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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20101013

Dossier : T‑239‑09

Référence : 2010 CF 1008

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

 

ENTRE :

L’OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA

demandeur

et

 

EDDY MORTEN, AIR CANADA et

LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

 

défendeurs

 

Dossier : T‑281‑09

 

 

ET ENTRE :

 

AIR CANADA

 

demanderesse

 

et

 

EDDY MORTEN et

LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

 

défendeurs

 

 


MOTIFS DU JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie de deux demandes de contrôle judiciaire de la décision rendue le 26 janvier 2009 par le Tribunal canadien des droits de la personne (le Tribunal) sur une plainte déposée par Eddy Morten contre Air Canada. La Cour les a instruites ensemble. La demande correspondant au dossier de la Cour T‑281‑09 a été déposée par Air Canada; elle y excipe de l’incompétence du Tribunal et y conteste sa décision au fond. M. Morten et la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) sont les défendeurs à cette première demande. La seconde demande, correspondant au dossier de la Cour T‑239‑09, a été déposée par l’Office des transports du Canada (l’Office), qui y conteste seulement la compétence du Tribunal. Les défendeurs à cette seconde demande sont M. Morten, Air Canada et la Commission.

 

[2]               Air Canada demande la cassation de la décision du Tribunal et le renvoi de l’affaire à celui‑ci afin qu’il statue sur elle, dans la même formation ou dans une autre, conformément aux motifs de notre Cour.

 

[3]               L’Office demande l’invalidation de la décision du Tribunal ou, subsidiairement, son annulation et le renvoi de l’affaire à ce dernier afin qu’il statue sur elle, dans une formation différente, conformément aux directives que la Cour jugera bon de lui donner.

 

Le contexte

 

[4]               Le défendeur, Eddy Morten, souffre du syndrome d’Usher. Profondément sourd, il est aussi aveugle de l’œil gauche et ne voit que très peu du droit.

 

[5]               Le 19 août 2004, un mandataire de la défenderesse Air Canada a informé l’agent de voyages de M. Morten que celui‑ci ne pourrait prendre l’avion seul et aurait besoin d’un accompagnateur. Cette décision avait été confirmée par le Meda Desk d’Air Canada. M. Morten n’a pas fait l’objet d’une évaluation individuelle de son autonomie. 

 

[6]               Au Canada, les tarifs publiés par un transporteur aérien autorisé spécifient ses taux, prix, frais et autres conditions de transport. Selon le tarif applicable d’Air Canada concernant les conditions de transport des personnes ayant une déficience, est dite « autonome » la personne indépendante, capable de subvenir à ses besoins pendant un vol, ou en cas d’évacuation d’urgence ou de dépressurisation rapide de la cabine, et dont l’état n’exige pas de soins spéciaux ou inhabituels à part l’aide à l’embarquement ou au débarquement.

 

[7]               Le 1er février 2005, M. Morten a déposé devant l’Office, sous le régime de la partie V de la Loi sur les transports au Canada, L.C. 1996, ch. 10 (la LTC), une plainte selon laquelle l’exigence d’Air Canada qu’il voyage avec un accompagnateur constituait un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement.

 

[8]               Après avoir reçu la preuve, l’Office a rendu la décision 435‑AT‑A‑2005 (la décision de l’Office), où il concluait que, si la condition imposée à M. Morten constituait un obstacle à ses possibilités de déplacement, ce n’était pas un obstacle abusif, cette condition reposant sur des motifs de sécurité. En conséquence, l’Office n’a pas donné suite à la plainte.

 

[9]               Le 19 septembre 2005, M. Morten a déposé devant la Commission, relativement aux mêmes faits, une plainte où il soutenait qu’Air Canada avait enfreint l’article 5 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H‑6 (la LCDP). La Commission a saisi le Tribunal de cette plainte le 23 février 2007.

 

[10]           Le 7 août 2007, Air Canada a déposé devant le Tribunal une requête tendant à obtenir la suspension permanente de l’instruction de la plainte de M. Morten au motif de la préclusion pour même question en litige ou, subsidiairement, au motif que cette plainte constituait un abus de procédure ou une contestation parallèle, étant donné la décision antérieure de l’Office.

 

[11]           Le Tribunal a rejeté cette requête par décision préalable en date du 25 octobre 2007 (2007 TCDP 48, [2007] C.H.R.D. no 49). Il a reconnu que le critère appliqué par l’Office pour établir s’il y a « obstacle abusif » aux possibilités de déplacement sous le régime de la LTC est le même que le critère applicable par lui-même à la question de la « contrainte excessive ». Cependant, il a conclu qu’Air Canada invoquait à tort la préclusion pour même question en litige, l’une des conditions d’application de cette règle, à savoir que les parties ou les coïntéressés soient les mêmes dans les deux procédures, n’étant pas remplie. En effet, la Commission, qui était partie devant le Tribunal, ne l’avait pas été devant l’Office. Or l’article 51 de la LCDP dispose sans ambiguïté que la Commission, lorsqu’elle comparaît à une audience, représente l’intérêt public et non le plaignant.  

 

[12]           Le Tribunal était aussi d’avis que la tenue de son audience ne constituait pas un abus de procédure. Le fait que la Commission ait été absente de l’audience de l’Office et n’y ait donc pas exprimé son point de vue était l’un des facteurs qui militaient contre une conclusion d’abus de procédure. Un deuxième facteur était que l’Office, selon le Tribunal, n’avait pas examiné valablement la plainte de M. Morten en violation des droits de la personne. Le Tribunal s’est exprimé sur cette question dans les termes suivants aux paragraphes 27 et 28 de sa décision :

27     Deuxièmement, il ressort clairement de la décision de l’Office que son analyse de la plainte de M. Morten est loin de satisfaire aux exigences énoncées dans Via Rail. La plainte de M. Morten au sujet des services, présentée en vertu de l’article 5 de la LCDP, est actuelle et attaque une politique d’Air Canada qui est toujours en place.

 

28     Il serait injuste de priver M. Morten et la CCDP de l’occasion d’imposer à Air Canada le fardeau de prouver son argument selon lequel répondre aux besoins de M. Morten ou de personnes qui ont des besoins semblables causerait à la compagnie une contrainte excessive au sens de la LCDP.

 

[13]           Le Tribunal a aussi rejeté l’argument que la plainte portée devant lui constituait une contestation parallèle de la décision de l’Office.

 

[14]           L’audience en question du Tribunal a été tenue à Vancouver en mars et avril 2008 et a duré trois jours.

 

La décision du Tribunal

 

[15]           Le Tribunal a rendu sa décision (Eddy Morten c. Air Canada, 2009 TCDP 3, [2009] C.H.R.D. no 3, ci‑après désignée la décision) le 26 janvier 2009. Il y concluait qu’Air Canada avait commis à l’endroit de M. Morten un acte discriminatoire fondé sur sa déficience. Air Canada avait en fait admis le caractère irrégulier de la procédure qu’elle avait suivie dans le cas de M. Morten. Ce sont les mesures correctives prononcées par le Tribunal qui, selon l’Office et Air Canada, outrepassent sa compétence.

 

[16]           Le Tribunal a examiné les déficiences de M. Morten et son style de vie actif avant d’analyser les événements ayant donné lieu à la plainte.

 

[17]           M. Morten a fait sa réservation le 12 août 2004. Le 17 du même mois, son agent de voyages a informé l’agent des réservations que M. Morten était sourd et aveugle et souhaitait voyager seul. Le surlendemain 19 août, un agent des réservations a répondu à l’agent de voyages que ce n’était pas possible et que M. Morten aurait besoin d’un accompagnateur pour voyager à tarif réduit. Cette décision avait été confirmée par le Meda Desk d’Air Canada, subdivision du service des réservations chargée d’examiner les besoins spéciaux des passagers éventuels qui sont susceptibles d’influer sur leur capacité à voyager par avion.

 

[18]           Le personnel du Meda Desk n’a pas de formation médicale. Ce sont les services de santé au travail (les SST) d’Air Canada, dont le personnel se compose de professionnels de la santé, qui examinent les renseignements médicaux fournis par les passagers éventuels ou leurs dispensateurs de soins médicaux et établissent s’ils peuvent voyager avec Air Canada, avec ou sans conditions. Les SST d’Air Canada essaient de se montrer conciliants en cas de différences entre leur évaluation et celle du dispensateur de soins médicaux du client éventuel, mais la décision finale leur appartient.

 

[19]           Dans le cas de M. Morten, le Meda Desk a simplement informé l’agent de voyages que la politique d’Air Canada, exposée dans un document intitulé « CIC 57/8 », exigeait que les personnes à la fois sourdes et aveugles voyageant avec un accompagnateur. C’était là une erreur, puisque le document CIC 57/8 ne formule pas une telle règle générale, pas plus qu’il ne prévoit de critères pour établir si une personne sourde et aveugle doit avoir un accompagnateur. Air Canada a admis qu’une erreur avait été commise : on aurait dû porter la réservation à l’attention des SST pour qu’ils procèdent à une évaluation individuelle.

[20]           Le Tribunal a conclu, et Air Canada a concédé, que M. Morten avait établi une preuve prima facie (paragraphe 56 de la décision). Air Canada avait dans ce cas subordonné la fourniture de ses services à la condition générale selon laquelle les passagers à la fois sourds et aveugles devaient voyager avec un accompagnateur. Or cette condition n’était pas imposée aux autres passagers, exempts de déficiences ou atteints d’autres déficiences. Cette norme portait atteinte à la liberté de déplacement de M. Morten et faisait augmenter ses frais.

 

[21]           Une fois établie la preuve prima facie, il incombait à Air Canada de démontrer que le fait de permettre à M. Morten de voyager sans accompagnateur comme il le demandait aurait constitué pour elle une contrainte excessive en matière de coûts, de santé et de sécurité (c’est‑à‑dire qu’elle avait un motif justifiable de rejeter sa demande). Une condition générale de cette nature crée une catégorie arbitraire de personnes à la fois sourdes et aveugles, sans prendre en compte la possibilité de degrés différents de déficience visuelle et auditive. Le Tribunal a conclu que, comme Air Canada avait reconnu que l’évaluation individuelle est la procédure à suivre pour de nombreux passagers ayant une déficience, la norme appliquée à M. Morten n’avait pas de motif justifiable (paragraphes 61 à 65 de la décision). 

 

[22]           Après avoir examiné des éléments de preuve de plusieurs sources sur les questions de sécurité liées aux personnes sourdes et aveugles, le Tribunal a ordonné à Air Canada d’adopter officiellement une politique relative à l’accompagnement des personnes ayant des déficiences visuelle et auditive, de manière à éviter à l’avenir tout malentendu tel que celui dont M. Morten avait été victime. Air Canada devait donner à cette politique la forme officielle d’un document juridique en modifiant le tarif applicable (paragraphe 180). 

 

[23]           Le Tribunal a rejeté l’argument d’Air Canada selon lequel ses tarifs et leur modification relevaient de l’Office et a conclu que la LTC ne paraît pas exiger l’approbation préalable des tarifs par ce dernier (paragraphe 183).

 

[24]           Air Canada a soutenu que le fait d’autoriser M. Morten à voyager sans accompagnateur enfreindrait les règlements et les normes d’application de la Loi sur l’aéronautique, L.R.C. 1985, ch. A‑2, (la Loi sur l’aéronautique), qui prescrivent de donner aux passagers des exposés sur les mesures de sécurité à différentes phases des vols, y compris dans les situations d’urgence. Le Tribunal a rejeté cet argument au motif qu’il n’ordonnait rien de tel : il ordonnait seulement qu’on prenne des mesures pour assurer l’évaluation équitable de l’autonomie des passagers (paragraphe 188). 

 

[25]           Le Tribunal a ensuite répondu comme suit à l’argument d’Air Canada selon lequel l’Office a compétence principale pour décider les questions de droits de la personne dans le contexte du transport aérien de voyageurs :

197     Le Tribunal rejette cet argument d’Air Canada relatif à la primauté. Premièrement, dans Via Rail, la Cour suprême n’était pas appelée à statuer sur la question de savoir si la compétence du Tribunal était écartée ou amoindrie de quelque façon que ce soit par le mandat de l’Office en vertu de l’article 5 ou 172 de la LTC. C’est ainsi qu’Air Canada, et non la Cour suprême, a formulé la question.

 

198     Deuxièmement, il y a toute une série d’arrêts de la Cour suprême selon lesquels la LCDP est une loi quasi constitutionnelle et prime sur toute autre loi fédérale, sauf si une exception est expressément créée [...] Bien sûr, on ne saurait valablement prétendre que la Cour suprême, en établissant la norme de contrôle, avait l’intention d’écarter ce principe de longue date en matière d’interprétation législative.

 

199     Enfin, quant au raisonnement de la Cour suprême, aux paragraphes 136, 137, 138 et 139 (et particulièrement au paragraphe 138, sur lequel s’est fondé Air Canada), elle explique que l’expression « dans la mesure du possible » tirée de l’alinéa 5g) de la LTC constitue le fondement juridique de la norme des contraintes excessives dans le contexte du transport.

 

 

[26]           Il est possible de soutenir, a fait observer le Tribunal, que la suppression des termes « dans la mesure du possible » par suite de la modification de l’article 5 de la LTC signifie que l’obligation de prendre des mesures d’accommodement à condition qu’elles ne représentent pas une contrainte excessive n’est plus la norme relative aux droits de la personne dans le contexte du transport. Selon le Tribunal, la LTC offrirait ainsi aux personnes ayant une déficience une moins grande protection que la législation sur les droits de la personne (paragraphes 201 à 204).

 

[27]           Dans la section de sa décision portant sur le contenu de son ordonnance, le Tribunal souligne qu’il s’appuie sur la politique relative aux accompagnateurs du département des Transports des États-Unis (DOT), qui, selon lui, découle ou a été formulée à partir de la décision Southwest Airlines rendue par le DOT en 1987. Cette politique exige uniquement que les passagers puissent saisir, par un moyen quelconque de communication avec le personnel du transporteur, l’exposé sur les mesures de sécurité donné avant le décollage. Chose importante, cette politique n’exige pas que les passagers soient en mesure de recevoir les instructions données en vol ou dans les situations d’urgence.

 

[28]           Selon le Tribunal, la règle du DOT et la décision Southwest Airlines précitée donnent à penser qu’il reste possible d’en faire plus dans le sens de l’accommodement (paragraphe 208).

 

[29]           En fin de compte, le Tribunal a ordonné à Air Canada de se concerter avec la Commission et M. Morten pour élaborer une nouvelle politique qui prenne en compte les stratégies de communication qu’emploient les personnes qui se trouvent dans la même situation que ce dernier (paragraphe 212). Air Canada disposait d’un délai de quatre mois pour donner à cette politique la forme officielle d’un document juridique. Le Tribunal conservait compétence pour établir une politique valable sur l’accompagnement dans le cas où les parties n’arriveraient pas à s’entendre (paragraphe 215).

 

[30]           Le Tribunal a aussi ordonné à Air Canada de payer la somme de 10 000 $ à M. Morten en dommages-intérêts pour souffrances et douleurs. Air Canada a déjà payé cette somme. Par la présente demande, elle ne sollicite que le contrôle judiciaire de la décision du Tribunal, sans contester son ordonnance en dommages pécuniaires.

 

Les questions en litige

 

[31]           Les questions en litige sont les suivantes :

            1.         Quelle est la norme de contrôle applicable?

            2.         Le Tribunal a‑t‑il outrepassé sa compétence en instruisant la plainte de M. Morten?

                        a.         Dans la négative, la compétence du Tribunal se limitait-elle à la réparation pécuniaire?

            3.         Le Tribunal s’est‑il trompé dans sa récapitulation de la preuve aux fins de la formulation de mesures correctives, en particulier dans sa récapitulation des lois aéronautiques du Canada et des États‑Unis?

 

Les conclusions écrites de l’Office

 

[32]           La prétention principale de l’Office est qu’il a compétence exclusive sur les questions d’accessibilité dans le système fédéral des transports. L’Office est un organisme de réglementation indépendant et hautement spécialisé, seul habilité à contrôler l’application de la LTC. Les règlements et arrêtés pris sous le régime de la LTC ont primauté sur tous autres règlements et arrêtés concernant un mode de transport. Les décisions rendues par l’Office dans le champ de sa compétence sont contraignantes et exécutoires; elles n’admettent de recours devant la Cour fédérale que motivé par une question de droit ou de compétence, sous réserve d’autorisation. 

 

[33]           L’article 5 de la LTC énonce la politique nationale des transports, dont un des objectifs est d’assurer la suppression des obstacles abusifs à la circulation des personnes ayant une déficience. Les dispositions réglementaires d’application de la LTC exigent que les tarifs des transporteurs aériens spécifient les conditions de transport des personnes ayant une déficience. En outre, la partie II de la LTC établit une procédure de plainte permettant à l’Office d’ordonner diverses mesures correctives dans les cas où les transporteurs ne se conforment pas à leurs tarifs. La partie V de la même loi porte expressément sur le transport des personnes ayant une déficience. Le législateur l’a adoptée dans l’intention de faire relever les questions d’accessibilité de la législation sur les transports plutôt que de la législation sur les droits de la personne. Cette intention précise du législateur a été confirmée par l’arrêt de la Cour suprême du Canada Conseil des Canadiens avec déficiences c. VIA Rail Canada Inc., 2007 CSC 15, [2007] 1 R.C.S. 650. La partie V confère à l’Office le pouvoir général d’enquêter et de prendre des règlements aux fins de la suppression des obstacles aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience. La LCDP, quant à elle, dispose que la Commission doit s’abstenir d’instruire une plainte qui pourrait avantageusement être instruite sous le régime d’une autre loi fédérale.

 

[34]           L’arrêt VIA Rail, précité, confirme que l’article 5 et le paragraphe 172(1) de la LTC constituent une directive législative prescrivant à l’Office de se prononcer sur l’existence d’obstacles abusifs, et que ce dernier a pour mandat d’appliquer la LTC de manière conforme à la législation sur les droits de la personne.

 

[35]           Le mandat du Tribunal en matière de droits de la personne est de nature générale, tandis que l’Office est seul à posséder les connaissances spécialisées nécessaires pour examiner les droits des personnes ayant une déficience en fonction des réalités pratiques du système fédéral des transports. En outre, les dispositions relatives aux droits de la personne de la LTC ont été adoptées plus récemment que les dispositions applicables de la LCDP. Ce n’était pas l’intention du législateur que le Tribunal décide les questions d’accessibilité dans les transports ni qu’elles soient tranchées par deux tribunaux différents. Le Tribunal a outrepassé sa compétence en instruisant la plainte de M. Morten, étant donné que celle‑ci relevait exclusivement de la partie V de la LTC.

 

[36]           Subsidiairement, même si l’Office et le Tribunal avaient compétence concurrente, c’est à l’Office que revient la primauté s’agissant de question d’accessibilité dans les transports. En tout état de cause, l’existence d’une compétence concurrente ne permettrait pas au Tribunal de réviser la décision de l’Office, contre laquelle on aurait pu recourir devant la Cour d’appel fédérale. 

 

Les conclusions écrites d’Air Canada

 

[37]           Air Canada soutient que la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte. En ce qui a trait aux questions de compétence aussi bien qu’à celles concernant lesquelles il n’a ni expérience ni connaissances spécialisées, par exemple les lois aéronautiques, les décisions du Tribunal ne commandent pas la déférence.

[38]           Selon Air Canada, la question principale mise en litige par la plainte de M. Morten, à savoir la définition des conditions qu’un transporteur peut équitablement et raisonnablement imposer, relève exclusivement de la compétence de l’Office. La Cour suprême du Canada l’a récemment bien fait comprendre dans l’arrêt VIA Rail, précité. L’Office a indubitablement compétence sur les plaintes en violation des droits de la personne formées sous le régime de la partie V de la LTC, qui prévoit une voie de recours pour le cas où il se tromperait. De même, si une plainte formée sous le régime de la partie V exige l’examen d’un tarif de transporteur, la LTC confère sans ambiguïté à l’Office le pouvoir d’effectuer cet examen. Tout arrêté ou règlement qu’il prend en conséquence a primauté sur toute ordonnance du Tribunal.   

 

[39]           M. Morten a d’abord déposé sa plainte devant l’Office, qui s’est prononcé sur elle. M. Morten a ensuite soulevé la même question devant la Commission. En décidant d’instruire la plainte de M. Morten, le Tribunal a en fait décidé de réviser la décision de l’Office. Ce faisant, il a outrepassé sa compétence. 

 

[40]           Le Tribunal et l’Office ont compétence concurrente sur les plaintes en violation des droits de la personne dans la mesure où de telles plaintes peuvent découler d’un même ensemble de faits survenus dans le contexte des transports. Cependant, s’agissant d’une plainte qui met en litige le point de savoir quelles conditions un transporteur peut équitablement et raisonnablement imposer, l’Office a compétence exclusive sur les mesures correctives.  

 

[41]           Cette thèse est étayée par la jurisprudence relative à l’arbitrage du travail. Lorsqu’un arbitre du travail a rendu une décision sur une plainte en discrimination, il n’est pas permis en général à un tribunal des droits de la personne de se saisir ensuite de la même plainte pour arriver à une conclusion différente. Ce principe est applicable à la présente espèce, puisque la LTC et la LCDP constituent des régimes généraux et équivalents concernant les droits de la personne et qu’il est par principe préférable de régler les litiges dans le cadre d’une seule procédure. 

 

[42]           Air Canada soutient en outre que le Tribunal a commis des erreurs fondamentales dans son analyse des lois aéronautiques du Canada et des États‑Unis. Il a omis de tenir compte des prescriptions réglementaires auxquelles les transporteurs sont soumis et a en fait ordonné à Air Canada de changer ses procédures d’exploitation en violation du Règlement de l’aviation canadien, DORS/96‑433 (le RAC). La section 3.4B.3 d’une norme publiée énonçant les conditions minimales de conformité au RAC porte que les agents de bord des transporteurs aériens tels qu’Air Canada doivent « transmettre aux passagers les messages relatifs à la sécurité (par exemple en cas de changement dans les conditions de vol, ou de situations anormales ou d’urgence) ». Le Tribunal n’a pas tenu compte de cette obligation, pas plus que de la preuve à l’appui de la thèse que, si un passager atteint de graves déficiences visuelle et auditive n’est pas accompagné, le transporteur ne peut lui communiquer l’information nécessaire à sa sécurité dans une situation d’urgence.

 

[43]           Air Canada reconnaît au Tribunal le pouvoir de suspendre l’application d’autres dispositions législatives aux fins de prononcer des mesures correctives, mais elle fait valoir qu’il a outrepassé les limites auxquelles est soumis l’exercice de ce pouvoir.  

 

[44]           Air Canada tire en outre argument des conclusions que le Tribunal a formulées sur l’état du droit aux États-Unis, qui étayait selon lui sa décision. Le Tribunal a fondamentalement mal compris la preuve d’expert non contredite. L’expert a en fait déclaré dans son témoignage que la loi américaine en question (DOT Part 382) autorise le transporteur à exiger la présence d’un accompagnateur dans le cas où le passager, du fait de graves déficiences auditive et visuelle, est incapable de recevoir de l’information sur la sécurité à un moment quelconque du vol. Le Tribunal n’a manifestement pas tenu compte de ce témoignage lorsqu’il a conclu que le droit américain n’autorise un transporteur à exiger l’accompagnement d’un passager à la fois sourd et aveugle que dans le seul cas où celui‑ci ne dispose pas de moyen de communication avec le personnel du transporteur qui suffise à permettre la réception des messages précédant le décollage.

 

Les conclusions écrites de la Commission

 

[45]           La Commission souscrit à la thèse que la norme de contrôle applicable à la question de la compétence est celle de la décision correcte, mais elle ajoute que, touchant l’interprétation de la LCDP et l’évaluation des faits et de la preuve, la norme de contrôle à suivre est celle de la décision raisonnable. 

 

[46]           Pour ce qui concerne la question de la compétence, la Commission soutient simplement que de la primauté de la législation sur les droits de la personne se déduit la possibilité pour deux tribunaux d’avoir compétence concurrente sur des affaires relatives à ces droits. Toutefois, la décision finale appartient à l’instance de décision que la Commission saisit de la plainte sous le régime de la LCDP. Même la LTC dispose explicitement que la Commission et l’Office doivent veiller à la coordination de leur action afin de favoriser l’adoption de lignes de conduite complémentaires et d’éviter les conflits de compétence. Cependant, le législateur a attribué à la Commission un large mandat d’intérêt public, et une fois saisi de la plainte, le Tribunal avait pleine compétence pour prononcer sur elle sous le régime de la LCDP.

 

[47]           En règle générale, tous les tribunaux administratifs ont le pouvoir de décider des questions relatives aux droits de la personne. Les dispositions habilitantes du tribunal administratif ont la primauté, mais ce n’est que dans une mesure restreinte que le législateur peut mettre de côté l’application du droit des droits de la personne, étant donné le caractère quasi constitutionnel de ce droit. Le droit des droits de la personne doit recevoir une interprétation large, et son application doit être accessible. En tant qu’elles constituent « le dernier recours de la personne désavantagée et de la personne privée de ses droits de représentation », les dispositions sur les droits de la personne peuvent être dépouillées de leur signification si leur application se heurte à des obstacles. Par conséquent, pour que l’Office ait compétence exclusive sur les droits de la personne dans le contexte des transports, il faudrait que cette compétence lui soit conférée par une directive législative explicite. Or la LTC ne contient pas de directive de cette nature, de sorte que la Commission et le Tribunal conservent leur compétence. Ce n’est pas parce que l’Office est tenu de prendre en considération les dispositions relatives aux droits de la personne qu’il a compétence exclusive pour les appliquer.  

 

[48]           Touchant la question de la preuve, la Commission fait observer qu’Air Canada ne soutient pas que la décision du Tribunal soit déraisonnable. Air Canada ne reproche au Tribunal que de ne pas avoir accepté certains des éléments de preuve qu’elle avait produits. Elle se contente de répéter les déclarations en question et de faire valoir que le Tribunal aurait dû les retenir de préférence, sans expliquer pourquoi. Le caractère déraisonnable de la décision ne s’en trouve pas établi. Rien ne donne à penser que le Tribunal n’ait pas pris en considération le témoignage de Mme Lepage; il récapitule ses déclarations dans la décision même. Mais ces déclarations n’étaient pas pertinentes, puisqu’elle est agente de bord et que c’est un spécialiste des SST qui aurait pris la décision concernant M. Morten si l’on avait effectué une évaluation individuelle de son autonomie.

 

[49]           L’affirmation d’Air Canada selon laquelle le Tribunal lui aurait en fait ordonné de ne pas tenir compte de sa norme relative aux agents de bord est dénuée de fondement. Le Tribunal a bien précisé au paragraphe 188 de sa décision que la mesure corrective ordonnée consistait simplement à faire une évaluation individuelle de l’autonomie de M. Morten une fois qu’Air Canada aurait révisé sa politique. Cela ne revenait aucunement à ordonner à Air Canada d’enfreindre la Loi sur l’aéronautique ou d’autres lois. Le Tribunal a fait preuve à cet égard d’une souplesse suffisante.

 

Analyse et décision

 

[50]           La première question en litige

            Quelle est la norme de contrôle applicable?

            La prétention selon laquelle il n’appartient pas au Tribunal d’enquêter ou de prononcer des mesures correctives concernant les tarifs d’Air Canada met en litige une question touchant véritablement à la compétence d’un tribunal administratif. Or les véritables questions de compétence relèvent de la norme de la décision correcte; voir Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, paragraphe 59. La Cour suprême souligne ce fait lorsqu’elle fait observer ce qui suit au paragraphe 61de cet arrêt, à propos des juridictions concurrentes :

La norme de la décision correcte s’est également appliquée à la délimitation des compétences respectives de tribunaux spécialisés concurrents [...]

 

 

[51]           La deuxième prétention des demandeurs est que le Tribunal s’est trompé dans sa récapitulation de la preuve, concernant en particulier les lois aéronautiques du Canada et des États‑Unis. Le terme « récapitulation » doit s’entendre ici dans un sens large. Les demandeurs souhaitent que notre Cour contrôle suivant la norme de la décision correcte l’acceptation, l’interprétation et l’examen de cette preuve par le Tribunal. Comme celui‑ci ne possède ni expérience ni connaissances spécialisées en matière de législation aéronautique, font valoir les demandeurs, il devait rendre compte correctement de ladite preuve. Je ne puis accueillir ce moyen.

 

[52]           La Cour suprême du Canada a établi la présomption selon laquelle les décisions administratives relevant de la compétence du décideur commandent la déférence et qu’il convient de les contrôler suivant la norme de la décision raisonnable, à moins que l’application de la norme de la décision correcte ne soit obligatoire; voir Dunsmuir, précité, ainsi que Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339. M. le juge Binnie a formulé ce principe au paragraphe 25 de Khosa, précité :

[...] Dans Dunsmuir, notre Cour a reconnu que, sans égard à l’existence d’une clause privative, il est maintenant admis qu’une certaine déférence s’impose lorsqu’une décision particulière a été confiée à un décideur administratif plutôt qu’aux tribunaux judiciaires [...]

 

 

[53]           La LCDP établit un régime de vaste application. Les connaissances spécialisées du Tribunal ont pour objet les droits de la personne dans toutes sortes de contextes. Il est par exemple permis à la Commission et au Tribunal d’analyser les rapports médicaux qui leur sont présentés pour en tirer des conclusions de fait. On ne peut dire dans ce cas que le Tribunal applique des connaissances médicales qu’il ne possède pas; voir Canada (Procureur général) c. Irvine, 2005 CF 122, 268 F.T.R. 201, paragraphes 35 et 36, conf. par 2005 CAF 432.

 

[54]           Il ne serait pas logique de reconnaître que les décisions finales du Tribunal commandent la déférence tout en ne lui en accordant aucune chaque fois qu’il prend en considération les lois ou règlements régissant le domaine d’activité où sont soulevées les questions relatives aux droits de la personne. Le législateur ne peut avoir eu l’intention de ne conférer au Tribunal un pouvoir de décision en matière de droits de la personne que dans les contextes et les domaines où il possède des connaissances spécialisées de base. Par conséquent, je ne puis souscrire à la thèse que la norme de contrôle applicable serait celle de la décision correcte pour la seule raison que le Tribunal a entendu et accepté des éléments de preuve relatifs aux dispositions aéronautiques.  

[55]           On peut lire ce qui suit au paragraphe 51 de Dunsmuir, précité :

[...] en présence d’une question touchant aux faits, au pouvoir discrétionnaire ou à la politique, et lorsque le droit et les faits ne peuvent être aisément dissociés, la norme de la raisonnabilité s’applique généralement [...] 

 

La preuve relative aux lois aéronautiques du Canada et des États‑Unis est récapitulée dans la section intitulée « Réparation » de la décision du Tribunal et constitue une partie du contexte factuel et réglementaire dans lequel il voulait inscrire ses mesures correctives. La retenue judiciaire s’impose à l’égard de cette récapitulation, que notre Cour doit donc contrôler suivant la norme de la raisonnabilité si elle conclut à la compétence du Tribunal.

 

[56]           La deuxième question en litige

            Le Tribunal a‑t‑il outrepassé sa compétence en instruisant la plainte de M. Morten?

            Air Canada et l’Office des transports du Canada soutiennent tous deux que le Tribunal a outrepassé sa compétence en instruisant la plainte de M. Morten, au motif que, étant donné les faits de l’espèce, l’Office avait compétence exclusive sur cette affaire.

 

[57]           Comme on l’a vu plus haut, la décision d’accorder à M. Morten des dommages-intérêts de 10 000 $ n’est pas en litige dans la présente espèce. Air Canada a déjà versé ce montant à M. Morten et ne conteste pas cette décision d’indemnisation.

 

[58]           La partie V de la LTC, intitulée « Transport des personnes ayant une déficience », comprend trois articles. L’article 170 confère à l’Office le pouvoir de « prendre des règlements afin d’éliminer tous obstacles abusifs [...] dans le réseau de transport », notamment des règlements concernant les « conditions de transport applicables au transport et aux services connexes offerts aux personnes ayant une déficience ». L’article 171 dispose que la Commission et l’Office doivent veiller à la coordination de leur action en matière de transport des personnes ayant une déficience pour favoriser l’adoption de lignes de conduite complémentaires et éviter les conflits de compétence.

 

[59]           Aux termes du paragraphe 172(1), l’Office « peut, sur demande, enquêter sur toute question relative à l’un des domaines visés au paragraphe 170(1) pour déterminer s’il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience ». En cas de décision positive, l’Office peut, en vertu du paragraphe 172(3), exiger la prise de mesures correctives indiquées. Le paragraphe 41(1) dispose que les décisions par lesquelles l’Office ordonne la prise de mesures correctives sont susceptibles d’appel devant la Cour d’appel fédérale, sous réserve de l’autorisation de celle‑ci.

 

[60]           Ces articles viennent renforcer l’effet de la déclaration de la politique nationale des transports selon laquelle le système canadien des transports doit être accessible sans obstacle abusif à la circulation des personnes ayant une déficience [alinéa 5d)].

 

[61]           La Cour suprême du Canada a examiné de manière approfondie dans l’arrêt VIA Rail, précité, le mandat et la compétence de l’Office pour ce qui est de se prononcer sur les questions relatives aux droits de la personne et d’ordonner des mesures correctives dans ce domaine. Cette affaire concernait l’achat par VIA Rail de 139 voitures pour passagers qui, malgré les modifications opérées, n’étaient pas accessibles aux personnes en fauteuil roulant. Le Conseil des Canadiens avec déficiences (le CCD) a présenté à ce sujet une demande d’enquête à l’Office sous le régime de l’article 172 de la LTC. Une fois saisi de l’affaire, l’Office a inspecté les voitures en question et s’est renseigné sur les méthodes par lesquelles VIA Rail proposait de répondre aux besoins des personnes en fauteuil roulant. Il a aussi accepté d’entendre les conclusions orales des parties. Il a conclu qu’il y avait là des obstacles abusifs aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience et il a signifié à VIA Rail les conditions que cette société devait selon lui remplir pour que les voitures en cause répondent raisonnablement aux besoins desdites personnes. VIA Rail a soutenu que les diverses mesures entre lesquelles on lui donnait le choix coûteraient trop cher et représenteraient une charge trop lourde. Ces explications n’ont pas convaincu l’Office, qui a en fin de compte ordonné à VIA Rail de prendre six mesures correctives, dont cinq comportaient des modifications physiques aux voitures et exigeaient donc des dépenses.

 

[62]           Selon la décision de la majorité de la Cour suprême, rédigée par le juge Abella, le législateur, en adoptant la LTC, avait pour intention que l’Office, et non la Commission, se prononce à propos des obstacles dans le contexte particulier des transports. Chose importante, la majorité a aussi conclu d’un examen du libellé de la LTC que le critère énoncé relativement aux « obstacles abusifs » est exactement le même que celui de l’« accommodement raisonnable » ou de la « contrainte excessive » formulé dans Colombie‑Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) c. Colombie‑Britannique (Council of Human Rights), [1999] 3 R.C.S. 868, [1999] A.C.S. no 73 (QL) [Grismer], et que le Tribunal a appliqué dans de nombreux autres contextes.

 

[63]           Le point capital de l’arrêt VIA Rail, précité, est exprimé dans le passage suivant :

133     Répétons qu’« [i]l importe de se rappeler que l’obligation d’accommodement est limitée par les mots “raisonnable” et “sans imposer de contrainte excessive”. Il s’agit là non pas de critères indépendants, mais plutôt de différentes façons d’exprimer le même concept » : Chambly, p. 546 [...] Les facteurs énoncés à l’art. 5 de la Loi sur les transports au Canada découlent de l’évaluation même qui est inhérente à l’analyse de l’« accommodement raisonnable ». Concilier l’accessibilité pour les personnes ayant une déficience avec le coût, la rentabilité, la sécurité et la qualité du service offert à tous les voyageurs (des facteurs énoncés à l’art. 5 de la Loi) reflète le fait que l’évaluation s’effectue dans un contexte de transport qui, faut‑il le préciser, est exceptionnel.

 

134     L’énonciation de ces facteurs par le législateur est une façon de reconnaître que les facteurs dont il faut tenir compte pour évaluer le caractère raisonnable d’une mesure d’accommodement proposée varient selon le contexte. Elle représente une approbation, et non un rejet, de la primauté des principes en matière de droits de la personne qui, comme l’a affirmé notre Cour dans les arrêts Chambly et Meiorin, prévoient que la souplesse et le bon sens ne seront pas écartés.

 

135     Chacun des facteurs décrits à l’art. 5 de la Loi est compatible avec ceux qui s’appliquent en vertu des principes en matière de droits de la personne [...]

 

136      L’article 5 de la Loi sur les transports au Canada, combiné au par. 172(1), constitue une directive législative enjoignant à l’Office de déterminer s’il existe un « obstacle abusif » aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience.  Le sous‑alinéa 5g)(ii) de la Loi précise qu’il est essentiel que « les liaisons assurées en provenance ou à destination d’un point du Canada par chaque transporteur ou mode de transport s’effectuent, dans la mesure du possible, à des prix et selon des modalités qui ne constituent pas [...] un obstacle abusif à la circulation des personnes, y compris les personnes ayant une déficience ».  Le pouvoir de l’Office de relever les « obstacles abusifs » aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience et d’y remédier l’oblige à appliquer le principe voulant que les personnes ayant une déficience aient droit à l’élimination des obstacles « abusifs » ou « déraisonnables », à savoir les obstacles injustifiables au regard des principes en matière de droits de la personne.

 

137     Les termes « dans la mesure du possible » expriment la reconnaissance légale du critère de la « contrainte excessive » dans le contexte du transport. Le fait que ce critère soit libellé différemment ne le rend ni plus ni moins rigoureux que celui établi dans l’arrêt Meiorin [...] La même évaluation est nécessaire pour déterminer de quelle façon l’obligation d’accommodement sera remplie.

 

138     Voilà précisément pourquoi le législateur a confié à l’Office, et non à la Commission canadienne des droits de la personne, la responsabilité publique d’évaluer les obstacles. Seul l’Office possède l’expertise nécessaire pour soupeser les exigences des personnes ayant une déficience et les réalités concrètes –financières, structurales et logistiques – d’un système de transport fédéral.

 

                                                                                       [Non souligné dans l’original.]

[64]           Les demandeurs soutiennent que les dispositions applicables de la LTC, considérées à la lumière de l’arrêt VIA Rail, précité, confèrent à l’Office la compétence exclusive sur l’affaire qui nous occupe.

 

[65]           La Cour suprême a examiné dans Canada (Chambre des communes) c. Vaid, 2005 CSC 30, [2005] 1 R.C.S. 667, la question de la concurrence de deux régimes administratifs dans le contexte de l’emploi et des droits de la personne. Elle a conclu que la plainte considérée, soit celle d’un employé de la Chambre des communes en discrimination et en congédiement indirect du fait de sa race, relevait exclusivement de la Loi sur les relations de travail au Parlement, L.R.C. 1985, ch. 33 (2e suppl.) [la LRTP], et que la Commission n’avait pas compétence sur cette plainte. Il y a compétence exclusive, selon cet arrêt, lorsque l’intention exprimée par le législateur de voir une instance juridictionnelle déterminée régler un différend oblige la personne s’estimant lésée à s’adresser à elle.

 

[66]           L’arrêt Vaid, précité, posait la question comme suit :

90     Je conclus, comme je l’ai déjà indiqué, que les normes antidiscrimination de la Loi canadienne sur les droits de la personne s’appliquent aux employés du Parlement. Il reste à décider si la procédure d’enquête et le processus décisionnel prévus à la Loi canadienne sur les droits de la personne s’appliquent également, comme les intimés le prétendent, ou si l’intimé Vaid doit obligatoirement demander réparation sous le régime de la LRTP.

 

91     La Cour a déjà été appelée dans plusieurs affaires à examiner des régimes législatifs concurrents pour déterminer par laquelle des instances juridictionnelles susceptibles de connaître du litige le législateur avait voulu que l’affaire soit tranchée. La plainte de discrimination et de harcèlement au travail faite par M. Vaid pourrait relever à la fois de la LRTP et de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Les allégations de compétence en pareilles circonstances sont un problème courant en droit administratif, même en ce qui concerne les tribunaux des droits de la personne [...]

 

93     Ce n’est pas parce que M. Vaid prétend que ses droits fondamentaux ont été violés que sa cause est nécessairement du ressort de la Commission canadienne des droits de la personne étant donné qu’« il faut s’attacher non pas à la qualité juridique du tort, mais aux faits qui donnent naissance au litige » (Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929, par. 49; St. Anne Nackawic Pulp & Paper Co. c. Section locale 219 du Syndicat canadien des travailleurs du papier, [1986] 1 R.C.S. 704, p. 721).

 

                                                          [Non souligné dans l’original.]

 

 

 

[67]           La Cour a conclu que, bien que M. Vaid ait invoqué expressément la discrimination raciale, rien ne justifiait que ses plaintes soient considérées dans un autre contexte que celui des relations du travail. En dernière analyse, il s’agissait d’un différend du travail où la question des droits de la personne jouait un rôle, et non l’inverse, comme il est expliqué au paragraphe 98  :

98     Dans le présent pourvoi, nous n’avons pas à nous prononcer sur une allégation de discrimination systémique. Nous faisons plutôt face à un seul employé qui dit avoir été congédié injustement dans un prétendu contexte de discrimination et de harcèlement. Il est possible qu’un litige d’une autre nature soulève des questions d’un autre ordre pouvant donner lieu à une plainte qui relève à juste titre de la compétence de la Commission canadienne des droits de la personne. Ce n’est toutefois pas le cas en l’espèce.

 

 

 

[68]           À mon sens, l’intention du législateur est très claire. Si l’on peut imaginer des affaires sur lesquelles la Commission et le Tribunal pourraient avoir compétence, ce n’est pas le cas, au vu de ses faits, de la présente espèce.

 

 

[69]           L’intention du législateur est selon moi que l’Office, et non la Commission ou le Tribunal, soit saisi de telles plaintes lorsqu’elles se rapportent aux politiques ou aux tarifs des transporteurs, ou à la réglementation des transports. Il ne serait pas logique que deux organismes administratifs nettement distincts se fassent concurrence pour la surveillance et la gestion des politiques et des tarifs des transporteurs.  

[70]           L’alinéa 41(1)b) de la LCDP autorise la Commission à se dessaisir des plaintes qui pourraient avantageusement être instruites selon des procédures prévues par une autre loi fédérale, et l’alinéa 44(2)b) lui ménage une autre occasion de se dessaisir en faveur de l’Office après qu’elle a achevé son enquête et établi le rapport y afférent.

 

[71]           Dans la présente espèce, la Commission a porté l’affaire de M. Morten devant le Tribunal en dépit du fait que l’Office avait déjà rendu sa propre décision sur cette plainte en 2005. Le Tribunal a conclu préalablement à l’examen au fond que la décision de l’Office était « loin de satisfaire aux exigences énoncées dans VIA Rail », alors qu’elle avait précédé cet arrêt (précité) de la Cour suprême.

 

[72]           L’arrêt VIA Rail, précité, a changé fondamentalement la manière dont l’Office est tenu d’instruire les plaintes en violation des droits de la personne. Comme on l’a vu ci‑dessus, cet arrêt a confirmé que l’Office doit appliquer, à la question de savoir s’il y a « obstacle abusif » sous le régime de l’article 5 de la LTC, le même critère qu’appliquent les tribunaux des droits de la personne d’un bout à l’autre du pays lorsqu’il s’agit d’établir si l’accommodement représenterait une « contrainte excessive » (paragraphes 134 à 137 de VIA Rail, précité). Ce critère est communément désigné « critère Meiorin » depuis l’arrêt Colombie‑Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. British Columbia Government and Service Employees’ Union, [1999] 3 R.C.S. 3, [1999] A.C.S. n46 (QL) [Meiorin]. Certains éléments indiquent que l’Office n’appliquait pas systématiquement un tel critère avant l’arrêt VIA Rail, précité. En fait, la décision de l’Office sur la plainte de M. Morten ne comporte pas d’examen du critère Meorin ni de l’obligation d’accommodement. L’Office s’exprime en termes clairs à ce propos à la page 17 de sa décision no 175‑AT‑R‑2003, rendue en 2003, qui est à l’origine du pourvoi tranché par l’arrêt VIA Rail, précité :  

[...] L’Office a également un mandat en matière de droits de la personne énoncé à la partie V de la LTC et la politique nationale des transports témoigne de l’importance de disposer d’un réseau de transport de compétence fédérale qui soit accessible aux personnes ayant une déficience. Toutefois, dans son explicitation de ce mandat, le Parlement a intégré spécifiquement la notion de « mesure du possible » dans cette politique et donné à l’Office pour directive d’évaluer si les besoins des personnes ayant une déficience avaient été satisfaits dans la mesure du possible.

 

L’Office fait remarquer que la notion de « mesure du possible » a été spécifiquement rejetée par les tribunaux dans leur évaluation des normes appropriées à adopter par les organismes et les tribunaux en matière de droits de la personne, pour favoriser plutôt le recours à une norme se rapprochant davantage de la notion d’impossibilité. Ainsi, et dans ce contexte, les organismes et les tribunaux en matière de droits de la personne ont eu comme directive d’exiger beaucoup plus que la preuve de l’impraticabilité des mesures destinées à répondre aux besoins avant de conclure que le manquement de procéder à de telles mesures soit justifié. Toutefois, l’Office est d’avis qu’il ne peut adopter cette norme plus élevée [...]

 

 

[73]           Si elle a confirmé dans VIA Rail, précité, la décision finale de l’Office, la Cour suprême a écarté sans ambiguïté l’idée d’une quelconque différence de critère. L’Office reconnaît maintenant appliquer le critère Meorin aux plaintes en violation des droits de la personne.

 

 

[74]           La Cour suprême du Canada a posé en termes très clairs que l’Office peut instruire les plaintes en violation des droits de la personne qui découlent de faits survenus dans le contexte du système fédéral des transports.

 

[75]           Il est également à noter que l’Office a déjà rendu une décision sur la plainte de M. Morten. Il ne paraît pas convenir que le Tribunal révise cette décision, qui admet d’autres voies de recours.

[76]           Pour conclure, il me paraît, au vu des faits de la présente espèce, que le Tribunal a outrepassé sa compétence. L’affaire considérée, y compris son aspect relatif aux droits de la personne, relève de la compétence de l’Office, étant donné que le critère applicable au point de savoir s’il y a obstacle abusif sous le régime de l’article 5 de la LTC est le même que celui qu’appliquent les tribunaux des droits de la personne d’un bout à l’autre du pays lorsqu’ils ont à établir si l’accommodement représenterait une contrainte excessive (voir les paragraphes 134 à 137 de VIA Rail, précité).

 

[77]           Ayant ainsi conclu sur la question de la compétence, je n’ai pas à examiner les autres questions en litige.

 

[78]           La Cour fait droit à la présente demande de contrôle judiciaire et annule la décision du Tribunal, exception faite de l’ordonnance en dommages-intérêts de 10 000 $ pour souffrances et douleurs, qui n’a pas été contestée et qui a été exécutée.

 

[79]           Je conserve compétence pour prononcer sur toutes questions que soulèveraient le présent jugement et ses motifs.

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


ANNEXE

 

Les dispositions législatives applicables

 

Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H‑6

 

5. Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, pour le fournisseur de biens, de services, d’installations ou de moyens d’hébergement destinés au public :

 

a) d’en priver un individu;

 

 

 

 

b) de le défavoriser à l’occasion de leur fourniture.

 

 

 

. . .

 

15.(1) Ne constituent pas des actes discriminatoires :

 

. . .

 

g) le fait qu’un fournisseur de biens, de services, d’installations ou de moyens d’hébergement destinés au public, ou de locaux commerciaux ou de logements en prive un individu ou le défavorise lors de leur fourniture pour un motif de distinction illicite, s’il a un motif justifiable de le faire.

 

(2) Les faits prévus à l’alinéa (1)a) sont des exigences professionnelles justifiées ou un motif justifiable, au sens de l’alinéa (1)g), s’il est démontré que les mesures destinées à répondre aux besoins d’une personne ou d’une catégorie de personnes visées constituent, pour la personne qui doit les prendre, une contrainte excessive en matière de coûts, de santé et de sécurité.

 

 

 

 

 

. . .

 

41.(1) Sous réserve de l’article 40, la Commission statue sur toute plainte dont elle est saisie à moins qu’elle estime celle-ci irrecevable pour un des motifs suivants :

 

a) la victime présumée de l’acte discriminatoire devrait épuiser d’abord les recours internes ou les procédures d’appel ou de règlement des griefs qui lui sont normalement ouverts;

 

b) la plainte pourrait avantageusement être instruite, dans un premier temps ou à toutes les étapes, selon des procédures prévues par une autre loi fédérale;

 

 

c) la plainte n’est pas de sa compétence;

d) la plainte est frivole, vexatoire ou entachée de mauvaise foi;

 

e) la plainte a été déposée après l’expiration d’un délai d’un an après le dernier des faits sur lesquels elle est fondée, ou de tout délai supérieur que la Commission estime indiqué dans les circonstances.

 

 

. . .

 

44.(1) L’enquêteur présente son rapport à la Commission le plus tôt possible après la fin de l’enquête.

 

 

 

(2) La Commission renvoie le plaignant à l’autorité compétente dans les cas où, sur réception du rapport, elle est convaincue, selon le cas :

 

a) que le plaignant devrait épuiser les recours internes ou les procédures d’appel ou de règlement des griefs qui lui sont normalement ouverts;

 

b) que la plainte pourrait avantageusement être instruite, dans un premier temps ou à toutes les étapes, selon des procédures prévues par une autre loi fédérale.

 

5. It is a discriminatory practice in the provision of goods, services, facilities or accommodation customarily available to the general public

 

 

 

 

(a) to deny, or to deny access to, any such good, service, facility or accommodation to any individual, or

 

(b) to differentiate adversely in relation to any individual,

on a prohibited ground of discrimination.

 

. . .

 

15.(1) It is not a discriminatory practice if

 

. . .

 

(g) in the circumstances described in section 5 or 6, an individual is denied any goods, services, facilities or accommodation or access thereto or occupancy of any commercial premises or residential accommodation or is a victim of any adverse differentiation and there is bona fide justification for that denial or differentiation.

(2) For any practice mentioned in paragraph (1)(a) to be considered to be based on a bona fide occupational requirement and for any practice mentioned in paragraph (1)(g) to be considered to have a bona fide justification, it must be established that accommodation of the needs of an individual or a class of individuals affected would impose undue hardship on the person who would have to accommodate those needs, considering health, safety and cost.

 

. . .

 

41.(1) Subject to section 40, the Commission shall deal with any complaint filed with it unless in respect of that complaint it appears to the Commission that

 

 

(a) the alleged victim of the discriminatory practice to which the complaint relates ought to exhaust grievance or review procedures otherwise reasonably available;

 

(b) the complaint is one that could more appropriately be dealt with, initially or completely, according to a procedure provided for under an Act of Parliament other than this Act;

 

(c) the complaint is beyond the jurisdiction of the Commission;

(d) the complaint is trivial, frivolous, vexatious or made in bad faith; or

 

(e) the complaint is based on acts or omissions the last of which occurred more than one year, or such longer period of time as the Commission considers appropriate in the circumstances, before receipt of the complaint.

 

. . .

 

44.(1) An investigator shall, as soon as possible after the conclusion of an investigation, submit to the Commission a report of the findings of the investigation.

 

(2) If, on receipt of a report referred to in subsection (1), the Commission is satisfied

 

 

 

(a) that the complainant ought to exhaust grievance or review procedures otherwise reasonably available, or

 

 

(b) that the complaint could more appropriately be dealt with, initially or completely, by means of a procedure provided for under an Act of Parliament other than this Act,

 

it shall refer the complainant to the appropriate authority.

 

Loi sur les transports au Canada, L.C. 1996, ch. 10

 

5. Il est déclaré qu’un système de transport national compétitif et rentable qui respecte les plus hautes normes possibles de sûreté et de sécurité, qui favorise un environnement durable et qui utilise tous les modes de transport au mieux et au coût le plus bas possible est essentiel à la satisfaction des besoins de ses usagers et au bien-être des Canadiens et favorise la compétitivité et la croissance économique dans les régions rurales et urbaines partout au Canada. Ces objectifs sont plus susceptibles d’être atteints si :

 

a) la concurrence et les forces du marché, au sein des divers modes de transport et entre eux, sont les principaux facteurs en jeu dans la prestation de services de transport viables et efficaces;

 

b) la réglementation et les mesures publiques stratégiques sont utilisées pour l’obtention de résultats de nature économique, environnementale ou sociale ou de résultats dans le domaine de la sûreté et de la sécurité que la concurrence et les forces du marché ne permettent pas d’atteindre de manière satisfaisante, sans pour autant favoriser indûment un mode de transport donné ou en réduire les avantages inhérents;

 

c) les prix et modalités ne constituent pas un obstacle abusif au trafic à l’intérieur du Canada ou à l’exportation des marchandises du Canada;

 

d) le système de transport est accessible sans obstacle abusif à la circulation des personnes, y compris les personnes ayant une déficience;

 

e) les secteurs public et privé travaillent ensemble pour le maintien d’un système de transport intégré.

 

. . .

 

170.(1) L’Office peut prendre des règlements afin d’éliminer tous obstacles abusifs, dans le réseau de transport assujetti à la compétence législative du Parlement, aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience et peut notamment, à cette occasion, régir :

 

a) la conception et la construction des moyens de transport ainsi que des installations et locaux connexes — y compris les commodités et l’équipement qui s’y trouvent — , leur modification ou la signalisation dans ceux-ci ou leurs environs;

 

b) la formation du personnel des transporteurs ou de celui employé dans ces installations et locaux;

c) toute mesure concernant les tarifs, taux, prix, frais et autres conditions de transport applicables au transport et aux services connexes offerts aux personnes ayant une déficience;

 

d) la communication d’information à ces personnes.

 

 

(2) Il peut être précisé, dans le règlement qui incorpore par renvoi des normes ou des dispositions, qu’elles sont incorporées avec leurs modifications successives.

 

(3) L’Office peut, par arrêté pris avec l’agrément du gouverneur en conseil, soustraire à l’application de certaines dispositions des règlements les personnes, les moyens de transport, les installations ou locaux connexes ou les services qui y sont désignés.

 

171. L’Office et la Commission canadienne des droits de la personne sont tenus de veiller à la coordination de leur action en matière de transport des personnes ayant une déficience pour favoriser l’adoption de lignes de conduite complémentaires et éviter les conflits de compétence.

 

172.(1) Même en l’absence de disposition réglementaire applicable, l’Office peut, sur demande, enquêter sur toute question relative à l’un des domaines visés au paragraphe 170(1) pour déterminer s’il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience.

 

(2) L’Office rend une décision négative à l’issue de son enquête s’il est convaincu de la conformité du service du transporteur aux dispositions réglementaires applicables en l’occurrence.

 

 

 

 

(3) En cas de décision positive, l’Office peut exiger la prise de mesures correctives indiquées ou le versement d’une indemnité destinée à couvrir les frais supportés par une personne ayant une déficience en raison de l’obstacle en cause, ou les deux.

 

5. It is declared that a competitive, economic and efficient national transportation system that meets the highest practicable safety and security standards and contributes to a sustainable environment and makes the best use of all modes of transportation at the lowest total cost is essential to serve the needs of its users, advance the well-being of Canadians and enable competitiveness and economic growth in both urban and rural areas throughout Canada. Those objectives are most likely to be achieved when

 

 

(a) competition and market forces, both within and among the various modes of transportation, are the prime agents in providing viable and effective transportation services;

 

(b) regulation and strategic public intervention are used to achieve economic, safety, security, environmental or social outcomes that cannot be achieved satisfactorily by competition and market forces and do not unduly favour, or reduce the inherent advantages of, any particular mode of transportation;

 

 

 

 

(c) rates and conditions do not constitute an undue obstacle to the movement of traffic within Canada or to the export of goods from Canada;

 

(d) the transportation system is accessible without undue obstacle to the mobility of persons, including persons with disabilities; and

 

(e) governments and the private sector work together for an integrated transportation system.

 

. . .

 

170.(1) The Agency may make regulations for the purpose of eliminating undue obstacles in the transportation network under the legislative authority of Parliament to the mobility of persons with disabilities, including regulations respecting

 

 

 

(a) the design, construction or modification of, and the posting of signs on, in or around, means of transportation and related facilities and premises, including equipment used in them;

 

 

 

(b) the training of personnel employed at or in those facilities or premises or by carriers;

(c) tariffs, rates, fares, charges and terms and conditions of carriage applicable in respect of the transportation of persons with disabilities or incidental services; and

 

(d) the communication of information to persons with disabilities.

 

(2) Regulations made under subsection (1) incorporating standards or enactments by reference may incorporate them as amended from time to time.

 

 

(3) The Agency may, with the approval of the Governor in Council, make orders exempting specified persons, means of transportation, services or related facilities and premises from the application of regulations made under subsection (1).

 

171. The Agency and the Canadian Human Rights Commission shall coordinate their activities in relation to the transportation of persons with disabilities in order to foster complementary policies and practices and to avoid jurisdictional conflicts.

 

 

172.(1) The Agency may, on application, inquire into a matter in relation to which a regulation could be made under subsection 170(1), regardless of whether such a regulation has been made, in order to determine whether there is an undue obstacle to the mobility of persons with disabilities.

 

(2) Where the Agency is satisfied that regulations made under subsection 170(1) that are applicable in relation to a matter have been complied with or have not been contravened, the Agency shall determine that there is no undue obstacle to the mobility of persons with disabilities.

 

(3) On determining that there is an undue obstacle to the mobility of persons with disabilities, the Agency may require the taking of appropriate corrective measures or direct that compensation be paid for any expense incurred by a person with a disability arising out of the undue obstacle, or both.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIERS :                                      T‑239‑09 et T‑281‑09

 

INTITULÉ :                                       L’OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA

 

                                                            et

 

                                                            EDDY MORTEN, AIR CANADA et

                                                            LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE        LA PERSONNE

 

                                                            AIR CANADA           

 

et

 

                                                            EDDY MORTEN et

                                                            LA COMMISSION    CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

                                                           

                                                           

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 30 mars 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 13 octobre 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Andray Renaud

 

POUR L’OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA

DEMANDEUR

 

Eddy  Morten

 

POUR EDDY MORTEN

DÉFENDEUR

 

Gerard Chouest

Louise‑Hélène Sénécal

Tae Mee Park

POUR AIR CANADA

DÉFENDERESSE

 

Philippe Dufresne

Brian Smith

 

POUR LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

 DÉFENDERESSE

 

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Office des transports du Canada

Gatineau (Québec)

POUR L’OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA

DEMANDEUR

 

Eddy Morten

Burnaby (Colombie-Britannique)

 

POUR EDDY MORTEN

DÉFENDEUR

Bersenas Jacobsen Chouest

Thomson Blackburn, s.r.l.

Toronto (Ontario)

POUR AIR CANADA

DÉFENDERESSE

 

Commission canadienne des droits de la personne

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE DÉFENDERESSE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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