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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20100924

Dossier : IMM-932-10

Référence : 2010 CF 961

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 24 septembre 2010

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

henrietta mbone ntone sona

demanderesse

 

 

 

et

 

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, relativement à une décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que la demanderesse n’avait ni la qualité de réfugiée au sens de la Convention ni celle de personne à protéger.

 

[2]               La demanderesse est citoyenne du Cameroun et elle demande l’asile du fait de ses opinions politiques parce qu’elle était membre du Southern Cameroons National Council (SCNC) (Conseil national du Sud camerounais), une organisation anglophone, et du Groupe de défense des droits de l’homme (GDDH), ce qui, dit-elle, faisait d’elle une cible du parti qui est actuellement au pouvoir, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC). La Commission a rejeté sa demande, principalement pour des motifs de crédibilité; elle a conclu que « les questions essentielles abordées dans les documents et le témoignage de la demandeure d’asile, notamment en ce qui concerne le fait qu’elle était membre du SCNC, ne sont pas étayées par suffisamment d’éléments de preuve crédibles et dignes de foi ».

 

[3]               Je ne souscris pas à l’observation de la demanderesse selon laquelle la Commission a commis une erreur en tirant une [traduction] « conclusion défavorable quant à la crédibilité en se basant sur une prémisse erronée et, de ce fait, sans tenir compte des documents qui lui ont été soumis », qu’elle a tiré [traduction] « des conclusions de fait abusives au sujet d’apparentes incohérences et invraisemblances » ou que [traduction] « il y a une crainte raisonnable que le tribunal était partial et il a donc privé la demandeure d’asile du droit d’être entendue devant un tribunal impartial ».

 

[4]               La conclusion que la Commission a tirée à propos de la crédibilité était bien étayée par l’examen de la preuve qui lui a été soumise. Elle a pris en considération un certain nombre d’éléments qui l’ont amenée à conclure que la demanderesse n’était pas parvenue à prouver son affiliation au SCNC ou au GDDH, dont les suivants :

1)      La demanderesse n’a pu produire une carte de membre du GDDH et n’a présenté aucun document de rechange ou n’a pas expliqué de manière adéquate pourquoi il lui était impossible de le faire;

2)      La demanderesse n’a pu produire l’original de sa carte de membre du SCNC, et sur la copie qu’elle a fournie le mot « democracy » (« démocracie ») était écrit comme suit : « democraty », et ce, même si l’organisation est un groupe anglophone et même si la commissaire savait d’expérience que les cartes de membre du SCNC ne contiennent pas d’erreurs d’orthographe de ce genre.

3)      La demanderesse n’a pu épeler le mot « democracy »; elle l’a épelé comme suit : « democrace »;

4)      La demanderesse a déclaré que le SCNC a été fondé en 1961, alors qu’il l’a été au début des années 90;

5)      La demanderesse n’avait qu’une connaissance générale du SCNC;

6)      Dans son formulaire de renseignements personnels (le FRP), la demanderesse a affirmé que son oncle était le vice-président de la section Limbe du SCNC, mais dans son témoignage elle a dit qu’il était le président de sa communauté;

7)      La demanderesse n’a pas affirmé dans le FRP, pas plus que cela n’est mentionné dans les notes prises au point d’entrée, qu’elle était membre du SCNC.

 

[5]               La Commission a également conclu que la demanderesse n’avait pas réussi à établir qu’elle avait été mise en détention et qu’elle était recherchée par la police, comme elle l’alléguait, au vu des incohérences suivantes relevées dans sa preuve :

1)      La demanderesse a déclaré dans le FRP avoir été battue lors de sa première arrestation, tandis que dans son témoignage elle a dit que [traduction] « rien » ne lui était arrivé à cette occasion-là;

2)      La demanderesse n’a fourni aucun document journalistique portant sur la manifestation au cours de laquelle, dit-elle, elle a été arrêtée;

3)      La demanderesse a déclaré dans le FRP qu’elle s’était enfuie de son lieu de détention pendant qu’elle coupait de l’herbe, tandis que dans son témoignage elle a déclaré qu’elle s’était enfuie pendant qu’elle passait la vadrouille dans un bureau;

4)      La demanderesse a déclaré dans le FRP qu’elle a été recueillie par le frère d’un gardien après son évasion, tandis que dans son témoignage elle a déclaré qu’il s’agissait d’un lointain parent d’un gardien;

5)      Le rapport médical camerounais que la demanderesse a produit ne cadrait pas avec le FRP;

6)      Le rapport médical canadien que la demanderesse a produit ne cadrait pas avec le FRP.

 

[6]               La demanderesse soutient que la Commission a commis une erreur en omettant d’apprécier convenablement son évaluation psychologique – elle souffre du trouble de stress post-traumatique – qui, selon elle, explique pourquoi sa version des faits n’est pas cohérente. Je souscris à l’observation du défendeur selon laquelle les opinions médicales que la demanderesse a fournies ne dénotent pas qu’en raison de son état son témoignage serait confus et contradictoire. De plus, comme le fait remarquer le défendeur, l’avis médical canadien présente, au sujet des faits qui ont provoqué l’état dont elle dit souffrir, une version qui diffère de celle qu’elle a exposée à l’audience et aux autorités de l’immigration.

 

[7]               Je conclus donc que la Commission n’a pas commis d’erreur en tirant ses conclusions défavorables quant à la crédibilité, qu’elle ne s’est pas basée sur une prémisse erronée et que sa décision est manifestement fondée sur les documents qui lui ont été soumis de même que sur le témoignage de la demanderesse.

 

[8]               Je ne retiens pas non plus l’observation de la demanderesse selon laquelle la Commission a commis une erreur en rejetant les documents qu’elle avait produits, juste à cause de l’erreur d’orthographe, ou que la Commission a omis de prendre en considération les réalités socioéconomiques et politiques du Cameroun – plus précisément que la Commission s’attendait à ce que les documents produits au Cameroun correspondent aux [traduction] « normes de perfection occidentales ». La Commission n’a pas commis d’erreur en rejetant, à cause de l’erreur d’orthographe, la carte de membre du SCNC présentée par la demanderesse. Le format de cette carte était également différent. Comme la Commission l’a fait remarquer dans ses motifs, elle connaît ce type même de carte de membre et a pu déterminer que celle que la demanderesse avait présentée n’était pas authentique.

 

[9]               Contrairement aux observations de la demanderesse, il y avait des raisons de ne pas ajouter foi à son témoignage, soit les nombreuses incohérences relevées, les problèmes que posaient les documents produits et le manque de connaissances de la demanderesse au sujet du groupe dont elle prétendait faire partie.

 

[10]           Je conclus en outre que l’observation de la demanderesse selon laquelle la Commission était ignorante au sujet du Cameroun ou bien s’attendait à ce que la demanderesse se conforme à un modèle [traduction] « habituel » est dénuée de fondement. La commissaire a expressément déclaré qu’elle avait une certaine expérience de l’examen des demandes concernant le SCNC. La Commission n’a pas comparé la demanderesse à un [traduction] « modèle » quelconque; elle est plutôt arrivée à sa conclusion en décidant de manière raisonnable que la demanderesse n’était pas digne de foi.

 

[11]           Le témoignage de la demanderesse a été rejeté et sa documentation, jugée peu fiable. Dans de telles circonstances, un demandeur n’établit pas l’existence d’un lien avec la persécution. Je souscris à la conclusion qu’a tirée la juge Tremblay-Lamer à cet égard dans la décision Seevaratnam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 167 F.T.R. 130 (1re inst.), au paragraphe 8 :

Il est clair que lorsque la seule preuve qui relie le demandeur à la persécution émane de son témoignage, le fait de rejeter ce témoignage signifie que le lien avec la persécution n’existe plus. Il devient donc impossible d’établir un lien entre la revendication de la personne et la preuve documentaire.

 

[12]           Enfin, rien dans la décision de la Commission ne donne à penser que cette dernière a fait montre de partialité. Elle n’a pas fait abstraction de la totalité de la preuve; elle a plutôt jugé qu’une partie de la preuve n’était pas digne de foi. Elle a pris en considération la preuve dans son ensemble et est arrivée à une décision raisonnable.

 

[13]           Les parties n’ont proposé aucune question à certifier, et, au vu des faits dont il est question en l’espèce, il n’y en a aucune.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE QUE :

1.         La présente demande est rejetée;

2.         Il n’y a pas de question à certifier.

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-932-10

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :            henrietta mbone ntone sona c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE         L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 26 SEPTEMBRE 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 24 SEPTEMBRE 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Dariusz  Wroblewski

 

POUR LA DEMANDERESSE

Lorne McClenaghan

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

M. Dariusz Wroblewski

Avocat

Guelph (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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