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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20100922

Dossier : IMM-666-10

Référence : 2010 CF 947

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 22 septembre 2010

En présence de monsieur le juge Zinn

 

ENTRE :

RICARDO RAFAEL MONTAGNER PEREZ

ELODIA VAZQUEZ ALVARADO

PRICILA ALEJANDRA MONTAGNER VAZQUEZ

MARIA JOSE MONTAGNER VAZQUEZ

 

 

demandeurs

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), à l’égard d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié selon laquelle les demandeurs ne sont ni des réfugiés au sens de la Convention, ni des personnes à protéger.

 

[2]               La Commission a pris cette décision parce qu’elle a conclu que Ricardo Rafael Montagner Perez, le demandeur principal, n’avait pas « présenté de preuve claire et convaincante qui réfute la présomption selon laquelle un État est capable de protéger ses citoyens ». Malgré les excellents arguments présentés par l’avocat des demandeurs, je ne peux pas conclure que la Commission a commis une erreur dans son évaluation de l’existence de la protection de l’État ou qu’elle a mis de côté, mal interprété ou mal compris des éléments de preuve, comme le soutenaient les demandeurs.

 

[3]               Les demandeurs sont une famille mexicaine. Le demandeur principal possédait un magasin à Veracruz City, au Mexique. En novembre 2008, des membres de Los Zetas, une organisation criminelle active dans le trafic de drogue, sont venus au magasin et ont menacé de le tuer. Les membres de Los Zetas l’ont ciblé parce qu’ils pensaient qu’il avait fourni des renseignements au sujet de ce gang à des représentants fédéraux.

 

[4]               Peu de temps après, les membres de Los Zetas l’ont enlevé sous la menace d’une arme, l’ont conduit à une destination inconnue, l’ont battu et torturé, et l’ont ensuite abandonné aux abords de la ville. Ils ont averti le demandeur principal de ne rien dire à la police parce que la police était à leur service. Les membres du gang ont pris son véhicule, l’ont obligé à vendre son entreprise et à leur remettre le produit de la vente. Les demandeurs se sont cachés chez un ami; ils ont ensuite fui au Canada et présenté une demande d’asile.

 

[5]               La Commission a jugé que le demandeur principal était victime d’un crime, mais que c’était une vendetta personnelle et qu’il n’y avait pas de lien entre le crime et les motifs de la Convention. Cette conclusion n’est pas contestée.

 

[6]               La Commission a décidé que les demandeurs n’étaient pas des personnes à protéger au sens de l’article 97 de la Loi parce qu’ils n’avaient pas démontré que l’État mexicain ne fournissait pas une protection adéquate à ses citoyens. Les demandeurs n’ont pas tenté de demander la protection de l’État avant de quitter le Mexique et de demander l’asile au Canada.

 

[7]               Dans la plupart des cas, la personne qui demande l’asile doit fournir des preuves indiquant qu’elle a demandé la protection de l’État et que celui-ci ne la lui a pas accordée; il n’est toutefois pas tenu de demander la protection de l’État lorsqu’il est objectivement raisonnable de penser que l’État ne l’accordera pas. Comme cela a été déclaré dans Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689 : « le fait que le demandeur doive mettre sa vie en danger en sollicitant la protection inefficace d’un État, simplement pour démontrer cette inefficacité, semblerait aller à l’encontre de l’objet de la protection internationale. »

 

[8]               Lorsque l’auteur de la persécution n’est pas l’État mais un tiers et que l’État est démocratique, il existe une présomption selon laquelle la victime d’une persécution peut, si elle le demande, obtenir la protection de l’État. Je souscris à l’observation de la juge Tremblay-Lamer dans Zepeda c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 491, selon laquelle les démocraties sont très diverses et que, dans le cas du Mexique, les décideurs doivent procéder à une évaluation complète des preuves qui semblent indiquer que le Mexique n’est peut-être pas en mesure de protéger ses citoyens. Le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur sur ce point et a accordé une importance injustifiée au fait que le Mexique est une démocratie. Je ne peux pas accepter cet argument.

 

[9]               Il ressort clairement des motifs de la Commission qu’elle n’a pas simplement déduit du fait que le Mexique est une démocratie que cet État est en mesure de protéger ses citoyens. En réalité, la Commission a effectué une analyse détaillée de la situation actuelle au Mexique. La Commission a certes fait remarquer que le Mexique était une démocratie et que, par conséquent, le fardeau d’établir que cet État ne pouvait pas protéger ses citoyens était très lourd, mais elle n’a pas insisté sur ce point et a en fait procédé au genre d’évaluation approfondie qu’envisageait la juge Tremblay‑Lamer.

 

[10]           Je n’accepte pas l’argument des demandeurs selon lequel la Commission a accordé trop d’importance à l’omission de la part du demandeur principal de demander la protection de l’État à un autre organisme. Ils invoquent également Zepeda pour cet argument. Dans Zepeda, si la juge Tremblay-Lamer n’a pas souscrit à l’affirmation de la Commission selon laquelle il y avait lieu de contacter d’autres institutions si les demandeurs craignaient la corruption des policiers, elle a toutefois adopté cette position parce que le service de police était la seule institution chargée de protéger les citoyens de cette nation et non pas les institutions que proposait la Commission. En l’espèce, la Commission a examiné correctement la question de savoir si les demandeurs auraient pu s’adresser à différents niveaux de services policiers, et non pas à des organisations civiles ou administratives comme dans Zepeda.

 

[11]           Le demandeur principal soutient que la Commission a commis une erreur, parce qu’elle a omis de tenir compte du fait qu’il avait été averti de ne pas s’adresser à la police et qu’elle n’a pas pris en considération de façon appropriée son explication selon laquelle il pensait que les autorités n’étaient pas en mesure de l’aider. À mon avis, la Commission a tenu compte de son explication. Elle a examiné les preuves présentées indiquant que la police était corrompue et que Los Zetas avait infiltré le service de police. La Commission a toutefois estimé que le service de police n’était pas dysfonctionnel, qu’il existait de nombreux éléments de preuve indiquant que les policiers corrompus par Los Zetas et d’autres organisations étaient en train d’être éliminés et que le type de protection que recherchait le demandeur correspondait pratiquement à une protection policière 24 heures par jour – un service impossible à obtenir et qui n’était pas nécessaire pour démontrer l’existence de la protection de l’État.

 

[12]           La Commission a conclu que les demandeurs n’avaient pas fait suffisamment d’efforts, ni pris toutes les mesures raisonnables pour obtenir la protection de l’État et qu’il n’était pas raisonnable objectivement que les demandeurs n’aient pas communiqué avec les autorités policières fédérales pour obtenir une protection.

 

[13]           Je ne suis pas convaincu que la Commission a mis de côté, mal interprété ou mal compris les éléments de preuve au point de rendre la décision déraisonnable. À mon avis, la décision appartient aux issues possibles et acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. La demande doit donc être rejetée.

 

[14]           Aucune partie n’a proposé une question à certifier; il n’y en a pas.


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

1.         la demande est rejetée.

2.         aucune question n’est certifiée.

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-666-10

 

INTITULÉ :                                       RICARDO RAFAEL MONTAGNER PEREZ

                                    ELODIA VAZQUEZ ALVARADO

PRICILA ALEJANDRA MONTAGNER VAZQUEZ

MARIA JOSE MONTAGNER VAZQUEZ c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’ IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 20 septembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 22 septembre 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Dov Maierovitz

 

 

POUR LES DEMANDEURS

Kevin Doyle

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gertler, Etienne LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

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