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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20101019

Dossier : IMM-6129-09

Référence : 2010 CF 1020

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 19 octobre 2010

En présence de monsieur le juge Mandamin

 

 

ENTRE :

FANG HUI LIN

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]          Le demandeur, un citoyen de la République populaire de Chine, demande le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 3 novembre 2009 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, par laquelle celle-ci a rejeté sa demande d’asile.

 

[2]          Pour les motifs qui suivent, j’ai conclu que la présente demande de contrôle judiciaire devait être rejetée.

 

Le contexte

 

[3]               Le demandeur affirme que, en mai 2007, les autorités chinoises l’ont avisé qu’il serait exproprié et qu’il devait quitter sa maison dans les trois mois. Le demandeur estimait que l’indemnité offerte pour sa maison n’était pas équitable compte tenu du travail qu’il avait consacré à sa maison.   

 

[4]               En août 2007, des représentants du gouvernement ont visité les maisons du village afin d’effectuer une inspection et ils ont avisé le demandeur et les autres villageois qu’ils seraient chassés de leur domicile s’ils ne quittaient pas avant le 11 septembre 2007. 

 

[5]               Le 11 septembre 2007, les villageois ont fait obstacle aux représentants du gouvernement et aux travailleurs qui étaient venus pour raser les maisons. Lorsque des représentants du Bureau de la sécurité publique (BSP) sont arrivés pour disperser les villageois, le demandeur s’est enfui et s’est réfugié dans la maison de sa tante. Il a par la suite appris que six villageois avaient été arrêtés et que, depuis, le BSP se rendait visite à sa famille deux fois par semaine dans l’espoir de le trouver.

 

[6]               Le demandeur a quitté la Chine et a présenté une demande d’asile au Canada le 16 octobre 2007.

 

La décision faisant l’objet du présent contrôle

 

[7]               Dans sa décision du 3 novembre 2009, le commissaire de la Section de la protection des réfugiés (SPR) a conclu que le demandeur n’était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.

 

[8]               La SPR avait des doutes quant à la crédibilité du demandeur en raison des contradictions figurant dans son témoignage, notamment sur les questions suivantes : le demandeur avait-il demeuré dans la maison expropriée? Si oui, à quel moment? Comment a-t-il appris que les autres villageois avaient été arrêtés? Le demandeur a-t-il dû signer l’entente d’indemnité? Les représentants du gouvernement ont-ils causé des ennuis à ses parents? À combien de reprises le BSP a-t-il rendu visite à sa famille?

 

[9]               En raison de ces contradictions, la SPR a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que le témoignage du demandeur concernant la persistance du BSP n’était ni vraisemblable ni crédible. La SPR a donc conclu que le BSP ne recherchait pas le demandeur tel qu’allégué et qu’il n’y avait pas de possibilité sérieuse que le demandeur soit persécuté en Chine ou qu’il soit personnellement exposé à une menace à sa vie ou au risque de traitement ou peines cruels et inusités, ou au risque d’être soumis à la torture.

 

 

Les dispositions législatives pertinentes

 

[10]           Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR).

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country[…]

 

 

 

La norme de contrôle

 

[11]           La norme de contrôle applicable aux questions mixtes de fait et de droit est la norme de la décision raisonnable, tel qu’énoncé dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47 :  

 

Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

 

 

Analyse

 

[12]           Le demandeur soutient que la question de la résidence du demandeur n’était pas pertinente et que la Commission a commis une erreur en fondant sa conclusion défavorable quant à sa crédibilité sur cette contradiction. Puisque la Commission a reconnu qu’il a été exproprié, le demandeur affirme que la question de son lieu de résidence n’est pas pertinente.

 

[13]           Le demandeur prétend également que la Commission a mal interprété la preuve concernant la façon dont il avait appris que d’autres villageois avaient été arrêtés. Il prétend que la Commission n’a pas expliqué pourquoi elle avait estimé déraisonnable son explication voulant que lorsqu’on bat des gens et qu’on les immobilise au sol, ce soit dans le but de les arrêter.

 

[14]           Le demandeur soutient que la Commission a apprécié le témoignage du demandeur concernant l’entente d’indemnité hors de son contexte. Selon le demandeur, son refus de signer l’entente aurait pu être un moyen de l’identifier à titre de personne impliquée, mais que ce n’était pas la principale raison pour laquelle les autorités s’intéressaient à lui. Les autorités s’intéressaient plutôt au demandeur parce qu’il s’était opposé à elles et avait organisé une manifestation contre elles.

 

[15]           Le demandeur soutient en outre qu’il a mentionné dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP) que les autorités avaient causé des ennuis à sa famille, et que le fait d’omettre de mentionner l’incident relatif à sa maison dans son FRP ne constituait pas une omission importante.

 

[16]           Enfin, le demandeur prétend que la Commission a mal interprété la preuve concernant la fréquence des visites du BSP au domicile de sa famille. Le demandeur souligne qu’il avait produit des éléments de preuve démontrant qu’il a joué un rôle plus important dans la manifestation que le rôle limité que la SPR lui avait attribué. En outre, la SPR n’a pas demandé au demandeur pourquoi le BSP faisait des visites fréquentes à la résidence de sa famille ou pourquoi le BSP s’intéressait tant à lui.

 

[17]           Il est possible que la SPR rende des décisions au sujet de la crédibilité d’un demandeur en se fondant sur les contradictions figurant dans le récit du demandeur ainsi que sur les contradictions entre le récit du demandeur et d’autres éléments de preuve soumis à la SPR. La Cour ne doit pas substituer sa propre décision à celle du tribunal, notamment lorsque la décision repose sur une évaluation de la crédibilité : Ankrah c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 385 (C.F. 1re inst.)

 

[18]           Bien que le demandeur soutienne que la question de sa résidence n’aurait pas dû être un facteur à prendre en compte, il était loisible à la SPR de conclure qu’il s’agissait d’une contradiction qui minait la crédibilité du demandeur. Cela vaut aussi pour les autres conclusions de la SPR relatives aux contradictions, comme la manière selon laquelle le demandeur a appris que d’autres villageois avaient été arrêtés. De même, bien que, selon le demandeur, le fait de ne pas avoir mentionné dans son FRP l’entente d’indemnité ainsi qu’un incident où le BSP a causé des ennuis à sa famille ne constituât pas une omission importante, il était loisible à la SPR de conclure autrement.

 

[19]           Je conclus que la décision appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. La SPR a formulé des motifs détaillés expliquant pourquoi, en raison de préoccupations à l’égard de la crédibilité, elle a conclu que le demandeur n’était pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.

 

[20]           Il incombe au demandeur de prouver que les inférences tirées par la SPR ne sont pas raisonnables : Aguebor c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993], 160 N.R. 315 (C.A.F.), au paragraphe 4. Je conclus que le demandeur ne s’est pas acquitté de ce fardeau. Je rejette donc la présente demande de contrôle judiciaire.

 

 

Conclusion

 

[21]           La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[22]           Les parties n’ont pas proposé de question de portée générale à certifier et je n’en certifie aucune.

 

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Je ne certifie aucune question de portée générale.

 

 

« Leonard S. Mandamin »

Juge

 

 

                                   

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.                                           


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6129-09

 

 

INTITULÉ :                                       FANG HUI LIN c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 21 JUILLET 2010

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET

JUGEMENT :                                    LE JUGE MANDAMIN

 

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       LE 19 OCTOBRE 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Mme Elyse Korman

 

POUR LE DEMANDEUR

M. Michael Butterfield

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Otis & Korman

Avocats

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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