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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20100923

Dossier : IMM-812-10

Référence : 2010 CF 951

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 23 septembre 2010

En présence de monsieur le juge Zinn

 

ENTRE :

ROGER ANTHONY HAYDEN

demandeur

 

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET

DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), à l’égard d’une décision de la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié par laquelle elle a rejeté l’appel interjeté à l’égard d’une mesure d’expulsion prise par la Section d’immigration de la Commission. Le demandeur avait demandé à la SAI d’exercer son pouvoir discrétionnaire et à prendre à son égard des mesures spéciales pour des motifs d’ordre humanitaire. Pour les motifs qui suivent, la présente demande est rejetée.

 

[2]               Le demandeur est un citoyen jamaïcain de 46 ans. Il est initialement arrivé au Canada dans le cadre du programme de travailleur agricole et a par la suite épousé une citoyenne canadienne qui l’a parrainé pour qu’il obtienne la résidence permanente. Peu de temps après qu’il ait obtenu le statut de résident permanent, le mariage s’est rompu.

 

[3]               Le demandeur a quatre enfants en Jamaïque, deux enfants au Canada et un enfant au Canada pour lequel il joue le rôle de parent. Il affirme avoir financièrement subvenu aux besoins de ses enfants, malgré des moyens très limités.

 

[4]               En 2006, le demandeur a été déclaré coupable de conduite dangereuse d’un véhicule à moteur et de voies de fait. Le rapport de police mentionne que le demandeur s’est mis en colère lorsque la victime a refusé de lui faire une fellation, qu’il l’a frappée sur la partie arrière de la tête et qu’il a ensuite redémarré tout en tenant la victime par son chandail. Malgré sa condamnation, le demandeur conteste cette version des faits.

 

[5]               En septembre 2007, le demandeur a été déclaré coupable d’agression sexuelle et a été condamné par la suite à une peine de 15 mois d’emprisonnement qui a été réduite à cause du temps déjà passé en prison et qu’il a fini de purger. Cette condamnation découlait du fait que le demandeur avait violé une femme après avoir bu et fumé de la marihuana toute la nuit. Encore une fois, malgré la condamnation, le demandeur continue à dire que les relations sexuelles étaient consensuelles.

 

[6]               La condamnation du demandeur pour agression sexuelle a amené l’Agence des services frontaliers du Canada à préparer un rapport en vertu de l’article 44 de la Loi qui recommandait la tenue d’une enquête. L’enquête a été tenue et l’expulsion du demandeur a été ordonnée.

 

[7]               La mesure d’expulsion a été portée en appel devant la SAI et celle-ci a décidé qu’il n’existait pas de motifs d’ordre humanitaire justifiant la prise de mesures spéciales; elle a refusé de faire droit à l’appel et de surseoir à la mesure d’expulsion.

 

[8]               La Commissaire a examiné les antécédents, les relations, les enfants et les antécédents professionnels du demandeur et a ensuite examiné les principes directeurs applicables à la décision. Elle a tenu compte des éléments suivants :

a.       la gravité de l’infraction, l’importance du traumatisme qu’une agression sexuelle inflige aux victimes et les antécédents criminels du demandeur;

b.      la possibilité de réadaptation du demandeur et les signes de remords montrés par le demandeur, qu’elle a qualifiés de minimes en se fondant sur le fait que le demandeur minimisait la gravité de son comportement, se refusait à assumer pleinement la responsabilité pour son comportement, ainsi que sur le manque de preuve de réadaptation et sur l’absence d’un plan concret de réadaptation;

c.       la probabilité que le demandeur récidive, compte tenu de sa déclaration de culpabilité récente, de l’escalade de la gravité des infractions commises et de l’absence d’un plan concret de réadaptation;

d.      le degré d’établissement de l’appelant au Canada, que la Commissaire a jugé être un facteur neutre après avoir examiné la période passée au Canada, l’absence d’établissement économique du demandeur, et l’absence de preuve concernant la nature et l’intensité de la relation affective qu’il a avec ses enfants au Canada;

e.       le soutien de la collectivité au Canada dont bénéficie le demandeur, élément auquel la Commission a attribué peu de poids favorable;

f.        les difficultés que connaîtrait le demandeur s’il retournait en Jamaïque, élément que la Commission a qualifié de facteur neutre, compte tenu des racines qu’il a dans ce pays et du fait que de nombreux membres de sa famille vivent encore dans cette île;

g.       l’intérêt supérieur de ses enfants, élément auquel la Commission n’a pas accordé une grande force probante, parce que le demandeur a été incarcéré pendant la plus grande partie de leur vie, a perdu contact avec son fils, n’a pas fourni de preuve déterminante concernant sa relation affective avec sa fille, et parce qu’il n’existait pas de preuve montrant que le demandeur avait une influence positive sur ses enfants.

 

[9]               Je ne retiens pas l’argument du demandeur selon lequel la SAI a limité son pouvoir discrétionnaire en examinant principalement les condamnations pénales antérieures du demandeur et a ainsi perdu de vue les changements intervenus depuis. Premièrement, il ressort clairement de l’ensemble de la décision que la Commissaire a tenu compte de nombreux facteurs, notamment des antécédents criminels du demandeur. Deuxièmement, la Commissaire a correctement choisi les facteurs qu’elle a pris en considération parce que ce sont les facteurs pertinents mentionnés dans Ribic c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] I.A.D.D. no 4 (QL) et confirmés par la Cour suprême du Canada dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12 et Chieu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 3. Le premier de ces facteurs est la gravité de l’infraction à l’origine de la mesure d’expulsion. En l’espèce, le demandeur a commis deux infractions de nature sexuelle extrêmement graves contre les femmes. À la lecture de l’ensemble de la décision, je ne peux conclure que la Commissaire a laissé la nature de ces infractions influencer sa prise en compte des autres facteurs. Elle a examiné chaque facteur de façon individuelle et indépendante et n’a fait référence aux infractions que lorsque cela était pertinent.

 

[10]           Le demandeur affirme que la Commission a commis une erreur en déclarant que le demandeur « présente un risque élevé de récidive et un risque élevé pour la sécurité publique, en particulier pour les femmes avec lesquelles il a une relation ». Cette prétendue erreur viendrait du fait que les victimes des voies de fait du demandeur n’étaient pas prises au hasard parmi les membres du public et parce que le rapport de probation énonce qu’il représente un risque de récidive moyen. Il est exact que les cibles de ses attaques n’ont pas été prises au hasard; elles font toutefois certainement partie des membres du public. S’il est vrai que le rapport de probation affirme qu’il représente un risque moyen, la Commissaire a expliqué pourquoi cet élément ne voulait pas dire grand-chose pour elle, parce que cette évaluation était fondée sur le fait qu’il avait obtenu un score de 16 à un test, sans que soient mentionnées les données qui appuyaient cette conclusion. Il est impossible de dire que cette appréciation des preuves est déraisonnable dans ces circonstances. Quoi qu’il en soit, il ressort clairement de la lecture de la décision que le résultat n’aurait pas été différent si l’évaluation du risque avait été diminuée d’un niveau.

 

[11]           Le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur en attribuant davantage de poids à certains facteurs négatifs, en particulier aux « preuves » indiquant que le demandeur avait renoncé aux drogues et à l’alcool. Le demandeur n’a toutefois présenté aucune preuve, à l’exception de son propre témoignage, pour démontrer qu’il n’avait pas consommé, de façon excessive, des drogues ou de l’alcool depuis sa libération de prison. La Commissaire a examiné cet aspect au paragraphe 17 de sa décision :

L’alcool et la drogue semblent avoir joué un rôle dans son comportement criminel. Il soutient que, depuis sa libération en août 2008, il n’a eu aucun problème d’abus d’alcool ou de drogue. Sans aucune autre preuve, le tribunal ne considère pas qu’il s’agisse d’un élément démontrant sa capacité de se réadapter.

 

Cette conclusion est raisonnable étant donné qu’il existe des éléments de preuve indiquant qu’il n’a suivi aucun programme de traitement, et qu’il ne s’est pas prévalu des services de lutte contre la toxicomanie depuis sa libération, en particulier à la lumière du fait que la décision de la Commissaire n’a été prise qu’un an seulement après sa libération.

 

[12]           Le demandeur soutient également que la SAI « n’a pas tenu compte » de son affirmation selon laquelle il « se sentait mal » et n’a pas accordé d’importance aux éléments de preuve concernant ses remords et sa réadaptation. Cet argument est mal fondé. La décision de la Commissaire montre qu’elle a examiné de façon détaillée la question des remords et de la réadaptation. Au paragraphe 18, la Commissaire a pris en compte le témoignage dont le demandeur prétend qu’elle n’a pas tenu compte:

L’appelant n’accepte pas la responsabilité de son comportement, bien qu’il affirme à l’audience qu’il « se sent mal pour tout ce qui est arrivé […]. Je me sens vraiment mal pour ce qui s’est passé ». Il se peut qu’il y ait une certaine contrition dans l’expression de ses remords, mais elle est intéressée. Les éléments d’une possible réadaptation ne se limitent pas à l’expression de remords, même s’ils sont sincères.

 

[13]           Le fait que, lorsque son amie actuelle l’a interrogé au sujet des circonstances qui ont entraîné sa condamnation pour agression sexuelle, il a repris le même argument que la Cour avait rejeté au procès, à savoir que la femme avait consenti aux relations, mais avait ensuite changé sa version des faits, en dit long sur l’affirmation du demandeur selon laquelle il regrette ce qu’il a fait. Bref, le demandeur n’a guère fourni de preuves indiquant qu’il reconnaît et comprend ses agissements antérieurs. Sur ce point, comme la Commissaire l’a souligné, ses affirmations selon lesquelles il « se sent mal » semblent creuses.

 

[14]           Enfin, contrairement aux affirmations du demandeur, la conclusion de la Commission, selon laquelle il n’y avait pas de preuve au sujet de la relation affective que le demandeur entretient avec ses enfants n’est pas contraire à son témoignage. La Commission a examiné ce qu’il avait à dire et a souligné en particulier qu’il affirme subvenir aux besoins de sa fille en versant 30 $ par semaine, qu’il a perdu le contact avec son fils depuis qu’il était allé en prison, qu’il a été incarcéré pendant une grande partie de la vie de ses enfants et qu’il n’existe pas d’éléments indiquant que le demandeur exerce une influence positive sur ses enfants.

 

[15]           La Commission a été réceptive, attentive et sensible à l’intérêt supérieur des enfants du demandeur, tant à ceux qui vivent au Canada qu’à ceux qui vivent en Jamaïque. L’argument selon lequel la Commission a mal compris l’objectif visé par la réunification des familles au Canada qui ressort de l’alinéa 3(1)d) de la Loi est dénué de fondement; la Commission a fait référence à cette disposition au paragraphe 9 de ses motifs et a apprécié cet élément en tenant compte d’autres facteurs tout aussi importants.

 

[16]           La décision de la Commission est transparente, logique et détaillée et j’estime qu’elle est conforme à la norme qui s’applique aux décideurs administratifs. Elle appartient aux issues raisonnables et acceptables, pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

[17]           Les parties n’ont pas proposé de question à certifier et l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

1.         la demande est rejetée;

2.         aucune question n’est certifiée.

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-812-10

 

INTITULÉ :                                       ROGER ANTHONY HAYDEN c. LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 15 septembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 23 septembre 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Adetayo Akinyemi

 

POUR LE DEMANDEUR

Kareena Wilding

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

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