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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20101022

Dossier : IMM-368-10

Référence : 2010 CF 1034

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 22 octobre 2010

En présence de monsieur le juge O'Reilly

 

 

ENTRE :

LORENZO TOUSSAINT

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.        Aperçu

 

[1]               En 2001, M. Lorenzo Toussaint a été témoin de l’assassinat de son oncle à

Saint-Vincent-et-les-Grenadines. À la suite de son témoignage au procès, il a été agressé par des membres de la famille de l’auteur du crime. Il a déménagé dans un village voisin afin de les éviter. En 2007, il a été approché par des membres d’un gang qui lui ont demandé de se joindre à eux. Lorsqu’il a refusé, ils l’ont agressé. M. Toussaint, alors âgé de 15 ans, a fui vers le Canada et a demandé l’asile.

 

[2]               Un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut du réfugié a estimé que M. Toussaint était un témoin crédible, mais a rejeté sa demande parce qu’il n’avait pas réussi à réfuter la présomption selon laquelle il pouvait se réclamer de la protection de l’État à

Saint-Vincent-et-les-Grenadines. M. Toussaint soutient que la Commission a commis une erreur lors de son analyse de la protection de l’État et me demande d’ordonner la tenue d’une nouvelle audience devant un autre tribunal.

 

[3]               J’estime que la conclusion de la Commission quant à la protection de l’État était raisonnable et je dois donc rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[4]               La seule question porte sur le caractère raisonnable de la conclusion de la Commission quant à la protection de l’État.

 

II.     Le contexte

 

[5]               Lorsque M. Toussaint s’est fait agresser pour avoir témoigné au procès du meurtrier de son oncle, sa mère n’a pas contacté la police. M. Toussaint a expliqué que sa famille craignait de le faire. Lorsqu’il s’est fait attaquer à nouveau, cette fois par les membres d’un gang, personne n’a alerté la police.

 

[6]               M. Toussaint a déclaré qu’il craint de retourner chez lui puisque la personne responsable du meurtre de son oncle est sortie de prison. Il a concédé qu’il communiquerait avec la police s’il se sentait menacé, mais il estimait qu’elle ne serait pas en mesure de l’aider en raison de ses ressources limitées.

 

[7]               Selon la Commission, la police et l’État ont réagi de façon appropriée au meurtre de l’oncle de M. Toussaint en enquêtant sur le crime, en poursuivant l’auteur du crime, en le déclarant coupable et en lui imposant une peine de l’auteur du crime. Compte tenu de cette réponse, la Commission a conclu que M. Toussaint n’a avancé aucun motif valide de ne pas avoir sollicité la protection de l’État au moment où il en avait besoin.

 

[8]               La Commission reconnaît qu’il y a des problèmes dans l’administration du système de justice pénale à Saint-Vincent-et-les-Grenadines, y compris l’utilisation de la force excessive et l’abus de pouvoir. Cependant, la preuve documentaire démontre que l’État a répondu à ces problèmes grâce à divers mécanismes de surveillance policière et diverses initiatives axées sur la réduction des crimes violents. Même si les ressources de la police sont insuffisantes dans la ville natale de M. Toussaint, cela n’équivaut pas à une absence de protection de l’État.

 

[9]               En résumé, la Commission a conclu que M. Toussaint n’a pas fourni une preuve claire et convaincante qu’il serait incapable d’obtenir la protection de l’État à son retour. Par conséquent, sa crainte de persécution n’est pas bien fondée.

 

 

 

 

III.   La conclusion de la Commission est-elle déraisonnable?

 

[10]           M. Toussaint soutient que la Commission a omis de tenir compte du fait qu’il était mineur au moment où il a eu des difficultés à Saint-Vincent-et-les-Grenadines. La Commission n’aurait pas dû l’apprécier en fonction de la norme applicable à un adulte. En outre, M. Toussaint allègue que la Commission n’a examiné que sa demande présentée en vertu de l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés L.C. 2001, ch. 27, et a omis d’analyser son droit à la protection prévu à l’article 97 (voir les dispositions législatives à l’annexe A).

 

[11]           À mon avis, la Commission n’a pas appliqué à M. Toussaint une norme applicable à un adulte. La Commission a examiné ce qu’il aurait été raisonnable que les membres de la famille de M. Toussaint fassent en matière de sollicitation de protection de l’État, et non ce qu’il aurait été raisonnable qu’un jeune garçon fasse. Cependant, la Commission a souligné le fait que M. Toussaint est maintenant âgé de 18 ans et devrait, à l’avenir, être assujetti à la norme applicable à un adulte.

 

[12]           Puisque la conclusion de la Commission selon laquelle M. Toussaint n’a pas réfuté la présomption de la protection de l’État, il n’était pas nécessaire d’évaluer sa demande présentée en vertu de l’article 97 séparément de sa demande présentée en vertu de l’article 96.

 

[13]           Selon moi, la Commission a fait une lecture objective des éléments de preuve relatifs à la protection de l’État. Sa conclusion, selon laquelle M. Toussaint n’a pas réussi à démontrer qu’il serait exposé à un risque sérieux de persécution à son retour à Saint-Vincent-et-les-Grenadines, était raisonnable.

 

IV.  Conclusion et dispositif

 

[14]           Compte tenu de la preuve dont elle disposait, j’estime que la conclusion de la Commission selon laquelle M. Toussaint n’avait pas réussi à démontrer que sa crainte de persécution était fondée en raison de l’existence de la protection de l’État appartient aux issues possibles, acceptables et elle est donc raisonnable. Aucune des parties ne m’a proposé une question de portée générale à certifier et aucune ne sera énoncée.


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Aucune question de portée générale à certifier.

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.
Annexe

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch. 27

 

Définition de « réfugié »

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

Personne à protéger

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

Personne à protéger

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

 

Immigration and Refugee Protection Act, SC 2001, c 27

 

Convention refugee

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.


Person in need of protection

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.




Person in need of protection

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

 

 

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-368-10

 

INTITULÉ :                                       TOUSSAINT c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 13 octobre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 22 octobre 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Dariusz Wroblewski

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Monmi Gozwami

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Dariusz Wroblewski

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

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