations, dont des rapports annuels du Bureau de l’enquêteur correctionnel.

 

Le défendeur s’oppose avec raison au dépôt de documents qui n’ont pas été soumis à la personne chargée de rendre la décision.

 

[7]               À l’audition du contrôle judiciaire, il a semblé que la plainte du demandeur comportait trois volets : que l’Établissement s'était servi de lettres types pour faire savoir que le temps prévu pour répondre à un grief serait prorogé, que les prorogations appliquées étaient injustifiées et que l’Établissement s'était livré à une pratique systémique de recours à des prorogations de délai injustifiées, conçue pour contrecarrer le processus de règlement des griefs.

 

[8]               Les questions soumises à la Cour sont les suivantes :

a)         si le commissaire a commis une erreur susceptible de contrôle en rendant la décision;

b)         si la contestation de la procédure de règlement des griefs du SCC, relativement aux prorogations de délai, s’inscrit bel et bien dans le cadre de la présente demande;

c)         dans l’affirmative, si le demandeur a droit à la réparation qu’il sollicite.

 

[9]               Au lieu de traiter en premier lieu de l’opposition aux éléments de preuve additionnels, la Cour a entendu la preuve du demandeur et la réponse complète.

 

III.       ANALYSE

A.        La décision contestée

[10]           En ce qui concerne la décision, la norme de contrôle, ainsi qu’il est dit dans la décision Johnson c. Canada (Procureur général), 2008 CF 1357, est la raisonnabilité car les questions sont essentiellement des questions de fait et des questions mixtes de droit et de fait.

 

[11]           Le demandeur sollicite un jugement déclaratoire portant que la procédure de règlement des griefs en vigueur n’est pas un substitut approprié du contrôle judiciaire. Cela soulève des questions de justice naturelle et d’équité procédurale auxquelles, si elles sont pertinentes, la décision correcte s'appliquera comme norme de contrôle (Bonamy c. Canada (Procureur général), 2010 CF 153).

 

[12]           En ce qui concerne la décision, le demandeur a fait savoir à l’audience que ce n’était pas la décision qu’il contestait, mais le système; cependant, son avis de demande vise la décision et affirme que cette dernière est erronée.

 

[13]           Le demandeur a omis de dire en quoi exactement la décision serait erronée. À part le fait de soutenir que le processus de règlement des griefs est systématiquement vicié et que l’Établissement prend des libertés avec le traitement des griefs, le demandeur n’a fait état d’aucune preuve dénotant que les prorogations de délai dont le commissaire s’est prévalu au motif du nombre des plaintes et de leur complexité sont injustifiées.

 

[14]           Pour ce seul motif, il conviendra de rejeter la présente demande. Le contrôle judiciaire d’une décision n’est pas une attaque en règle contre le moindre aspect du fonctionnement du régime de règlement des griefs en milieu carcéral, sans qu'il soit nécessaire de préciser d’une certaine façon les faits particulier de l’affaire.

 

B.         La procédure de règlement des griefs

[15]           Le demandeur a présenté de nombreux éléments de preuve au soutien de son allégation selon laquelle la procédure interne de règlement des griefs du SCC est inadéquate. Les éléments de preuve additionnels étaient également conçus pour combler les lacunes que le juge Mainville a relevées dans la décision Bonamy et, à proprement parler, pour « lancer » le présent contrôle judiciaire en produisant des éléments de preuve qui n’avaient pas été produits dans l’affaire Bonamy. La démarche du demandeur présente un problème : tout cela a été fait après le prononcé de la décision.

 

[16]           Même s’il doit y avoir en général un contrôle judiciaire distinct à l’égard de chaque décision, il est possible de présenter une demande de contrôle judiciaire à l’égard d’une [traduction] « même série d’actes » ou d’une [traduction] « affaire ».

 

[17]           La difficulté que pose la position du demandeur à propos du caractère inadéquat de la procédure de règlement des griefs est qu’il n’existe aucune preuve que ce soit le cas en l’espèce. En fait, la procédure interne de règlement des griefs a semblé fonctionner de manière adéquate et raisonnable. La seule déficience dans cette procédure est le retard de deux jours dont l’Établissement a traité.

 

[18]           Au dire du demandeur, sa plainte ne concerne pas seulement le fait que des prorogations de délai ont été appliquées, ou que l’on a tardé à fournir les avis de prorogation de délai, mais plutôt qu’il n’était pas justifié de proroger les délais. Cependant, il n’existe en l’espèce aucune preuve que les prorogations appliquées à l’égard des griefs du demandeur étaient injustifiées. Dans une large mesure, le demandeur tente de faire valoir, pour son propre compte et celui d’autres détenus et dans un contexte où ni la décision ni le traitement de ses propres griefs ne sont déficients, que l’on utilise de manière abusive tout le processus de prorogation.

 

[19]           La présente affaire ne se prête pas à une analyse par la Cour du caractère adéquat du processus de règlement des griefs en général. Le demandeur semble souhaiter que la Cour se lance dans un examen des lacunes du système. Cependant, le dossier ne permettrait pas de le faire, même si la Cour était encline à le faire.

 

[20]           À défaut du fait que le commissaire traite une plainte qui englobe les questions que le demandeur souhaiterait voir la Cour trancher, cette dernière n’a pas à se lancer dans ce genre de contrôle sans que l’Établissement se soit prononcé sur ces questions.

 

C.        Les recours

[21]           Étant donné que le demandeur n’est pas parvenu à établir que la décision est déficiente sur le plan juridique et que la Cour n’est pas disposée à se lancer dans un contrôle de problèmes de nature systémique, les réparations demandées sont théoriques, même en supposant qu'elles soient disponibles – ce qui est fort douteux.

 

IV.       CONCLUSION

[22]           La présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

[23]           Le défendeur a demandé les dépens dans la présente affaire et, comme le demandeur n’est pas parvenu à traiter de la décision même qui était contestée, la Cour est disposée à adjuger au défendeur des dépens d’un montant de 2 500 $ plus les débours.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens en faveur du défendeur, d’un montant de 2 500 $ plus les débours.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-32-10

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :            MICHAEL AARON SPIDEL

 

                                                            c.

 

                                                            CANADA (PROCUREUR GÉNÉRAL)

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

                                                            (PAR VIDÉOCONFÉRENCE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 20 OCTOBRE 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 22 OCTOBRE 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Michael Aaron Spidel

 

POUR LE DEMANDEUR

Sarah Stanton

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

LE DEMANDEUR

 

 

POUR SON PROPRE COMPTE

MYLES J. KIRVAN

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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